SI ON SE PERD GUILLAUME DESMURS
roman
collection1015 numĂŠro sept
202 pages 109 photographies 5562 mots 100 exemplaires
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SI ON SE PERD GUILLAUME DESMURS
roman collection1015 numéro sept
Son épaule nue sous les draps bleus éprouve la surface des rêves. La lumière prend des forces avec la rumeur de la ville. Et bondit par-dessus le rempart de mon sommeil. L’orage va fouetter les tuiles rouges des toits de Florence demain. La guerre civile va gifler l’Europe et la mettre à genoux la semaine prochaine. Avant cela, il y eut ce dernier soleil. Son épaule nue sous les draps bleus. Son visage dans l’oreiller. Elle se tourne vers moi pour sa première respiration de la journée. Au moment où ses paupières vont s’ouvrir, je referme les miennes. 8
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La première chose qu’elle a faite hier soir en entrant dans la chambre, c’est écarter les deux lits simples. Elle a découvert un nid de poussière. Qu’elle a jeté par la fenêtre. – N’attends rien de moi. C’est ce qu’elle m’avait dit plus tôt, hier matin, avant de quitter Genève. – OK. Pas facile, mais OK, lui avais-je répondu. – Pas de jeu, pas de séduction, je supporte pas, promis ? – Promis.
Ma tasse vide. Je gratte le chocolat liquide séché sur les parois.
Une heure plus tôt, le bar était plein, j’attendais un ami, elle m’a demandé si elle pouvait s’asseoir. – Le temps qu’il arrive, avec plaisir, avais-je répondu. – Ça ne vous dérange pas si je lis ? – Pas du tout. C’est votre moitié de table, faites ce que vous voulez. 10
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Un bébé nous regarde de sa poussette comme s’il savait déjà ce qui allait se passer. L’adulte qu’il allait être contemplait l’enfant que j’avais été, dialoguant silencieusement par-dessus nos corps présents.
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Mon ami n’est jamais venu. Elle a posé son livre et nous avons parlé. – Je vais à Florence une semaine, lui dis-je. – Je ne connais pas Florence. – Tu veux venir ? Nous nous sommes donné rendez-vous plus tard, en début d’après-midi, près du lac, nous avons mordu les premiers des 650 kilomètres. Frères ? Sœurs ? Elle n’en a pas. Elle étudie la sociologie. Elle s’appelle Gloria. Je lui dis que c’est l’un de mes morceaux de jazz préféré, Gloria’s step de Bill Evans. Que je l’écoutais ce matin quand elle m’a adressé la parole la première fois. – Drôle de hasard. Je lui fais écouter. Sur l’aire d’autoroute suivante, elle descend de la voiture et danse légèrement sur le goudron. – Regarde, dit-elle en montrant ses pieds, le pas de Gloria. 16
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C’est une bonne période pour tomber amoureux. La fin d’un monde. C’est ce que j’ai décidé de faire. Tomber amoureuse. Je vais m’y appliquer parce qu’il me semble que je n’en ai jamais été réellement capable. Je vais choisir un homme que le destin m’indiquera et je serai amoureuse de lui. J’ai hâte.
9,90 euros 978-2-916416-16-8 Imprimé en France www.inverse.fr
9 782916 416168
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