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La donation d’actions et de créances après la fin de la ‘kaasroute’

Depuis le 15 décembre 2020, la fin de ce que l’on appelle la ‘kaasroute’ est une réalité. Les actes notariés étrangers de donation doivent désormais être enregistrés en Belgique. Cette modification de loi vise à mettre fin à une pratique qui permettait de passer des actes de donation devant un notaire étranger (en Suisse, par exemple, ou aux Pays-Bas). Ces actes ne devaient pas obligatoirement être enregistrés en Belgique et n’étaient donc pas soumis au paiement des droits de donation. Si le donateur ne décédait pas pendant la période à risque de trois ans suivant la donation (sept ans pour les sociétés et entreprises familiales), l’acquisition était exonérée de droits de donation ou de droits de succession. Dans la circulaire 2021/C/27 du 16 mars 2021, le SPF Finances clarifie la mise en œuvre pratique de cette nouvelle obligation d’enregistrement.1 Nous vous la résumons brièvement ci-après, pour nous attarder ensuite sur les alternatives possibles à l’acte notarié étranger de donation. Nous nous centrerons en particulier sur la donation de créances/prêts consentis à une société et sur la donation d’actions nominatives.

1. Mise en œuvre pratique de l’obligation d’enregistrement

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Champ d’application. L’obligation d’enregistrement concerne les actes notariés passés devant un notaire étranger qui font titre de donation entre vifs de biens meubles par un habitant du Royaume de Belgique. Sont donc exclues du champ d’application : la donation par un habitant du Royaume d’un bien immeuble (étranger) et la donation par un non-habitant du Royaume, même si le donataire est un habitant du Royaume ou si la donation porte sur des biens situés en Belgique.

La notion d’habitant du Royaume doit se comprendre telle que reconnue en doctrine et appréciée par les cours et tribunaux en Belgique (à savoir la personne qui a sa résidence réelle, effective et continue en Belgique). L’appréciation doit être faite au moment de la passation de l’acte étranger de donation.

Le lieu d’inscription dans le registre de la population ou dans un registre étranger similaire sert généralement de point de départ de l’appréciation, mais ce lieu n’est pas prépondérant si l’on ne dispose pas d’autres éléments qui le confirment, tels que : comptes bancaires, affiliations à des associations locales, abonnements à des équipements d’utilité publique, retraits d’argent, etc.

Quel document doit être enregistré ? La personne concernée peut présenter au choix à l’enregistrement : des expéditions, des copies ou des extraits de l’acte notarié étranger. La possibilité d’enregistrer un extrait est notamment intéressante lorsque l’acte étranger de donation contient une autre convention qui n’est pas soumise à l’obligation d’enregistrement. Il suffit dans ce cas de présenter à l’enregistrement un bref extrait, certifié par les intéressés, qui fait uniquement mention de la donation.

Sur qui repose l’obligation d’enregistrement ? L’obligation repose de manière indivisible sur les parties contractantes, à savoir le(s) donateur(s) et le(s) donataire(s). Ils s’adressent pour cela à un Bureau Sécurité juridique (de l’Administration générale de la Documentation patrimoniale) de leur choix. Le notaire étranger n’est pas tenu à l’enregistrement (contrairement au notaire belge qui passe un acte de donation en son étude).

Délai L’acte étranger de donation doit être enregistré dans les quatremois de sa passation. Ce délai s’applique également lorsque la donation est faite sous condition suspensive. Dans ce cas, l’enregistrement ne donne lieu qu’à un droit fixe général, qui est actuellement de 50 euros. Dès que la condition se réalise, une déclaration doit être déposée à l’enregistrement, ce qui rend les droits de donation exigibles. Celui-ci est alors calculé au tarif en vigueur au moment de l’enregistrement de l’acte de donation. Le tarif est appliqué sur la base imposable (selon la nature des biens et selon leur valeur) au moment de la réalisation de la condition suspensive.

(1) Circulaire 2021/C/27 relative à la loi spéciale du 3 décembre 2020 et la loi spéciale du 13 décembre 2020 en matière de droits d’enregistrement.

