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Le cumul des frais réels et du forfait de charges prévu pour les revenus de droit d’auteur : position du fisc et réfutation

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Le cumul des frais réels et du forfait de charges prévu pour les revenus de droit d’auteur : position du fisc et réfutation

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Suivant une position récente de l’administration fiscale (instruction interne), un contribuable (exerçant en personne physique) qui effectue à la fois un travail artistique et un travail technique ne peut imputer la totalité des frais à une seule activité professionnelle mais doit les répartir entre les deux activités.

A défaut de preuve de frais liés à l’activité artistique, il est, selon elle, « arbitraire » d’imputer la totalité des frais à cette seule activité technique.

Comme l’article 17 § 1 er , 5° du CIR 1992 est un régime dérogatoire à l’article 22 du CIR 1992, il oblige le contribuable qui veut s’en prévaloir à justifier le pourcentage de frais nécessaires à l’obtention des revenus de droits d’auteur.

Cette preuve n’étant pas établie, la proratisation se justifie, suivant le fisc.

L’administration enjoint donc à ses agents de ne pas admettre, pour des personnes physiques, le cumul des frais réels (article 49 CIR 1992) et du forfait légal propre aux droits d’auteur de 50 % jusque 10.000 EUR non indexés (article 4 de l’AR/CIR 1992).

Cette argumentation qui semble à première vue très simple ne peut pas être suivie car elle repose sur des fondements juridiques inexacts.

Plusieurs arguments peuvent être opposés à cette position.

1.

Avant toutes choses, il convient d’emblée de ne pas confondre les frais professionnels liés à une activité professionnelle, et le forfait de charges lié à une activité mobilière. Dans un arrêt du 10 novembre 2017 (Rôle n° F.14.0076.F_F.14.0079.F), la Cour de cassation a rappelé que « la nature fiscale des revenus tirés par la demanderesse de la concession de ses droits d’auteur a pour effet que les frais forfaitaires prévus aux articles 3 et 4 de l’arrêté royal d’exécution du Code des impôts sur les revenus 1992 concernent les revenus mobiliers taxables à ce titre, à l’exclusion des revenus mobiliers à caractère professionnel visés à l’article 37 de ce code, qui en est la suite. » La structure de l’AR/CIR 1992 est extrêmement claire à ce sujet puisque le forfait des droits d’auteur est repris dans la Section 3 de l’AR/CIR 1992 (Évaluation forfaitaire des frais déductibles du revenu brut de la location, de l’affermage, de l’usage, de la concession de biens mobiliers et de droits d’auteur – articles 3 à 5), alors que les règles relatives aux frais professionnels se trouvent à la Section 4 (Détermination du montant net des revenus professionnels – articles 6 à 11). Il est essentiel de préciser que la règle préconisée par le fisc, à savoir la possibilité de proratiser, n’est toutefois prévue que dans le seul contexte de cette Section 4.

En effet on peut lire à l’article 7, § 4 de l’AR/CIR 1992 : « les frais professionnels qui sont communs à diverses activités professionnelles ou qui grèvent (...) des revenus recueillis dans différents pays, sont répartis au moyen de justifications requises »

Le § 6 poursuit : « lorsque le contribuable exerce différentes activités dont les revenus sont à ranger dans une même catégorie de revenus visée aux articles 27 et 31 à 33, du même code, les frais professionnels (...) sont calculés sur l’ensemble des revenus provenant de ces activités, mais à l’exclusion des indemnités dont il est question à l’article 51 (...) du même code ».

Il se dégage de la lecture de ces textes légaux que : 1. la proratisation ne se conçoit pas entre des revenus professionnels et des revenus non professionnels puisque l’article 7 § 4 n’a introduit cette règle de proratisation que pour des activités professionnelles. Le fisc évoque dans ses avis de rectification la notion d’activité artistique et technique. Or le texte de loi ne retient en revanche que la notion d’« activité professionnelle ». La nuance est tout sauf négligeable ; 2. l’article 7 § 6 ne permet la proratisation que pour des revenus visés à l’article 27 du CIR 1992 (les profits) ou 31 à 33 du CIR 1992 (les rémunérations). À aucun moment,

