INTERACTION

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INTERACTION Inégalité des nations face à la pandémie

Les secteurs qui profitent de la crise

Le risque pesticides

QUI VIVRA VERRAT


Magalie Oger

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Mexique : cille fantôme P 3 23 ans de travaux à Tchernobyl P 3 Double discours allemand P 4 Le Mexique accusé P 4 Bisphénol pour bébé P 5 Grenelle des ondes P 5

La grippe flatte l’industrie P11

Les pistes du vaccin P 12

DOSSIER PANDEMIE P 6-9

A qui profite le grippe P 10

Inégalités face à la pandémie P 13

Crédit Photo. DR

Infos Générales

Un plan-plandémique P 14

Surveillance des hôpitaux P 15

Stratégies des virus P 16

Eaux en bouteilles et santé P 18

Pesticides du chef P 5

Carrences à l’Institut de veille sanitaire P 17

INTERACTION 14, rue Alexandre Parodi 75010 Paris Cedex 09 Tél. 01.47.75.33.68 Rédacteur en chef : Magalie Oger Secrétaire de rédaction : Zoé Pullicino Conception graphique : Adrien Toffolet Infographie : Jean-Pierre Voillot Ont participé à ce numéro : Grégory Raymond, Anthony Wolfstyn, Priscilla Romain, Abdel Pitroipa, François Perrigault, Lucie Oriol, Laurence Texier, Grégory Rozières, Pauline Riglet Brucy, Camille Fuzati Thomas, Julien Van Caeyseele, Sara Septier De Rigny, Rozenn Nicolle, Alexis Reynaud, Khadija Sfar.

En Une : Crédit Photo. http://mylongwalk.com

La peur. Un sentiment que les Français connaissent bien et qu’ils semblent apprécier. Masochistes ou simples victimes de la psychose entretenue par les médias ? Oui, les journalistes font monter la fièvre au sujet de la grippe mexicaine comme en témoignent les titres des journaux. Ils n’ont peut être pas tort. Hier matin, chirurgiens, médecins et aides soignantes protestaient main dans la main dans les rues de Paris contre la réforme « Hôpital, santé et territoire ». Contrairement à ce que soutient Roselyne Bachelot, la France n’est pas prête à faire face à une éventuelle pandémie. Et le projet de loi de la ministre le prouve. Faire d’un directeur d’hôpital un chef d’entreprise semble vouer à l’échec. Tant aux yeux des patients qu’à ceux des professionnels de la médecine. Non, l’hôpital n’est pas une machine à fric. Selon que vous serez riche ou pauvre, la médecine vous soignera ou vous laissera mourir. Quel est alors le vrai risque sanitaire en France ? La grippe mexicaine ou la volonté pour certains de privilégier les bénéfices à la santé publique. Car le problème est bien là. A force de laisser les sociétés commerciales réguler elles-mêmes un marché sans l’intervention des pouvoirs publics, soucieux de l’intérêt général, la logique lucrative l’emporte. Entre Laboratoires pharmaceutiques et industriels de l’agro-alimentaire, on finit par manger des cochons toxiques. Tiens, toxique, ça me fait penser aux subprimes.

Actualités

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Mexican psycho

Crédit Photo. François Perrigault

EDITORIAL


Actualités

Le Mexique, persona non grata La grippe porcine, dont le bilan ne cesse de s’alourdir, inquiète la plupart des professionnels du tourisme. Et pour cause, le Mexique se transforme en ville fantôme.

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es visas se suspendent, les vols s’annulent et les mises en garde se multiplient. Les pays de l’Union européenne, dont la France, ont fortement dissuadé leurs ressortissants d’entreprendre tout voyage au Mexique. Sur le site internet du Quai d’Orsay, « les déplacements à destination du Mexi-

que sont fortement déconseillés sauf raison impérative». En Grande-Bretagne, le Foreign Office déconseille aux Britanniques de s’y rendre, après que l’Organisation mondiale de la Santé eut relevé son niveau d’alerte mardi matin. Les services des visas à l’ambassade de Mexico y ont même été suspendus.

