9 minute read

Importantes modifications en droits de succession et de donation en Flandre : à quoi s’attendre?

Importantes modifications en droits de succession et de donation en Flandre : à quoi peut-on s’attendre ?

Dès le 1er juillet 2021, il nous faudra tenir compte de quelques modifications apportées en Flandre aux droits de succession et aux droits de donation. Ainsi, nous pourrons dire adieu au legs en duo, fiscalement avantageux, et nous accueillerons l’héritage entre amis. Les taux appliqués aux donations et legs faits à des organismes de bienfaisance ont également été modifiés.

Advertisement

Le 17 mars 2021, le Parlement flamand a adopté le projet de décret qui apporte quelques modifications dans le Code flamand de la fiscalité1. Les modifications qui sont commentées ci-dessous entrent en vigueur le 1er juillet 2021 et sont donc applicables aux donations et aux décès qui surviendront après cette date.

1. Qu’est-ce que le legs en duo ?

Une première modification consiste dans la suppression de l’avantage fiscal du legs en duo. Rappelons ce qu’est un legs en duo. Comme le mot l’indique lui-même, un legs en duo est en fait un double legs, prévu dans un testament qui désigne comme légataires, d’une part (1), l’organisme de bienfaisance (généralement le légataire universel) et, d’autre part (2), un frère/une sœur, un parent éloigné ou un tiers (dans ce cas le légataire particulier). Des variantes sont possibles, mais elles ne seront pas abordées dans la présente contribution.

Lors d’un décès, l’organisme de bienfaisance reçoit, en tant que légataire universel, l’intégralité de la succession. Il est toutefois chargé de verser un montant (exonéré de droits de succession) au légataire particulier. Sur son propre legs, l’organisme de bienfaisance ne doit payer que 8,5 % de droits de succession, mais il doit également payer les droits de succession dus sur le legs qui revient au légataire particulier.

Le legs en duo est fiscalement intéressant surtout dans les cas où le testateur ne laisse pas de parents proches (enfants ou conjoint survivant). En Belgique, les taux des droits de succession grimpent rapidement, de sorte que les parents éloignés et/ou les tiers sont vite imposés au taux maximum de 55 %. Les organismes de bienfaisance bénéficient quant à eux d’un taux réduit de 8,5 %. Prévoir un legs en duo dans un testament permet donc de réaliser une réelle économie d’impôt, comme le montre l’exemple suivant :

Testament sans legs en duo

Succession : € 500.000 - Légataire universel : un un ami - Droits de succession : € 260.500 - Pression fiscale : 52 % - Part d’héritage nette : € 239.500

Testament avec legs en duo

Succession : € 500.000 - Légataire universel : organisme de bienfaisance - Légataire particulier : un ami (€ 280.000) - Droits de succession : € 158.200; • € 139.500 (droits sur le legs particulier) • € 18.700 (droits sur le legs universel) - Pression fiscale : 32 % - Part d’héritage nette : Organisme de bienfaisance : € 61.800: Ami : € 280.000

2. Fin du legs en duo fiscalement avantageux

Comme le legs en duo permet de réaliser une importante économie d’impôt, il est désormais largement utilisé comme technique de planification dans de nombreux testaments. Le Gouvernement flamand a donc décidé de s’attaquer à cette technique d’optimisation. Il veut ramener le legs en duo à son essence : la bienfaisance.

Par conséquent, le calcul des droits de succession dus a été modifié dans le nouvel article 2.7.3.2.15 du Code flamand de la fiscalité (CFF). Avant de connaître le montant des droits de succession à payer, plusieurs étapes doivent être franchies :

• il convient tout d’abord de déterminer le montant des droits de succession dus sur le legs particulier. Le taux marginal (le plus haut taux applicable) peut être déterminé sur cette base ;

• ce taux marginal est ensuite utilisé pour bruter les droits de succession qui ont été calculés. Ce brutage permet de déterminer le montant de la charge (c’est-à-dire les droits de succession à payer) imposée à l’organisme de bienfaisance ;

• l’étape suivante consiste à déterminer la base imposable pour l’organisme de bienfaisance. À cette fin, le legs attribué est diminué des droits de succession brutés.

