Mouvement 2013 - Invisible walls

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murs invisibles invisible walls

2013 1


Les ! NOCTIBULES ! Annecy 13

¨ festival des arts de rue proposÊ par Bonlieu Scène nationale du 10 au 13 juillet 2013

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Architects of air // Les Commandos Percu // Les 'ĆŒŽŽžĆ? ÍŹÍŹ ŽůůÄžÄ?Ć&#x;Ĩ ĚĞ ĹŻÄ‚ Ä‚Ć?Ä?ƾůÄž ÍŹÍŹ Ĺ?Äž KůŽĨ Ĺ?ĆšŽƾŜ ÍŹÍŹ LJŜĂžŽĹ?Ä&#x;ŜĞ ÍŹÍŹ Ĺ?Äž >Í› Ä?ĹšÄ‚Ć‰Ć‰Ä Äž ĞůůĞ ÍŹÍŹ Ä ĆŒĹ˝Ć?Ä?ƾůĆ‰ĆšĆľĆŒÄž ÍŹÍŹ :Ä‚Ĺ?Ć‰ĆľĆŒ DÄ‚ĹšÄ‚ĆŒÄ‚ĹŠÄ‚ ĆŒÄ‚Ć?Ć? ĂŜĚ ÍŹÍŹ &ůLJĹ?ĹśĹ? KĆŒĹŹÄžĆ?ĆšÄ‚ĆŒ ÍŹÍŹ dĹ˝Ä?ĆŒĹ˝Ĺ?ŽŢÍ• ĨÄ‚ŜĨÄ‚ĆŒÄž ă žŽÄ?LJůĞƚƚĞ ÍŹÍŹ WůĂŜĞƚ WÄ‚Ć? EĞƚ ÍŹÍŹ ZÄ‚ĆŒÄ‚ tŽƾůĹ?Ä?͘͘͘ a

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Où est passé le Mur de Berlin ?

Where did the Berlin Wall go?

Jean-Marc Adolphe, Pierre Sauvageot

Les murs sont parfois hospitaliers et protecteurs. Mais ils peuvent aussi se dresser comme des obstacles, voire d’infranchissables frontières qui enferment et séparent. Les exemples seraient nombreux de ces « murs de la honte » qui ghettoïsent ici ou là des populations entières. Mais tous les murs ne sont pas aussi visibles. La « chute » du Mur de Berlin en 1989 n’a pas totalement effacé les frontières mentales et symboliques, économiques et sociales, entre ouest et centre européens. Et entre l’Europe et ses Suds, les failles restent toujours aussi vives. Au sein même des villes, entre centres et périphéries, parfois même entre quartiers d’une même agglomération, d’invisibles lignes de démarcation dissocient les territoires. En créant « hors les murs », les artistes de l’espace public voulaient s’affranchir des remparts de l’institution culturelle perçue comme intimidante voire inaccessible pour de nombreux citoyens. écrire et composer pour la ville, et avec elle, jouer des contraintes comme des libertés qu’elle offre, ouvre de stimulantes voies d’infiltration. Depuis dix ans, les partenaires du réseau IN SITU ont accompagné une série impressionnante de créations spécifiques. Il aura pourtant suffi que des artistes du Kosovo, pays marqué par la question même des frontières, brandissent leurs « Murs invisibles » pour qu’apparaisse la longue liste de tous les blocages qui freinent la liberté des artistes. Censures insidieuses, obstacles économiques ou administratifs, ne sont pas le lot exclusif des arts de l’espace public, lesquels peuvent en revanche rencontrer sur le terrain où ils se déploient des verrous identitaires, réels ou symboliques, qui ferment bien des accès. Le Mur de Berlin est tombé, mais les murs qui le remplacent sont d’autant plus efficaces qu’ils sont « intériorisés ». En créant de l’étrangeté, en révélant de l’altérité au cœur de ce qui semble connu, les artistes de l’espace public ne feront pas à eux seuls tomber tous ces murs invisibles. Mais leurs créations contribuent à y former des ouvertures et des brèches, comme autant de passages vers des perceptions moins sécuritaires du « vivre ensemble ».

Jean-Marc Adolphe, Pierre Sauvageot

Walls are sometimes welcoming and protective. But they can also stand as obstacles, impassable borders which imprison and separate. There are many examples of those “walls of shame” ghettoising whole populations here and there. But not all the walls are so visible. The “fall” of the Berlin Wall in 1989 has not deleted completely the mental, symbolic, economic and social frontiers between the West and the centre of Europe. And the rifts between Europe and its Souths are still there. Even inside the cities, between the centres and the peripheries, sometimes even between different areas of the same neighbourhood, invisible lines separate the territories. By creating “outside the walls”, artists working in public space wanted to get free from the constraints of cultural institutions, perceived as intimidating or even inaccessible by many citizens. Writing and composing for the city, and with the city; playing with its constraints as well as with the freedoms it allows, offers stimulating opportunities for infiltration. For ten years the members of the IN SITU network have supported an impressive number of specific creations. If just the artists from Kosovo, a country deeply marked by the borders issue, had brandished their “invisible walls”, the long list of all the blocks to artistic freedom would have appeared. Insidious censorship, economic or administrative obstacles, do not affect exclusively the artists working in public space; but these can face, on the ground where they work, obstacles linked to identity – either real or symbolic – which definitely prevent the access. The Berlin Wall has fallen, but the walls replacing it are more effective since they are “interiorised”. By creating strangeness, by revealing the other lying at the heart of what seems known, artists working in public space alone will not make all these invisible walls fall – but their creations contribute to opening gaps and holes, like paths toward less securitarian-oriented perceptions of “living together”. Translation by Elena Di Federico and Marie Le Sourd (On the Move)

SOMMAIRE

CONTENTS

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Lignes de partage, entretien avec Steve Stenning Lieux publics

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Lines of sharing, interview with Steve Stenning Lieux publics

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Des sphères publiques et des murs invisibles Imanuel Schipper

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On Public Spheres and Invisible Walls Imanuel Schipper

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Persistance du rite Julie Bordenave

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Persistence of rituals Julie Bordenave

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Sociétés parallèles Joanna Warsza

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Parallel societies Joanna Warsza

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Murs réels et murs virtuels Fanni Nánay

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Real and Virtual Walls Fanni Nánay

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La ville, participe actif Dominique Vernis

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Conjugating the town Dominique Vernis

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Villes éphémères en Europe, entretien croisé Olivier Grossetête/Zimmerfrei Ariane Bieou, Quentin Guisgand et Jasmine Lebert

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Fleeting cities in Europe, crosstalk dialogue Olivier Grossetête/Zimmerfrei Ariane Bieou, Quentin Guisgand et Jasmine Lebert

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Invisible Walls, forum IN SITU Richard Polácek

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Invisible Walls, an IN SITU forum Richard Polácek

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IN SITU, réseau européen pour la création artistique en espace public

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IN SITU, European network for artistic creation in public space

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Lieux publics en 2013

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Lieux publics in 2013

En couverture : KompleXKapharnaüM, Figures libres, 2012. Photo : Vincent Muteau. | Cahier spécial / Mouvement n° 70 (juillet-août 2013) | Réalisé en coédition avec Lieux publics, centre national de création en espace public et IN SITU, réseau européen pour la création artistique en espace public | Coordination : Jean-Marc Adolphe, Ariane Bieou, Aïnhoa Jean-Calmettes, Jasmine Lebert | Conception graphique : Meghedi Simonian assistée de Béatrice Legrand | Edition : Aïnhoa Jean-Calmettes | Partenariats / publicité : Alix Gasso | Ont participé : JeanMarc Adolphe, Ariane Bieou, Julie Bordenave, Olivier Grossetête, Quentin Guisgand, Jasmine Lebert, Fanni Nánay, Richard Polácek, Pierre Sauvageot, Imanuel Schipper, Steve Stenning, Dominique Vernis, Joanna Warsza, Zimmerfrei (Massimo Carozzi, Anna de Manincor, Anna Rispoli) et tous les coorganisateurs et partenaires du réseau IN SITU. | Traductions : Pierre Covos, Elena Di Federico, Aïnhoa Jean-Calmettes, Marie Le Sourd, Sarah Jane Mellor | Remerciements : Cecilie Sachs Olsen | Mouvement, 6, rue Desargues - 75011 Paris | Tél. +33 (0)143 14 73 70 - www.mouvement.net | Mouvement est édité par les éditions du Mouvement, SARL de presse au capital de 4 200 euros, ISSN 125 26 967 - Directeur de la publication : JeanMarc Adolphe. © mouvement, 2013. Tous droits de reproduction réservés. Cahier spécial Mouvement n°70. NE PEUT ÊTRE VENDU | Lieux publics, centre national de création | Direction : Pierre Sauvageot | Lieux publics, cité des arts de la rue, 225 av des Aygalades – 13015 Marseille - F | Tél : +33 (0)491 03 81 28 | contact@lieuxpublics.com | www.lieuxpublics.com

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LIGNES DE PARTAGE Entretien avec Steve Stenning

Depuis 2011, Steve Stenning est directeur régional du département des arts au sein du British Council au Moyen-Orient et en Afrique du nord. Il participe et contribue à de nombreux forums et conférences en Europe et dans la région méditerranéenne. Lieux publics Traduit par Elena Di Federico et Marie Le Sourd (On the Move)

Avec Les Villes invisibles, roman publié en 1972, Italo Calvino « pense avoir écrit une sorte de dernier poème d’amour aux villes, au moment où il devient de plus en plus difficile de vivre les villes. Nous nous approchons peutêtre d’un moment de crise de la vie urbaine, et les villes invisibles sont un rêve qui naît au cœur de villes invivables. » 1 Depuis sa parution, l’ouvrage n’a de cesse d’inspirer nombre d’artistes, d’écrivains, d’universitaires… En quoi les villes invisibles de Calvino ouvrent la voie à de nouvelles formes de réappropriation des villes par des démarches artistiques sensibles ? « Dans Les Villes invisibles de Calvino, il y a un nouveau sens de la réalité, une nouvelle compréhension de notre lien à l’espace et à la ville. Mais seraient-ils réellement applicables ? Ce sens qui oscille entre la réalité et une structure inventée est une façon pratique de considérer la question urbaine. Les villes européennes sont conçues pour fonctionner selon des plans et selon des méthodes de gouvernance, mais la création artistique permet aux gens de regarder autour d’eux d’une façon différente, d’interagir avec la ville, de l’explorer, de regarder une réalité différente avec des yeux différents et d’imaginer comment cet espace pourrait être et pourrait créer des connexions avec les gens. Il s’agit d’une autre façon de faire partie de la ville et de la modeler.

1. Italo Calvino, Les Villes invisibles, Paris, Seuil, 2002, p. 6.

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Les artistes font de l’espace public leur terrain de jeux. En font-ils pour autant un espace partagé et sensible ? « De nos jours, nous utilisons ce nouveau terme d’“espace partagé ” parce que l’idée d’un espace public, ou commun, est assez difficile à comprendre. L'espace public devrait être unique et référer à tous ceux qui utilisent cet espace. Mais la difficulté est, qu'en réalité, ce dernier est fermé, contrôlé et assujetti à de nombreuses règles. Il est très difficile de l'utiliser de diverses façons, parce que travailler dans

l'espace que nous partageons transforme notre vision. L’espace public est aussi un espace public partagé. Il est temps de laisser s'opérer une appropriation de l’espace et d’y créer une nouvelle réalité. Le public peut aussi changer le champ des possibles autour de ces espaces. Est-ce pour cette raison que vous affirmez souvent que les festivals site-specific peuvent changer l’espace ? « Effectivement : l'un des aspects merveilleux des festivals, c’est qu’un endroit banal devient particulier. Pendant un festival, des règles différentes peuvent commencer à s'appliquer à une rue empruntée quotidiennement par d’autres personnes. En tant que marcheur, nous ressentons un véritable sentiment de possession et d’appartenance. Par l'entremise de festivals, nous créons une nouvelle géographie, une exploration artistique. L’art peut responsabiliser. Il peut aider à ré-imaginer et redéfinir un environnement et ainsi encourager cette idée d'appropriation. Dernièrement, j’ai assisté à un discours donné par l’artiste et politicien albanais Edi Rama sur la transformation qu'il met en œuvre pour la ville de Tirana, par le simple fait de donner de la peinture aux gens et de permettre aux artistes de l’utiliser librement sur les murs de la ville. Personnellement, je suis parti de Dundee (en Écosse), une ville avec un vif intérêt pour l’engagement de la communauté dans les arts, pour ensuite chercher des opportunités de présenter et de réaliser des manifestations – notamment des festivals et des représentations en plein air. Dans cette ville, où les habitants passent la plupart de leur temps enfermés, je vois l’effet, décuplé, que l’on peut provoquer en changeant la relation entre les personnes et leur environnement ainsi que les systèmes qui guident leur vie. Juste avant de venir ici, j’ai vu dans un quartier périphérique du Caire une petite pièce de théâtre intimiste qui était mise en scène dans une salle de mariage occupée par un centre social local. La représentation était déplacée dans cet espace non conventionnel par le festival d'art contemporain, le Downtown Contemporary Arts festival. Il y avait un chaos incroyable car beaucoup d’enfants participaient aux ateliers et aux spectacles. Quelqu'un a demandé à une petite fille qui était là ce qu'elle pensait d'un tel évènement dans son quartier et elle a répondu : “Aujourd’hui, ça nous a donné l'impression d'être


importants.” Les festivals ont le pouvoir magique de connecter le local au global et de rendre le quotidien extraordinaire. Foucault écrit dans Des espaces autres : « L’époque actuelle serait plutôt l’époque de l’espace. Nous sommes à l’époque du simultané. Nous sommes à l’époque de la juxtaposition, à l’époque du proche et du lointain, du côte à côte, du dispersé. » 2 Comment cette juxtaposition des espaces génère-t-elle de nouveaux murs invisibles, notamment à l’échelle de l’Europe et de la Méditerranée ? « Le concept d’“hétérotopie” de Foucault est une façon intéressante d’envisager cette question. Du fait de la juxtaposition d’espaces interprétés différemment selon les individus, de nouvelles formes de murs invisibles apparaissent. Cette diversité d'interprétations est liée à la “culture CNN”. Nous vivons à une époque dans laquelle nous avons un accès immédiat à l’information, nous pouvons comprendre tout de suite ce qui se passe à l’autre bout du monde. On peut voir des événements en direct, avoir l'impression de connaître les lieux dont il est question, et se rendre compte, en allant sur place, qu'ils sont complètement différents. C’est particulièrement visible à des endroits comme la place Tahrir : vous voyez des vendeurs de

bonbons, des gens qui visitent cet endroit comme un musée et, dans le même temps, des manifestations s'y déroulent. Pour certains, il s’agit d’un endroit important pour exprimer leur opinion et lancer des mouvements sociaux. Si vous êtes là avec un appareil photo, comme beaucoup de gens, vous allez immédiatement et involontairement influencer les événements juste parce que vous y assistez, comme si vous veniez d’un autre temps ou d’une arrière-scène. Un mur apparaît alors, un mur de verre, et vous regardez la scène à travers cette vitrine. J’ai eu ce même sentiment lorsque je travaillais au Sri Lanka après le tsunami. Les terres inondées étaient l'environnement immédiat pour ces gens, l'endroit où ils vivaient. Cet événement ayant été retransmis à la télévision, certaines personnes ont également regardé ces espaces comme s'il s'agissait d'un musée. Ici se joue très exactement l'idée de juxtaposition dont parle Foucault : un même espace peut être pluriel parce que les individus portent sur lui des regards venus d’un temps et d’une perspective différents. Ce phénomène contribue à la création de murs.

2. Michel Foucault, « Des espaces autres », conférence au cercle d'études architecturales, le 14 mars 1967, in Architecture, Mouvement, Continuité n°5, oct. 1984.

Vous avez exploré le thème « Art et changements ». Pouvez-vous nous donner des exemples de la valeur de la culture en tant qu’outil de développement économique et social ?

JR, Inside Out, New York, USA, 2011 (dans le cadre de l'exposition The City Speaks du British Council). Photo : @JR.

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« Il y a beaucoup d'exemples bien documentés de nir dans la société. Ce que l'on peut faire, le degré de l’impact économique de l’art provenant du Royaume- notre engagement dépend en partie de la façon dont Uni. Une étude conséquente a également été réalisée vous êtes perçus. en Ecosse sur douze festivals de théâtre. Ces derniers Où sont les murs invisibles dans votre pratique auraient rapporté 4,6 milliards de livres à l'économie écossaise cette année-là, soit plus que le golf, mais quotidienne ? Comment les affrontez-vous ? « Je reconnais que j’ai beaucoup de chance, je suis moins que le whisky ! Je ne peux m'empêcher de remarquer que l'on demande souvent aux artistes de le bienvenu presque partout et je rencontre des arjustifier leur travail, y compris du point de vue éco- tistes exceptionnels, très engagés dans nos projets. Toute ma vie ayant été un artiste nomique. On parle du nombre de indépendant, ou travaillant au sein nuits d’hôtel, de valeur de régénéde petites structures, j'ai remarqué ration ou de valeur sociale, ou bien « Les différentes que travailler dans une grande insde valeur ajoutée en terme d’inclu- interprétations titution change certaines choses. sion, de cohésion ou de ce que l’art d'espace créent des On s’habitue aux murs qui exispeut apporter à d’autres domaines. tent. On est vu comme “le type en Le risque est qu’on autorise par murs invisibles. » costume”, celui qui veut tout orgalà une instrumentalisation comniser et voir les choses se faire, pas plète de l’art. Si nous défendons l’art par des valeurs qui lui sont étrangères, cette nécessairement dans le champ de l'art d'ailleurs. Le mur que je devrais davantage essayer d'abatforme n'est plus de l’art. Bien que je parle haut et fort de l'intérêt pluriel de l'art pour les individus et la so- tre est celui de la langue. D'autre part, plusieurs pays ciété, il est important de toujours en parler en termes ont un passé colonial dans lequel le Royaume-Uni de valeurs intrinsèques. Il y a quelque chose d’abso- a joué un rôle crucial. Quand on est britannique et lument fondamental dans le désir d’interpréter et qu’on travaille dans cette région, on voyage dans d’exprimer le monde qui nous entoure, dans la façon des pays où les gens ne voient pas forcément l'intédont nous nous comprenons et dont nous interragis- rêt de connaître leur histoire, mais tous les enfants sons avec ce monde. Et l’art vient de cet instinct aussi connaissent la Déclaration de Balfour. Et il y a aussi des événements plus récents, évidemment, quand essentiel que le désir de manger ou de rester en vie. La société en a parfaitement conscience, surtout on pense à l’Irak. On est impliqué, d’une certaine faquand elle arrive à un moment critique, puisque les çon. On sera toujours de l’autre côté du monde parce artistes sont alors souvent perçus comme des acteurs qu’on est partie intégrante de cette histoire que cela pouvant faire bouger l’économie et instiller un senti- nous plaise ou non. ment de régénération. Vous travaillez actuellement pour le British À l'intérieur même de l'Europe, les flux migra- Council, très impliqué dans la régénération des toires mettent en exergue des murs plus ou moins villes à travers l’art. Comment êtes-vous intervenu visibles ainsi que des frontières que l'on pensait au Caire ? « Un des résultats les plus excitants de la révodisparues. Que vous apprend votre expérience à ce lution pour les artistes est le sentiment qu'il est de propos ? « Cette question me préoccupe particulièrement leur responsabilité de participer aux affaires de la en ce moment parce que nous avons accueilli les Jeux cité, non seulement artistiquement, mais aussi en olympiques au Royaume-Uni, l'un des plus grands construisant des maisons ou en alphabétisant. Les événements mondiaux qui puisse exister. Il fallait artistes ont soudain le sentiment, qu'en tant que voir la juxtaposition absurde entre cette volonté de tels, ils peuvent et doivent agir. Au Caire, nous avons montrer le caractère international de Londres et les travaillé avec des réseaux informels, des “coalitions difficultés d'entrée sur le territoire causées par les d'artistes”, pour monter des projets. C’est beaucoup procédures de visas. Un mur existe bien en Europe plus efficace, plus justifiable et moins contestable si entre les ressortissants de pays dont la venue est ac- notre action aide les gens à faire évoluer les choses pertinentes pour eux, plutôt que de risquer d’être ceptée voire souhaitée et les autres. Je fais partie des chanceux car je peux voyager re- accusé d'avoir un agenda politique spécifique à metlativement facilement et librement. Les dix-sept pays tre en œuvre. En Lybie, nous essayons d'avoir un rôle dans lesquels je me rends en raison de mon travail plus immédiat et pertinent pour permettre la naisici (y compris la Palestine et Israël) ont des murs très sance d'une forme d’art dans la fracture post-révovisibles. Mais il y a aussi des murs invisibles entre cer- lutionnaire. Il s'agit aussi d’utiliser nos connexions, taines parties du monde arabe. On le ressent quand nos soutiens, l’argent et notre expertise pour accomon se déplaçe d'un endroit à l'autre de la région. Je ne pagner ce processus, plutôt que d’arriver avec notre parle pas seulement de questions de visas, je pense à agenda. Il s’agit de renforcement des capacités et égala façon dont on est traité, au rôle que l'on peut te- lement de régénération élargie. » 6


LINES OF SHARING Interview with Steve Stenning

Since 2011, Steve Stenning is the British Council Regional Arts Director in the Middle East and North Africa. He takes part to numerous forums and conferences all around Europe and the Mediterranean area. Lieux publics

1. Italo Calvino, Les Villes invisibles, Paris, Seuil, 2002, p. 6. Dries Verhoeven, Fare Thee Well. Photo : Dries Verhoeven.