Vols annulés

En réponse au conseil donné par le Foreign office, de nombreux tour-opérateurs britanniques, dont Thomson et Thomas Cook, ont annoncé mardi avoir annulé les vols vers la station balnéaire mexicaine de Can-

cun jusqu’au 5 mai et rapatrier leurs vacanciers. Par ailleurs, plusieurs actions liées au tourisme et au secteur aérien ont chuté hier matin à la Bourse de Paris. Air-France KLM et Accor enregistraient des pertes allant jusqu’à 6 points. Si certains envisagent le pire, d’autres préfèrent attendre des recommandations concrètes du Ceto (Centre d’étude des touropérateurs). La Commission européenne et l’OMS ont d’ailleurs estimé prématuré, le fait de préconiser une limitation des déplacements vers les pays touchés par le virus. Zoé Pullicino

Tchernobyl : 23 ans à sécuriser

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lors que dans la nuit du samedi au dimanche 26 avril 2009 les ukrainiens étaient rassemblés à Kiev pour commémorer le vingt-troisième anniversaire de la catastrophe de Tchernobyl, l’ancienne centrale nucléaire dont le réacteur n°4 avait explosé le 26 avril 1986, continue de nuire. Après cette catastrophe nucléaire civile la plus grave de l’histoire, des hommes appelés « liquidateurs » se sont empressés de construire un sarcophage en béton et de répandre de la colle au sol afin d’éviter la propagation des particules radioactives. Mais dans l’empressement, ces précautions qui auraient dû être renforcées dès 1992 selon la volonté du gouvernement ukrainien, sont restées bien insuffisantes

et manifestent depuis toujours de nombreuses failles. Des infiltrations d’eau et de neige ont été observées, et le mur du côté ouest, tout comme la cheminée de la centrale, menacent de s’effondrer. Mais après plusieurs projets, les groupes français Bouygues et Vinci entameront d’ici la fin de l’année le chantier d’une arche en acier qui devrait s’achever en 2012. Cette nouvelle structure qui devrait d’abord être construite à proximité du site puis mis en place par un système de rail, ferait 150 mètres de long pour 105 mètres de haut et recouvrirait intégralement la centrale. L’opération, financée par un fond international administré par la BERD (Banque européenne pour la reconstruction et le

développement), va coûter au total 856 millions d’euros. Des complexes de traitement de déchets radioactifs devraient également être mis en place afin de décontaminer les zones alentours. En ce qui concerne le personnel, les groupes français ont d’ores et déjà assuré que chaque employé sera muni d’un équipement adapté (tenue d’intervention, protection des voies respiratoires, dosimètre mesurant la radioactivité…) et bénéficiera d’un suivi médical régulier. A l’époque, les 600.000 liquidateurs étaient intervenus sans protection, et 25.000 d’entre eux seraient morts des suites de la radioactivité, selon plusieurs enquêtes concordantes citées par l’AFP.

Brèves

Médecins et laboratoires : des liens gênants

Lundi 27 avril, l’association UFC-Que choisir a porté plainte contre neuf médecins pour non-respect de la loi, les obligeant à déclarer leurs éventuels conflits d’intérêts avec les firmes pharmaceutiques. Ces plaintes ont pour origine l’enquête menée en avril 2008 par le Formindep. Durant un mois, ce collectif de professionnels de santé a observé les prises de position de plus de 150 médecins dans les médias et les congrès. Résultat : alors qu’aucun d’entre eux n’avait déclaré de liens d’intérêts, près d’une soixantaine en avait en réalité. « Nous avons choisi des leaders d’opinion pour susciter un électrochoc, mais il ne s’agit que d’arbres qui cachent la forêt », a expliqué Christophe Leguehennec, chargé de mission santé à l’UFC.

Pékin bloque les importations de porc

La Chine a annoncé lundi, suspendre les importations de porcs et de produits porcins en provenance du Mexique et de trois Etats Américains, le Texas, le Kansas et la Californie. Censé prévenir toute propagation de l’épidémie provoquée par le virus A/H1N1 dans le pays, le gouvernement a appelé sa population à être très vigilante. Le ministère de la Santé ne déplore pas aucun cas de contamination humain.

Rozenn Nicolle

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Brèves

Des fioles de virus explosent dans un train suisse

Des ampoules contenant le virus de la grippe porcine ont explosé lundi, dans un train en direction de Genève. Les échantillons ne sont pas dangereux pour la santé car la souche est différente du H1N1. La caisse de fioles a sauté par excès de pression car la neige carbonique qui les entourait a fondu.

Braquage à la mexicaine

Trois cambrioleurs ont dérobé, en pleine journée, des montres au rayon joaillerie d’une succursale du grand magasin Sanborns à Mexico. Les voleurs ont profité du port généralisé de masques chirurgicaux bleus, utilisés en raison de la grippe porcine, pour dissimuler leurs visages.