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il n’est question de proratisation 2. possible avec des revenus mobiliers Des revenus provenant 3. visés à l’article 17 du CIR 1992 ; aucune règle de proratisation n’est de la cession ou de La qualification des revenus est une question de droit. Selon la Cour de envisagée dans la section 3 sur la concession des cassation, un revenu est imposable les frais déductibles des revenus mobiliers ; droits d’auteur et des quand et dans la mesure où il est retiré par le contribuable d’une source citée 4. on ne trouve nulle part ailleurs revenus d’une activité par la loi. À moins que la loi ne le prévoie dans le Code ou les arrêtés royaux une quelconque autre allusion à la possibilité de procéder à une créative appartiennent à différentes catégories de expressément, un revenu ne peut être qualifié à la fois de revenu mobilier et de revenu professionnel. 2 Dans cette affaire, proratisation. revenus. l’administration fiscale soutenait pouvoir imposer, à titre de revenus divers, des Dès lors, à moins de ne pas accorder au redevances qualifiées de mobilières. texte de loi le moindre respect ou, pire, de se livrer à une interprétation par anaOr, les revenus ne peuvent donc, selon la Cour, logie (ce qui est formellement interdit en être disqualifiés et doivent conserver leur nature droit fiscal belge, les lois et arrêtés royaux originelle de revenus mobiliers. étant d’interprétation stricte), l’administration ne dispose d’aucune base légale Il ressort clairement de la volonté du législateur que les pour appliquer une proratisation. revenus résultant des deux catégories décrites ci-dessus C’est d’autant plus clair que l’arrêté royal (article 7 § 6), rapconstituent des revenus mobiliers. L’article 37 alinéa 1 er pelle que les revenus doivent être rangés « dans une même du CIR 1992 énonce néanmoins que lesdits revenus sont catégorie de revenus ». Il écarte dès lors toute possibilité de considérés comme des revenus professionnels lorsque dérive visant à « traverser » des catégories de revenus pour les avoirs à l’origine des revenus sont affectés à l’activité appliquer cette règle proportionnelle. professionnelle.

Il est évident que revenus mobiliers et revenus professionnels ne font pas partie d’une même catégorie de revenus.

Une telle proratisation ne peut s’envisager que si le fisc considère que les revenus de droits d’auteur doivent être requalifiés en revenus professionnels.

Sébastien Watelet confirme cette analyse : « La confusion que réalise l’administration fiscale découle directement du fait que la protection du droit d’auteur peut, dans certains cas, s’appliquer à une œuvre qui a été créée dans le cadre de l’exercice de l’activité professionnelle. Or, il est important de ne pas confondre deux situations différentes : la situation du « contribuable qui exerce deux ou plusieurs activités pour lesquelles les frais professionnels sont respectivement fixés au montant réel et à un montant forfaitaire » pour lequel on peut concevoir qu’il pourrait y avoir une forme de double emploi, et celle du contribuable qui perçoit des revenus mobiliers (tels que des droits d’auteur) d’une part, et des revenus professionnels d’autre part. 1 La jurisprudence a confirmé à de nombreuses reprises que « lorsque l’administration entend imposer les revenus issus de biens mobiliers au titre de revenus mobiliers en tant que revenus professionnels, en application de l’article 37 du CIR 1992, c’est à elle qu’il appartient de démontrer que lesdits biens sont affectés à l’activité professionnelle du contribuable concerné » 3 .

L’administration fiscale supporte une double charge de la preuve : d’une part, elle doit prouver l’existence d’une activité professionnelle au sens de l’article 23 du CIR 1992 et, d’autre part, elle doit démontrer que les droits à l’origine des revenus ont été affectés par le contribuable à l’exercice de cette activité professionnelle.

Pour cette seconde condition, elle doit donc démontrer que les droits d’auteur sont utilisés par le contribuable dans l’exercice d’une activité professionnelle.

La jurisprudence estime qu’il ne peut être question d’une « affectation » au sens de l’article 37 du CIR 1992 que pour autant que les droits patrimoniaux de l’auteur soient utilisés par celui-ci dans le cadre d’une activité professionnelle. Le tribunal de première instance de Namur a notamment jugé que « le fait que les droits d’auteur pourraient résulter de

1 2 3 S. WATELET, Le régime de taxation forfaitaire des droits d’auteur : dix ans déjà ! – R.G.F.C.P., 2018/9, p. 5. Cass., 22 janvier 2010, www.juridat.be Civ. Namur (11 ème ch.), 22 octobre 2014, R.G. n° 12/429/A, Cour. Fisc., 2015, pp. 779-782 (jugement définitif) ; Civ. Namur (11 ème ch.), 27 avril 2017, R.G.).