With Invisible Cities, published in 1972, Italo Calvino “thinks he’s writing a sort of last love poem to the cities, in the moment it becomes increasingly difficult to live the cities as cities. We may be approaching a moment of crisis in urban life, and the invisible cities are a dream born in the heart of unliveable cities.” 1 Since its publication,

the book has never stopped inspiring many artists, writers, academics... In what are the Calvino’s invisible cities paving the way for new forms of reappropriation of cities through artistic and sensitive ways? “There is a new sense of reality in the Italo’s Invisible Cities, a new understanding of our connection with the space and the city. Could that really work? The idea swinging between reality and a kind of inventing structure is a useful way of looking at the urban issue. European cities are understood to work by plans and by those who govern it, but artistic creation allows people to look at the surroundings in a different way, to interact with it, to explore it, to see from different eyes a different reality and to imagine how it could be and how to create connection with people. It’s another way to be part of it and to shape it. 7


2. Michel Foucault, “Des espaces autres”, in Architecture, Mouvement, Continuité no 5, oct. 1984.

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Can the way artists make public space their playground be seen as a construction of a shared and sensitive space? “Now we are using the new term of ‘shared space’ because the idea of a public space, or a common space, is quite difficult to get. Public space should be a single concept to extend to anybody who is using it. That could become really complex because public space is locked up, is controlled and has a lot of rules, factually. It is really difficult to use it in many different ways because working in the space that we share transform our view. The public space is also a public shared space. It’s time to let that space become more owned and to create some new reality in it. The public can change the sense of possibility around those spaces as well.

transform the everyday into the extraordinary.

Foucault writes in Of other spaces (1967): “The present epoch will perhaps be above all the epoch of space. We are in the epoch of simultaneity: we are in the epoch of juxtaposition, the epoch of the near and far, of the side-by-side, of the dispersed.” 2 How juxtaposition of different spaces, as in the Euro Mediterranean area, is generating new invisible walls? “Foucault’s concept of ‘heterotopias’ is an interesting way of looking at this fact. New forms of invisible walls are raising because there is a juxtaposition of spaces which are interpreted very differently by people. Those different interpretations given to space is correlated to the “CNN Culture”. We live in an era where we can get information immediately, understand immediately what’s going on in another Is that the reason why you often say that site- part of the world. You can view events going on sispecific festivals can change the space? multaneously and feel you know that space, and then “Absolutely, because one of the delights of the fes- you come to discover it in a totally different light. tivals is that it happens in a place. You can hold the This is obvious in places like Tahrir Square: you festival, walk on this street where people walk every- see candy seller, guys who see the place as a museum day and different rules start to slightly being applied but at the same time there are demonstrations going to that place. Thereby we really feel a sense of owner- on. For some people that space is an important space ship, like we belong there. Through festivals you cre- of trying to express their opinion and engage a moveate a new geography, an artistic exploration. ment. If you are there with a camera, as many people Art can empower. It can help to re-imagine and are, you’ll find yourself unwittingly affecting events redefine the environment thus encouraging that that are going on immediately because you are there sense of ownership. I recently listened to a talk given looking at it, almost as if you were coming from a difby Albanian artist and politician ferent time, as you were coming Edi Rama about the transformation from behind. Some kind of a wall he claims for the city of Tirana by “Through festivals appears here, a wall of glass if you the simple action of giving people you create a like and you are looking through paint and artists free reign to use it it. The same feeling occurred to new geography, on buildings. me as well when I was working in I moved myself from working an artistic Sri Lanka post-tsunami. The space in Dundee, a city of Scotland with exploration.” that overflowed was the immediate a glorious appetite for communisurrounding for people, space they ty engagement with involvement used to live in. As it was a major in arts to looking for opportunities to present and event that was broadcasted to us, people also came to make works where people are rather than necessar- see the space as some kind of museum. ily within a building. In particular Festivals and outThat’s the idea of juxtaposition Foucault was talkdoor work – and then seeing an even more dramatic ing about: one same space can be plural because peoeffect that could be had in changing the relationship ple are looking at it with their view from a different between people and their surroundings and with time and from a different perspective. That does crethe systems that guide their lives. ate walls, definitely. Immediately before coming here, I saw in the outlying districts of Cairo a small intimate piece of You’ve been exploring the topic of “Arts and theatre which was being presented in a wedding hall Changes”. Could you please give us some example occupied by a local social club. The small piece was of the value of culture as a tool for economical and shifted to that unconventional space by the Down- social development? town Contemporary Arts Festival – there was a won“There are a lot of well-documented examples derful chaos as ludicrous numbers of kids engaged from the UK of the economic impact of art. And with the workshops and performances. Amongst there was a huge study done across twelve theatre that a young girl was asked what she felt about the festivals in Scotland. The exact value may have been activity coming to her district and she replied: ‘Today about £4 600 M for the input of those festivals for the it makes us think we are important.’ There is magic in the Scottish economy. Which is more than golf but less way festivals connect the local with the global and than whisky! Now, I can't help noticing that artists


are often asked to justify themselves in very different incredible artists with great desire to engage with us forms, like economic. We are talking about number and what we are doing. But having been an entirely of nights in hotels, regeneration value or social value, independent artist, or an artist working for a small inclusion, cohesion or whatever art would change to organisation all my life, I must say there are certain things coming with working within an institution. something else. The danger is that you allow people to instru- You get used to the walls that exist. There are certain mentalize art completely. If we are justifying art on conversations that you’re best keeping out of because terms uninvolved with art, this form is no longer art. you’re seen as the “suited guy”, the guy who needs to fix things and see things happenAlthough I’m holding back my ening, often apart of the arts. thusiasm to no one for saying that A wall I should do more work to art has all sorts of value to people “New forms of break down is the one of the lanand societies, it’s important to al- invisible walls guage. Also many of the countries ways talk about that in terms of inhave a colonial past and Britain herent values. There is something are raising played a great role in that. In the absolutely fundamental about the because there is case of being British and working in desire to interpret and express the a juxtaposition of this region, you’re moving around world you see around you, how countries where people do not see you understand yourself, how you spaces interpreted necessarily to know much of their interact with that world. And art differently by own history but just about every kid comes from that very basic instinct people.” would know The Balfour Declaration. that is as basic as the desire to eat And there is more recent events or stay alive. I think that society knows that perfectly well be- obviously when it comes to Irak. You’re implicated in cause when it gets to a point where it’s got a problem, some sense. You always go to be the other side of the it is often trying to attract artists and get the economy world because you are part of this history, whether moving that way, in order to get a sense of regenera- you like it or not. tion going. You are now working for the British Council, Migration flows go across Europe and put em- which is very involved in the regeneration of the phasis on more or less visible walls. They reveal cities through art. Is that your work in Cairo? “One of the most exciting thing that comes out of frontiers we thought had disappeared. What does the Revolution is the desire of artists to get involved your experience tell you on that? “This question particularly dominates me at the in the change of things and the feeling that it is their moment because we had the Olympics in the UK, responsibility to do all sorts of things beyond making one of the biggest showcases there is. The absurd art purely, such as literacy, building houses. Suddenjuxtaposition that went on in wanting to show what ly there is the feeling that, as artist, there are things an international city London is and the extreme dif- that we can do, and should be doing. Especially in ficulty of bringing people in because of the visa re- Cairo, we worked with informal networks, a sort of quirements. A wall does exist between the countries 'coalition of artists', we supported them to do things. where European countries do want people to come That’s far more powerful, more justifiable and less questionable if what we are doing is helping peofrom and the other ones. I’m one of the fortunate one because I can move ple to affect the issues they see as pertinent, rather around relatively easy and freely. The seventeen than risk being accused of having a specific politic countries I go around in the frame of my work here agenda that we want to achieve. In Libya we try to (including Palestine and north Israel) have very vi- find a more immediate and relevant role for an art sible walls. But there are also invisible walls between form in the post-revolution hiatus. Again that’s sort parts of the Arab world. You can feel past walls that of the same thing of using our connections, supports, very differently exist if you try to get from other parts money and expertise to help that process rather than of the region. I just don’t mean in terms of visas, I to come with an agenda. It is about capacity building mean in terms of the way you’re treated, the role that and extended regeneration as well.” you can take in society. How much you can do, how much engagement you can have depends a bit of the way you are seen. Where are the invisible walls in your daily practice? How do you face them? “It’s important for me to acknowledge I’m very lucky, I’m mostly welcome everywhere I go, and meet 9


Des sphères publiques et des murs invisibles Régulièrement convoquée dans les discours politiques, militants ou artistiques, la notion de sphère publique est pour autant difficilement définissable. Voyage terminologique. Imanuel Schipper Traduit par Aïnhoa Jean-Calmettes

1. Jürgen Habermas, L'Espace public : archéologie de la publicité comme dimension constitutive de la société bourgeoise, Luchterhand, Berlin, 1962. 2. Nicolas Bourriaud, L'Esthétique relationnelle, Les presses du réel, Dijon, 1998. 3. Claire Bishop, Participation, MIT Press, 2006. 4. Richard Sennett, The Fall of Public Man, Knopf, New York, 1977.

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Le thème de l’espace public et des sphères publiques est particulièrement en vogue et nous ne cessons d’en entendre parler. Pour autant, le plus souvent, nous ne savons pas exactement de quoi nous parlons lorsque nous employons ces mots. Le manque de terme approprié se ressent d’autant plus fortement lorsque l’on nous demande de construire des concepts pour penser « une sphère publique élargie ». Les solutions esquissées à travers la mise en place de politiques publiques structurelles ne fonctionnent pas toujours. Que devons-nous donc faire ? Cet essai n’a pas prétention à apporter des solutions. Il entend seulement offrir un voyage conceptuel autour du terme « Öffentlichkeit » (sphère publique) et montrer comment le spectacle vivant est capable de créer de telles sphères. Le terme allemand « Öffentlichkeit » est problématique en soi. À quoi se rapporte le terme « public » ? Parle-t-on de l'espace public ou de la chose publique ? Si ce n’était pas suffisamment complexe, nous rencontrions un problème encore plus grand pour traduire le terme en français. Devrait-on parler d’« espace public » – ce qui renvoie à un espace au sens euclidien du terme – ou de « public », de « publicité » (ce qui évoque alors le marketing et la communication) ou encore de « sphère publique » ? Cette dernière – qui implique toujours une dimension spatiale – semble être la traduction la plus fréquente du concept forgé par Jürgen Habermas 1 en 1962. Mais la chose publique est-elle pour autant toujours liée à un quelconque espace ? La sphère publique a-t-elle besoin d’un espace public ? Et inversement : construire une place publique suffit-il à générer une sphère publique ; fait-on ainsi du « deux en un » ? Serait-il possible de construire des espaces publics sans générer de sphère publique ? Ou tout du moins pas celle qui était attendue ? Quelles vertus attribuons nous à ce topos ? Il est

évident que le concept a une dimension spatiale autant que sociale. L'adjectif « public » vient du latin publicus qui se réfère à la notion de peuple (populus). Utilisé comme nom, le terme désigne également un groupe de personnes, que les Allemands appellent les Zuschauer : les spectateurs. Néanmoins, nous savons depuis les contributions de Nicolas Bourriaud 2 en 1998 et de Claire Bishop 3 en 2006, que même le public le plus passif participe à la création artistique, ne serait-ce qu’en l’observant. En ce sens, si ce qui est public touche les gens, il n'en est pas moins façonné par eux. Inévitablement, la notion de privé vient à l’esprit lorsque nous évoquons le mot « public ». Cette distinction remonte aux sociétés de la Grèce antique qui opéraient une division stricte entre la sphère de la polis (la cité) et celle de l’oïkos (le foyer). Il est intéressant de constater que l’oïkos englobe – au-delà des relations personnelles et familiales – les questions de santé, d’éducation, de travail, d’économie et plus généralement tout ce qui concerne l’argent. Depuis que Richard Sennett a déclaré 4 en 1977 que le récent développement du narcissisme de l’homme avait créé une « tyrannie de l’intime », rendant impossible le fonctionnement de la sphère publique, il a toujours fallu renégocier les frontières entre le public et le privé. De nos jours, ce mouvement à double sens entre le public et le privé semble abattre un mur invisible. D’un côté, le déballage de détails concernant la vie privée dans certains médias a atteint une ampleur telle qu’il semblerait impossible de pousser le phénomène plus loin. Simultanément, on peut observer une extension de la sphère privée qui dépasse de très loin les limites du chez-soi. Je pense ici à des comportements intimes – voire sexuels – qui, en comparaison, font apparaître bien chastes les manifestations publiques de la sexualité des années 1960 et 1970. Bien sûr, la généralisation des téléphones portables a offert la possibilité de gérer ses problèmes les plus personnels au même titre que ses affaires courantes, à tout moment et dans n’importe quel endroit, ce qui englobe tous les espaces publics des villes. Penchons nous désormais sur le terme « sphère », qui renvoie, lui, au caractère spatial. L’étymologie grecque sphaira fait référence à la forme sphérique, une figure géométrique où tous les points de la circonférence se situent à équidistance du centre. Cette image de la démocratie idéale comporte l’idée d’un


D’une certaine manière, il paraît évident que le centre aussi bien que celle d’une distribution égalitaire sur une surface. Il n’y a pas de forme dépei- caractère public ne peut pas être conçu sur une tagnant mieux la sphère publique ou la chose publi- ble à dessin. Il est impossible de l'exprimer en mèque qu’une sphère, puisque sa forme extérieure ne tres carrés. Pour comprendre ce phénomène, nous change pas, quelque soit la façon dont chaque point pouvons nous appuyer sur les théories de la nouvelle sociologie de l’espace. Depuis les se déplace ou se rassemble sur la travaux de situationnistes tels que superficie. Lorsque l’on parle de Michel de Certeau 5, Henri Lefebsphère publique, on s’imagine un Il faut constamment vase vide d’une certaine forme et renégocier les vre 6, Martina Löw 7 et David Hard’un volume précis, vide lui aussi. vey 8, nous savons que l’espace ne frontières entre le La responsabilité de remplir ce pourrait et ne saurait être uniquevase incomberait au public. La res- public et le privé. ment pensé comme une constante ponsabilité d’une municipalité, en objective mais doit également être ce sens, consisterait uniquement à considéré comme une construcconstruire ce vase et à en déterminer les limites ma- tion sociale, culturelle politique et artistique. Pour le térielles. dire autrement : la tant désirée sphère publique ne On pourrait dire que nous avons résolu les gran- sera jamais le résultat du seul travail des urbanistes des lignes du problème : les pouvoirs municipaux et des architectes, mais sera toujours aussi le produit aménagent et ouvrent des espaces au public et nous de l’utilisation de ces lieux par les citadins et les usan’avons plus qu’à nous soucier de leur taille, de leur gers. Une telle construction n’est pas le produit d’un localisation et de savoir s’ils sont en nombre suffisant effort unique dans le temps, elle doit être recréée à dans les aires urbaines. Alors pourquoi trouvons- l’infini dans un effort constant. La sphère publique nous donc si peu de sphères publiques vivantes ? doit pouvoir changer et s’adapter. Pourquoi semblent-elles disparaître ? Qui est à l’origine de telles sphères publiques ? En

5. Michel de Certeau, L’Invention du quotidien, Gallimard, 1980. 6. Henri Lefebvre, La Production de l’espace, Gallimard, 1974. 7. Martina Löw, Raumsoziologie, Suhrkamp, Frankfurt a. M, 2001. 8. David Harvey, The Condition of Postmodernity, Blackwell, Oxford, 1989.

Wilfried Wendling, Clameur Artaud cité, ouverture de Marseille-Provence 2013, (le 12 janvier). Photo : Vincent Lucas.

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9. En français dans le texte.

gardant à l’esprit la notion de murs invisibles, cette question semble cruciale, voire centrale. Quiconque se voit offrir l’accès à un lieu donné (et se sert effectivement de cette autorisation) déterminera, en un sens, sa forme. En d’autres termes, si nous, citoyens des villes, nous plions aux lois de l’économie de marché, ces lieux seront déterminés par les acteurs du libéralisme et leur travail, et ce, de façon potentiellement exclusive. C’est là que les productions artistiques rentrent en jeu car elles créent de nouveaux modes d’appropriation de l’espace en offrant d’autres significations par le biais de la performance, de la narration et de la création (voir l’encadré). De telles productions ne se fondent pas seule-

Espace public, espace impublic Plusieurs productions portées par Lieux publics et le réseau IN SITU sont symptomatiques de la constitution d’une dialectique espace public/espace privé qui alimente le désir de « sphère publique » évoqué par Imanuel Schipper. Avec Temporary Cities, le collectif italien Zimmerfrei réalise depuis plusieurs années une série de documentaires singuliers, constituant petit à petit une véritable collection de portraits de villes : Bruxelles, Copenhague, Budapest, et bientôt Marseille. À partir de récits collectés auprès d’habitants et d’usagers de la ville, Zimmerfrei construit une fiction à la fois personnelle et collective en rendant perceptibles les murs invisibles qui traversent la ville, au-delà de la séparation entre espaces publics et territoires privés. Avec sa nouvelle création Igor hagard, un sacre ferroviaire, Pierre Sauvageot explore également cette « individuation collective » dont nous parle le philosophe Bernard Stiegler 1. Il s’agit de l’écoute individuelle et au casque d’une réorchestration du Sacre du printemps de Stravinsky par un groupe d’auditeurs rassemblés dans un lieu de transit. Ce rapport de l’individu au collectif caractérise également la recherche de l’artiste argentin Rodrigo Pardo. Dans Flat, il relate l’isolement d’un homme à l’intérieur de son appartement accroché de façon inattendue à la façade d’un immeuble pour une pièce de danse verticale. Avec un public posté en contrebas, écoutant le monologue intérieur du personnage grâce à des écouteurs, cette création instaure un rapport à la fois éloigné et empathique avec cet homme qui se débat dans le vide.

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ment dans le vaste panorama des grands événements urbains, elles ne servent pas la communication d’une ville et ne peuvent se répéter à l’identique de festivals en festivals – peut-être même ne créent-elles pas de forme artistique extraordinaire. Néanmoins, elles sont à l’origine d’un processus dans lequel les habitants d’une ville et ses usagers regardent des lieux familiers sous un autre angle, le remplissent de nouvelles histoires et, ainsi, font changer les choses. Ces projets artistiques créent une nouvelle sphère publique qui n’est pas déterminée par les plans d’urbanisme et le bâti et permettent, en passant 9, de faire disparaître quelques murs invisibles.

Le collectif anversois Berlin poursuit sa série intitulée Horror vacui avec Land’s End. Sous la forme d’une conversation de table élaborée d'après des interviews de personnes filmées séparément et qui ne peuvent pas ou ne souhaitent pas se parler, sont réunies de façon virtuelle des paroles et des intérêts divergents. Seuls et ensemble, ils constituent une communauté d’individus partageant un même drame, celui d’un meurtre transfrontalier entre France et Belgique, et contribuent à l’élaboration d’une mémoire collective. Artaud cité est un work in progress dirigé par le compositeur et metteur en scène Wilfried Wendling. à travers une série d’ateliers-performances menés dans différents quartiers de Marseille et d’Aubagne tout au long de l’année 2013, ce dernier embarque un groupe de participants-amateurs dans une exploration de l’œuvre d’Antonin Artaud. En faisant entendre des textes majeurs tels que Le Pèse-nerfs, Il n’y a plus de firmament, ou Satan, le groupe constitue un nouvel ensemble bruitiste qui explore la poésie d’Artaud, instituant une zone de folie temporaire dans un espace public policé. à travers ces créations se créent de nouvelles communautés qui, parce qu’elles se situent sur la ligne de partage entre intime et collectif, participent à la constitution d’un ethos commun. Une sphère publique, dépassant les frontières géographiques et physiques, se forme pour composer de nouveaux espaces de vie. Jasmine Lebert 1. Bernard Stiegler, « Chute et élévation. L’apolitique de Simondon », Revue philosophique n° 3/2006, PUF, Paris et Jean-Hugues Barthélémy, Penser l’individuation, L’Harmattan, Paris, 2005, pp. 224-232.


On Public Spheres and Invisible Walls Regularly summoned in political, activist and artistic discourses, the notion of public sphere is quite difficult to define. Termonological journey. Imanuel Shipper

Collectif Berlin, Land’s End. Photo : Berlin.

1. Jürgen Habermas, Strukturwandel der Öffentlichkeit. Untersuchungen zu einer Kategorie der bürgerlichen Gesellschaft, Luchterhand, Berlin, 1962.

The discussion about public space and public sphere is en vogue and can be overheard everywhere. Still, more often than not we do not even know exactly what we are talking about. Our loss for words increases even more when we are asked to construe concepts for an “extended public sphere”. Solutions pertaining to structural measures do not always work. What is to be done? This essay will not offer a solution. It will take a conceptual journey around and towards the term

Öffentlichkeit (public sphere) and will describe an example creating a special public sphere through performance art. The German term in itself is already a tough nut to crack – what is this “Öffentlichkeit” about? Are we talking about “Öffentlichen Raum” (public spaces)? Or of the “Öffentlichen” (publicness)? As if this wasn’t enough of a predicament, we face even bigger problems when translating into English – should it be “public space”, which describes a space in a rather Euclidean way, or “public” (is not this supposed to mean “audience”?) or “publicity” (which evokes images of advertising) or “public sphere”? The latter seems to be the most common translation of the term coined by Jürgen Habermas in 1962, which always also implies a spatial dimension 1. Is the public thing tied to space, though? Does the public sphere need a public space? Inverting the argument, does this also mean that when we build public places we always also generate a public sphere, 2 for 1 so to speak? Could it be 13


Berlin, Land’s End. Photo : Berlin.