Trois nouveaux cas en Allemagne

Trois cas de grippe porcine ont été confirmés en Allemagne, touchant deux femmes de 22 et 37 ans, et un homme d’une trentaine d’année a annoncé hier le centre national d’alerte et de lutte contre les épidémies. L’Allemagne est le deuxième pays européen officiellement touché par le virus.

Le Tamiflu gelé

Conséquence directe de l’annonce de la grippe porcine, les Français se sont jetés sur les stocks de Tamiflu disponibles dans les pharmacies. Depuis samedi, 25.000 boites de cet antigrippal s’écoulent chaque jour. Roche, son fabriquant, a décidé de bloquer ses stocks afin de ne pas céder à la panique. En cas d’épidémie, le médicament serait immédiatement distribué par les autorités sanitaires.

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Actualités

Le double discours allemand L’Allemagne a interdit le maïs MON810 au nom du principe de précaution. Mais le gouvernement a autorisé dans la foulée la culture de la pomme de terre Amflora.

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es OGM (Organisme Génétiquement Modifié) empoisonnent l’Allemagne. Le pays d’Angela Merkel a un double discours sur ce sujet. Isle Aigner, la ministre de l’agriculture, a interdit le 14 avril dernier le maïs transgénique MON810 comme la France, la Grèce, l’Autriche, la Hongrie et le Luxembourg. Pour justifier cette décision, elle a

pris appui sur deux études scientifiques qui montrent l’impact de cet OGM sur des insectes non-cibles comme les coccinelles. La Ministre en conclut : « Il existe de bonnes raisons de penser que le maïs génétiquement modifié MON810 présente un danger pour l’environnement ». Monsanto, le producteur du maïs, a déposé plainte auprès du tribunal administratif de Brunswick (ville où l’OGM était cultivé en Allemagne) contre la décision. Brad Mitchell, porte-parole de l’entreprise, a expliqué : « Cette interdiction n’est pas soutenue par la moindre preuve scientifique ». Il pourrait aussi dé-

noncer un non-respect de la concurrence. Le ministère de l’agriculture allemand a autorisé lundi un essai en culture de la pomme de terre génétiquement modifiée Amflora. Le tubercule est produit par BASF, groupe de chimie…allemand. Stephanie Töwe, spécialiste du génie génétique chez Greenpeace Allemagne, s’est insurgé contre cette décision : « Cette pomme de terre génétiquement modifiée contient un gène de résistance aux antibiotiques qui peut compromettre l’efficacité de médicaments indispensables ». François Perrigault

Le Mexique au banc des accusés ? A l’heure où les cas de grippe porcine se multiplient à travers le monde, les autorités mexicaines sont montrées du doigt. Une épidémie suspecte était apparue en février dans le village de La Gloria, dans l’Etat de Veracruz.

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ls seraient 159 mexicains à avoir succombé à l’épidémie fulgurante du virus H1N1, responsable de la grippe porcine, et 1131 à être dans un état critique. Le foyer aurait été localisé au Mexique oriental, dans l’Etat de Veracruz. En février, le petit village de La Gloria a été surpris par une épidémie de pneumonie touchant 400 personnes. Un bébé de huit mois en est décédé le 25 février et un autre le 24 mars. Une série de tests aurait été effectuée dans le village, les deux nouveau-nés auraient suc-

combés au virus H2N3 et un enfant de 4 ans s’est révélé positif au H1N1. Le petit garçon, Edgar Hernandez Hernandez, présentait des troubles respiratoires, il se plaignait de fièvre et d’une toux très persistante. Rapidement pris en charge, Edgar a été hospitalisé et ses jours ne sont plus en danger. Les habitants de La Gloria soupçonnent un élevage industriel de porcs, Granjas Carrol, filiale du Groupe américain Smithfield, leader mondial de distribution de viande porcine. Un habitant de La Gloria, interrogé par le Guardian, a déclaré que la source de la maladie proviendrait des millions de mouches qui s’échappent des porcheries se nourrissant des charognes de porcs et de leurs matières fécales pourrissant à l’air libre. Il a ajouté que les autorités locales s’en étaient plaintes à plusieurs reprises auprès des

autorités fédérales sans que celles-ci ne daignent réagir. Le groupe Smithfield n’est pas à son premier désastre écologique. Depuis les années 70, la compagnie versait dans la Pagan River les matières fécales et les abats des porcs. En 2000, elle avait été condamnée par la Cour Suprême américaine à une amende de 12.6 millions de dollars pour dommages environnementaux en Virginie. Les responsables de Smithfield et de Granjas Carrol ont déclaré leur intention de coopérer avec les autorités mexicaines afin de localiser la source de l’épidémie, en soumettant l’ensemble de leurs employés et de leurs animaux à des tests. D’après les sources officielles, sur les 3000 personnes que comptent le village de La Gloria, 60% sont contaminés soit 1800 cas déclarés. Khadija Sfar


