ITAA-zine | Numéro 4 - Août 2020

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Le cumul des frais réels et du forfait de charges prévu pour les revenus de droit d’auteur : position du fisc et réfutation Suivant une position récente de l’administration fiscale (instruction interne), un contribuable (exerçant en personne physique) qui effectue à la fois un travail artistique et un travail technique ne peut imputer la totalité des frais à une seule activité professionnelle mais doit les répartir entre les deux activités. A défaut de preuve de frais liés à l’activité artistique, il est, selon elle, « arbitraire » d’imputer la totalité des frais à cette seule activité technique. Comme l’article 17 § 1er, 5° du CIR 1992 est un régime dérogatoire à l’article 22 du CIR 1992, il oblige le contribuable qui veut s’en prévaloir à justifier le pourcentage de frais nécessaires à l’obtention des revenus de droits d’auteur. Cette preuve n’étant pas établie, la proratisation se justifie, suivant le fisc. L’administration enjoint donc à ses agents de ne pas admettre, pour des personnes physiques, le cumul des frais réels (article 49 CIR 1992) et du forfait légal propre aux droits d’auteur de 50 % jusque 10.000 EUR non indexés (article 4 de l’AR/CIR 1992). Cette argumentation qui semble à première vue très simple ne peut pas être suivie car elle repose sur des fondements juridiques inexacts.

La structure de l’AR/CIR 1992 est extrêmement claire à ce sujet puisque le forfait des droits d’auteur est repris dans la Section 3 de l’AR/CIR 1992 (Évaluation forfaitaire des frais déductibles du revenu brut de la location, de l’affermage, de l’usage, de la concession de biens mobiliers et de droits d’auteur – articles 3 à 5), alors que les règles relatives aux frais professionnels se trouvent à la Section 4 (Détermination du montant net des revenus professionnels – articles 6 à 11). Il est essentiel de préciser que la règle préconisée par le fisc, à savoir la possibilité de proratiser, n’est toutefois prévue que dans le seul contexte de cette Section 4. En effet on peut lire à l’article 7, § 4 de l’AR/CIR 1992 : « les frais professionnels qui sont communs à diverses activités professionnelles ou qui grèvent (...) des revenus recueillis dans différents pays, sont répartis au moyen de justifications requises »

1.

Le § 6 poursuit : « lorsque le contribuable exerce différentes activités dont les revenus sont à ranger dans une même catégorie de revenus visée aux articles 27 et 31 à 33, du même code, les frais professionnels (...) sont calculés sur l’ensemble des revenus provenant de ces activités, mais à l’exclusion des indemnités dont il est question à l’article 51 (...) du même code ».

Avant toutes choses, il convient d’emblée de ne pas confondre les frais professionnels liés à une activité professionnelle, et le forfait de charges lié à une activité mobilière. Dans un arrêt du 10 novembre 2017 (Rôle n° F.14.0076.F_F.14.0079.F), la Cour de cassation a rappelé que « la nature fiscale des revenus tirés par la demanderesse de la concession de ses droits d’auteur a pour effet que les frais forfaitaires prévus aux articles 3 et 4 de l’arrêté royal d’exécution du Code des impôts sur les revenus 1992 concernent les revenus mobiliers taxables à ce titre, à l’exclusion des revenus mobiliers à caractère professionnel visés à l’article 37 de ce code, qui en est la suite. »

Il se dégage de la lecture de ces textes légaux que : 1. la proratisation ne se conçoit pas entre des revenus professionnels et des revenus non professionnels puisque l’article 7 § 4 n’a introduit cette règle de proratisation que pour des activités professionnelles. Le fisc évoque dans ses avis de rectification la notion d’activité artistique et technique. Or le texte de loi ne retient en revanche que la notion d’« activité professionnelle ». La nuance est tout sauf négligeable ; 2. l’article 7 § 6 ne permet la proratisation que pour des revenus visés à l’article 27 du CIR 1992 (les profits) ou 31 à 33 du CIR 1992 (les rémunérations). À aucun moment,

Plusieurs arguments peuvent être opposés à cette position.

Magazine mensuel de l’ITAA | N° 4 | Août 2020


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