2. Nicolas Bourriaud, L’Esthétique relationnelle, Les presses du réel, Dijon, 1998. 3. Claire Bishop, Participation, MIT Press, 2006. 4. Richard Sennett, The Fall of Public Man, Knopf, New York, 1977. 5. Michel de Certeau, L’Invention du quotidien. Vol. 1, Arts de faire, Gallimard, Paris, 1980. 6. Henri Lefebvre, La Production de l’espace, Gallimard, Paris, 1974. 7. Martina Löw, Raumsoziologie, Suhrkamp, Frankfurt a. M, 2001. 8. David Harvey, The Condition of Postmodernity, Blackwell, Oxford, 1989.

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seems to break an invisible wall: on the one hand, the publication of private details in social media has come to an extent that looks as if it could increase no further. Simultaneously, we can observe the private sphere extending and reaching far beyond the limitations of a person’s own place. I am thinking of intimate and sometimes even sexual activities of couples that make the publicized sexuality of the 1960's and 1970's look chaste. Of course, the spread of mobile devices has created the opportunity to handle the most private problems as well as current business anytime and anywhere; and this includes all of a city’s public places. Let us now take a look at the term “sphere”, the second part of public sphere that rather denotes a spatial aspect. Its Greek etymology takes us back to the word sphaira (ball) which points towards the geometrical form of a sphere, a form in which any surficial point is in the same distance to the center as any other. This image of ideal democracy encompasses a center as well as the possibility of an even and egalitarian distribution on a surface. There is, very possibly, no image less suited for depicting the public sphere or publicness than a geometrical sphere, since its exterior form will not change no matter possible to build public places that do not generate a how the individual surficial points move or gather. When we use the term public sphere, there is always public sphere? Or at least not the intended one? Which elements do we attribute to this topos? Ob- the connotation of an empty vessel that has a certain viously the term incorporates elements both from form and a fixed volume – that is, actually, empty. the spatial as well as the social sphere. Its first ele- The responsibility of filling this vessel would rest on the public (the publicum). A city’s ment, public, is borrowed from the responsibility, then, would be the Latin publicus which denotes someconstruction of such vessels ; the thing affecting the people (populus). The separation determination of the public’s maWhen used as a noun, the term also of private and terial limits, so to speak. denotes a group of people German Capital, one could say, we have speakers call “Zuschauer” (audi- non-private has solved the problem. The city adence). However, ever since Nico- to be constantly ministration plans and opens spalas Bourriaud in 1998 2 and Claire renegotiated. ces for the public, and now we only Bishop in 2006 3, we have known have to worry about their approprithat even the most passive audience contributes to the work of art it is observing; ate number, size and location inside the urban area. simply by observing it. In this sense, something that Then why do we find so few active public spheres? is “public” affects the people as well as it is affected Why do they seem to disappear? Somehow it seems obvious that public sphere by the people. Inevitably when speaking of something public, its cannot be charted on a drawing board. It is nothing counterpart “private” comes to mind. This division that could be expressed in the number of its square dates back to the old Greek societies that strictly kept meters. To understand it, however, we can draw on polis and oikos apart. Interestingly, this also included, theories of modern sociology of space. Ever since apart from the obvious areas of personal relation- the work of situationists such as Michel de Certeau ships and family, matters of health, education, work, (1980) 5, Henri Lefebvre (1974) 6, Martina Löw (2001) 7 economy, and generally everything concerning mon- and David Harvey (1989) 8, we have known that space ey. Ever since Richard Sennett declared in his 1977 cannot/should not be interpreted as an objective conwork The Fall of Public Man 4 that the individual’s newly stant, but as a construct determined by social, culturdeveloped narcissism created a “tyranny of the inti- al, political and artistic influences. To rephrase: a demate” that made a functioning public sphere impos- sired public sphere is not produced by city planners sible, the separation of private and non-private has and architects alone, but by all people using those spaces and places and the way they use them. Such a always had to be renegotiated. In our current time, this two-way movement construct is not the product of a onetime effort, but


has to be created again and again; it will change and it will adapt. Who produces such a public sphere? With Invisible Walls in mind, this seems to be an important if not the central question: whoever is granted access to a given space (and actually uses this access) will determine the shape of it. In other words: if we people cities according to the rules of free market economy, then they will be, potentially exclusively, determined by free market economy actors and their work. This is where artistic productions come into play that create new modes of appropriation by using performa-

tive, narrative and creative means (see the insert). Such productions do not simply blend in to the vast number of big urban events; they do not help marketing a city, they cannot move from festival to festival – maybe they do not even create an outstanding aesthetic final product. They initiate, however, a process in which city’s inhabitants and users view familiar places from a new angle, fill them with new stories and thereby change something. They create a new public sphere that is not determined by planning and construction and, en passant, let certain invisible walls disappear.

Public / Unpublic space Many productions accompanied by Lieux publics and the IN SITU network reveal the construction of a dialectic between public space and private space, which feeds the desire for a “public sphere” mentioned by Imanuel Schipper. With Temporary Cities, the Italian collective Zimmerfrei has been working for several years on a series of documentaries, gradually creating a collection of true city portraits: Brussels, Copenhagen, Budapest, and soon Marseilles. Starting from the stories collected from people living in, and using the city, Zimmerfrei builds a personal and yet collective fiction and allows us to feel the invisible walls crossing the city, beyond the separation between public spaces and private territories. Similarly, in his new production Igor hagard, a railway Rite, Pierre Sauvageot explores this “collective individuation” explained by the philosopher Bernard Stiegler 1. Here the audience gathers in a place of transit and each person listens with headphones to a performance of Stravinsky’s Rite of Spring. This relationship between the individual and the collective characterises also Rodrigo Pardo’s research. In Flat the Argentinean artist recalls the isolation of a man inside his own apartment, unexpectedly hanging to the façade of a building in a vertical dance performance. The audience watches from beneath and listens to the music's character's inner-monologue through individual headphones: this creates a both remote and empathic relationship with the man dancing in the void.

The Antwerp-based collective Berlin continues its series Horror vacui with Land’s End. Contrasting words and interests gather virtually in the form of a table conversation from video interviews of people filmed separately, who cannot – or don’t want to – talk to each other. Alone and together at a time, they are a community of individuals facing a shared dramatic event – a cross-border murder between France and Belgium – and elaborate a collective memory. Artaud cité is a work in progress by the composer and director Wilfried Wendling. Through a series of workshops-performances in different neighbourhoods in Marseilles and Aubagne throughout 2013, he engages a group of amateurs-participants into an exploration of Antonin Artaud’s works. By making masterpieces like Le Pèse-nerfs, Il n’y a plus de firmament, or Satan heard, the group forms a new noise ensemble exploring Artaud’s poetry and creating a zone of temporary insanity in a police-controlled public space. Through these productions new communities are born – communities at the border line between intimate and collective, which therefore participate in the construction of a common ethos. A new public sphere appears, which overcomes geographic and physical borders and creates new life spaces. Jasmine Lebert Translation by Elena Di Federico and Marie Le Sourd (On the Move) 1. Bernard Stiegler, « Chute et élévation. L’apolitique de Simondon », Revue philosophique, Paris, PUF, n°3/2006, and Jean-Hugues Barthélémy, Penser l’individuation, Paris, L’Harmattan, 2005, pp. 224-232.

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Persistance du rite à l’instar du collectif Rara Woulib et de leurs déambulations, certains artistes tentent aujourd’hui de ranimer l’esprit des grands rituels collectifs. De nouveaux cérémoniels s’insinuent dans l’espace public.

Tandaim, Le Mois du chrysanthème (Sirènes et midi net, novembre 2012). Photo : Vincent Lucas.

Si l’Occident a peu à peu chassé la mort de son quotidien, en même temps que les cimetières de ses centres-villes, d’autres civilisations cohabitent avec leurs défunts de manière plus tangible. Au retour de quatre années passées en Haïti, Julien Marchaisseau fonde en 2007 le collectif Rara Woulib : « La vie là-bas est fragile ; mais plus la mort est présente dans le quotidien, plus les gens sont vivants. À mon retour en France, j’ai été choqué de voir à quel point elle est occultée, dissimulée Julie Bordenave derrière les murs des maisons de retraite, des hôpitaux ; les pompes funèbres s’occupent de tout, il n’y a plus de veillée Aptes à chahuter le corps urbain collectif, les ar- des corps… D’ou l’idée de confronter à nouveau le public à la tistes qui investissent l’espace public sont les plus à mort, en lui redonnant un visage doux et poétique. » Parade même de se saisir des tabous sociaux. Parmi eux : musicale nocturne, Deblozay (« désordre » en créole la mort, niée dans une société où le vieillissement haïtien) s’inspire du rara (forme carnavalesque et comme la maladie sont depuis longtemps étouffés. musicale vaudoue), convoquant guédés (esprits) haïtiens et esthétique mexicaine de la « Ramener les morts au centre de nos Fête des morts, pour mêler zombis villes », tel est ainsi le désir d’Alexanet vivants dans une sarabande endra Tobelaim, comédienne formée Une société qui nie diablée : un syncrétisme culturel, à l’Erac de Cannes, fondatrice de ses morts détourne à la fois joyeux et effroyable, qui la compagnie Tandaim. Avec Lieux happe le spectateur pour mieux publics, elle initie en novembre aussi les yeux de lui faire perdre ses repères et l’emdernier un travail intitulé Le Mois ses aînés. mener dans une envoûtante transe du chrysanthème : sur le bitume, des urbaine. Le collectif d'une vingtairectangles de gazon accueillent les morts de retour auprès des vivants pour une éphé- ne de musiciens et plasticiens a d'abord testé le specmère communion transgénérationnelle, tel un rite tacle dans les rues de Marseille, investissant le Parc de passage entre les différentes étapes de la vie. « De Longchamp de nuit ou transformant le Pavillon de façon entropique, nous accueillons des morts de partout, partage des eaux des Chutes-Lavie en géante « boîte à musique » : « La démarche consiste aussi à habiter la nuit créant une forme de cimetière sans frontières. » dans une ville, une habitude que l'on a perdue dans beaucoup d'endroits. Chaque nouveau lieu impulse une nouvelle écriture. » Les aînés et la transmission Une société qui nie ses morts détourne aussi les yeux de ses aînés. Dans échappées belles de la compagnie Adhok, ceux-ci prennent leur revanche en s’évadant d’une maison de retraite pour délivrer d’émouvantes tranches de vie, avant de prendre la tangente au son des Ramones. Se poser collectivement la question de la transmission, c’est aussi se réconcilier avec sa propre histoire. Avec Erf (fils de la terre), la compagnie néerlandaise Schweigman salue la mémoire des anciens pour ancrer l’héritage familial dans le présent : « Derrière chaque individu se trouve un triangle imaginaire d’ancêtres. Des caractéristiques physiques, tout comme des modèles psychologiques et émotionnels se transmettent de génération en génération. » L’installation plastique paysagère symbolise sept générations d’aïeux, comme autant de masques plantés sur des piquets, aux contours de plus en plus incertains au fur et à

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mesure qu’on remonte dans les âges. De manière plus symbolique, c’est la mémoire d’un monde que Dries Verhoeven choisit de saluer à travers Fare Thee Well, un spectacle-installation destiné à « dire adieu à ce qui a disparu et à ce qui est destiné à disparaître dans le futur ; à des fragments perdus de nos civilisations ». Ces fragments sont donnés à voir au spectateur par un télescope ; incrusté au centre de l’image, un texte déroulant énumère toutes ces choses auxquelles nous devrons dire adieu. Sur un air d'opéra de Haendel, les prédictions s'égrainent ; poignante sensation d'assister à la disparition de notre contemporanéité et, par là même, d'une bribe de notre identité. Vertigineuse mise en abîme pour le spectateur isolé, devenant simple témoin d’un monde dont il se soustrait temporairement : « Un requiem visuel pour notre époque, une élégie de dystopies en temps de crise, donnant à voir le monde en tant que lieu en mouvement », commente l’artiste. Les rituels inventés Avant de saluer les vestiges d’une civilisation, les arts de la rue proposent aussi de l’incarner, au milieu d’êtres bien vivants. Les artistes de rue n’ont jamais été avares en invention de rites collectifs : au début des années 2000, le Théâtre de l’unité proposait d’irrésistibles Manifestations de joie ; plus véhémentes, les « Manifs de droite », créées en 2003 dans le sillage du mouvement des intermittents, ont connu de beaux jours après l’élection en France de Nicolas Sarkozy en 2007… Les lieux de fabrique impulsent aussi des traditions qui soudent un territoire : au Channel de Calais, le passage d’une année à l’autre s’est longtemps célébré collectivement, lors des Feux d’hiver ; pour l’inauguration des Thermes d’Encausse en 2011, les Pronomade(s) ont instauré un service de Poste Restante, invitant les habitants à déposer des courriers scellés qui seront remis à leurs destinataires en 2036 (soit 25 ans plus tard, la durée du bail)… À Marseille, Lieux publics a initié en 2003 le rituel urbain Sirènes et midi net. Chaque premier mercredi du mois, le test de la sirène de la protection civile est intégré par des artistes dans une œuvre unique et éphémère, sur le parvis de l’Opéra : « Une création qui se mesure à ce signal sonore urbain, avec ce qu’il véhicule comme imaginaire, entre guerre et divinité aquatique, entre glissando musical et oiseaux hurleurs engloutissant les marins de L’Odyssée… » Au fil des ans, le rendez-vous mensuel a fédéré une cohorte de spectateurs fidèles ; on vient aussi ici prendre des nouvelles, une habitude du temps jadis… D’autres rituels sont instaurés par Lieux publics, en lien avec le patrimoine de la ville, comme Stars on Stairs, qui investit les monumentaux escaliers de la Gare Saint-Charles, et leur époustouflante scène, à ciel ouvert, dominant la ville. Patrimoine plus « immatériel », la verve légendaire de Marseille sera mise à l’honneur lors du Grand Bavardage en septembre prochain durant Métamorphoses. Un banquet do-

minical pour mille personnes sera dressé le long de la Canebière, où des artistes locaux (Ilotopie, Agence de Voyages Imaginaires, No Tunes International…) feront ripaille avec le public convié, pour « y faire entendre les palabres et la tchatche si emblématiques de cette ville ». L’espace public est bien le lieu dédié pour faire valoir l’impact d’un corps collectif, pour y transcender la normalité, voire impulser de nouveaux usages. En apprivoisant ainsi limites et interdits, réels ou fantasmés, les arts de la rue peuvent aussi les transgresser pour y poser des gestes revigorants, transgressifs ou réflexifs ; parfois une simple étincelle pour aider à s’approprier cet espace réputé public, où les frontières mentales sont parfois plus nombreuses que les frontières physiques.

Dries Verhoeven, Fare Thee Well. Photo : Dries Verhoeven.

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PERSISTENCE OF RITUALS Like Rara Woulib group and their strollings, some artists are endeavouring to revive the spirit of grand collective rituals. New ceremonial behaviour patterns are carving out a niche for themselves in public spaces. Julie Bordenave Traduit par Sarah Jane Mellor

Rara Woulib, Deblozay. Photo : Bushido.

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With their talent for bringing about an upheaval and restructuring the collective urban framework, artists who penetrate and occupy public space are the most capable of getting to grips with social taboos. Amongst these features death which is denied in a society where ageing as well as illness have been ignored, hushed up and brushed under the carpet for a long time. “Bringing back the dead to our town centres”, is as well the fervent wish of Alexandra Tobelaim, actress trained at Erac at Cannes who is a founder of the Tandaim company. With Lieux publics she initiated last November an artistic work intitled Le Mois du chrysanthème (The Month of Chrysanthemum): on the tarmac strips of turf welcome back the dead to the land of the living for a shortlived intergenerational communion, like a rite of passage, an initiation ceremony between the different stages of life: “In an entropic fashion we will greet the dead from everywhere, creating a kind of cemetery without borders.” If the West has gradually evicted, banished and expurgated death from daily life, and in parallel re-

moved cemeteries from its town centres, other civilisations still cohabit and live in close proximity with their dead in a more tangible fashion. On his return after four years spent in Haiti, Julien Marchaisseau founded in 2007 the Rara Woulib collective: “Life there is fragile and precarious but the greater the presence of death in everyday life, the greater the sense of vitality which pervades people’s lives. On my return to France, I was shocked to see to what extent death is hidden and excluded, concealed behind the walls of retirement homes, of hospitals; undertakers deal with everything, there are no more vigils and wakes… Hence the idea of confronting the public once again with death by conferring on it a soft and poetic complexion.” Musical parade at night, Deblozay (meaning “disorder” in Haitian creole) draws its inspiration from rara (a carnavalesque and musical form of voodoo), summoning up Haitian guédés (spirits) and Mexican aesthetics from the Festival of the Dead, combining zombies and the living in a bewitching, frenzied dance: cultural syncretism both joyful and formidable which seizes hold of the onlooker beholding this sight so as to make him lose his bearings and anchorage points, engulfing him in a swirling, uplifting and transfixing urban trance. This collective, comprising around twenty musicians and visual artists, initially tested out and experimented with this spectacle in the streets of Marseilles, occupying the Parc Longchamp at nightfall, or transforming Le Pavillon de partage des eaux des Chutes-Lavie into a giant “music box”: “This approach consists in inhabiting a city at night, which is a habit that we have lost and grown unaccustomed to in many places. Each new spot gives rise to and brings into being a new form of writing.” The elders and transmission A society which is in denial about its dead and death also averts its gaze from the elderly. In Echappées belles by the Adhok company, the latter take their revenge by escaping from a retirement home to evoke and deliver moving scenes, slices of life, before setting off to the sound of the Ramones. Posing ourselves collectively the question of transmission, also means reconciling ourselves with our own history. With Erf (Sons of the Soil) the Dutch company Schweigman celebrates and commemorates the memory of the elders in order to root and anchor the family heritage in the present: “Behind every individual there lurks an imaginary triangle of ancestors. Physical features, just like psychological and emotional patterns are handed down from generation to generation.” The plastic artifact in the landscape symbolizes seven generations of forebears, embodied and portrayed by the same number of masks planted


on stakes, with ever vaguer and uncertain features watery grave…” Over the years, this monthly event has brought together a crowd, a whole fraternity of the further we go back in time. In a more symbolic way, Dries Verhoeven chooses faithful spectators; people also turn up to attend in to pay homage to a fading memory of a whole world order to learn the latest tidings, a habit of yesterday, through Fare Thee Well which is a show intended to of times gone by… Other rituals have been introduced by Lieux pub“bid farewell to what has disappeared and what is doomed to vanish in the future; to lost fragments of our civilisations”. lics connected with the city’s cultural heritage, such These vestiges can be visualized by means of a tele- as Stars on Stairs, which is acted out on the monuscope; encrusted at the centre of the image there is a mental steps of Saint-Charles railway station and flowing text which enumerates all those things from its breathtaking open-air stage overlooking the city. which we will have to take our leave. One prediction A more “immaterial” heritage, the legendary verve succeeds another to the background music of one and sparkle of Marseilles will enjoy pride of place and be honoured on the occasion of Haendel’s operatic arias; we are of Le Grand Bavardage (The Big Talk) gripped by the poignant sensation next September during Métamorthat we are witnessing the waning To pay homage to phoses event. This will consist in a and fading away of our own con- a fading memory of Sunday banquet for one thousand temporary existence and through guests, set out on tables laid along this the fleeting glimpse of our own a whole world. La Canebière, where local artists identity. This is a dizzying sinking feeling for the isolated viewer who becomes the hap- (Ilotopie, Agence de Voyages Imaginaires, No Tunes less observer of a world from which he temporarily International…) will take part in this feast, partying withdraws: “a visual requiem for our epoch, an elegy of and carousing with the invited public in order to dystopias in a crisis-hit era, exposing the world as being in a “render audible to the whole world the expressive language and gift of the gab for which this city is so famous”. state of flux”, the artist comments. Public space is well and truly the dedicated place to bring out the full force of a collective body, going The rituals invented Before paying homage to the vestiges and rem- beyond and transcending normality, even resulting nants of a civilization, the street arts put forward the in the creation of new customs. Thus by taming and idea of enshrining it amongst beings who are well domesticating set limits and forbidden things, real, and truly alive. Street artists have never been lacking imaginary or fantasised, street arts can also transin creativity in inventing collective rites and rituals: gress and contravene them by opposing reinvigorat the turn of the Millennium, Théâtre de l’Unité of- ating, liberating, transgressive or reflective acts and fered its irresistible Manifestations de Joie (Manifesta- gestures; sometimes a mere spark is all that is retions of Joy); more vehemently, the “Manifs de droite” quired as a catalyst to enable us to reclaim and re(Right-wing demos), created in 2003 in the wake of possess this supposedly public space, where frontiers the movement of casual and intermittent employees, existing in our minds sometimes outnumber and experienced their heyday following the election of outweigh physical frontiers. Nicolas Sarkozy in 2007… Places of manufacture give rise to traditions which create ties and bonds that knit closely together the social fabric of a geographical area: at the Channel in Calais, bringing in the New Year has for a long time been celebrated collectively, on the occasion of Feux d’hiver (Winter fires); for the inauguration of Les Thermes d’Encausse in 2011, Les Pronomade(s) initiated a Poste Restante service, inviting local inhabitants to deposit sealed messages with the postal authorities, to be delivered to the intended recipients or addresses in 2036 (that is to say twenty-five years later, the duration of the lease)… In Marseilles, Lieux publics introduced in 2003 the urban ritual Sirènes et midi net. On the first Wednesday of each month, the test of the civil protection and defence siren is blended by artists into a unique ephemeral creative work on the Opera forecourt: “A creative work of art which resonates with this urban sound signal, with what imaginary ideas it conveys, between war and aquatic divinity, amidst musical glissando and screeching seabirds sweeping the mariners of The Odyssey to a

Rara Woulib, Deblozay. Photo : Bushido.