Région compétente Le Bureau Sécurité juridique dans lequel l’acte étranger de donation est présenté transmettra de sa propre initiative le document enregistré à la région compétente, à savoir la région dans laquelle le donateur a son domicile fiscal. Si le donateur a établi son domicile dans plusieurs régions au cours des cinq années qui précèdent la donation, la région dans laquelle le donateur a eu son domicile fiscal le plus longtemps est compétente.

2. Alternatives à l’acte notarié étranger de donation

L’obligation d’enregistrement a pour conséquence de soumettre la donation qui est reprise dans l’acte étranger aux droits de donation (2).

(2) Le tarif varie d’une région à l’autre et dépend ici du lien de parenté entre le donateur et le donataire et de la nature des biens mobiliers (société/entreprise familiale ou pas).

Mais parce que bon sang ne saurait mentir, les conseillers fiscaux ont beaucoup réfléchi à des alternatives permettant de faire valablement donation de biens mobiliers sans l’intervention d’un notaire. C’est en effet la seule manière d’éviter l’imposition, à moins qu’il soit possible d’invoquer l’exonération réservée aux sociétés et entreprises familiales.

Malgré la formulation légale explicite selon laquelle une donation est un contrat solennel passé devant notaire, la doctrine et la jurisprudence acceptent unanimement qu’une donation puisse se faire, dans certains cas, sans passer un acte notarié et sans accomplir les formalités y afférentes. Les dons manuels et les donations indirectes en sont des exemples types.

2.1. La donation indirecte

Pour expliquer la différence entre une donation directe et une donation indirecte, il convient d’examiner d’abord ce qui caractérise la donation directe3. Il peut en être question lorsque les éléments suivants sont réunis : • la donation provoque un appauvrissement direct du donateur et un enrichissement corrélatif du donataire ; • il y a une intention de donner (« animus donandi ») ; • le donataire accepte la donation ; • toute l’opération se déroule du vivant du donateur ; • le bien qui disparaît du patrimoine du donateur et le bien que reçoit le donataire se correspondent totalement.

Une donation directe requiert un acte notarié ou un don manuel. Dans le cas d’une donation notariée, la donation a lieu par la passation de l’acte. Le transfert effectif ou la livraison effective du bien donné n’en est qu’un effet. Dans le cas d’un don manuel, la donation s’opère par le transfert du bien donné. Le transfert constitue donc ici un élément essentiel, sans lequel la donation ne peut valablement s’effectuer (cf. infra).

La donation indirecte se différencie de la donation directe sur les points suivants : • l’acceptation ne doit pas nécessairement intervenir du vivant du donateur. Citons, par exemple, le versement d’une assurance vie après le décès du preneur d’assurance/de l’assuré ; • le bien qui disparaît du patrimoine du donateur et le bien que reçoit le donataire ne doivent pas être identiques ; • le donataire acquiert cet avantage (indirect) par le biais d’un instrument ou d’un véhicule neutre, comme une assurance vie ou un virement (4).

Bien entendu, la donation indirecte doit également reposer sur une intention de donner.

La donation bancaire est un exemple connu de donation indirecte. À première vue, on pourrait penser qu’un bien identique passe du donateur au donataire (une même somme d’argent). C’est n’est pourtant pas le cas. Du point de vue juridique, le donateur renonce à la créance qu’il a sur la banque dans laquelle il a un compte, à concurrence du montant qu’il souhaite donner (indirectement). Le donataire acquiert une créance correspondante sur la banque dans laquelle il est titulaire du compte bénéficiaire. La créance du donataire n’est pas la même que l’ancienne créance du donateur, le donateur et le donataire ayant chacun une propre relation contractuelle avec leur banque. L’ordre de transfert d’un compte à l’autre constitue l’instrument neutre par lequel le donataire reçoit l’avantage.

Appliquons à présent la possibilité d’une donation indirecte à des créances/prêts consentis à une société et à des actions nominatives.

2.1.1. Donation indirecte d’une créance/d’un prêt consenti à une société

Selon nous, il est possible de transférer par donation indirecte une créance sur une société ou un prêt qui lui a été consenti. Le créancier informe la société débitrice qu’elle ne doit plus lui rembourser le solde impayé, mais le rembourser à un tiers que le créancier désigne (le donataire). Le donataire acquiert donc une propre créance sur la société débitrice et la créance initiale du créancier disparaît.