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l’activité professionnelle du contribuable ne suffit pas pour conclure que les droits d’auteur en question sont nécessairement utilisés pour son activité professionnelle » 4 .

Dans une affaire impliquant une actrice de la VRT, la Cour d’appel d’Anvers a également confirmé que le critère pour pouvoir procéder à la requalification d’un revenu est l’utilisation ou non des droits voisins dans le cadre de l’exercice de l’activité professionnelle 5 .

Les droits doivent être utilisés comme « moyens de production ». Ainsi, le tribunal de première instance de Bruxelles a considéré que les droits intellectuels d’un contribuable ne sont pas utilisés comme moyens de production lorsque celui-ci a concédé lesdits droits à un tiers.

La Cour d’appel de Bruxelles, dans une autre affaire, a tenu le même raisonnement et confirmé que lorsque l’exploitation d’une marque est cédée à un tiers, les droits du titulaire ne sont pas affectés à l’activité professionnelle de celui-ci 6 .

Enfin, la Cour de cassation déjà citée, a récemment confirmé qu’« il ne suit (découle) pas de cette disposition [l’article 37 du CIR 1992] que des avoirs mobiliers productifs de revenus sont affectés à l’exercice de l’activité professionnelle du contribuable du seul fait que ces avoirs ont été produits par cette activité ». La Cour a ainsi écarté le raisonnement consistant à déduire du seul fait que les droits d’auteur ont été produits par une activité professionnelle, qu’ils sont (nécessairement ou automatiquement) affectés à l’exercice d’une activité professionnelle justifiant que les revenus qu’elle génère soient requalifiés en revenus professionnels.

L’enseignement de la Cour de cassation permet de soutenir que les revenus résultant de la cession ou de la concession de droits d’auteur et de droits voisins à un tiers qui obtient ainsi le droit d’exploiter la propriété intellectuelle de l’auteur ou de l’artiste, ne sont, en pratique, pas susceptibles de requalification sur pied de l’article 37 du CIR 1992 au motif que l’opération en question a justement pour objectif de transférer l’utilisation audit tiers, de sorte que le bénéficiaire des revenus n’affecte nullement ses droits à l’exercice de son activité professionnelle.

Il convient d’ajouter qu’il serait pour le moins curieux de considérer que l’auteur aurait affecté un avoir à son activité professionnelle alors que ce même avoir a définitivement – par la cession – ou temporairement – par la concession – quitté son patrimoine.

Bruxelles, 20 mars 2014, Cour. Fisc., 2014, pp. 411-415.

3.

En l’absence de pièces justificatives, le Roi autorise l’application d’un forfait. Aucune disposition légale ne prévoit que les frais professionnels revendiqués par le contribuable devraient être amputés dudit forfait. L’article 22, § 3 du CIR 1992 est libellé comme suit : « § 3. Sans préjudice des dispositions du § 2, le revenu net de la location, de l’affermage, de l’usage, de la concession de tous biens mobiliers visés à l’article 17, § 1 er , 3°, et de la cession ou de la concession de droits d’auteur et de droits voisins visées à l’article 17, § 1 er , 5°, s’entend du montant brut diminué des frais exposés en vue d’acquérir ou de conserver ces revenus ; à défaut d’éléments probants, ces frais sont évalués forfaitairement suivant des pourcentages fixés par le Roi ». Il est donc établi que le contribuable peut parfaitement faire l’économie de la preuve de frais réels puisque la loi y pallie par un forfait (en l’occurrence le forfait de 50 % prévu par l’article 4 de l’AR/ CIR 1992). En refusant le droit au forfait, l’administration ne respecte pas le prescrit légal et ajoute une condition à la loi. Le forfait de 50 % est donc prévu lorsqu’on n’a pas établi la preuve des frais réels. Ce n’est que dans le cas où le

contribuable entend postuler pour ces revenus mobiliers un montant de frais supérieur au forfait de 50 % qu’il doit

le prouver. Il ne faut donc pas lire le texte de loi comme une obligation générale de preuve, car aucun bénéficiaire de revenus de droits d’auteur ne peut être contraint à justifier ce forfait.