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Sociétés parallèles Vécue comme une forteresse par les migrants, l'Europe est minée dans ses fondations par des formes de ségrégation sociale. De Graz à Pristina se mettent en place des veilles actives.

témoignages de douaniers. La compagnie reproduit sur scène les interrogatoires que doivent subir les migrants lorsqu’ils demandent l’asile en Suisse et met en scène le phénomène des fraudes fiscales dans la ville suisse de Zug grâce à la participation d’experts et de cadres de grands groupes. Ces deux pièces mettent indirectement l’accent sur l’oppression subie par les nouveaux immigrés de la part de l’efficace appaJoanna Warsza reil bureaucratique et révèlent, de même, l’existence Traduit par Aïnhoa Jean-Calmettes de l’agence européenne Frontex, centre névralgique Lorsque l’on traverse le pont principal de Graz des politiques européennes d’immigration. Cette et que l’on suit la Mur, le site le plus imposant et le dernière est en réalité un organe de gestion des fronplus remarquable est une colline rocheuse abrupte, tières qui, en collaboration avec la police, l’armée et une montagne dans la ville que l’on nomme « Schloß- les services secrets met en place des équipes d’interberg ». Cette colline est un lieu de randonnées, d’es- vention d’urgence et organise de réelles traques de calade, et le dimanche, de dégustation de vins. Sur clandestins ainsi que des reconductions à la frontièles hauteurs se trouve une maison isolée, tragique re. Par conséquent, les immigrants illégaux doivent en quelque sorte. C’est un refuge pour les écrivains se résoudre à traverser les frontières de façon de plus en plus périlleuse, et la « forteresen résidence à Graz ou les chronise » devient de plus en plus difficile queurs mondains renommés de à atteindre. cette ville. Chaque soir, que les lu- Une voyageuse En parallèle à Gott ist ein Deutsmières soient allumées ou éteintes, raconte l'hostilité cher, Graz a récemment été témoin les habitants regardent vers la maide la naissance de deux autres proson pour savoir si l’invité(e) est là et d'un endroit où elle jets politiquement engagés, mês’il ou elle passera sa nuit à écrire. désirait vivre. lant réflexions artistiques, sociales Les preuves de cette présence proet politiques, et militantisme. Le voquent chez eux l’excitante et dérangeante impression d’avoir un visiteur engagé pour marathon Truth is Concrete, organisé en septemdécrire ou interroger la situation locale ou euro- bre 2012, est une conférence d’une semaine organisée péenne. Au cours de l’année 2010, l’artiste invité était dans le cadre du festival Steirischer Herbst à laquelle Fiston Mwanza Mujila un auteur congolais écrivant Fiston Mwanza Mujila a également pris part. « Truth en français, publié en France, Belgique, Allemagne, is concrete », en référence à une citation de Bertold Autriche et Roumanie. De sa résidence est née une Brecht, a réuni l’art et le militantisme autour de leurs nouvelle pièce Gott ist ein Deutscher (Dieu est un Alle- points communs dans le cadre d’une série d’activités mand), coproduite par le festival La Strada et IN SITU, (discussions, projets, stratégies artistiques, droits) engagées dans des champs politiques et sociaux précis, réseau européen pour la création en espace public. Cette pièce s’interroge sur l’imperméabilité des et s’est penché sur la possibilité qu’ont ces domaines frontières de l’Occident et remet en question la soli- de se renforcer mutuellement en s’appuyant sur leurs dité de la forteresse Europe. Relayant le point de vue différences. De ce point de vu, la maison du chronid’immigrés prêts à venir en Europe au péril de leur queur mondain de Graz, où Fiston Mwanza Mujila vie, elle porte son regard sur l’inaccessible et bien a vécu l’automne dernier, est également une forme trop idéalisé espace Schengen. Une voyageuse ano- particulière d’art public militant et local, un lieu prinyme, celle qui a traversé toutes les épreuves pour ar- vé situé dans un espace public et destiné à permettre river ici, raconte, avec une once d’amère désillusion, l’élaboration de critiques réalisées de l’intérieur. l’hostilité et l’hypocrisie d’un endroit où elle désirait vivre. La pièce peut aussi être considérée comme une Les murs invisibles mentaux de Teatri ODA Une grande artère principale traverse Pristina, la analyse, à l’échelle locale, des politiques migratoires du vieux continent. Une compagnie suisse de théâtre capitale de la jeune République du Kosovo. Elle est le documentaire, Schauplatz International, suit depuis théâtre de tous les conflits, rêves, manifestations, ras2005 une stratégie similaire à celle de Fiston Mwanza semblements et autres spectacles de la société. C’est Mujila se saisissant des questions d’immigration de- cette même rue, colonne vertébrale du pays, qu’a puis le point de vue inverse : celui des discours et des choisi Teatri ODA pour développer son nouveau pro-

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jet Invisible Walls. Teatri ODA est un groupe artistique indépendant formé en 2003 par Florent Mehmeti et Lirak Çelaj. ODA n’a pas seulement produit des œuvres de théâtre contemporain. Il a également participé à la définition de politiques culturelles ainsi qu’à la promotion et la programmation de différentes formes d’art. Depuis 2011, ODA est un partenaire associé du réseau IN SITU dans le but de soutenir le développement des formes d’art en espace public. Invisible Walls a été présenté dans la rue principale de Pristina afin de révéler la diversité des barrières de l’oppression qui se dressent dans une société traumatisée par des années de guerre, qu’elles soient sociales, politiques, culturelles, langagières ou mentales. Un autre projet érigeant puis renversant des frontières invisibles a été réalisé par un artiste de la région, la Macédonienne Nada Prlja, et fut présenté dans le cadre de la 7e Biennale de Berlin. Au sud de Friedrichstraße dans le quartier de Kreuzberg à Berlin, elle a dressé ce qu’elle a nommé un « mur de la paix », s’inspirant de la politique de l’Irlande du Nord. Son projet n’évoquait pas le célébre Mur de Berlin, mais les murs symboliques de l’oppression dont parle Teatri ODA. Avec la construction de son « mur artistique » Nada Prlja entendait mettre en évi-

dence la ségrégation sociale et ce qui est dénommé la « société parallèle » dans les débats portant sur l’immigration en Allemagne. Si elle a choisi Friedrichstraße, c’est parce qu’elle est aujourd’hui une rue commerçante importante de l’axe nord-sud qui traverse Berlin et qu’avant 1989 elle était coupée en deux par le Mur. De nos jours, la majeure partie des magasins sont de haut standing mais, dans sa partie sud, Friedrichstraße donne soudainement accès à un « quartier à problèmes » où se construisent des logements sociaux (autrefois localisés en périphérie de Berlin Ouest), s’enregistrent de forts taux de chômage et résident des populations pour 70 % issues de l’immigration. Ces deux projets donnent à voir les segmentations « invisibles », les inégalités sociales et économiques, la partition entre des populations privilégiées et défavorisées, les peurs et les réserves liées à l’intégration. Et en même temps, ces deux projets artistiques symbolisent un espace où les communautés pourraient trouver la capacité de dépasser les frontières et les obstacles psychologiques. Enfin, ces œuvres osent mettre en évidence ce que l’on refuse trop souvent de dire tout haut dans l’Union européenne : l’art n’est pas une solution, il est partie intégrante du problème.

Buzzbeak : manifeste d'un Cyborg En 2010, Folke Koebberling et Martin Kaltwasser, deux artistes allemands, ont, en l’espace de trois mois, transformé une Saab Turbo 900 en deux vélos en état de marche sur le parking du centre d’art Bergamot Station à Santa Monica (Los Angeles). Précédemment, en Europe, ils avaient reconverti de vieilles Peugeot en bicyclettes utilisables. Dans nombre de leurs projets, tels que Cars Into Bikes, ce duo d’artistes berlinois s’est opposé à l’industrie automobile, proposant une voie alternative à l’idéologie consumériste. Ils réalisent leurs œuvres dans les rues, sur des places et des ponts, dans des jardins publics et en intérieur, en utilisant des matériaux de récupération trouvés en milieu urbain. Conçus comme des sculptures sociales, leurs protocoles sont sensés être copiés, diffusés et reproduits. Une autre création extraordinaire et hybride ressuscitée à partir d’une voiture, appelée Buzzbeak, a été créé l’été dernier en Écosse. Ce robot musical prend la forme d’un automate interactif en métal. Cette créature, ressemblant à un oiseau cyber-punk, a opéré un pas de plus dans la désagrégation créative de ce monde motorisé. Son auteur, l’artiste Sumit Sarkar, a créé

Buzzbeak à partir de pièces détachées d’une Land Rover Discovery, en collaboration avec Duncan Turner, membre de la compagnie Carbon Lighting. La forme de cet androïde s’inspire d’une série de jouets animés japonais, les Transformers : Cybertron, et plus précisément ses personnages Soundwave et Buzzsaw, mutants qui, de radio-cassette, se transforment en robot et condor. L’oiseau-robot géant et musical de Sarkar a tourné dans toute l’écosse l’été dernier dans le cadre de manifestations britanniques d’art en espace public, Engine Tuning et Roofless, et sera en tournée en Europe dès l’été prochain. Buzzbeak, avec sa rhétorique positive, musicale et cosmique, a trouvé une manière d’entrer en résonance avec les musiques traditionnelles les plus anciennes de la région. Les spectateurs venus rencontrer le robot étaient invités à participer en apportant la musique de leur choix, que ce soit sur CD, cassettes, vinyles, MP3 ou en version live, vocale ou instrumentale. Tous ces morceaux sont ensuite remixés par Buzzbeak. Les interactions de la créature avec différents contextes locaux sont utilisées comme matériaux d’une vaste création sonore ainsi que d’une composition plus sophistiquée et même d’une chorégraphie. J. W.

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parallel societies Experienced as a fortress by migrants, Europe is undermined by forms of social segregation. From Graz to Pristina, some people stay watchful.

exposed tax fraud in the Swiss town of Zug through the active participation of tax experts and corporate managers. Both plays indirectly highlight the existence of a bureaucratic and efficient apparatus of oppressing the incoming immigrants, as well as the very existence of Frontex EU agency, the core body of the EU immigration policies. Frontex is in fact its border Joanna Warsza agency, which in collaboration with the police, the military, and the secret services operates rapid interWhen you cross the main bridge in the city of Graz, vention teams and organizes the people-hunts and and when you follow the Mur river, the most domi- charter deportations. As a result, illegal immigrants nant and distinguishing site you encounter is a rocky resort to more and more dangerous ways of crossing steep hill, a city mountain called Schloßberg, used by EU borders and the fortress becomes even more imlocals for hikes, climbing, or Sunday wine testing. On possible to reach. Next to Gott ist ein Deutscher Graz has recently seen the top of the hill stands a lonely, somehow dramatic house. It is a refuge of a writer in residency of the city two other politically engaged projects referring to of Graz, an appointed city chronicler. Every evening, art, the social, the political, the activism. The marawith the lights off or on, the inhabitants tend to ob- thon “Truth is Concrete”, organized in September serve if the guest-resident is there, actually working 2012, an on-going week intervention of the festival over the night. His or her evident presence gives this Steirischer Herbst, that Fiston Mwanza Mujila was disturbing and exciting feeling of having somebody also part of. “Truth is concrete” – using the quote of who has been invited up there in order to depict and Bertold Brecht – brought together art and activism criticize, a novelist or a playwrighter who has been on their common ground, together with an array of activities (talks, projects, ideas, art hired to mirror or question the lostrategies and tolls), that engage in cal Austrian and European status specific political and social situaquo. Throughout the 2010 Graz’s The space to tions, and took a close look at how author in residence was Fiston overcome the the differences of those fields emMwanza Mujila, a Congolese author, power each other. Seen from this writing in French and published in mental obstacles. perspective, the house of the Graz France, Belgium, Germany, Austria and Romania. His stay resulted in a co-production of city chronicler where Fiston Mwanza Mujila resided a new play Gott ist ein Deutscher (God is a German) with last autumn, is also a particular form of a local public the local city Festival La Strada in collaboration with art activism: a private place in the public space asthe IN SITU European network for artistic creation in signed for an in-house-critique that Mwanza played out very efficiently. public space. The play addresses the questions of the impenetrable borders of the western world and the ques- Teatri ODA’s mental invisible walls Through Pristina – the capital of the young Retionable solidity of the fortress Europe. It looks at the inaccessible and much idealized territory of the public of Kosovo – runs one main street, where all Schengen Area, seen from the perspective of life risk the conflicts, wishes, manifestations, meetings and taking emigrants. An anonymous traveler, the one other spectacles of society are played out. This street, who made it all the way here, tells with the bitter something of a backbone of the country, was chosen disillusion of a hostility and hypocrisy of a place she by Teatri ODA for their new project called Invisible was longing for. The play can be also seen as a micro- Walls. Teatri ODA is an independent art organization political report on the emigration politics in the old that was established by a duo Florent Mehmeti and continent. A Swiss documentary theater, Schauplatz Lirak Çelaj in 2003. ODA has been active not only in International, has since 2005, been taking a similar producing contemporary theatre but also in defining strategy as Fiston Mwanza Mujila, looking upon the cultural policy development, promoting and curatimmigration issues from the other perspective: the ing various kinds of arts. Since 2011, ODA has been an speeches of the emigrations officers. The group re- associate partner of IN SITU with the aim of supportcreated onstage the interviews immigrants have to go ing the development of art in public space in Kosovo. through when applying for asylum in Switzerland and Invisible Walls was performed in the main street of

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Buzzbeak: manifest of a Ciborg In 2010, over the time of three months, German artists Folke Koebberling and Martin Kaltwasser transformed a Saab Turbo 900 into two functional bicycles on a car parking at Bergamot Station Art Center, Santa Monica in Los Angeles, USA. Earlier in Europe they have been converting old Peugeots into fully operational bicycles. In their numerous projects, such as Cars into Bikes this Berlin – based artist duo has been opposing the motor traffic industry suggesting the third ways to the consumerist ideology. It operates in the streets, squares, bridges, parks, and interiors using the materials from existing “urban resources”. Thought as a social sculpture, their strategies are supposed to be copied, passed and duplicated. Another extraordinary hybrid resurrected from a car, named Buzzbeak, was created last summer in Scotland. This musical robot took a shape of an interactive musical automated metal sculpture. The creature, something of a cyber-punk bird, made yet another advancement in further creative decomposition of the motorized world. Its author, the artist

Pristina, intending at revealing all kinds of oppressive barriers in a post-war traumatic society: might it be the social and political, the cultural and the communicative mental walls. Another project erecting and putting down the invisible barriers was realized also by an artist of the region, Macedonian-born Nada Prlja, as part of the 7th Berlin Biennale. At the southern end of Friedrichstrasse in Berlin-Kreuzberg, she erected what she called after the Northen Ireland policy, The Peace Wall. Her project referred not to the historical Berlin Wall but to the oppressive symbolic walls Florent Mehmeti and Lirak Çelaj also bring about. With the construction of her “art-wall” Nada Prlja was revealing the social segregation and what in the German migration debate is called “parallel society”. She chose Friedrichstrasse since today it is also a major shopping street and North-South axis of Berlin, and it was bisected by the Wall before 1989. Today a large part of the street is filled with posh boutiques, but at its southern end this out of the sudden gives way to a “problem neighborhood” with social housing projects (once located on the periphery of West Berlin), high unemployment rates, and a population with up to 70 percent migration backgrounds. Both projects visualized the “invisible” partitions, social and economic inequalities, and the positions of the

Sumit Sarkar, in collaboration with Duncan Turner of Carbon Lighting, created Buzzbeak from the parts of a vehicle called Land Rover Discovery. The shape of this tuned android was inspired by a Japanese toy line an animated series: Transformers: Cybertron, and particulary its characters Soundwave and Buzzsaw, who transformed from a tape player and cassette to a robot and condor. Sarkar’s giant robotic musical bird was touring all over Scotland last summer as part of the UK outdoor arts program, Engine Tuning and Roofless, and goes on the tour again next summer across Europe. Buzzbeak with its positive, musical and cosmic rhetoric found a way of entering in the dialogue with the oldest and most low-tech techniques of common music playing in the region. The audience coming to meet the robot was invited to get involved by bringing any form of music: CDs, cassettes, vinyl, mp3 or perform with a live vocal or instruments, what would be later remixed by Buzzbeak. The interaction of the creature in various local contexts was a base for a general sound creation, as well as a more sophisticated composed work or even some choreographies. J. W.

advantaged and underprivileged, the integrated fears and reservations. At the same time the very locations both of Prlja’s wall, as well as the Invisible Wall project represented the space where communities could potentially gain ability to overcome the mental obstacles and barriers. And finally those two projects also dared to reveal what sometimes doesn’t want to be heard loud in EU: that art is not a solution, it is often part of the problem.

ODA Teatri, Invisible Walls. Photo : Ariane Bieou.

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Murs réels et murs virtuels Si le video mapping et la danse verticale se projettent sur les façades dans de nombreux projets in situ, certains artistes ont recours aux nouvelles technologies pour créer l’illusion d’un cyber-espace urbain. Fanni Nánay

L’art qui s’invite dans l’espace public – qu’il s’agisse de performances, d’arts visuels ou d’expérimentations pluridisciplinaires – peut se saisir du bâti comme d’une inspiration, d’une scène ou d’un simple arrière-plan. Dans un même temps, il peut également se saisir de la réalité physique des murs et de l’environnement urbain. De plus, il existe de nombreux exemples d’artistes qui font des espaces virtuels une partie ou l’intégralité de leur matière artistique.

Traduit par Aïnhoa Jean-Calmettes

Des murs-surface Il existe deux manières bien connues d’utiliser les murs des villes à des fins artistiques . La première, le video mapping, et la seconde, la danse verticale. Ces deux genres – qui flirtent avec l’affichage publicitaire – entendent porter la perfection technique à son comble et attachent en ce sens une importance première – voire exclusive – à la forme ou aux aspects spectaculaires et divertissants, reléguant de ce fait au second plan leur signification profonde. Bien que ces projets soient in situ, dans la mesure où ils sont conçus spécifiquement pour s’adapter aux caractéristiques physiques de certains bâtiments ou murs, ils ne sont que rarement un reflet du contexte historique, social ou culturel dans lequel ils se déploient. Ces propositions ne s’inspirent pas de leur environnement et ne s’y intègrent pas non plus. Les propositions capables d’ancrer les potentialités offertes par les dimensions spectaculaire et divertissante des exemples ci-dessus, dans une prise en compte plus profonde du contexte urbain, sont autrement plus intéressantes. Le collectif français KompleXKapharnaüM illustre parfaitement cette approche. Cette compagnie a expérimenté une fusion de divers genres d’arts publics et multimédias en les immergeant dans un contexte urbain donné. À cet égard, leur travail le plus emblématique est PlayRec, pièce créée en 2006 et adaptée depuis à différents lieux. Cette œuvre explore la mémoire collective de quartiers à travers l’appropriation d’un bâtiment symbolique. Elle s’apparente à un collage singulier réalisé à partir de matériaux de récupération trouvés sur place, filmés en direct et enregistrés en temps réel, d’images d’archives et des souvenirs de personnes ayant vécu ou travaillé dans ce lieu. Le résultat final de leurs longues recherches est ensuite présenté sous la forme d’une œuvre collective par des vidéastes, musiciens, écrivains, plasticiens et autres artis24


tes qui se servent du mur du bâtiment comme d’une omnidirectionnel et donnent à voir les incidences de scène. Le mur peut être recouvert d’affiches, devenir cet environnement sur la perception et la conscience le support de projection de courtes vidéos, des acro- de soi. L’utilisation d’autres nouvelles technologies à des bates peuvent s’y déplacer. Cette performance ne raconte pas une histoire, elle ne transmet pas d’in- fins artistiques offrirait une expérience moins réalisformations ou de savoirs. Pourtant, elle évoque une te de l’univers virtuel. Dans Remember the Good Times atmosphère particulière et véhicule de façon sugges- de la compagnie néerlandaise et hongroise Space, ce tive une certaine perception de l’espace qui permet qui n’est plus visible se donne à voir grâce à une apaux habitants de se sentir plus proche du passé et du plication de réalité augmentée appelée Layar, disponible sur tablette et smartphone. En un sens, le point présent de cet environnement qui les entoure. La pièce Flat de Rodrigo Pardo peut être consi- de départ de cette œuvre rappelle PlayRec : il s’agit en effet d’explorer le passé d’un bâtidérée comme l’opposé de PlayRec. ment tombé en désuétude grâce Alors que les artistes précédents à des images d’archives et les soucréent une narration grandiose PlayRec explore la venirs d’anciens employés. Néanà partir de la mémoire collective mémoire collective moins, alors que KompleXKaphard’une communauté donnée, RonaüM utilise les murs physiques de drigo Pardo raconte la « petite de quartiers. la ville comme une scène, la scène histoire » d’un petit homme. Dans cette œuvre, il installe les meubles d’un appartement est ici transportée dans un univers virtuel. Les spectateurs partent seuls dans cette aventuen altitude sur la façade d’un immeuble et un acteur unique se déplace et joue sur cet espace vertical. re, armés d’écouteurs et de tablettes sur lesquels ils Contrairement à d’autres productions, uniquement peuvent voir des images du lieu tel qu’il était dans le fondées sur l’aspect spectaculaire de la mise en scène passé, alors même qu’ils se déplacent dans un espace verticale, le texte – à savoir le monologue intérieur du vide. Une installation sonore, semblable à une pièce personnage, auquel le spectateur a accès grâce à des radiophonique singulière, les guide sur différents parcours et invoque des histoires vécues en parallèle, écouteurs – est aussi important que la performance. offrant un complément aux images virtuelles. Bien que l’application Layar ne nous permette pas Pénétrer dans l’espace virtuel Après nous être intéressés à des projets artistiques « d’entrer » à strictement parler dans un espace fictif, fondés sur une utilisation physique des murs et des le public peut néanmoins le voir à travers les murs surfaces urbaines, il s’agit désormais de se pencher devenus transparents. L’application pour smartphone sur l’autre versant de la question, celui des expéri- reste disponible après les performances et il est ainsi mentations dans lesquelles les œuvres permettent au possible de voir le projet sous la forme d’une exposispectateur de quitter la réalité physique pour entrer tion performative après le départ des créateurs. dans une ville virtuelle ou projettent des réalités virLa rencontre du virtuel et du réel tuelles sur un espace urbain réel. Avoir accès à des œuvres de manière virtuelle Un exemple illustrant la façon dont il est possible d’entrer dans un espace virtuel en traversant ce mur est devenu commun de nos jours, notamment grâinvisible est le travail de la compagnie belge CREW. ce aux visites virtuelles de musées et de galeries ou Cette dernière travaille à la croisée de l’art et de la à la mise en ligne de pièces de théâtre, développées science, se faisant le relais d’innovations technolo- depuis longtemps déjà. Depuis le début des années giques qu'elle utilise dans ses expérimentations et 2000, de nouvelles expériences 2 utilisent Internet réflexions esthétiques. Les thèmes de l’image et de pour réunir physiquement et en temps réel des perla perception de soi, problématiques largement dé- formeurs et des publics géographiquement éloignés battues par les neurologues et les philosophes, sont les uns des autres. Pour autant, les relations entre la au cœur de leurs productions. Les créateurs se ser- Toile et l’art (performatif) peuvent également foncvent des possibilités offertes par l’imagerie numéri- tionner dans l’autre sens : Internet étant utilisé pour que pour traduire la représentation que nous nous la fabrication d’un contenu « réel ». On pense ici à 33 faisons de nous-mêmes dans un cyber espace, en tours et quelques secondes, une pièce de théâtre-docuconfrontant le soi visible et le soi perçu, cela à l’aide mentaire de Rabih Mroué et Lina Saneh, originaires de « lunettes de réalité virtuelle ». Lors de ses perfor- de Beyrouth, qui utilise comme matière première les mances et installations interactives les plus récentes 1, commentaires Facebook ayant suivi le suicide d’un CREW s’est essayé à un usage artistique des procédés jeune Libanais. L’éclairage des commentaires écrits d’imagerie immersive et a exploré les problèmes à propos d’événements particuliers sont transférés philosophiques soulevés par les récents développe- du média impersonnel et sans visage qu’est Internet ments de la technologie et des neuro-sciences. Leurs vers une scène réelle. Plus l’événement est grave, plus œuvres s’offrent comme des expériences artistiques les effets produits par la performance peuvent se réqui invitent le spectateur dans un univers virtuel véler bouleversants. Ces effets peuvent encore être