Pour que la qualification en donation indirecte tienne la route, le traitement comptable doit être cohérent. La créance/le prêt initial(e) doit être annulé(e) dans la comptabilité et une nouvelle créance doit être ouverte au nom du donataire. De nouveaux accords peuvent ensuite être passés entre la société débitrice et le nouveau créancier (donataire) concernant le remboursement (délai, intérêts, etc.).

Juridiquement, cette méthode donne lieu à une stipulation au profit d’un tiers (5).

2.1.2. Donation indirecte d’actions nominatives

La question est de savoir si les actions nominatives peuvent faire l’objet d’une donation par la simple inscription dans le registre des actions. Cette pratique a été régulièrement appliquée par le passé, mais la popularité de la kaasroute l’avait fait passer au second plan. La technique est très simple. Les actions sont rayées de la page du donateur dans le registre des actions pour être ensuite inscrites sur la page du donataire.

(3) H. CASMAN, A. VERBEKE, N. NIJBOER & B. VERDIKT, “Nieuw leven voor alternatieve schenkingstechnieken?”, Notariaat 2021, n° 4, 1-7.

(4) Par neutre, il y a lieu d’entendre que l’instrument peut également être utilisé à des fins autres qu’une donation, telles que la couverture d’un crédit, le remboursement d’une dette…

(5) Pour de plus amples explications et des fondements juridiques, nous vous renvoyons à l’article suivant : H. CASMAN, A. VERBEKE, N. NIJBOER & B. VERDIKT, “Nieuw leven voor alternatieve schenkingstechnieken?”, Notariaat 2021, n° 4, 1-7.

Cette technique est-elle juridiquement valable ? Elle ne l’est pas selon nous. Mais dans ce contexte, la doctrine et la jurisprudence se partagent entre deux grandes tendances. La discussion remonte à la formulation ambiguë de l’ancien Code des sociétés, selon lequel « La cession des titres nominatifs s’opère par une déclaration de transfert inscrite dans le registre relatif à ces titres, datée et signée par le cédant et le cessionnaire ou par leurs fondés de pouvoir. »6 Selon une première tendance (majoritaire), l’article visé ne règle que l’opposabilité et la technique n’est donc pas valable (7). Cette tendance défend la position selon laquelle des actions nominatives ne peuvent être valablement données qu’au moyen d’un acte notarié (8). Le registre des actions est ensuite modifié en exécution de la donation notariée. Selon une deuxième tendance, l’inscription peut constituer en elle-même une donation (indirecte) et une donation notariée préalable n’est pas nécessaire (9).

Depuis l’entrée en vigueur du nouveau Code des sociétés et des associations, le 1er mai 2019, la disposition concernée a toutefois été modifiée.

« Le transfert de titres s’opère selon les règles du droit commun. Un transfert de titres nominatifs n’est opposable à la société et aux tiers que par une déclaration de transfert inscrite dans le registre relatif à ces titres, datée et signée par le cédant et le cessionnaire ou par leurs mandataires en cas de cession entre vifs, et par un membre de l’organe d’administration et les bénéficiaires ou par leurs mandataires en cas de transmission à cause de mort. […] » (10)

En vertu de la nouvelle disposition univoque du droit des sociétés, il s’impose de se référer au droit civil, et en particulier au droit en matière de donation, pour répondre à la question de savoir si et comment les actions nominatives peuvent faire l’objet d’une donation indirecte.

Et une seule conclusion s’impose ici : la donation d’actions nominatives est une donation directe et ne peut pas constituer une donation indirecte, puisque le bien cédé est identique. Les actions reçues par le donataire sont les mêmes que les actions qui disparaissent du patrimoine du donateur. Il en résulte qu’une donation d’actions ne peut se faire valablement que par acte notarié ou par don manuel. Le nouveau Code des sociétés et des associations confirme donc clairement la tendance majoritaire.

2.2. Le don manuel

Le don manuel est sans aucun doute la plus ancienne forme alternative de donation. Il peut se définir simplement comme la transmission de la chose donnée au donataire en vue de le favoriser. Traditionnellement, un don manuel valable exige le respect de quatre conditions : • une remise matérielle doit intervenir ; • il y a une intention de donner ; • le donataire accepte la donation ; • le tout se déroule du vivant de donateur.

Un don manuel s’effectue donc sans aucun écrit (même s’il est généralement conseillé d’établir un document de preuve, ne fût-ce que pour éviter des discussions familiales, car une donation ne se présume pas).

La remise matérielle étant requise, un don manuel n’est possible que pour des biens qui peuvent être transmis physiquement (œuvres d’art, collections, voitures anciennes…), ou pour des biens meubles incorporels matérialisés par un titre, tels qu’actions au porteur abrogées ou billets de banque. La condition d’une remise matérielle a toutefois évolué et est plus largement interprétée par une partie de la jurisprudence et de la doctrine, dans la mesure où il suffit désormais de transmettre le contrôle de fait exercé sur un bien et non le bien lui-même. Citons à titre d’exemple la remise des clés et des documents de bord d’un véhicule ou encore la remise des clés ou du code d’un coffre-fort ou d’une cave à vin. Dans notre société, toutefois, les possibilités d’application du don manuel restent limitées.

La réforme du droit des biens, qui entre en vigueur le 1er septembre 2021, permettra peut-être de nouvelles applications de la donation bancaire. Les biens qui peuvent être transmis par le biais d’un don manuel sont évoqués à l’article 2279 de l’ancien C. civ. Comme esquissé ci-avant, il s’agit des biens meubles corporels et des biens meubles incorporels qui sont incorporés à un titre.

(6) Ancien article 504 C. soc. en ce qui concerne la SA et anciens articles 249-250 C. soc. en ce qui concerne la SPRL.

(7) L. LEMMENS & M. DELBOO, “Onrechtstreekse schenking van aandelen: de derde weg”, TFR 2021, n° 597, 193-200.

(8) E. SPRUYT, “Naar meer rechtszekerheid bij overdracht van aandelen op naam: voorstellen van oplossing”, RW 2009-10, n° 37, 1546-1551.

(9) Quelques auteurs défendent une troisième tendance fondée sur un arrêt de la Cour d’appel d’Anvers du 12 juin 2019. Cette tendance rejoint la tendance majoritaire selon laquelle la simple inscription dans le registre des actions assure l’opposabilité à la société. Ils estiment toutefois, à l’instar de la Cour d’appel d’Anvers, qu’une donation directe peut également voir le jour par le seul consentement des parties. Dans ce raisonnement, il suffit que le donateur et le donataire soient d’accord de procéder à la donation. Un acte notarié ou un transfert matériel (don manuel) n’est pas requis. Cette position est fortement critiquée, de même que l’arrêt de la Cour d’appel d’Anvers. Nous partageons cette critique et nous n’entrerons donc pas dans les détails. Des considérations d’équité dans le dossier concret ont probablement contribué à la décision prise par la Cour d’appel d’Anvers. 10 Articles 5:61 et 7:73-7:74 CSA.

L’article 2279 de l’ancien C. civ. sera remplacé par les articles 3.24, j°, 3.18 et 3.28 du C. civ. Ces nouvelles dispositions s’appliquent explicitement à tous les biens meubles, ce qui signifie qu’elles régissent désormais aussi les biens incorporels qui ne sont pas incorporés à un titre. Conformément aux nouvelles dispositions de loi, il y a présomption de titre lorsque le pouvoir de fait sur un bien est exercé de manière paisible, publique, non équivoque et continue. La possession étant couplée au pouvoir de fait sur le bien, la transmission ou la remise matérielle, en tant qu’exigence pour un don manuel, pourrait être étendue à l’octroi du pouvoir de fait sur le bien cédé.

Si ce raisonnement peut être suivi, l’inscription dans le registre des actions au nom du donataire pourrait éventuellement constituer une donation juridiquement valable dans le cas des actions. Pas comme donation indirecte, mais comme don manuel et donc comme donation directe. Car par l’inscription dans le registre des actions, le donataire acquiert le pouvoir de fait sur les actions, ce qui constitue un don manuel.

Nous insistons sur le fait que cette piste n’a pas encore été suffisamment clarifiée et qu’elle mérite des recherches plus approfondies avant d’être mise en pratique.

2.3. Limites de la donation indirecte et du don manuel

Selon nous, si l’avantage de procéder à une donation par une voie alternative est évident sur le plan fiscal (à moins de pouvoir bénéficier de l’exonération des droits de donation pour la donation de sociétés ou entreprises familiales), il convient néanmoins de bien peser le pour et le contre. D’importantes modalités peuvent être définies dans le cas d’une donation notariée, mais sont impossibles dans le cas d’une donation indirecte ou d’un don manuel.