4.

Le postulat de base sur lequel se fonde l’administration est que les frais qui ont permis la production de revenus professionnels, à savoir les frais de location, de matériel, de déplacement, d’amortissement de matériel, ... sont identiques à ceux qui ont permis la matérialisation de l’œuvre justifiant les droits d’auteur. Ce raisonnement repose sur une erreur conceptuelle qui vise à confondre les deux sources de revenus pourtant différentes. Les activités ne sont pas les mêmes.

Les revenus résultant de la cession de droits d’auteur ne sont pas liés à une prestation de service (ou à un savoir-faire même s’il est entendu que l’œuvre doit avoir une forme pour bénéficier de protection), car la cession de droit est de nature incorporelle et rémunère une œuvre de l’esprit.

En revanche, l’exécution du travail ou le savoir-faire technique est facturé comme revenu professionnel classique avec 21 % de TVA et cette partie demande bien évidemment des frais (matériel de montage, studio, frais en tout genre,

Bruxelles, 20 mars 2014, Cour. Fisc., 2014, pp. 411-415 ; Gand, 10 décembre 2013, F.J.F., 2014/9, pp. 1002-1004. Anvers, 5 mai 2009, T.F.R., 2010, n° 384, p. 601, disponible sur https://expert.taxwin.be/fr déplacements, restaurants, etc.).

La jurisprudence (Cour de cassation) a été amenée à définir ce qu’est une œuvre de l’esprit : « Il faut mais il suffit qu’elle [l’œuvre] soit l’expression de l’effort intellectuel de son auteur, condition indispensable pour donner à l’œuvre le caractère d’individualité nécessaire pour qu’il y ait création » (Cass. 27 avril 1989, Pas I, p. 908). Dans leur Précis sur les droits d’auteur et droits voisins, Fernand de Visscher et Benoît Michaux indiquent que « La Cour [de cassation] précise d’ailleurs bien que ce qui compte en définitive, c’est l’expression de l’effort intellectuel et non la réalité ou l’intensité de celui-ci ». 7

Il convient donc de préciser ce que recouvrent ces droits de propriété intellectuelle. Ceux-ci ne sont en effet pas définis par la législation fiscale, mais bien par une loi particulière, la loi du 30 juin 1994 relative aux droits d’auteur et aux droits voisins, remplacée par le Titre 5 du Livre XI du Code de droit économique (articles XI 164 à XI 293). En vertu de cette loi, l’auteur d’une œuvre littéraire ou artistique dispose à la fois de droits patrimoniaux et moraux sur son œuvre, communément appelés « droits d’auteur ».

Les droits patrimoniaux visent le droit de reproduire l’œuvre ou d’en autoriser la reproduction, ce qui comprend le droit exclusif d’en autoriser l’adaptation, la traduction, la location ou le prêt. L’auteur a également seul le droit de communiquer l’œuvre au public par un procédé quelconque, ainsi que d’en autoriser la distribution au public. Ces droits

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patrimoniaux sont mobiliers, cessibles et transmissibles. Les droits moraux de l’auteur, en revanche, sont inaliénables. Ils comportent le droit de divulguer l’œuvre, d’en revendiquer ou refuser la paternité et de s’opposer à toute modification de celle-ci. L’artiste-interprète ou exécutant dispose également de droits patrimoniaux et moraux, communément appelés « droits voisins ». Les droits patrimoniaux visent le droit de reproduire sa prestation ou d’en autoriser la reproduction, de quelque manière et sous quelque forme que ce soit, ce qui comprend notamment le droit exclusif d’en autoriser la location ou le prêt. 8 L’artiste-interprète ou exécutant a seul le droit de communiquer sa prestation au public.

Les droits moraux de l’artiste-interprète, inaliénables, visent le droit à la mention de son nom conformément aux usages honnêtes de la profession, le droit d’interdire une attribution inexacte, ainsi que le droit de s’opposer à toute déformation, mutilation ou autre modification de sa prestation ou à toute autre atteinte à celle-ci, préjudiciables à son honneur ou à sa réputation.