Page de gauche : Rodrigo Pardo, Flat. Photo : Andrea Dudla. 1. Crash (2005), U_Raging Standstill (2006), EUX (2008), W (Double U) (2008), Line Up (2009), C.A.P.E. (2010), Terra Nova (2011). 2. Comme la performance en réseau Life Streaming du Néerlandais Dries Verhoeven.

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CREW, Eric Joris, C.A.P.E. Brussels. Photo : CREW.

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exacerbés par la transposition de ces « événements » depuis la scène du théâtre vers l’espace public. L’œuvre in situ du sound designer Thor McIntyreBurnie, intitulé The Speakers est à la fois une installation et une performance audio. L’artiste met en scène des enceintes et autres accessoires, en les suspendant à distance les uns des autres, créant un semblant de forêt au sein d’un espace public particulièrement fréquenté. Les enceintes diffusent des tweets et des commentaires Facebook relatifs à certains événements. McIntyre-Burnie est fasciné par le fait de fournir un corps réel ou une caisse de résonnance à des « voix » qui parlent dans un espace virtuel. Le volume sonore est très faible, de manière à ce que le public ne puisse entendre que s’il se rapproche très près des enceintes, donnant l’impression de participer à une conversation calme et intime ou de prêter l’oreille à des murmures. Chaque spectateur se promène d’enceinte en enceinte dans un ordre différent, construisant ainsi sa propre histoire et sa propre expérience. Cependant, à la fin, ces discours se rassemblent pour former une grande fresque narrative. Inévitablement, dans la perception que le public en a, les événements racontés se rattachent aux actions quotidiennes de l’espace public où les enceintes sont pendues : l’espace virtuel est projeté sur le lieu réel où le projet se déploie. Thor McIntyre-Burnie offre un contrepoint au caractère impersonnel du cyber espace en égrainant des symboles d’activités humaines basiques, dont le feu. Une part importante de l’installation est un ensemble de petits réchauds de bois placés autour des enceintes, chacun réchauffant une théière de cuivre. Son œuvre promeut les valeurs de l’hospitalité, de la

rencontre, et de l’être-ensemble. En effet, le public peut passer tout le temps qu’il souhaite au milieu des enceintes, à écouter les « conteurs » ou à bavarder autour d’un thé. Dans le cas du collectif suisse-allemand Asphalt Piloten, dirigé par la chorégraphe Anna Anderegg, lier espace physique et espace virtuel répond principalement à un impératif ludique. La performance Tape Riot, de ce même collectif, utilise l’espace urbain d’une manière très physique, tout en se saisissant des potentiels artistiques existant dans la mise en relation des villes réelles et virtuelles. Deux danseuses, un DJ et un street artist travaillant avec du scotch se promènent dans un quartier prédéfini. Le plasticien marque certains détails de l’espace urbain avec du scotch noir et « clôt » le lieu où les danseuses exécutent leur improvisation chorégraphique. Le public peut suivre cette performance de deux heures trente depuis le début, la rejoindre plus tard ou encore tomber par hasard sur les artistes. La visibilité du projet étant plutôt aléatoire, la compagnie a ressenti le besoin de réaliser une captation de la performance. Cette dernière, réalisée en direct par un vidéaste, est retransmise sur Internet et les déplacement des artistes sont pistés par un système GPS, permettant aux riverains n’ayant pas suivi la performance depuis le début de localiser facilement le lieu où elle se déroule. À la fin du projet, les traces physiques (graffitis au scotch) restent quelques temps, avant de disparaître, à l’instar d’une œuvre éphémère de street-art. Néanmoins, le film réalisé permet de conserver l’œuvre et de connecter virtuellement entre elles ces traces laissées en différents lieux et en différentes villes.


Real and Virtual Walls Whether video mapping and vertical dance are projected on building walls in number of site specific artwork, some artists use innovations of modern technology in order to create the illusion of an urban cyber space. Fanni NĂĄnay

Asphalt Piloten,Tape Riot. Photo : Vincent Van Hecken.

Art that steps out into public spaces (be it performance art, visual art or a cross-genre experiment) may regard the built environment as inspiration, scenery or background, yet, at the same time it can also use the walls and surfaces in their physical reality. Besides, there are many examples when the artist crosses over into virtual space and considers that as partly or wholly their creative ground.

Real Walls There are two rather popular and widely known ways to use urban wall surfaces for artistic purposes. These, which, in reality, are almost verging on the commercial, are video mapping and vertical dance. Both genres aim to bring technical realization to perfection, consequently they attach primary and often exclusive importance to this, plus to the entertainment and spectacle elements, while the meaning behind the visuality falls into the background. Although these works are strictly site-specific, as they are designed specifically for the physical characteristics of certain buildings or wall surfaces, these projects hardly ever reflect on contexts of the given location other than its physicality (historical, social, cultural). The work does not draw inspiration from the environment, and it is not embedded into it. Those works that are able to place the promising potentials that lie in the entertaining and spectacular 27


1. Crash (2005), U_Raging Standstill (2006), EUX (2008), W (Double U) (2008), Line Up (2009), C.A.P.E. (2010), Terra Nova (2011). 2. As Life Streaming by the Dutch Dries Verhoeven, based on live Internet connection.

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nature of the above mentioned genres, into a deep- of “self-image” and “self-perception”, issues longer context are significantly more exciting. A perfect debated by both neurologists and philosophers. The example of this approach is the work of the French creators use the potential of transferring our selfgroup, KompleXKapharnaüM. The company has perception into a three-dimensional, computer gebeen experimenting with the fusion of various gen- nerated image perceived in a cyber space by clashres of public and multi-media arts, while embedding ing the visualized self and the perceived self with the them into a given urban context. From this point of help of “virtual reality glasses”. In their recent perforview the most perfect example can be PlayRec, a piece mances 1 and interactive installations, CREW has been they premiered in 2006 and adapted thereafter to experimenting with the artistic use of immersive numerous locations. This work explores the collec- technology, and has been exploring the philosophical tive memory of the chosen city district through one issues arising from the latest technological developemblematic building. It creates a unique collage us- ments and neuron-physiology. Their performances ing material remains found on the location (which offer an artistic experience that invites the spectator are being filmed and edited ad hoc in real-time), ar- into a literally omni-directional virtual environment, chival footage, as well as recollections of people who as well as showing them the effects this environment have lived or worked there. The final material of has on perception and self-consciousness. their long research is then presented in the form of The use of other new technological solutions for a collaborative piece by musicians, writers, video and artistic purposes could offer a less real experience visual artists as well as other ones, using the wall of of virtual space. In the performance Remember the the chosen building as a stage. They Good Times by the Dutch-Hungarcan cover the wall with posters, ian company Space, the no longer project strange short videos on it, It is common visible becomes visible with the asacrobats can take over the wall. The experience to see sistance of an augmented reality performance does not tell a story, application called Layar, that could it does not carry specific informa- artwork in the be operated on tablet computers or tion or knowledge, yet it conveys virtual space. smartphones. The basic setting of a peculiar type of insight and atthe production reminds us somemosphere in a very suggestive way, what of the starting point of Playwhich brings the past and present of the location and Rec: it aims to explore the past of a once buzzing, but its surroundings closer to the people. now abandoned building through archival footage The project Flat by Rodrigo Pardo could be con- and the recollections of former workers. However, sidered somewhat the opposite of PlayRec. While the while KompleXKapharnaüM chooses the physical latter created a grand narrative based on the collec- walls of the place as the stage for their presentation, tive memory of a given community, the former re- Space does the same on a virtual surface. lates the “little story” of the little man. In this work The audience members head off one-by-one, he installs the set of a furnished apartment high armed with headphones and a tablet (or a smartonto the wall of a building, and a single actor plays in phone) on which they can see the way a place used this vertical space. Contrary to most of the visuality- to look like in the past, while they stand in an empty based vertical productions, the text (the actor’s in- space. The sound installation or peculiar radio play ner monologue which the audience can listens to in heard during their journey leads them along various earphones) is in Flat an equally important part of the routes, calling parallel stories to life and completes performance. the images appearing on the tablet. Although the Layar application does not enable us to “enter into” Crossing over into the Virtual Space this fictive space, the audience can still “see through” On the one side we have been looking at artistic walls which are thus made transparent. Following a projects based on the physical use of real walls and series of performances the smartphone application urban surfaces. The other side of the coin are the ex- remains at the location, so it becomes possible to periments, where the artwork enables the spectator see the project in the form of a performative exhibito leave physical reality and enter a virtual space or tion even when the creators themselves have left the city, or where virtual reality is projected upon a real place. urban space. One evocative example of entering the virtual The Encounter of Virtual and Real Space space by crossing this invisible wall, is the work of Nowadays it is common experience to see artwork Belgian company CREW. CREW works on the border- in the virtual space. Such are the web-museums, line between art and science, strongly relying on the virtual galleries, and internet-based theatre, which innovations of modern technology, which they use have also been around for a considerable time. Exas tools for aesthetic experiments and reflections. In periments appeared as early as the year 2000 2, which the center of their productions stand the questions used Internet technologies to bring together physi-


cally distant performers and similarly distant audience members in real-time . However, cyber world and (performance) art can affect each other the other way around as well, in which case Internet serves as the source of content for a “real” production, like in 33 Rounds and a Few Seconds, a documentary theatre performance by Rabih Mroue and Lina Saneh from Beirut, which was based on Facebook comments about the suicide of a young Lebanese man. The virtual remarks reflecting on a specific event are transferred from the essentially impersonal and faceless medium of the Internet onto the real stage. The more crucial the event is, the more upsetting effect the performance can have. The effect can be further intensified by placing the “events” of the virtual space not onto a theatre stage, but into the context of a public space. The artwork of the British sound designer Thor McIntyre-Burnie, entitled The Speakers is an installation and an audio-performance at the same time. The artist constructs an installation made up of speakers and other props, hung in some distance from each other, thus creating a “forest” in the middle of a busy public space. From the speakers we hear actors and citizens reading out Tweets and/or Facebook comments related to a certain event (e.g. a demonstration). What fascinates Thor McIntyre-Burnie is to find a way to provide the “voices” that speak in the virtual space, with a real body, or “speaker”. The volume level of the speakers is very low, just like a quiet intimate conversation, or even a whisper, so the audience can only hear and understand each part of the text if they go very close to the speakers. Each audience member visits the speakers in a different order, so they get a different story and experience, however, in the end they unite to form a larger meta-narrative. In the audience’s perception the events of the “spoken story” inevitably link up with the everyday actions of the public space: the virtual place is projected upon the real location, where the project takes place. Thor McIntyre-Burnie counterpoints the impersonal nature of the cyber world with the most basic physical surroundings and human activities, one of which is fire. Important parts of the installation are the small wood-burning stoves placed among the hanging speakers, each heating a copper can filled with tea. His work endorses values such as hospitality, encounter, and being together. Indeed, the audience can spend as much time as they like wandering among the speakers, listening to the “storytellers”, or talking to each other and having tea. In the case of the Swiss-German collective, Asphalt Piloten led by dancer-choreographer Anna Anderegg, the main reason for linking real and cyber space was playfulness. The young company’s performance Tape Riot is, on the one hand, using the urban surfaces in a very physical way, and on the other, it uses the artistic potentials that lie in the linking of

the real and the virtual city. Two dancers, a DJ and a street artist working with sticky tape walk through a chosen area of the city. The visual artist marks certain details of the urban environment with black tape and “fences off” an area where the dancers perform their improvised choreography. The audience can follow the two-and-a-half-hour long performance right from the start, join in later, leave as they go along, as well as bump into the four artists by chance. As the visibility of the project was rather accidental, the need arose in the creators to make a recording of it. So a video artist was assigned to accompany them, whose recordings could be followed online with the help of a GPS system, which also helped in finding the dancers in the city. Once the project was over the physical traces (the “tape-graffities”) remain in place for a while as ephemeral street-art works, but they soon disappear or are removed. However, the films shot at these spots preserve and virtually connect the traces left at the various locations and in various cities.

Benjamin Vandewalle, Birdwatching de 4x4. Photo : Benjamin Vandewalle.

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La ville, participe actif Lire la ville comme un texte, décoder ses signes et jouer avec eux : il s’agit, pour les artistes qui œuvrent dans l’espace public, de dissoudre les frontières de la « représentation ». Dominique Vernis

1. « L’art fait public », entretien avec Joëlle Zask, Mouvement no 60, mai-juin 2013.

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« Je pourrais te dire de combien de marches sont faites les rues en escalier, de quelle forme sont les arcs des portiques, de quelles feuilles de zinc les toits sont recouverts ; mais je sais que ce serait ne rien te dire. Ce n’est pas de cela qu’est faite la ville, mais des relations entre les mesures de son espace et les événements de son passé. » Comme le souligne le personnage de Marco Polo dans Les Villes invisibles d’Italo Calvino, une ville n’est pas seulement faite de façades et de rues, mais aussi de souvenirs collectifs et individuels liés aux lieux. Autant de strates, architecturales et urbanistiques, mais aussi bien immatérielles, qui forgent « l’âme » d’une ville. Bâtiments, édifices, frontons, sont érigés pour marquer le temps, créer des repères qui se voudraient immuables. Emblèmes d’autorité, de pouvoir, qui instituent dans l’espace une visibilité publique. Autant de murs qui créent des frontières symboliques, mais pas infranchissables. Cette vision de la ville, stable, dont l’aménagement dessine des espaces et des modes de circulation, dissimule toutefois une autre ville, beaucoup plus « incertaine », dont les frontières se sont diluées autant qu’elles se sont éclatées. Entre centre et périphéries, entre les quartiers, se dressent parfois des murs invisibles. Le « vivre ensemble » se hérisse de protections plus ou moins avouées. La ville a toujours été un lieu de transactions entre le besoin d’altérité et la recherche d’isolement, l’appartenance à une communauté et le désir d’anonymat. La ville rassure et effraie, simultanément. « Une peur de l'espace nous habite et fait jaillir en nous des murs invisibles », écrit la dramaturge Maya Bösch, qui a précisément tenté, en assumant la codirection du Théâtre du Grütli, à Genève, de « décloisonner » les pratiques artistiques et les espaces de représentation à l’intérieur même du théâtre. En s’extrayant des théâtres, dans les années 1960 et 1970, il s’agissait pour les pionniers du « théâtre de rue » de contester le théâtre bourgeois, « emmuré » dans les conventions du rapport scène/salle : l’espace public devenait le lieu même de la contestation (contre l’impérialisme et la guerre au Vietnam, contre le capitalisme et les multiples formes de l’oppression). Un tel théâtre d’agit-

prop n’est plus guère en vogue aujourd’hui, mais des artistes de toutes disciplines (théâtre, danse, arts de la piste, musique, arts visuels, etc.) font désormais de l’espace public la matière même de leurs créations. Prendre la ville pour ce qu’elle est, consiste alors à mettre en jeu ce sens de la flânerie dont parlait Walter Benjamin et, ainsi qu’il y invitait dans son Livre des passages, à lire la ville comme un texte et à décoder l’ensemble des signes qu’elle propose. Formé de trois artistes italiens, le collectif Zimmerfrei réalise des portraits de villes (Temporary Cities), dont ils explorent les représentations mentales et physiques. À Copenhague, Bruxelles, Budapest ou Marseille, ils choisissent des quartiers excentrés ou en déshérence, et y rencontrent des habitants assez « improbables » qui leur racontent des histoires qui seraient totalement imperceptibles sans ce biais du « témoignage ». Et ce sont des parcelles de vie, autant que de ville, qui s’exposent alors, loin des clichés habituels. Avec le projet Streetwalker Gallery, les artistes slovènes du Ljud Group entreprennent pour leur part de transformer la rue en galerie d’art. Dans l’esprit du ready-made, il s’agit d’utiliser les éléments présents dans l’environnement urbain et de les ériger en « œuvres d’art », offrant ainsi une perception décalée sur des détails que nous ne prenons habituellement pas le temps de regarder. En leur conférant une valeur poétique, à travers des « visites guidées », il s’agit en outre d’effacer les frontières de « l’art » et de désacraliser les « murs » derrière lesquels les œuvres sont généralement exposées. Une démarche qui pourrait trouver place dans ce que la philosophe Joëlle Zask baptise « outdoor art » : « Aller dehors, out of doors, c’est convertir les murs qui limitent le champ de nos expériences en ressources d’expérience. C’est notamment sortir hors de notre petit monde intérieur où tout est sous contrôle : sortir hors de soi et de l’entre-soi. » 1 Les gares sont précisément, dans les villes, des zones-frontières, où l’on s’apprête à sortir (de la ville) ou encore à accueillir ceux qui arrivent. Obstacle et passage, contrôle et échange. Pour accéder à la gare de Marseille Saint-Charles, un majestueux escalier fait office de seuil. Dans le cadre du projet Métamorphoses initié par Lieux publics, la chorégraphe Jany Jérémie y a conçu des duos fantaisistes et singuliers, en même temps qu’elle lançait un appel aux « amateurs » pour se joindre à l’aventure. L’un des lieux les plus empruntés de Marseille devient ainsi le théâtre d’un nouvel art de ville. Où, là aussi, s’évanouissent les frontières de la représentation.