Actualités

Du bisphénol dans les biberons Brèves Des résidus de bisphénol A, un produit chimique nocif pour les enfants, ont été détectés dans les biberons en plastique. Le Réseau Environnement Santé appelle les consommateurs à la vigilance.

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es résidus de bisphénol A, un produit chimique nocif pour les enfants, ont été détectés dans les biberons en plastique. Le Réseau Environnement Santé appelle les consommateurs à la vigilance. Environ 90% des biberons en plastique vendus en France contiendraient du bisphénol A (BPA), un produit chimique toxique.

Une nouvelle qui a eu l’effet d’une bombe dans les foyers français. Une fois chauffés, les biberons dégageraient cet œstrogène synthétique dans le lait ensuite ingurgités par les bébés. En France, le Réseau Environnement Santé continu de dénoncer les dangers du BPA accusé d’agir comme un perturbateur endocrinien et d’être impliqué dans de nombreuses affections. Problèmes de reproduction, d’obésité, de cancers du sein et de la prostate, diabète, dysfonctionnements thyroïdiens, problèmes d’attention chez les enfants... les risques pour l’organisme sont nombreux. Selon le Réseau, l’exposition en bas âge peut augmenter une prédisposition aux cancers

en affectant la programmation génétique du développement des individus. La ville de Paris a ainsi décrété la semaine dernière, en vertu du principe de précaution, qu’elle renonçait à l’achat de biberons au BPA pour l’ensemble des crèches de la Capitale.En attendant, le Réseau Environnement Santé recommande la prudence des consommateurs et privilégie l’achat de biberons en verre ou en plastique mais sans BPA. Pour détecter la présence de bisphénol A, il suffit de vérifier les étiquettes des contenants en plastique, des cannettes et même des boîtes de conserve.

Anthony Wolfstyn

Le grenelle des « ondes » fait débat Les antennes-relais sont-elles dangereuses pour la santé ? Une vaste question qui alimente le débat « radiofréquence, santé, environnement » ouvert depuis le 23 avril en présence des ministres concernés.

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eudi 23 avril, s’est ouvert le grenelle ou table ronde « radiofréquence, santé, environnement » en présence de représentants de l’Etat dont Roselyne Bachelot (Ministre de la santé), d’élus, , de syndicats et d’associations. Les premières réunions débuteront le 6 mai et devraient se terminer le 25 mai. Cette réunion permettra d’établir des lignes directrices sur la réglementation en vigueur sur les antennes-relais.

Concernant la présence de scientifiques à cette table ronde, les associations dénoncent leur caractère officiel et proposent d’autres chercheurs. Elles demandent une réévaluation du seuil d’émission des antennes. En France, il est fixé entre 41 et 58 volts par mètre carré, alors qu’en Suisse il est limité à 0,6 volts par mètre carré. Enfin, leur principale revendication reste l’indépendance des recherches menées. Plus questions de se contenter de l’avis de l’Académie de médecine, d’autant plus que les tests effectués chez des particuliers sont financés par les opérateurs de téléphonie. Pour les opérateurs justement, il s’agit de mettre fin à toute action en justice, 47000 antennes ont été démontées pour l’instant. En

février dernier, le tribunal de Versailles s’exécutait suite à une plainte au nom du principe de précaution, des affaires similaires ont eu lieu dans le Vaucluse. Actuellement aucune étude ne montre la dangerosité des antennes relais, et dans sa lettre de mission adressée aux ministres présentes, François Fillon exclut d’emblée un quelconque risque, il encourage à recentrer le débat sur les téléphones portables. En septembre prochain paraîtra le résultat de deux études (nationale et internationale) faisant la synthèse de toutes les données scientifiques relatives aux antennes-relais. Elle pourrait jouer un rôle déclencheur dans les décisions des ministres. Lucie Oriol

Une chanson contre l’épidémie

C’est une tradition au Mexique : lorsque des catastrophes surviennent, on utilise l’humour noir. Après les sketchs télévisés qui dédramatisaient la guerre contre les narcotrafiquants, les habitants de Mexico ont créé une chanson pour se remonter le moral face à l’apparition de la grippe porcine. Celle-ci tente de minimiser la gravité de l’épidémie face, par exemple, à la pollution que les habitants de Mexico affrontent chaque jour. La vidéo a déjà été visionné plus de 200 000 fois sur Youtube.

Un malheur n’arrive jamais seul

Selon l’Institut de géophysique américain, le Mexique a subi lundi dernier un séisme de magnitude 6. La secousse s’est produite à 11H46, heure locales à 31 kilomètres au sud-est de la ville de Tixtla et 82 km au nord-est d’Acapulco dans l’Etat de Guerrero. Les autorités de l’Etat de Guerrero n’ont signalé ni victimes ni dégâts matériels importants en tout début d’après-midi.

L’UE pourrait suspendre des vols

La France va demander à l’Union Européenne de convoquer un conseil extraordinaire des ministres des Transports afin de suspendre les vols vers le Mexique, à cause de la grippe porcine, a annoncé mercredi midi la ministre de la Santé Roselyne Bachelot. On rappelle que deux cas suspects ont été recensés en France.

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Historique

De l’épizootie Les premières victimes de la grippe porcine au Mexique font craindre une pandémie à la communauté internationale. Toutes ces personnes revenaient d’un voyage au Mexique, point de départ de l’épidémie. Le virus a traversé l’Atlantique obligeant les gouvernements à réagir. Le niveau d’alerte est passé de 3 à 4, sur une échelle de 6.

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a grippe porcine aurait déjà fait 159 morts. Voici pour le moment, le bilan non officiel des victimes du virus mutant de la grippe porcine. Toutes les victimes recen-

sées viennent du Mexique, le foyer de l’infection, même si les Etats-Unis et l’Europe ont également déclaré des cas de contagion. L’épidémie de fièvre porcine qui touche le Mexique est de souche A/H1N1 et d’après l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), il s’agit du même type de souche de virus responsable de la grippe espagnole, après la Première Guerre Mondiale. La psychose n’est pas loin et la presse est certainement un vecteur important dans la transmission de cette peur. L’actualité fait ressurgir un champ lexical médical qui doit être maîtrisé pour comprendre la situation sanitaire. Epizootie, épidémie, pandémie. Décryptage du vocabulaire.

Une scène qui pourrait devenir fréquente en cas de pandémie.

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Une épidémie désigne l’augmentation et la propagation rapide d’une maladie en un lieu identifié sur un moment donné. Ce terme ne comporte pas forcément la notion de contagion. Le terme d’épidémie est souvent utilisé en cas de maladie contagieuse. Le seuil épidémiologique est le nombre minimal de malades à un instant précis. Il est défini pour les grandes maladies sur un territoire. Une fois ce niveau atteint, on parle d’épidémie. Par exemple le seuil épidémique de la gastro-entérite en France est de 242 cas pour 100.000 habitants. Une fois ce chiffre dépassé, des mesures de prévention et de précaution sont mises en place par les autorités sa-

nitaires. Avec trois cas suspects de grippe porcine en France (à Poitiers et Ile-deFrance), l’épidémie semble encore loin mais l’OMS et les gouvernements souhaitent prendre toutes les précautions possibles.

Des pandémies plus meurtrières que la 1ère Guerre Mondiale A une échelle plus large, la pandémie est une épidémie qui touche plusieurs continents. Dans l’Histoire récente, trois grands exemples sont à retenir. Celui de la grippe espagnole en 1918, mais aussi la « grippe asiatique » en 1957-58, responsable de plus d’un million et demi de décès. Enfin la « grippe de Hong Kong » qui a causé, en 1968-69, près d’un million de morts. Ces pandémies ont été plus meurtrières que la Grande Guerre avec ses 9 millions de victimes. Grippe aviaire, fièvre aphteuse, ESB (1), de nombreux virus touchent les animaux. Une épizootie est une maladie qui touche, dans une région, une ou plusieurs espèces animales. De la même manière que l’épidémie, si l’épizootie se propage sur plusieurs continents, on parle alors de panzootie. Dès 2003, c’est « l’influenza aviaire » ou grippe aviaire, qui avait semé le trouble. Cette épizootie avait touché les oiseaux sauvages et domestiques. La maladie n’était trans-