Le régime des droits d’auteur vise dès lors uniquement à protéger ce qui est le reflet de la personnalité de son auteur, l’expression de son effort intellectuel et non un service rendu. Nulle protection pour ce qui n’est que le fruit d’un savoir-faire, fût-il exceptionnel. L’originalité est absente lorsqu’on a affaire à un simple processus révélant avant tout une connaissance technique, avec un outil de travail,

7 8 F. DE VISSCHER et B. MICHAUX, Précis du droit d’auteur et des droits voisins, Bruylant, 2000, p. 9. V. DECKERS et E. TRAVERSA, La réforme de la fiscalité des droits d’auteur, JT, n° 6353 du 16 mai 2009, p. 333.

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certes parfois très élaboré. Ces outils, modes d’emploi, expressions d’un savoir-faire ne peuvent être assimilés à des créations propres à leur auteur, à des expressions originales de l’esprit humain, à des choix libres et créatifs de l’auteur. Certains auteurs considèrent d’ailleurs que le critère essentiel pour caractériser l’originalité est le « choix arbitraire original de l’auteur ». C’est aussi le point de vue de la Cour de Justice de l’Union européenne qui juge originale « toute création, forcément nouvelle, qui exprime la personnalité de son auteur à travers des choix qui lui sont propres ».

Il résulte de ces principes qu’on ne peut prétendre que les frais d’une activité technique font double emploi avec les frais liés à une création intellectuelle, car tant la nature de

l’activité que la qualification des revenus sont différentes. C’est d’ailleurs face à cette difficulté d’identifier de tels frais pour un auteur que le Roi a admis un forfait incontestable et incompressible de 50 % (article 4 de l’AR/CIR 1992).

On peut donc considérer que les revenus visés à l’article 17 § 1 er , 5° du CIR 1992 sont ceux que l’auteur perçoit en raison de la cession ou de la concession de tous ou partie de ses droits patrimoniaux sur l’œuvre. Conformément à l’article 22, § 3 du CIR 1992, seul le revenu « net » est imposable, c’est-à-dire, le « montant brut diminué des frais exposés en vue d’acquérir ou de conserver ces revenus ». La loi autorise donc le contribuable à déduire les frais qu’il a exposés en raison de l’opération de cession ou de concession de ses droits patrimoniaux. Il s’agit, par exemple, des honoraires de l’avocat qui a rédigé la convention de cession ou de concession. À aucun moment, il ne s’agit des frais liés au processus de création de l’œuvre.

En revanche, les frais exposés dans le cadre du processus de création de l’œuvre – si celui-ci intervient dans le cadre d’une activité professionnelle – constitueront des frais professionnels. Ainsi, le coût d’acquisition d’un appareil photo exposé par un photographe professionnel constitue une charge professionnelle. Cette dépense ne présente aucun lien avec l’opération de cession ou de concession des droits de ce même photographe à son éditeur.

5.

Enfin, s’il fallait d’ailleurs suivre la position du fisc consistant à répartir les frais entre les deux activités (création et services), on devrait aussi, par analogie, les limiter dans le chef des très nombreux dirigeants de sociétés (informaticiens, architectes, graphistes, designers, publicitaires, ...) qui exercent en société et qui retirent de leur société un pourcentage de droits d’auteur (souvent fixé à 15 % maximum de leur chiffre d’affaires). En effet la société dont ces contribuables sont dirigeants déduit aussi intégralement les frais liés à l’activité de services. Or, il n’a jamais été

question de limiter ce forfait de charges de 50 % sur les

droits d’auteur dans le chef de tels dirigeants. Il y a donc incontestablement une rupture du principe d’égalité entre contribuables selon qu’ils exercent en personne physique ou en société. Nul doute que la Cour constitutionnelle aurait tôt fait de considérer cette situation comme parfaitement discriminatoire.

D’autres arguments peuvent être avancés pour contester cette instruction interne.

En tous les cas, nous ne pouvons qu’inviter les contribuables confrontés à des redressements basés sur cette instruction à ne pas courber l’échine.

Méfions-nous des raccourcis hasardeux qui semblent à première vue pertinents. Ils ne résistent bien souvent pas à une analyse juridique indispensable ou à une lecture attentive des dispositions fiscales.

Pierre-François Coppens

Conseiller fiscal

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