Conjugating the town Reading the town as a text, decoding its signs and playing creatively with them: for those artists who work in public space this is a question of dissolving the boundaries of “representation”. Dominique Vernis Translated by Sarah Jane Mellor 1. “L’art fait public”, interview with Joëlle Zask, Mouvement, no 60, May-June 2013 issue

“I could tell you how many steps make up the streets rising like stairways, and the degree of the arcades' curves, and what kind of zinc scales cover the roofs; but I already know this would be the same as telling you nothing. The city does not consist of this, but of relationships between the measurements of its space and the events of its past…” As the character of Marco Polo points out in Invisible cities by Italo Calvino, a town is not merely made up of façades of buildings and streets, but also comprises the collective and individual memories linked to these spaces and places. As many layers, of architectural and urban strata but also immaterial ones which forge the “soul” of a town. Buildings, edifices, pediments are erected to mark an imprint on time, to create anchorage points which are intended to be immutable. Emblems of authority, of power, which establish a public visibility in urban space – like so many walls which create symbolic demarcations but which are not impassable. This vision of the town, of its stability, whose lay-out map out spaces, modes and patterns of traffic, conceals, however, another town, much more “uncertain”, whose boundaries have been eroded as much as they have been fragmented. Between the centre and the periphery, between districts, there are sometimes invisible walls. “Living together” bristles with more or less acknowledged means of protection. The town has always been a place where trade-offs take place between the need for otherness and the quest for isolation, belonging to a community and the wish for anonymity. The town simultaneously reassures and frightens people. “A fear of space, possesses us and throws up within us invisible walls”, writes the playwright Maya Bösch, who specifically endeavoured, upon assuming the joint management of the Grütli theatre in Geneva, to “decompartmentalise” the artistic practices and representational spaces within the theatre itself. By moving outside the theatres in the 60's and 70's, the pioneers of “street theatre” sought to challenge the bourgeois theatre, walled up in, imprisoned in the conventions of the relationship between the stage and the theatre’s public seating arrangements: public space was to become the battleground for protest (against imperialism and the Vietnam War, against capitalism and the multiple

shapes and forms of oppression). Such a type of agitprop theatre is no longer fashionable today, but artists from all disciplines (theatre, dancing, circus arts, music, visual arts etc.) now make public spaces the very substance, the raw material of their creations. Taking the town for what it is, consists, therefore, in staging, in depicting this sense of wandering about and exploration of topography which Walter Benjamin spoke of, and just as he urged his readers in his book Passages to read the town as a text and decode the semiotics, the skein of signs and symbols that it offers. Comprising three Italian artists, the Zimmerfrei collective has been engaged in the portrayal of towns and cities (Temporary Cities), whose mental and physical representations they explore. In Copenhagen, Brussels, Budapest or Marseilles , they choose outlying or run-down, derelict quarters, meeting pretty “unlikely” inhabitants who narrate their stories which would be totally imperceptible without this process of “chronicling and bearing witness”. These are living close-ups, as well as slices of town life which are exhibited far from the usual clichés. With the Streetwalker Gallery project, Slovenian artists from the Ljud Group seek to transform the street into an art gallery. In the “ready made” spirit, this involves using the elements present in the urban environment and setting them up as “works of art”, thus viewing details in a novel and transfigured way. By conferring on them a poetic value through these “guided tours”, the frontiers of “art” are erased and the walls behind which works of art are generally exhibited are desacralised. This is an approach which could fit in with what the philosopher Joëlle Zask refers to as “outdoor art”. “Going outside, out of doors, entails converting the walls, which constrain and limit the scope of our experiences, into resources for experience. This means in particular leaving behind our own microcosm, our own miniature internal world where everything is under control: taking leave of ourselves and of each other.” 1 Railway stations in towns are specifically border zones, which we prepare to depart (leaving the town) or welcome and greet those who arrive. They both stand as an obstacle in our way and constitute a crossing point, a point of control and exchange. To gain access to Marseille’s Saint-Charles railway station, there is a majestic flight of steps which does duty as a gateway or threshold. During Métamorphoses, choreographer Jany Jérémie has designed fantastically imaginative and striking duos, while at the same time appealing to “amateurs” to join this adventure. Thus, one of the most frequented places in Marseilles becomes the theatre where a new town art form is staged. Where, there too, boundaries and frontiers delineating what is staged vanish and dissolve into thin air. 31


VILLES éphémères EN EUROPE Entretien croisé Olivier Grossetête/Zimmerfrei

Olivier Grossetête et le collectif Zimmerfrei (Massimo Carozzi, Anna de Manincor et Anna Rispoli) construisent des villes « temporaires » : La Ville éphémère et Temporary Cities, deux projets du réseau IN SITU. Quand l’un crée du commun par la construction de murs réels en cartons, l’autre propose une vision rêvée de la ville. Réflexions d’artistes sur les murs invisibles qui segmentent nos villes. Ariane Bieou, Quentin Guisgand et Jasmine Lebert

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Jasmine Lebert : Pourquoi travaillez-vous sur la ville et en quoi la ville contemporaine est-elle une source d’inspiration selon vous ? Anna Rispoli : « La ville définit notre condition contemporaine. Pas seulement en raison des faits démographiques qui montrent que la condition urbaine est une nouvelle façon d’être humain mais aussi parce que celle-ci est sans cesse en train de se redéfinir. Nous sommes obligés d’inventer une nouvelle façon de négocier avec l’autre : comment entre-t-on en relation avec les autres qui ne sont pas seulement de provenances ethniques, géographiques et linguistiques différentes, mais aussi porteurs d’autres façons de vivre, d’autres villes possibles qui coexistent. On traverse constamment plusieurs villes, plusieurs conditions urbaines. Certaines sont cachées, certaines sont davantage visibles. En ce qui nous concerne, nous nous intéressons aux villes cachées, souterraines ou plus ou moins éphémères. Olivier Grossetête : « La ville, est l’endroit où je vis et où j’ai toujours grandi. Elle induit nos comportements. Son organisation nous structure. Elle est pleine de signes et de symboles, avec lesquels je veux jouer. Au départ, je suis parti des bâtiments et de la construction. Mon but était de déranger les images fixes de la ville et de proposer une autre façon de vivre ensemble. C’est pourquoi je me suis intéressé à l’architecture comme symbole ou image du pouvoir. Travailler dans l’espace public, c’est travailler dans un rapport aux autres et donc dans des liens de pouvoir. L’une de mes premières constructions a consisté à adjoindre deux tours en carton à une mairie. Il s’agissait clairement d’interroger le symbole du pouvoir pour le détourner avec l’aide des gens et d’un matériau dit “pauvre”. Anna de Manincor : « Quand on arrive dans une nouvelle ville, la première chose que l’on fait c’est s’y promener et regarder les choses visibles. La seconde, c’est traverser les murs en imagination. Avec cette imagination d’enfant qui consiste à regarder une fenêtre tout en croyant voir l’appartement tout entier. C’est ainsi que s’inventent les histoires. Celles-ci deviennent des petits films souterrains à partir desquels nous pouvons vérifier si les images qui nous ont traversés peuvent se cristalliser en réalités ou pas. Nos documentaires ne sont pas de vrais documentaires. Ils n’expliquent pas, ne révèlent pas, ils sont des créations qui s’appuient sur des données matérielles. La ville est plutôt un objet matériel qui s’impose à la vision.


Quentin Guisgand : Anna, tu parles de « villes vant ne nous permet pas de gérer les conséquences souterraines » dans votre travail. Quels pourraient de nos actions sur la longue durée. Que signifie “intervention temporaire” ? Qu’elle est la responsabilité en être les « murs invisibles » ? Anna Rispoli : « Je n’ai pas participé aux deux do- éthique et politique de ce type d’action ? Olivier Grossetête : « Bien sûr, il y a l’“après”, cumentaires de Copenhague et de Budapest. Je porte donc sur eux un regard à la fois intérieur et extérieur. mais j’estime que si ce type d’action crée du désir, Mais ces murs invisibles sont aussi ceux de la repré- c’est déjà bien. L’art, c’est du désir et le désir, c’est de sentation de soi vis-a-vis de l’autre. Ces documentai- la vie. Dire à quelqu’un : “J’ai besoin de toi”, c’est déjà lui res touchent la limite entre le privé et le public : la offrir quelque chose et cela peut créer du désir. représentation de soi par rapport à la communauté Quentin Guisgand : Dans vos travaux, il y a du et la définition de cette dernière. La grande liberté de nos documentaires tient à la possibilité de s’imaginer mouvement. Comment rendez-vous vos « villes à une autre place au sein d’un espace urbain partagé. éphémères » habitées et vivables ? Anna Rispoli : « Nous créons, à l’intérieur d’une C’est à travers l’évocation de ces désirs et de ces projections, que l’on peut se réapproprier ces espaces ville, un point de vue qui est aussi un point d’écoute. Une position d’où nous essayons de cadrer une possipartagés. Olivier Grossetête : « Dans une ville, ce qui me bilité du réel dans laquelle il y a un chaos incroyable. fait souffrir, c’est d’être entouré de plein de monde Alors, comment ce chaos traverse le réel ? Comment et, dans le même temps, seul. Plus la ville est grande, l’invisible devient-il visible ? Nous nous autorisons à plus on est seul, plus il est dur d’entrer en contact avec nous laisser surprendre par des regards étrangers. À Copenhague, vous aviez choisi une les autres. Là s’élèvent nos murs incolline au sommet de laquelle vous visibles qui créent de la souffrance. avez attendu que quelque chose arPar mes projets, je suis amené à vi- La ville est rive… siter des villes différentes et j’y fais un objet matériel Anna de Manincor : « Oui. Et chaque fois la même expérience de ce sont les gens qui sont venus vers la solitude. Mon processus ne chan- qui s’impose nous. J’ai commencé toute seule, ge pas d’une ville à l’autre, c’est le à la vision. j’ai filmé le rien, j’ai cadré des virapport à l’espace et aux formes qui sions qui ne sauraient se réduire à change. Pour casser ces murs invisibles, je mets en place des ateliers qui permettent de une dramaturgie. Tout le contraire du film d’enquête créer du lien en travaillant. Faire des choses ensem- où l’on questionne les gens et attend des réponble est une façon de se rencontrer. Voilà ma straté- ses qui viennent confirmer une hypothèse. Quand gie. D’abord, c’est “passe-moi le scotch”. Au bout d’un quelqu’un s’intéresse à la chose invisible que tu es en train de faire, il s’approche et vient avec des histoires certain temps, il en résulte un dialogue. à te raconter sans que tu ne lui aies rien demandé. Quentin Guisgand : La fiction est-elle une façon Les gens n’ont habituellement pas envie d’être filmés, ils ne veulent instinctivement pas devenir des de briser ces murs ? Ou de les souligner peut-être ? Olivier Grossetête : « Je crée d’autres murs pour personnages. Mais nous ne les filmons pas directecasser les murs virtuels. Au moins pendant un temps. ment. Nous cadrons un édifice et nous en parlons On crée des liens étonnants. Pour proposer autre avec eux. Nous sommes du même côté de la caméra chose, pas forcément pour lutter contre. L’art est là et nous regardons dans la même direction. La camépour faire des propositions un peu différentes. Pour ra ne représente plus une frontière entre nous. Nous permettre un certain recul vis-à-vis de la ville et de la construisons une réalité temporaire et décalée. Nous pouvons alors nous entretenir sur ce qu’il y avait avant relation quotidienne que l'on entretient avec elle. Anna Rispoli : « Le mur invisible le plus dange- et que l’on ne peut plus voir, sur ce qui sera construit reux est peut-être le territoire marécageux de la et que l’on ne peut pas encore voir. C’est seulement réappropriation artistique. On parle des questions après un long temps que je peux commencer à filmer urbanistiques, du développement urbain, de la gen- la personne, sa figure et son corps. Elle devient alors trification, mais le travail que les artistes sont invités à coauteure du film. Olivier Grossetête : « Le mouvement dans mes faire parle de questions bien plus larges et bien plus incontrôlables. Nous sommes conscients que le gros constructions vient d’abord du fait que l’on construit. boom de ces dernières années en faveur de l’art au On est dans le faire, c’est cela qui crée du mouvesein de l’espace public, que cette invitation faite aux ment. Au départ, je voulais fabriquer mes trucs dans artistes de prendre en charge la revalorisation du lien mon coin et tout maîtriser. Mais en faisant appel aux social dans l’espace public est géniale. Elle offre d’in- autres, j’ai été obligé de lâcher prise, ce qui laisse une croyables possibilités pour briser certains murs. Mais place à la vie. Dans mon processus, j’arrive seul dans elle cache aussi les choses que nous ne parvenons pas une ville et j’essaie de rencontrer des gens, de les moà contrôler. D’autant que l’économie du spectacle vi- tiver, de voir ceux qui sont les plus aptes pour leur

Page de gauche : Olivier Grossetête, Pont suspendu, 2007. Photo : Olivier Grossetête.

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donner des responsabilités. Je suis seul et j’en souffre. Mais c’est aussi une force. Je tiens à ma solitude, elle me permet d’aller vers l’autre. Quand on est deux, on forme une entité moins perméable. Le fait d’être seul te rend disponible aux autres.

Le collectif Zimmerfrei en tournage à Nuoro (Sardaigne), 2006. Photo : Elisa Mannu.

Ceux qui veulent dormir la nuit dans les constructions le pourront… Mais les questions de sécurité ne sont pas évidentes. Dès que l’on ferme un lieu, il y a des contraintes de sécurité importantes. Cela implique d’allouer un budget pour le gardiennage, afin de laisser vivre la ville tout en veillant à ce qu’il n’y ait pas de risques. À Marseille, la ville ne peut être laissée sans contrôle. Mais idéalement, elle vivrait par elle-même. Je n’ai pas envie d’y poser des barrières la nuit. Elle devrait être un objet qui m’échappe.

Ariane Bieou : Mais le mouvement dans tes villes est aussi physique, par le déplacement des bâtiments… Olivier Grossetête : « Le jeu qui consiste à déplacer des bâtiments m’intéresse. À Chalon-sur-Saône, Quentin Guisgand : Vos travaux sont accompaoù le sol était en pente, on a dû déplacer la construction pour la remettre à niveau. Il s’agissait donc plutôt gnés par le réseau IN SITU, ce qui vous amène à trad’une mise en place. Mais c’était beau aussi. à Mar- verser les frontières. Quelle vision cette itinérance seille, pour la première fois, je m’apprête à construi- vous a-t-elle donné de l’Europe ? Olivier Grossetête : « Chaque ville possède une re une ville entière. On planifie une moyenne de cinq constructions par jour. Le premier jour, on essaiera énergie collective propre. Je serai toujours surpris par la façon dont se comportent peut-être d’en faire dix petites qui les gens. C’est à Annecy que j’ai fait grandiront quand il y aura plus de l’une de mes premières construcmonde. La construction ne restera Ce qui manque en tions. À la fin, après la destruction, pas figée. Il y a une part d’improvi- Europe, c’est une on a remis tous les cartons à plat et sation. S’il y a trois jours de mistral, il ne restait plus un scotch par teron ne pourra pas faire des bâti- narration partagée. re. Si tu fais cela à Marseille, cela ne ments très élevés. On pourra étaler la ville et la faire monter après. Il en naîtra des histoi- sera pas du tout pareil ! Lancer un chantier en Écosse a été une entreprise laborieuse. Puis l’expérience a res que l’on ne maîtrisera pas. pris. Anna Rispoli : « La seule fois que nous nous somJasmine Lebert : Comment gères-tu la confrontation entre espaces publics et espaces privés dans mes vraiment sentis européens, c’était en résidence à la construction de ta ville éphémère ? Tout est es- New York. Cette notion d’Européen échappe encore à toute identification. Faire le lien entre les villes europace public ou y a t-il une place pour l’individu ? Olivier Grossetête : « L’espace sera avant tout pu- péennes et tracer une identité à partir de là ? L’idenblic, car construire, c’est rassembler des gens. Après, tité européenne est une chose encore très floue pour chacun se fera sa propre histoire. Le rapport au pri- moi. Ce qui manque en Europe, c’est un récit de soi, vé se situe plutôt dans le vécu de chaque personne. une narration partagée, comme aux États-Unis. Pour cela, les Américains se sont appuyés sur une fiction, celle des terres vierges, du Nouveau monde… Quentin Guisgand : Envisagez-vous une narration européenne composée de vos Temporary Cities ? Anna de Manincor : « Il est vrai que nous transportons un regard qui génère des liens. Nous arrivons dans une ville riche des suggestions que la ville précédente nous a inspirées. Il se produit comme un transfert de suggestions et de désirs. Certaines sont nées dans une ville, se sont interrompues, puis ressurgissent dans une autre ville. À Budapest nous cherchions des édifices squelettes, ceux dont l’on perçoit la structure de l’extérieur. Comme nous n’en avons trouvé aucun, le film souterrain s’est déplacé vers les édifices fantômes. Anna Rispoli : « Mais nous en avons trouvé rue de la République, ici à Marseille. Anna de Manincor : « Oui. Et nous allons continuer à parler de Budapest maintenant que nous sommes à Marseille. Et nous parlerons de Marseille lorsque nous irons ailleurs. Nous charrions avec nous des sujets sans doute décalés dans le temps. »

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Fleeting cities IN EUROPE Crosstalk dialogue Olivier Grossetête/Zimmerfrei

Olivier Grossetête and Zimmerfrei collective build “fleeting” cities: The Ephemeral City and Temporary Cities, two IN SITU projects. As one creates common sense by building real cardboard walls, the other offers a dream version of the city. Artist's reflection about the invisible walls dividing our towns. Ariane Bieou, Quentin Guisgand and Jasmine Lebert Translated by Sarah Jane Mellor

Zimmerfrei,The Hill. Photo : Thomas Seest.

Jasmine Lebert: Why are you working on the theme of the city and why are contemporary cities a source of inspiration for you? Anna Rispoli: “Cities define our condition as contemporary citizens. Not only because of demographic facts and realities which show that the urban

condition is a new way of being human but also because the nature of towns is constantly reshaping its definition. We are compelled to invent a new means of relating to other people: how can we forge a relationship with other human beings who are not only from different ethnic, geographical and language backgrounds but who also constitute vectors of other ways of living, other conceivable cities which coexist? We constantly range across several towns, several urban dwelling conditions. Some are hidden whereas others are more visible. As far as we are concerned, we are interested in concealed, subterranean or more or less fleeting cities. Olivier Grossetête: “The town is where I live, where I have been born and raised. It engenders our behaviour patterns. Its organisation structures us. Cities are pregnant with semiotic symbols. I want to play with those signs. I started out with buildings and construction. My goal was to upset the fixed images of the city and suggest another way of living 35


together. That’s why I became interested in architec- First of all, it’s “please hand me the cellotape”, then, ture as a symbol of power. Working in public space after a while, a dialogue ensues. means working in a specific relationship to others and Quentin Guisgand: Is fiction a way to demolish therefore in power relations. One of my first artificial constructs consisted in juxtaposing two cardboard to- these walls or to point them out, perhaps? Olivier Grossetête: “I create other walls to bring wers to a town hall. This clearly involved calling into question the symbol of power in order to subvert it down these virtual walls. At least, for a while. We create links which surprise so as to propose something with people’s help and a so-called 'poor' material. Anna de Manincor: “When we arrive in a new else and not necessarily to combat this. Art is there town, the first thing we do is to walk around and to put forward propositions which stand out somecontemplate visible things. Afterwards we traverse what, to enable us to stand back from the city and rethe walls in our imagination. With a child’s imagina- assess our daily relationship with it. Anna Rispoli: “The most insidious invisible wall tive power which consists in looking in at a window while believing it’s possible to see the whole of the is perhaps the swampy territory of artistic reapproflat. That’s how we come up with stories. These turn priation. We speak of city planning issues, urban development, or gentrification into short subterranean films from but the work that artists are called which we can ascertain whether upon to do deals with wider issues the pictorial representations which Evoking desires to and much more uncontrollable have welled up within us can crys- reappropriate for ones. We are aware of the stroke of tallise out into reality or not. Our genius behind the huge boom of documentaries are not true docu- ourselves those the past few years in favour of art mentaries. They do not explain or shared spaces. in public spaces, of this challenging reveal, they are created constructs appeal to artists to assume the misbased on material data. The city is rather a material object which forces itself into sion of revitalising social links in public spaces. This offers enormous scope to break down some walls. our view. But it also harbours concealed within it things that Quentin Guisgand: Anna, you referred to “sub- we can’t manage to control, especially as the ecoterranean cities” in your work. What might consti- nomics of performing arts doesn’t enable us to manage the consequences of our actions in the long tute their “invisible walls”? Anna Rispoli: “I didn’t take part in the two docu- term. What does “temporary intervention” mean? mentaries of Copenhagen and Budapest. Therefore What is the ethical and political responsibility of this I can visualise them both in an internal and external type of action? Olivier Grossetête: “Of course, there is “what way. But these invisible walls are also those of ones self-representation faced with the others. These docu- comes after” but I believe that if this type of action mentaries impinge on the tangible limit between creates desire, then it is already good. Art is desire private and public spaces: self-representation in re- and desire is life. Saying to someone, “I need you” allation to the community and the boundaries defin- ready entails offering that person something and ing this community. The great freedom of our docu- that can create desire. mentaries lies in the possibility of imagining oneself Quentin Guisgand: There is movement in your elsewhere, in another place within a shared urban space. It’s by evoking and conjuring up these desires work. How do you make your “fleeting cities” inand these projections that we can reappropriate for habited and liveable? Anna Rispoli: “We create within a city a viewing ourselves these shared spaces. Olivier Grossetête: “In a city, what makes me point which is also a listening point. This is a position suffer, is being in the midst of such a multitude of from which we endeavour to establish a possibility of people and simultaneously feeling alone. The big- something real, in which there is an unbelievable deger the city, the greater ones loneliness, the harder gree of chaos. So, how does this chaos traverse what it is to make real contact with others. It’s precisely is real? How does what is invisible become visible? there that rise our painful invisible walls. Thanks to We allow ourselves to be surprised by the gaze of my projects I visit different towns and each and every strangers. In Copenhagen you chose a hill where you time I experience the same feeling of solitude. My waited for something to occur… Anna de Manincor: “Yes and it’s the people procedural way of working doesn’t change from one town to another. It’s the relationship to space and themselves who approached us. I started by myself. shapes which changes. In order to break down these I filmed nothingness; I framed within camera shot invisible walls I set up workshops which enable me to visions which could not be reduced to a sequence forge interpersonal links. Doing things collectively is of dramatic narrative. It was precisely the opposite a way to meet up with others. That’s my game plan. of an investigative film where you put questions to 36