Si le montant du legs est insuffisant, la diminution de la base imposable est limitée au legs de l’organisme de bienfaisance ; • enfin, il y a lieu de déterminer la base imposable pour le légataire particulier. La base imposable est constituée par la somme (1) du legs particulier et (2) des droits de succession brutés. Les droits de succession sont ensuite calculés sur la base imposable, selon les taux applicables (25 % – 45 % – 55 %).

Quel est l’impact de cette modification ? Il apparaît clairement dans l’exemple suivant :

Testament avec legs en duo avant le 1er juillet 2021

Succession € 500.000 - Légataire universel : organisme de bienfaisance € 220.000 - Légataire particulier : ami € 280.000 € - Droits de succession : ami € 139.500 - Brutage droits de succession : / - Base imposable organisme de bienfaisance : / - Droits de succession organisme de bienfaisance € 18.700 - Montant total des droits de succession € 158.200 - Pression fiscale 32 % - Part d’héritage nette Organisme de bienfaisance : € 61.800 Ami : € 280.000

Testament avec legs en duoaprès le 1er juillet 2021

Succession € 500.000 - Légataire universel : organisme de bienfaisance € 220.000 - Légataire particulier : ami € 280.000 - Droits de succession : ami € 139.500; Taux marginal : 55 % - Brutage droits de succession € 139.500 / (1 – 0,55) = € 310.000 - Base imposable organisme de bienfaisance € 220.000 – € 310.000 = – € 90.000; Résultat négatif, donc € 0 - Droits de succession organisme de bienfaisance € 0 - Montant total des droits de succession € 260.500 - Pression fiscale 52 % - Part d’héritage nette Organisme de bienfaisance : – € 40.500 Ami : € 280.000

Après le 1er juillet 2021, l’organisme de bienfaisance devra donc payer plus de droits de succession que ce qu’il recevra. Selon toute vraisemblance, il n’acceptera donc pas le legs en duo.

3. Baisse des taux pour les legs/ donations à un organisme de bienfaisance

Non seulement le gouvernement veut revenir à l’essence du legs en duo, qui est la bienfaisance, mais il veut en outre accentuer ce caractère de bienfaisance. Par conséquent, les taux pour les legs ou donations à un organisme de bienfaisance sont également adaptés. Alors qu’auparavant, le taux des droits de donation était fixé à 5,5 % (article 2.8.4.1.1, § 3 CFF) et le taux des droits de succession à 8,5 % (article 2.7.4.2.1 CFF), les taux seront réduits à 0 % à partir du 1er juillet 2021.

Cette baisse des taux ne s’applique qu’aux organismes de bienfaisance à proprement parler. Les donations ou legs aux mutualités et aux unions nationales de mutualités, aux associations professionnelles et aux fondations privées ne sont pas concernés par ces taux réduits et resteront donc soumis à 5,5 % de droits de donation ou à 8,5 % de droits de succession.

Grâce à cette baisse des taux, le Gouvernement flamand espère également compenser la suppression de l’avantage fiscal du legs en duo.

4. L’héritage entre amis

Une autre nouveauté qui a été introduite est l’héritage entre amis. Dans l’exposé des motifs du projet de décret, il est souligné que l’écart est trop grand entre, d’une part, les taux qui sont appliqués aux successions en ligne directe (entre partenaires ou parents et enfants) et, d’autre part, ceux qui sont appliqués à toutes les autres successions. Bien que le nouveau droit des successions permette aujourd’hui au testateur de disposer librement de la moitié de son patrimoine, ces taux élevés sont considérés comme un frein fiscal à la liberté de disposition.

C’est la raison pour laquelle une mesure sera introduite à partir du 1er juillet 2021 afin de réduire la pression fiscale sur les legs aux tiers : l’héritage entre amis. Celui-ci permet de léguer un montant maximum de 15 000 euros à un ou plusieurs amis, au taux avantageux de 3 %. L’économie d’impôt maximale est donc limitée à 3 300 euros.