Nous pensons par exemple à la donation résiduelle ou donation avec « fidéi-commis de residuo ». Il s’agit d’un mécanisme permettant au donateur de disposer deux fois par donation du même patrimoine. La première donation sort immédiatement ses effets. Le patrimoine donné passe directement au donataire. La deuxième donation, en revanche, ne sort ses effets qu’au décès du premier donataire. Le donateur détermine ainsi à qui reviendra le patrimoine donné après le décès du premier donataire. Il est important que le premier donataire soit libre de dépenser le patrimoine donné, tout en sachant que les possibilités d’en disposer par donation ou par testament peuvent être limitées. Ce n’est que ce qui reste de la donation (le résidu) au moment du décès du premier donataire qui revient au second donataire.

Le transfert du résidu du premier au second donataire est considéré fiscalement comme une donation du donateur initial au second donataire, et donc pas comme une transmission successorale du premier donataire au second donataire. Au moment du décès du premier donataire, le patrimoine donné échappe dès lors aux droits de succession, mais pas aux droits de donation. Et généralement, les droits de donation sont beaucoup moins élevés que les droits de succession. De plus, toutes prétentions successorales de l’éventuel conjoint ou des éventuels enfants du premier donataire sont juridiquement exclues. Mais une telle donation résiduelle n’est possible ni par donation indirecte ni par don manuel.

Il est souvent problématique aussi de prévoir une réserve d’usufruit. En ce qui concerne les dons manuels, une réserve d’usufruit est impossible, car ce ne serait pas conciliable avec l’exigence d’une remise matérielle. Il est en effet impossible de remettre matériellement un bien à un donataire, tout en se réservant simultanément le droit de continuer à en faire usage. C’est l’un ou c’est l’autre.

Dans le cas d’une donation indirecte, une réserve d’usufruit est juridiquement possible, mais c’est déconseillé fiscalement et comporte à tout le moins des risques importants, au vu des dispositions de fiction qui existent concernant les droits de succession. Nous attirons spécifiquement l’attention sur la disposition de fiction concernant l’inscription scindée usufruit/nue-propriété. En vertu de cette disposition de fiction, les placements de trésorerie et les titres (par exemple les actions) qui sont immatriculés au nom du défunt pour l’usufruit et au nom d’un tiers pour la nue-propriété au moment du décès du de cujus sont présumés toujours faire partie du patrimoine du défunt pour la pleine propriété et revenir au tiers/nu-propriétaire au titre de legs. Ce tiers/nu-propriétaire est soumis à des droits de succession. Sont visées ici l’inscription dans un registre des actions, l’inscription de titres ou de fonds en compte, etc.

La preuve contraire de cette présomption peut être apportée en démontrant que le rapport usufruit/ nue-propriété ne résulte pas de l’inscription dans le registre des actions ou de l’inscription de titres ou de fonds en compte. Cela signifie en pratique qu’il faut pouvoir prouver qu’une donation préalable et directe (et donc notariée) a eu lieu. Cette disposition de fiction n’est en outre pas rattachée à une période de risque. En présence d’une inscription scindée au moment du décès, il y a présomption d’application, quel que soit le moment auquel cette inscription scindée a eu lieu.

Nous attirons enfin l’attention sur une autre disposition de fiction plus connue. Le patrimoine qui a été transmis par le défunt dans les trois ans précédant son décès au moyen d’une donation non enregistrée est fictivement ajouté à sa succession, de sorte que des droits de succession sont encore dus. Cette période de risque s’applique tant aux dons manuels et aux donations indirectes qu’aux stipulations au profit d’un tiers. La période est portée à sept ans lorsque la donation non enregistrée concerne une société ou une entreprise familiale.

3. Conclusion

La suppression de la kaasroute change immanquablement la donne dans la pratique belge de la planification successorale. La recherche d’alternatives est en marche. Le conseiller fiscal est obligé de changer sa façon de penser et devra plus souvent mettre en balance le coût fiscal, d’une part, et les objectifs de droit civil à atteindre, d’autre part.

Thomas Storme

Juriste

Thomas Verlinden

Juriste

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