people, expecting answers that confirm an hypothesis. When someone becomes interested in the invisible thing that you are doing, they approach you and come up with stories to tell you without you having to ask them. Normally, people don’t appreciate being filmed unless they are already characters themselves. But we don’t film them directly. We frame a shot of a building and we speak with them about it. We are on the same side of the camera and we look in the same direction. The camera no longer represents a barrier. We construct a temporary, displaced reality. Therefore we can discuss our points of view on what was there previously that we can no longer visualise, what is in the process of being built that can’t yet be seen. It’s only after a while that I can begin to film the individual, his face and his body. This person then becomes the co-author of the film. Olivier Grossetête: “Movement in my constructions stems primarily from the fact that we construct them. We are involved in making them, that’s what creates the movement. From the outset, I wanted to manufacture my things by myself and master everything. But by bringing in other people I was forced to relinquish this control, which makes room for life. In my creative process, I arrive by myself in a town, try to meet people and motivate them, to single out the most capable ones to leave them responsibilities. I am alone and I suffer from this state. But this is also a strength. I’m attached to my solitude, it enables me to approach others. When there are two of us we form a less permeable entity. The fact of being alone makes you available for others. Ariane Bieou: But the movement in your towns is also physical, as the buildings move… Olivier Grossetête: “I’m interested in the game of moving the buildings around. At Chalon-sur-Saône, where the ground was sloping, we had to shift the building to put it at the right level. It was rather a question of setting it up. But it was also beautiful. In Marseilles, for the first time I am gearing up to building an entire city. We plan an average of five constructions per day. On the first day, we will perhaps try to make ten small ones which will grow when there are more people around. The construction won’t remain static. Improvisation will play a part. If the Mistral blows for three days we won’t be able to make very high buildings. We will be able to spread out the town and subsequently reach for the sky. Unmasterable stories will emerge from this. Jasmine Lebert: How do you cope with the clash between public and private spaces in the building of your fleeting city? Is everything comprised of public space or is there space for the individual? Olivier Grossetête: “The space will be above all public since the act of building means gathering people together. Afterwards each individual will create

his own story. The relationship to what is private lies rather in each person’s individual experience. Those who want to sleep in the constructions at night will be allowed to… but the safety issues are not obvious. As soon as you enclose a space, far-reaching security constraints arise. This involves allocating a budget to supervise the place in order to let the town come alive while also ensuring that there is no risk. In Marseilles we can’t leave the town unsupervised. But, ideally, the town will fend for itself and I don’t want to put up barriers at night. It must be an object that is free to escape itself from my control. Quentin Guisgand: Your work is accompanied by the IN SITU network which means that you are sometimes led to cross international borders. What vision of Europe has this nomadic wandering instilled in you? Olivier Grossetête: “Every town has its very own collective energy. I will always be astonished by the way people behave. I made one of my first constructions at Annecy. After its destruction, we laid out all the cardboard and there was no adhesive tape left on the ground. If you do that in Marseilles it won’t be the same at all! Embarking on a construction site in Scotland was a laborious undertaking. Then the experiment caught . Anna Rispoli: “The only time we really felt that we were Europeans was in New York. This notion of being European still defies definition. Establishing a link between European cities and tracing an identity from them? European identity is still a hazy thing for me. What is lacking in Europe is a history of the self, a shared personal narrative, akin to what exists in the United States of America. To achieve that, the Americans based their approach on a fictional identity, that of virgin land, of the New World… Quentin Guisgand: And a European narrative comprising your Temporary Cities? Anna de Manincor: “Admittedly we convey with us a gaze which generates links. We turn up in a town, replete with suggestions that the previous city has inspired in us. Then something like a transfer of these suggestions and desire takes place. Some arose in a town, petered out, then resurface in another town. In Budapest we looked for skeletons of buildings, whose structure can be perceived from the outside. As we found none, the underground film shifted to phantom buildings. Anna Rispoli: “But we did indeed find some in the rue de la République, here in Marseilles. Anne de Manincor: “Yes and we’ll continue talking about Budapest now we are in Marseilles and we will speak about Marseilles when we will travel elsewhere. We drag from place to place, perpetuate within ourselves subjects which are undoubtedly anachronistic.” 37


Invisible Walls, Forum IN SITU À Marseille et à Košice, pour les dix ans du réseau IN SITU, deux conférences, « Invisible walls » et « Shared cities » viendront proposer des liens inattendus afin d’inventer de nouvelles façons d’impliquer artistes et citoyens dans l’espace public.

insolites concernant la création artistique dans l’espace public, afin d’inventer de nouvelles façons d’y engager artistes et citoyens.

Košice 2013, Villes en partage Du 22 au 26 mai, Košice 2013, Capitale européenne de la culture organisera la 5e édition du festival Use the City (Utiliser la ville). à cette occasion, cette ville accueillera une conférence européenne Richard Polácek intitulée « Shared Cities » (Villes en partage). La conTraduit par Pierre Covos férence partira de l’idée que l’espace public est enPour célébrer le dixième anniversaire du réseau core trop peu investi par la population, notamment IN SITU et sa solide présence dans les villes et les pay- dans les pays d’Europe centrale et de l’Est. Pour ausages de la culture européenne, les membres d’IN tant, la conférence n’aura pas uniquement pour obSITU, Lieux publics et Košice 2013, organisent cette jectif de discuter de l’élargissement du public ou des année deux conférences qui se tiendront dans les Ca- moyens permettant de rendre plus accessible l’art pitales européennes de la culture 2013 : Marseille et présenté dans l’espace public. Son objectif est plus Košice. Deux colloques auront lieu dans le cadre du ambitieux. Dans un contexte de crise démocratique, projet META 2011-2016, dirigé par le réseau IN SITU et la conférence entend apporter aux organisateurs de festivals et aux artistes qui créent dans la sphère financé par la Commission européenne. Malgré la distance géographique qui les sépare, publique, des pistes pour répondre à la demande de ces villes, situées en deux points opposés de l’espace plus en plus pressante des citoyens de réinvestir et européen, ont décidé de coopérer en vue de conce- se réapproprier leur territoire à l’échelle locale. Dans voir un programme complémentaire qui permettra quelle mesure le public est-il déjà engagé de façon active dans des projets artistiques et participe-t-il aux deux événements de s’enrichir mutuellement. Ces conférences abordent la question de la pla- à l’élaboration des programmes de festivals organisés dans l’espace public à travers ce de l’art dans l’espace public, en l’Europe, en vue se réapproprier essayant de trouver des réponses cet espace ? Des membres du réaux questions cruciales qui se po- Réfléchir à la seau IN SITU présenteront un large sent aujourd’hui dans les sociétés pérennité des éventail de pratiques et de projets européennes : comment créer un d’art participatif dans différents espace commun véritablement manifestations domaines et discuteront des quesdémocratique dans lequel les ci- d'art public. tions soulevées par l’approche partoyens pourraient se rencontrer, ticipative. L’une des grandes probtravailler, échanger et dépasser les « murs invisibles » de la séparation et de la sé- lématiques sous-jacentes de la conférence est celle grégation ? Ou encore : comment insuffler chez les de la profondeur que doivent avoir la coopération citoyens le désir de s’approprier et de façonner cet et la co-création entre les artistes et le public. Quels sont les enjeux, les limites et les clés de réussite d’une espace commun ? Autre lien entre les deux événements : Košice et telle coopération ? L’un des autres objectifs sous-jacents est d’amener Marseille présenteront en parallèle La Ville éphémère (The Fleeting City), un projet participatif à grande les artistes et les organisateurs de festivals à réfléchir à échelle dirigé par l’artiste Olivier Grossetête. Cette la façon dont les manifestations d’art public peuvent ville extensible en carton constituera le cadre d’une gagner en pérennité, non seulement en proposant agora où orateurs et participants seront invités à ex- de nouvelles représentations, mais aussi en créant de poser leurs idées à un large public. Les deux confé- nouveaux liens avec le public et en promouvant une rences s’inspirent indubitablement de l’approche nouvelle vision dans laquelle les citoyens pourraient artistique d’Olivier Grossetête : proposer des liens vivre une authentique expérience démocratique en inattendus ainsi que des perspectives nouvelles et façonnant un espace public partagé.

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La conférence sera ouverte au public de Košice et de sa région. Grâce au soutien du projet Radio Mobile de l’artiste allemand Marold Langer-Philippsen, le contenu de la conférence sera diffusé en direct dans l’espace public et les réactions du public seront retransmises en temps réel aux participants de la conférence. Marseille, Murs invisibles Lieux publics et IN SITU organiseront les 3 et 4 octobre 2013 à Marseille un forum européen intitulé « Murs invisibles ». Lors de cet événement, des chercheurs, artistes, organisateurs de festivals, responsables politiques et représentants du secteur privé échangeront leurs points de vue et s’interrogeront sur les nouvelles relations qui peuvent être établies entre l’art et l’espace public dans l’Europe d’aujourd’hui. Plus de vingt ans après la chute du Rideau de fer, de nouveaux « murs invisibles » séparent les sociétés européennes qui, laminées par des crises

économiques et financières, des fractures sociales, sont amenées à s’interroger sur leur identité dans un monde globalisé. Dans ce contexte, le forum sera l’occasion d’échanger et d’engager des discussions passionnantes en six sessions organisées autour d’autant de thèmes : Espaces publics : hors les murs Du nord au sud et d’est en ouest, différentes notions et dimensions de l’espace public coexistent en Europe. Chercheurs, artistes, politiques et urbanistes seront ainsi appelés à croiser leurs définitions et leurs visions de l’espace public, notamment dans les zones urbaines. Nous verrons ainsi, à travers cette session, comment les artistes jouent avec la ville et comment ces espaces de jeu sont intégrés à la ville, comment les citoyens y prennent part, comment les urbanistes pensent la ville de demain et comment l'espace urbain devient le théâtre de nouveaux enjeux par l'art.

Pierre Delavie, Détournement de Canebière, sur la façade du Palais de la Bourse, Chambre de Commerce et d'Industrie, Marseille. Photo : Vincent Lucas.

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Page de droite : Ljud group, Streetwalker Gallery. Photo : Katarina Zalar.

d'artistes et d'opérateurs culturels sont convaincus de la nécessité de transformer leurs modes de travail et leurs pratiques de coopération en Europe. Cette session sera une opportunité, pour ces opérateurs culturels et artistes déjà engagés dans cette voie, de partager leurs expériences et visions, dans le but de créer un nouveau modèle économique pour la culture qui serait créatif, durable, inclusif et au service de la création artistique. Pour rendre cet événement aussi interactif et dynamique que possible, IN SITU a décidé d’organiser la conférence selon un format novateur en propoAccès aux œuvres : briser le mur de verre Malgré la popularité croissante de l'art en es- sant de courtes présentations d’exemples provenant pace public, des barrières psychlogiques persistent, de toute l’Europe. Dans le même temps, le public questionnant l'accessibilité à l'art par un large pu- sera étroitement associé aux débats et la modération blic, enjeu majeur pour la création contemporaine. sera assurée par une équipe dynamique de journalisà partir de l'expérience du réseau IN SITU et de ses tes polyglottes. Ce sont donc deux grandes conférences qui semembres, cette session explorera les nouvelles voies d'implication des citoyens dans un nouveau rapport ront organisées dans les Capitales européennes de à la création et à son contexte : la ville et le paysage la culture : l’une à la frontière orientale de l’Union européenne et l’autre à sa frontière sud. Les deux environnant. événements visent à apporter de nouvelles perspectiLe droit à l’intervention artistique en espace pu- ves quant à la capacité de la création in situ à soulever des questions pertinentes et à apporter des solutions blic : protéger ou limiter ? Au fil des années, les règles autour de l’utilisation alternatives aux défis cruciaux auxquels les sociétés européennes sont aujourd’hui et du partage de l’espace public ont confrontées. Pour en débattre, pluaugmenté de manière exponentielsieurs orateurs prestigieux particile. En conséquence, l’organisation Comment insuffler peront à ces conférences. La créade spectacles et d’interventions ar- le désir de tivité et l’innovation nécessaires tistiques en milieu urbain et paysapour relever les défis de la création ger est ainsi devenue plus difficile façonner un espace artistique dans l’espace public en et plus couteuse pour les structures commun ? Europe ne pourront venir que de organisatrices, souvent au détril’intérieur. C’est en dépassant les ment de la création artistique. IN SITU souhaite élaborer une charte commune entre frontières, y compris celles des murs invisibles qui politiques, organisateurs et artistes afin de faciliter le nous séparent, que nous pourrons faire émerger de travail de ces derniers tout en préservant les impéra- nouvelles perspectives enrichissantes. tifs légitimes des premiers, afin de faire de la sphère publique un espace pacifié de partage et d’audace. Les programmes détaillés et actualisés des La ville traversée : démarcations sociales et frontières géographiques Les villes contemporaines sont traversées par des lignes de tension où divers groupes sociaux sont confrontés les uns aux autres et négocient entre eux le partage d'un espace donné. Cette session aborde comment les artistes questionnent aujourd’hui ces frontières de façon sensible et originale, en en soulignant les modèles dominants et en inventant de nouvelles façons de vivre ensemble.

Géopolitique : où est le Mur de Berlin ? Vingt ans après la chute du rideau de fer, l’Europe est divisée par de nouvelles tensions et lignes de fractures : des frontières invisibles entre le nord et le sud et entre l'est et l'ouest sont apparues. à l'intérieur des villes, des divisions territoriales et sociales fractionnent l'espace public. Cette session pose la question de la coopération culturelle en Europe et de la manière dont elle déjoue ces tensions et différences, quelles en sont les forces et les limites, et comment son élargissement au-delà de l'Europe peut apporter une autre vision. Modèles en crise : faire le mur La crise financière et économique que nous traversons interroge profondément nos façons de penser la société de demain. à l’aune des défis écologiques, économiques et sociaux actuels, de plus en plus 40

conférences sont disponibles aux adresses suivantes : Košice 2013 et IN SITU - Villes en partage : www.usethecity.sk Lieux publics et IN SITU - Murs invisibles : www.lieuxpublics.com et www.in-situ.info


Invisible Walls, an IN SITU FORUM In Marseilles and Kosice, for the 10th anniversary of the IN SITU network, two conferences will propose unexpected links in order to invent new ways to involve artists and citizens in the public space. Richard Polácek

To celebrate the 10th anniversary of the IN SITU network and its firm presence in the cities and landscapes of European culture, IN SITU members, Lieux publics and Košice 2013 are organising this year two conferences, which will take place in the 2013 European Capitals of Culture: Marseilles and Košice. Both conferences are part of the META 2011-2016 project, led by the IN SITU network and co-funded by the European Commission. Despite their geographical distance at two faraway borders of Europe, both cities decided to cooperate together in conceiving a complementary programme for the two events, which will mutually nourish each other. Both conferences address the issue of the place of art in public space, trying to find answers to the burning questions of today’s societies of Europe: how to create a common space of genuine democracy where citizens can meet, work, exchange, overcome “invisible walls“ of separation and segregation? How to give citizens the desire to take ownership of and shape this common space? Another link between both events is that Košice and Marseilles will both held in parallel La Ville éphémère (The Fleeting City), a large-scale participatory project conducted by the artist Olivier Grossetête. This expanding cardboard city will form the framework of an agora where speakers and participants will be invited to express their thoughts to a broader public. Both conferences are undoubtedly inspired by the artistic approach of Olivier Grossetête - providing surprising links and new, unusual perspectives to artistic creation in public space to help finding new ways of engaging artists and citizens in public space. Košice 2013 - Shared cities From the 22nd till the 26th of May, Košice 2013 – European Capital of Culture will present the 5th edition of Use the City. During this festival, Košice 2013 will host a European conference entitled "Shared cities". The starting point of the conference is that, especially in Central and Eastern European countries, the public space is still very little invested by people. However, the aim of the conference is not to just discuss about audience development and how to make public space art more accessible to the audience. The objective is more far-reaching. In a context of democratic crisis, the conference aims to provide answers to the question of how public space artists and festi41


IN SITU, Graz. Photo : La Strada/Hanna Hofer.

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val organisers can respond to the increasingly urgent demand of citizens to re-invest and re-gain ownership of their local territory. How is the public already actively participating in arts projects and shaping the programme of public space festivals across Europe to gain ownership of public space? Members of the IN SITU network will present a wide range of diverse participative art projects and practises from different art fields and discuss how they are challenged by a participatory approach. An important underlying question of the conference is in how far cooperation and co-creation between artists and the public can and should go, what are the challenges and limits, and how a successful cooperation can be carried out. A clear underlying objective of this conference is also to make artists and festival organisers think on how public arts’festivals can be made more sustainable, not only by generating new images, but also by creating new relationships with the public and by promoting a new vision where citizens can live a real-life democratic experience of shaping a shared public space.

The conference will be open to the local and regional audience in Košice. With the support of the Mobile Radio project of the German artists Marold Langer-Philippsen, contents of the conference will be directly transmitted to the public space and inputs from the public will be directly brought back to the conference. Marseilles – Invisible walls Lieux publics and IN SITU will organise a European forum entitled "Invisible Walls" in Marseilles on 3rd and 4th of October 2013. The forum will bring together researchers, artists, festival organisers, politicians and representative of the private sector to share their visions and explore what new relationships can be created between the art and public space in today’s Europe. More than 20 years after the fall of the Iron Curtain, new "invisible walls" divide European societies, shattered by financial and economic crises and social fractures and questioning its identity in a globalised world. Against this background, the forum proposes a deep exchange and passionate discussions in six sessions around six themes:


are its strengths and limits and how a wider view, toPublics spaces – out of the box From North to South, from East to West, across wards outside Europe, can provide a different vision. Europe there are different notions and dimension of public space. Researchers, artists, politicians and ur- Models during the crisis – to go over the wall The current financial and economic crisis quesbanists will exchange their visions and definitions of the public space and art in public space, and in partic- tions fundamentally our way to think tomorrow’s soular in urban areas. This session explores how artists ciety. In a context of social, economic and ecological are playing with this new space “beyond the walls”, challenges, more and more artists and culture operators are convinced of the necessity how these spaces are integrated to transform their ways of working into the city and how citizens take and cooperation across Europe. ownership, how urbanists think To create a public This session will be an opportutomorrow’s cities and how an ur- space of share and nity for those operators and artists ban space can be re-qualified and daring. who already changed their working regenerated by the arts. methods to share their experiences Passing through the city – lines of social demarca- and visions in order to create a new economic model for culture, which is creative, sustainable and inclution and geographic borders Today’s cities are crossed by different lines of ten- sive and at the artistic service. sions where very diverse social groups are confrontTo make this event as interactive and dynamic as ing each other or negotiating with each other on how to share a given space. This session investigates how possible, IN SITU decided to put in place an innovaartists today are questioning these borders in a sensi- tive conference format with short presentations of tive and original way, by underlining models of pow- examples from all over Europe. At the same time, the public will be closely involved in the debates, moderer and inventing new ways of living together. ated by a dynamic team of multi-lingual journalists. Access to artwork – breaking through the glass Two major conferences in European Capitals of ceiling Despite the increasing popularity of art in pub- Culture, one on the Eastern border of the EU, anlic spaces, psychological barriers persist, questioning other on the Southern border. Both events aim to the accessibility to artwork by a large public and re- provide new insights in how artistic creation in the maining a major challenge for contemporary crea- public space can raise relevant questions and alternation. Based on the experience of the IN SITU network tive answers to address the burning issues European and of its members, this session will explore new societies face today. In that frame, both conferences paths of involving citizens into a new relationship of will bring together a number of high-profile speakers. The creativity and innovation needed to address artistic creation in the city and the landscape. the challenges of artistic creation in public space in The right of artistic creation in public space – to be Europe will indeed come from the inside. Going beyond the borders, including our invisible internal protected or to be limited? In the past years, across Europe, the set of rules walls, will allow a fresh and enriching perspective. governing the use of public space has steadily increased. As a result, the organisation of festivals and The detailed and updated conference programmes can performing arts in the city and in landscapes have be found at the following addresses: become more difficult and expensive and are limit- Košice 2013 and IN SITU - Shared cities: ing artistic creation. IN SITU aims to elaborate a joint www.usethecity.sk charter between policy makers, organisers and art- Lieux publics and IN SITU - Invisible walls: ists aiming to facilitate the work of artists while re- www.lieuxpublics.com and www.in-situ.info specting the legitimate concerns of policy makers. The aim is to create a public space of peaceful share and daring. Geopolitics – where is the Berlin Wall? Twenty years after the fall of the Iron Curtain, Europe is divided by new tensions and fractures and invisible borders between the North and the South and the East and the West. Within cities territorial and social divisions segregate the public space. This session raises the question how cultural cooperation in Europe can overcome tensions and differences, what 43


IN SITU

European network for artistic creation in public space

Since 2003, the IN SITU European network, led by Lieux publics (Marseilles, FR), has promoted artistic creation in public space. Over the years, its activity has been founded on three projects supported by the European Commission. Nowadays, IN SITU implements the META project 2011-2016. Depuis 2003, le réseau européen IN SITU, piloté par Lieux publics (Marseille, FR) œuvre au service de la création artistique en espace public. Au fil des ans, son action s'est déployée autour de trois projets soutenus par la Commission européenne. Aujourd'hui, IN SITU développe le projet META 2011-2016.

How is your festival contributing in tumbling down visible or invisible walls? Comment votre festival contribue-t-il à faire tomber les murs visibles ou invisibles? La Strada (Graz, AT) Werner Schrempf www.lastrada.at The city as a social fabric, as a creative and recreational space, is hardly touched upon as a theme in everyday life – an invisible wall. But this is a matter for art, and for 16 years now, it has been a major area of interest for La Strada. Particularly at a time of increasing mobility and rising migration, more questions arise here regarding social and cultural life in the city, integration, social mixing and intercultural communication. For several years now La Strada has been focusing on this area and therefore is searching for timely forms of expression. Généralement, on fait peu mention de la ville comme fabrique ou comme espace créatif et récréatif – c’est là un mur invisible. Mais cela questionne l’art et constitue un enjeu majeur pour La Strada depuis 16 ans maintenant. À l’heure où s’amplifient les migrations et la mobilité en général, tout particulièrement, de nouvelles questions surgissent quant à la vie culturelle et sociale, à l’intégration, la mixité sociale et la communication interculturelle au sein de la cité. Depuis plusieurs années maintenant, La Strada se concentre sur ces sujets et en cherche les formes d’expression les plus appropriées à notre époque.