La réduction des droits dans le cadre d’un héritage entre amis doit être prévue dans un testament notarié. Celui-ci doit indiquer clairement quelle(s) personne(s) peut (peuvent) bénéficier de la réduction. Si rien n’est prévu concernant la nature et/ou l’étendue des biens, la réduction est accordée sur le montant maximum de 15 000 euros. L’héritage entre amis peut être appliqué pour plus d’un ami. La réduction est en principe répartie entre tous les amis, proportionnellement à leur legs, sauf si le testament prévoit une autre proportion.

En principe, seuls 3 % de droits de succession sont dus sur le montant maximum de 15 000 euros. Dans la pratique, nous constatons toutefois que ce n’est le cas que lorsque l’ami hérite seul ou avec des héritiers en ligne directe (le conjoint survivant et/ou les enfants). Dans ce cas, les droits de succession sont calculés par héritier.

Il en va autrement lorsque cet ami est appelé à la succession avec d’autres parents éloignés. Cela s’explique par le mode de calcul des droits de succession : en cas de succession revenant à des tiers, les droits de succession sont calculés sur l’ensemble de la succession avant d’être divisés au prorata.

L’exemple suivant explique la situation concrètement.

A est désigné par testament comme étant la personne qui pourra bénéficier de l’héritage entre amis. Le legs de A représente 15 000 euros. En plus de A, il y a également B et C (deux cousins éloignés du testateur) qui reçoivent ensemble un legs de 85 000 euros, de sorte que l’ensemble de la succession représente 100 000 euros. Les droits de succession dus s’élèvent à 40 500 euros (25 % sur la première tranche de 35 000 euros, 45 % jusqu’à 75 000 euros et 55 % sur tout ce qui dépasse 75 000 euros).

Dans cet exemple, A reçoit 15 % de la succession, ce qui signifie qu’il doit payer 15 % de l’ensemble des droits de succession, soit en l’occurrence 6 075 euros. Après application de l’héritage entre amis, A devra encore 2 775 euros de droits de succession sur son legs de 15 000 euros. La charge fiscale finale n’est donc pas de 3 %, mais de 18,5 %. L’avantage du legs est donc plus limité qu’il n’y paraît à première vue.

5. Quelques considérations pratiques

À partir du 1er juillet 2021, nous serons confrontés au fait que le legs en duo perdra son avantage fiscal. Cela mettra fin à la technique de planification qui permet d’économiser des droits de succession grâce à l’intervention d’un organisme de bienfaisance. Il y a tout lieu de se réjouir que le législateur s’attaque aux situations abusives. Nous soulevons toutefois un point d’attention important : dans la pratique, nous risquons d’être confrontés pendant longtemps encore à des testaments qui prévoient un legs en duo qui ne sera peut-être plus accepté par l’organisme de bienfaisance bénéficiaire après le 1er juillet 2021. Nous nous attendons donc à beaucoup de confusion lors du règlement des successions qui prévoient encore l’ancienne pratique du legs en duo. Les conseillers devront donc se montrer particulièrement vigilants pour pouvoir la signaler et la faire modifier à temps.

La question se pose également de savoir quel sera l’impact sur les revenus des organismes de bienfaisance. Il n’est pas certain que l’instauration d’un taux de 0 % sur les donations et les successions attribuées aux organismes de bienfaisance compensera la perte des revenus qui provenaient des legs en duo.

Le gouvernement a par ailleurs également été attentif au fait que les taux des droits de succession augmentent rapidement pour les tiers. Pour y remédier, il a mis en place l’héritage entre amis, qui permet de léguer à un ami jusqu’à 15 000 euros à un taux réduit de 3 %. Force est de constater que les choses ne se passent pas toujours ainsi dans la pratique, comme le montre l’exemple ci-dessus. En outre, la réduction accordée dans le cadre de l’héritage entre amis est limitée (une économie de maximum 3 300 euros de droits de succession). Si vous voulez vraiment avantager un ami, il semble préférable de lui faire une donation au taux réservé pour les tiers, soit de 7 %, ce qui entraînera une économie d’impôt plus importante. Dans ce cas-ci aussi, des conseillers bien informés peuvent apporter la plus-value nécessaire.

Wendy Rombouts

Stagiaire conseiller fiscal certifié

Hilde Gaublomme

Conseiller fiscal certifié

This article is from: