Êditions inverse/// collection1015/n°01 dom daher chili
80 pages 67 photographies texte : cody townsend 100 exemplaires
la figure. Le bambou local, qu’on verrait mieux à sa place dans un jardin japonais que sur une montagne chilienne, étrangle le chemin large comme un couloir et fouette mon visage. Première rivière à traverser. Heureusement, les deux Serge ont pensé à tout et construit une vingtaine de ponts avec des troncs d’arbres. Six heures sont nécessaires pour faire tomber un arbre, le nettoyer et l’arrimer des deux côtés. Pour une plus grande rivière, il faut deux jours de travail. /// La piste avance au cœur du canyon, le long de falaises vertigineuses. Bientôt des murs de poudreuse hauts comme un homme nous enserrent. À mesure que nous montons, la forêt s’éclaircit, puis la piste s’aplatit juste avant une dernière montée où Cornillat déchaîne les 800 cc de son Ski-Doo dans un dernier coup de reins, brassant un mètre de poudre, me plongeant dans un nuage glacial. Aveuglé par la neige, je me sens progressivement ralentir, j’en déduis que nous sommes arrivés au sommet. Je nettoie mon masque et retrouve la vue pour découvrir un paysage à 360° qui me saute à la figure : les plus incroyables montagnes que j’ai jamais vues. Les Andes. /// Si la cordillère des Andes traversait les États-Unis, elle s’étendrait de l’océan Pacifique à l’Atlantique... et elles continueraient jusqu’à la moitié de l’Atlantique. Quand Serge Cornillat est arrivé ici, il a d’abord passé du temps dans les lieux pour gringos (Las Lenas, Portillo, Chapelco, Termas de Chillan), mais son tempérament de découvreur l’a rapidement amené vers des pentes inexplorées. Il a suivi une route de terre sur quelques centaines de kilomètres au sud de Las Lenas et il est tombé sur une vallée entourée de sommets dépassant 3 000 m, avec un accès facile à un cirque strié de couloirs : une corne d’abondance pour les riders. Il a contacté les ranchers locaux, a acheté une cabane près d’une source d’eau chaude, a importé son premier Ski-Doo et a commencé à faire tourner son petit business. Huit ans plus tard, il a poursuivi son exploration, cette fois vers l’ouest, au-delà des pentes qu’il avait ridé pendant des années, au-delà de hauts
plateaux nettoyés par le vent, jusqu’à trouver un paysage dont il savait qu’il allait changer la façon dont on ridait en Amérique du Sud. /// Au sommet de la crête, je me régale de ce panorama exceptionnel. Un volcan blanchi et solitaire domine l’horizon sud. Des vallées creusées par le magma s’arrondissent en vagues. « Serge, c’est quoi ces arbres ? », ces tentacules dénudés incongrus. « Des Araucarias, répond-il. Zey only exist in a small stripe in ze Andes. Very small area. Nowhere else in ze world. » Mes skis dépassant au-dessus du vide, je regarde le terrain couvert de poudre vierge qui m’attend. Je drope. Un virage soyeux et je serre mes pieds pour voler au-dessus d’une falaise composée de morceaux de chocolat noir. La sensation de légèreté est interminable quand j’atterris dans un champ de neige si douce qu’elle ferait pleurer le plus sensible des romantiques. Ensuite une windlip. Je transfère mon poids sur les talons et pars dans la rotation d’un backflip, aidé par ce tremplin naturel. Je reviens dans la poudre et dessine un grand arc en direction d’un rocher couvert de neige sur lequel je m’appuie pour décoller. Derrière le rocher, le vide se creuse et me laisse suspendu deux étages au-dessus du sol pour une ou deux secondes. Stop. Mes pensées sont sur « pause ». Je rebondis. Tourne en m’enfonçant dans la neige. Je ris de plaisir. La rareté d’un tel run est amplifiée par la présence des étranges Araucarias. La traversée de la rivière, la boue, les ponts faits main, la remontée aveuglante en Ski-Doo, ce dernier run et ces arbres extraterrestres : j’en viens à la conclusion que, oui, il est encore possible de skier dans des endroits qui défient l’imagination. /// Cody Townsend /// Plus d’informations sur www.cajongrande.com
Une lointaine vallée chilienne jamais skiée... Serge Cornillat et Serge Vitelli racontent ce lieu magique, là-bas, derrière la ligne d’horizon neigeuse. “Zis is a projec zat take us tree years. We build ze bridges, build ze roads and now, we can ride it. ¡Andale Amigos!” In Chile, there is a hidden valley where skiing has, until now, remained cloaked from view. We switch between Spanish, French and English to describe what lays just above the distant snowline. “Zis is a projec zat take us tree years. We build ze bridges, build ze roads and now, finally, we can ride it. ¡Andale Amigos!”
10,15 euros isbn 2-916416-07-2 Imprimé en France www.inverse.fr
9 782916 416076 9 782916 416076