Ctyri dny / Four Days (Prague, CZ) Pavel Štorek www.ctyridny.cz I feel “invisible walls” everywhere. It is like a virus. You can´t see them and only some of them are dangerous. As Four Days association we try to recognize the real ones and the dangerous ones,

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and connect, delete them via our positive medicine - it´s our team and activities. Invisible walls are stimulate space, real one or virtual one, they try to separate good art from bad art(ists). Invisible walls are a chance, a channel to communicate, to open mind and especially to change our point of view. So I think and I hope it´s a main invisible aim of our Four Days activities. Je sens des « murs invisibles » partout. C’est comme un virus. Vous ne pouvez pas les voir et seuls certains d’entre eux sont dangereux. Avec l’association Four Days, nous essayons de reconnaître ceux qui sont réels et ceux qui sont dangereux pour les mettre en relation ou les abattre grâce à notre médecine douce – c’est la préoccupation de notre équipe et l'objet de notre programmation. Les murs invisibles stimulent l’espace, aussi bien le réel que le virtuel, et ils essaient de séparer le bon art(iste) du mauvais. Les murs invisibles sont une chance, un moyen de communiquer et de s’ouvrir au monde et particulièrement de changer notre façon de voir les choses. De fait, je pense et j’espère que la principale et invisible vocation de nos activités à Four Days se trouve là.

Københavns Internationale Teater (Copenhagen, DK) Katrien Verwilt www.kit.dk Our festival Metropolis deals with the exploration of the city as a series of changing, overlapping and interwoven “territories” of experience. As such we are concerned with traversing and connecting the many invisible and visible divisions of our increasingly “segregated” urban society. We invite artists to choreograph, build, stage and compose in this complex and real context and then involve and invite the public into these imagined or constructed territories. Naturally, this duality often changes the public’s appreciation of their city but also often creates relationships, perspectives or even processes, which then continue to influence and support the notion of a more fluid and open city. Notre festival Metropolis cherche à explorer la ville comme une ensemble de « territoires » changeants, imbriqués et entremêlés. En tant que tel, nous cherchons à traverser et faire entrer en connexion les nombreuses divisions visibles et invisibles de notre société urbaine de plus en plus ségrégante. Nous invitons les artistes à chorégraphier, construire, mettre en scène et composer dans ce contexte réel si complexe. Nous impliquons et invitons de fait le public à entrer dans ces territoires imaginaires et reconstruits. Naturellement, cette dualité modifie souvent l’appréciation qu’ont les gens de leur ville, mais cela créé aussi des relations, des perspectives

et même des processus qui continuent alors à influencer et soutenir la constitution d’une ville plus ouverte et plus fluide.

Košice 2013, European Capital of Culture (Košice, SK) Christian Potiron www.kosice2013.sk Named European Capital of Culture 2013 along with Marseilles (France), Košice (Slovaquia) focuses part of its Interface 2013 project on the renewal of its public space and their appropriation by its citizens. There are three dimensions to the project: the explicitly-named Use the City festival, a future cultural and artists’ residence centre, Kasarne-Kulturpark, and the Spots programme aimed at providing sites dedicated to participatory productions. “Use the City”: what a beautiful challenge to break down all our invisible walls, should them be social, political or psychological! Désignée Capitale européenne de la culture 2013 aux côtés de Marseille (France), Košice (Slovaquie) axe une part de son projet Interface 2013 sur la refonte de ses espaces publics et leur appropriation par ses citoyens. Traduction en trois volets : un festival au nom explicite Use the City, un futur centre culturel et résidence d’artiste, Kasarne-Kulturpark ; enfin, le programme Spots de mise à disposition d’espaces dédiés à des créations participatives. Use the City : quel beau challenge pour briser tous nos murs invisibles, qu’ils soient sociaux, politiques ou psychologiques !

Lieux publics (Marseilles, FR) Pierre Sauvageot www.lieuxpublics.com As part of all the walls – all those which confine us in our artist’s work and work with artists to make the city a human place where inhabitants can rub along the perceptible – the worth one is, without contest, the self-importance, the arrogance and, worth again, the sympathy of the holder of the official art, of the art for “betweenus” and for those who know and which are born with. Art in cities, site-specific art and inclusive art are not to be depreciated. Quite the opposite, they are the future of the artistic creation. Parmi tous les murs – tous ceux qui nous enferment dans notre travail d’artiste et avec les artistes, pour que la ville soit humaine et pour que tous ses habitants puissent se frotter au sensible – le pire est sans conteste la suffisance, la condescendance et, encore pire, la sympathie dont nous accablent les tenants de l’art officiel, de l’art pour « l’entre-nous », pour ceux qui savent et qui sont nés avec. L’art de la ville, l’art contextuel ou l’art implicatif ne sont pas des sous-arts. Bien au contraire, ils sont l’avenir de la création artistique.


Oerol Festival (Terschelling, NL) Kees Lesuis www.oerol.nl The landscape of the island of Terschelling is the source of inspiration and playground of the festival at the same time. The borders, marked by the horizon and the surrounding sea, seem to be clear but are in fact fluid. The shape of the island is in constant change as wind and current are moving the sand. Borders are also determined by nature. As a site-specific festival in a protected natural reserve we are in constant dialogue with this environment. When a rare bird is breeding there is a temporary border and a no go zone for the artistic works. On the other hand we challenge the artists to work with these forces of nature as an artistic objective. But above all it’s our aim to stretch the borders of the imaginary. Le paysage de l’île de Terschelling est la source d’inspiration et le terrain de jeu du festival. Les frontières marquées par l’horizon et la mer environnante semblent évidentes, mais elles sont en réalité fluides. La forme de l’île est en changement permanent dans la mesure où le vent et le courant déplacent le sable. Les frontières sont aussi déterminées par la nature. Parce que nous sommes un festival in situ, dans une réserve naturelle protégée, nous restons en dialogue permanent avec les questions environnementales. Quand un oiseau rare vient se reproduire ici, une frontière temporaire et une zone où les projets artistiques ne peuvent plus aller se dessinent. D’autre part, nous poussons les artistes à travailler avec ces forces de la nature dans un but artistique. Mais nous cherchons avant tout à pousser les frontières de l’imagination.

PLACCC Festival (Budapest, HU) Fanni Nánay www.placcc.hu One of the long lasting legacies of Communism in Hungary is the absence of a tradition in the using of public spaces, which is mainly due to the fact that under socialism public space was under constant surveillance. Thus, public spaces were designed in a way that made them unsuitable for “gatherings” or any type of artistic or community actions. Unfortunately, this attitude towards public spaces has not improved much since 1991: urban spaces are still used primarily as a space for transport and not as a living space. Thus the thickest invisible wall ahead of us is the one barring our access to public spaces, and consequently, to public affairs. One of the main goals of PLACCC Festival is to render these invisible walls visible through art, and thus, to weaken them. L’un des héritages les plus tenaces de la période communiste en Hongrie est l’absence de tradition quant à l’utilisation des espaces publics, principalement due à la surveillance sous laquelle ils étaient maintenus du temps du socialisme d’Etat. En effet, les espaces publics étaient considérés comme inappropriés aux « rassemblements » ou à une quelconque autre intervention artistique ou communautaire que ce soit. Malheureusement, cette attitude envers l’espace public ne s’est pas beaucoup améliorée

depuis 1991 : les espaces urbains sont d’abord des espaces de transit et non des espaces de vie. Ainsi, le mur invisible le plus épais en face de nous est celui qui nous interdit l’accès à l’espace public et donc aux affaires publiques. L’un des objectifs principaux du PLACCC Festival est de rendre visibles, par l’art, ces murs invisibles afin de les affaiblir.

processus de pensée pour les expliquer. Les psycho-géographes extraient dans les mémoires des bâtiments et de leurs habitants des sources d’inspiration qui permettent la création de nouvelles cartographies et boussoles pour naviguer dans l’environnement urbain. C’est dans cet esprit que travaille UZ Arts sur le territoire écossais.

Provinciaal Domein Dommelhof (Neerpelt, BE) Hugo Bergs, Martina Linaer www.theateropdemarkt.be

Partners in Europe

Every two summers the festival Theater op de Markt takes over Hasselt and transforms public space into stage and stand. To mix all infinite, colourful ingredients of rural and urban landscape with contemporary artistic creation into a beautiful public festival is – with growing regulations – a huge logistic and organizational challenge. In these economical hard times – the Limburg region is not spared the least from closing down factories, growing unemployment and brain drain – the challenge gets even tougher. At the same time it’s eye opening and it makes us very alert to keep on looking for artistic creation that really matters and give the audience the experience it deserves, now even more than ever. Un été sur deux, le festival Theater op de Markt s’empare d’Hasselt et fait de l’espace public une scène et une tribune. Mêler l’infinité des ingrédients colorés du paysage rural et urbain avec la création artistique contemporaine dans un beau festival public, pose un immense défi logistique et organisationnel – cela avec des régulations croissantes. En cette période de crise économique – la province du Limbourg n’est pas épargnée par les fermetures d’entreprises, le chômage croissant et la fuite des cerveaux – le challenge se fait encore plus difficile. En même temps, cela nous ouvre les yeux et nous pousse plus que jamais à chercher des créations artistiques qui font sens et donnent au public l’expérience qu’il mérite.

UZ Arts (Glasgow, GB) Neil Butler www.uzarts.com Some artists work in public space to enjoy the infinite unfolding canvas that it provides. Others to escape the confines of the gallery, the concert hall and the theatre. The situationists explored the consequence of removing the physical and mental constructs that we and society build to shape our world and the constraints we place on our thought processes to explain it. Psycho-geographers mine the memories of buildings and their inhabitants as a source of inspiration that allows new maps and compasses to navigate the urban environment. UZ Arts works across Scotland with this state of mind. Certains artistes travaillent en espace public pour profiter du cadre infini et foisonnant qu’il procure. D’autres cherchent à s’évader du confinement des galeries, des salles de concert et des théâtres. Les situationnistes ont exploré quelles conséquences pouvaient avoir la disparition des constructions physiques et mentales que nous et la société érigeons afin de modeler le monde, et les contraintes auxquelles nous plions nos

IN SITU brings also together foreign associated partners. In Kosovo, ODA Teatri (XK) aims at rediscovering the public space. The Norfolk & Norwich Festival (GB) actively works all year long in its area as part of a large multidisciplinary event. The Consorzio La Venaria Reale (IT) works on the promotion of a one-of-a-kind baroque heritage complex and the Fundación Municipal de Cultura de Valladolid (SP) organizes an internationally renowned urban and Mediterranean festival. As true representatives of the network, they complimentarily fuel its projects through to their know-how and original artistic contributions.

Partenaires en Europe IN SITU regroupe aussi des partenaires associés à l’étranger. Tandis qu’ODA Teatri (XK) part à la redécouverte de l’espace public au Kosovo, le Norfolk & Norwich Festival (GB) participe toute l’année sur son territoire à la création d’un événement pluridisciplinaire d’envergure, le Consorzio La Venaria Reale (IT) œuvre à la valorisation d’un complexe patrimonial baroque unique en son genre et la Fundación Municipal de Cultura de Valladolid (ES) organise un festival urbain et méditerranéen internationalement reconnu. Véritables ambassadeurs du réseau, ils alimentent de façon complémentaire ses projets par leur savoir-faire et apports artistiques originaux.

Partners in France Three out of the nine French National Centres of Street Arts are associated partners of IN SITU network : La Paperie in Angers, that develops experimentations across the territory, L’Atelier 231 in Sotteville-lès-Rouen that implements residencies and transnational projects with Great Britain, and produces the Viva Cité festival, and L’Abattoir and its festival Chalon dans la Rue, a European showcase of creation in the public space. This strong French presence has recently been intensified with the addition of Rennes-based festival Les Tombées de la Nuit, which associates musical creation to a new vision of the city and innovates through large, inclusive projects.

Partenaires en France Trois des neuf centres nationaux français des arts de la rue sont partenaires associés du réseau : la Paperie à Angers qui développe l’expérimentation à l’échelle d’un territoire, l’Atelier 231 à Sottevillelès-Rouen qui multiplie les résidences, les projets transfrontaliers avec la Grande-Bretagne et pilote le festival Viva Cité, et enfin l’Abattoir et son festival Chalon dans la rue, vitrine européenne de la création en espace public. Cette forte présence française s’est récemment accentuée avec l’arrivée des Tombées de la Nuit à Rennes, festival qui mêle création musicale et regard sur la ville, et innove avec de grands projets participatifs.

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Festivals

Tournée régionale / Regional tour of Véréna Velvet – Compagnie Entre Chien et Loup (St-Barthélémy-d’Anjou, FR) La Paperie

IN SITU 2013

September 2013-February 2014 / septembre 2013- février 2014 Norfolk & Norwich Festival (Norwich, GB)

May 10 -26 2013 / 10-26 mai 2013 th

th

www.nnfestival.org.uk Festival Internacional de Teatro y Artes de Calle (TAC) (Valladolid, ES) Fundación Municipal de Cultura de Valladolid

Festival Viva Cité (Sotteville-lès-Rouen, FR) Atelier 231, Centre national des arts de la Rue

www.paperie.fr Helix Day, (Glasgow, GB) UZ Arts

June 28th-30th 2013 / 28-30 juin 2013

September 14th 2013 / 14 septembre 2013

www.atelier231.fr

www.uzarts.com

Les Tombées de la nuit (Rennes, FR)

PLACCC Festival (Budapest, HU)

May 22nd-26th 2013 / 22-26 mai 2013

July 4th-21st 2013 / 4-21 juillet 2013

End of September / fin septembre

www.tacva.org

www.lestombeesdelanuit.com

www.placcc.hu

Use the City Festival (Košice, SK) Košice 2013, European Capital of Culture

Festival Chalon dans la rue (Chalon-surSaône, FR) L’Abattoir, Centre national des arts de la rue

Métamorphoses (Marseille, FR) Lieux publics

July 24th-28th 2013 / 24-28 juillet 2013

www.lieuxpublics.com

May 22nd-26th 2013 / 22-26 mai 2013 www.usethecity.sk PLACCC Csepel Festival (Budapest, HU)

May 30th-June 4th 2013 / 30 mai-4 juin 2013

www.chalondanslarue.com

www.placcc.hu

La Strada (Graz, AT)

Terschellings Oerol Festival (Terschelling, NL)

July 26th-August 3rd 2013 / 26 juillet-3 août 2013

June 14th-23rd 2013 / 14-23 juin 2013 www.oerol.nl Mutamenti (Venaria Reale, IT) Consorzio La Venaria Reale

June 16th 2013 / 16 juin 2013 www.lavenaria.it

September 20th-October 6th 2013 / 20 septembre- 6 octobre 2013 4+4 Days in Motion (Prague, CZ) Čtyři Dny / Four Days

October 11th-19th 2013 / 11-19 octobre 2013 www.ctyridny.cz

www.lastrada.at Metropolis Festival (Copenhagen, DK) Københavns Internationale Teater

Circus edition / édition cirque (Neerpelt, BE) Theater op de Markt

August 1 -25 2013 / 1-25 août 2013

October 31st- November 3rd 2013 / 31 octobre-3 novembre 2013

www.kit.dk

www.theateropdemarkt.be

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AGENDA Retrouvez toutes les informations sur www.lieuxpublics.com

Lieux publics, centre national de création en espace public est conventionné par le ministère de la Culture et de la Communication, la ville de Marseille, le conseil régional Provence-Alpes-Côte

Détournement de Canebière, Pierre Delavie

Sirènes et midi net

Six thèmes déclinés autour des « Murs invisibles » : Espaces publics : hors les murs / La ville traversée : démarcations sociales et frontières géographiques / Accès aux œuvres : briser le mur de verre / Le droit à l’intervention artistique en espace public : protéger ou limiter ? / Géopolitique : où est le mur de Berlin ? / Modèles en crise : faire le mur.

Rituel urbain tous les premiers mercredis du mois à midi

Lieux publics & Cie

façade du Palais de la Bourse, Marseille avec la Chambre de Commerce et d’Industrie et Marseille-Provence 2013 de janvier à décembre

parvis de l’Opéra, Marseille 6 février – compagnie Tout Samba’L / 6 mars – compagnie Attention Fragile / 3 avril – Apprentis de la FAIAR (Formation avancée itinérante des arts de la rue) / 8 mai – Valentin Clastrier et Hervé Birolini, avec le GMEM / 5 juin – Ray Lee / 2 octobre – Orchestre des jeunes de la Méditerranée / 6 novembre – Benjamin Dupé / 4 décembre – Antoine Defoort, Amicale de production : 100e Sirènes et midi net !

d’Azur, le conseil général des Bouches-duRhône, la Commission européenne, la Sacem,

Chaud dehors 2013

la ville d’Aubagne, Marseille-Provence 2013,

Lieux publics et la ville d’Aubagne invitent les artistes d’ici

Capitale européenne de la culture. Lieux publics pilote IN SITU, réseau européen pour la création artistique en espace public. L’équipe Président Philippe Chaudoir Direction Pierre Sauvageot, directeur Sabine Chatras, directrice adjointe assistés de Marie Faucher Production Fabienne Aulagnier et Juliette Kramer avec Elisa Schmidt et Marion Bourguelat, Laura Perouas (stagiaires) IN SITU Ariane Bieou avec Quentin Guisgand Communication et relations avec les publics Jasmine Lebert avec Corinna Ewald, Fanny Girod et Bastien Salanson et Maude Leverrier (stagiaire) Comptabilité Nadia Sassi avec Muriel Bargues Technique Pierre Andrac et Philippe Renaud avec Camille Bonomo, Jean Matelot

du 30 mai au 1er juin 12 spectacles, 5 créations, 3 jours de construction collective Olivier Grossetête, Lézards bleus, Studios de cirque, Tandaim, compagnie de l’Ambre, Mathilde Monfreux, Mouvimento, Archaos, Wilfried Wendling, Marcher commun, réseau franco-italien, avec les compagnies Antipodes et Cosetta Graffione.

Métamorphoses Les artistes jouent avec la ville du 20 septembre au 6 octobre 2013 Marseille, 1 centre ville, 3 actes, 12 créations, 17 projets artistiques, 23 nationalités, 32 compagnies, 118 représentations, 5327 participants… avec Marseille-Provence 2013, Capitale européenne de la culture 1er acte - Le Grand ensemble – du 20 au 22 septembre, autour de la Canebière 2e acte - Forain contemporain – du 24 au 29 septembre, gare Saint-Charles 3e acte - La Ville éphémère – du 1er au 6 octobre, place Bargemon programme complet sur www.lieuxpublics.com Forum IN SITU Murs invisibles / Invisible Walls

3 et 4 octobre 2013 Théâtre national de la Criée et un forum public dans la Ville éphémère

Champ harmonique Marche symphonique pour 500 instruments éoliens et public en mouvement

Pierre Sauvageot du 4 au 28 avril à Marseille, avec MarseilleProvence 2013, Capitale européenne de la culture du 10 juillet au 7 août à Genk (Belgique) du 22 au 25 août à Helsinki (Finlande) Igor hagard, un sacre ferroviaire

du 14 au 23 juin à Terschelling, festival Oerol (Pays-Bas) les 6 et 7 juillet à Rennes, festival Les Tombées de la nuit du 24 au 29 septembre à Marseille, Métamorphoses

Créations accompagnées Centre national de création, Lieux publics accompagne les artistes de toutes disciplines qui font de la ville le lieu, l'objet, le sujet de leurs créations. Lieux publics est aujourd'hui un laboratoire d'écritures pour l'espace public qui a développé plusieurs dispositifs de soutien à la création, de l'écriture à la diffusion. Chaque année, une vingtaine de créations est accompagnée. Artistes et compagnies accompagnés en 2013 : Agence Touriste, Pierre Delavie, Olivier Grossetête, KompleXKapharnaüM, Ljud Group, Migrateurs/Transatlantique/ Jany Jérémie, Orchestre des Jeunes de la Méditerranée avec Rachid Regragui, Alexandros Markéas, Jim Sutherland et Nicolas Ramond ; Stéphan Muntaner, Rodrigo Pardo, Rara Woulib, Tandaim, Dries Verhoeven, Wilfried Wendling, Zimmerfrei… Et avec la participation de : Agence de voyages imaginaires, Vincent Audat, Adila Carles, Guy Carrara (Archaos), Abdoulaye Diop Dany, Ilotopie, Lézards bleus, Lidia Martinez, MoniK LéZart, Musicanu, Aline Nari (Ubidanza), No Tunes International, Ali Salmi (Osmosis), Sylviane Simonet et Anne Lévy, Ahamada Smis, Jean-Georges Tartare... 47


European network for artistic creation in public space. Réseau européen pour la création en espace public.

META 2011 2016 METAMORPHOSE EMBRACE SHARE MÉTAMORPHOSER ARPENTER PARTAGER

« META 2011-2016 has been funded with support from the European Commission (DGEAC – Culture programme). 3GHQÖBMKKSLHB@RHMLÖPDÛDBRQÖRGDÖTHDUQÖMLJWÖMEÖRGDÖ@SRGMP Ö@LCÖRGDÖ"MKKHQQHMLÖB@LLMRÖADÖGDJCÖPDQNMLQHAJDÖEMPÖ@LWÖSQDÖUGHBGÖK@WÖ be made of the information contained therein.»

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