Historique

à la pandémie

missible à l’homme qu’en cas de contacts étroits et prolongés avec des oiseaux infectés. Toutefois, il n’y avait pas de contamination interhumaine. Un autre cas d’épizootie récent a touché l’Union Européenne. En 2001 et 2007, la fièvre aphteuse a nécessité une riposte coordonnée des autorités sanitaires pour mettre

fin à l’épizootie. Pourtant, la fièvre aphteuse est endémique (elle est présente de façon permanente dans une région) dans certaines parties d’Asie, d’Afrique, du Moyen-Orient et d’Amérique du Sud. La transmission d’un virus de l’animal à l’homme est appelée zoonose. C’est le passage de l’épizootie à

l’épidémie ou à la pandémie. L’ESB est l’illustration de cette transmission. Cette maladie neuro-dégénérative touche le cerveau des bovins. Chez l’homme elle est connue sous le nom de maladie de CreutzfeldtJakob. Grippe aviaire, fièvre aphteuse, ESB et maintenant grippe porcine, les épidémies animales sont

nombreuses et le danger réside principalement dans la possibilité d’une transmission à l’homme.

Augmentation niveau d’alerte

du

En ce qui concerne le virus de la grippe porcine (que les médias nomment aussi grippe mexicaine, en comparaison avec la grippe

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Historique

Conseils

Ailleurs...

Le Tamiflu à utiliser avec parcimonie.

La direction générale de la santé a indiqué hier qu’il ne fallait pas consommer de Tamiflu en prévention de la grippe porcine. L’utilisation de ce médicament pourrait avoir les effets inverses et contribuer à l’obtention des symptômes grippaux. Toutefois, cette indication est à prendre au conditionnel. Les autorités sanitaires ne veulent pas que la population se jette sur les stocks du médicament contre la grippe. Hors contexte, le Tamiflu est un médicament utilisé pour traiter ou prévenir la grippe chez l’adulte et l’enfant de plus de un an. espagnole du début du XXème siècle), l’heure est à la prudence. L’OMS a décidé de passer à la phase 4 du niveau d’alerte (l’échelle comprenant 6 phases). Cette élévation du niveau d’alerte correspond tout d’abord à la transmission d’homme à homme d’un virus pouvant conduire à une épidémie. Il

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Aucun pays n’est à l’abri

Les masques font partie des premières précautions

s’agit donc d’un principe de précaution. La phase 5 serait déclarée en cas d’élargissement géographique notable. La phase 6, dernière étape du niveau d’alerte indiquerait que l’ensemble de la planète est concerné. Françoise Weber, directrice générale de l’INVS (Institut national de veille sanitaire) a commenté ce passage au niveau supérieur de l’état d’alerte : « le passage en phase 4 ne signifie pas le passage à une épidémie voir à une pandémie. C’est une mesure de précaution pour éviter la propagation à d’autres pays ». Didier Houssin, directeur général de la santé a précisé que « la France n’est pas encore en situation d’épidémie mais elle s’y prépare ». Le Mexique est l’épicentre de l’infection mais plusieurs nouveaux foyers ont été dé-

En Plus

J’ai les symptômes de la grippe. Que dois-je faire ? Appeler le 115 ou le médecin traitant Ne pas se rendre à l’hôpital pour éviter tout risque de contagion. Rester chez soi. Informations au : 0825.302.302 8

clarés depuis. Etats-Unis, Canada, Espagne, Royaume-Uni, Espagne, Nouvelle Zélande. Le point commun de toutes les personnes qui présentent des symptômes ou ont développé la maladie de manière avérée reviennent tous d’un voyage au Mexique. En France, depuis le 25 avril, 107 personnes se sont présentées aux autorités sanitaires. Elles sont susceptibles d’éprouver les symptômes de la grippe porcine. A l’heure actuelle, 20 cas sont encore en cours d’analyse pour vérifier si l’infection n’est pas due au virus H1 N1. Didier Houssin a annoncé « qu’il n’est pas exclu que certains cas soient positifs au virus ». La grippe porcine est prise très au sérieux par les autorités sanitaires mondiales qui redoutent une pandémie. Le directeur de la santé a terminé sur un constat prudent mais teinté d’optimisme : « Il faut se préparer à une aggravation possible, même si l’épidémie ne peut rester qu’un feu de paille ». Julien Van Caeyseele

(1) Encéphalopathie spongiforme bovine, plus connue sous le nom de maladie de la vache folle.

Le Mexique est l’épicentre du virus mais différents pays annoncent des cas de contamination. Pour le moment sur les 150 décès, seuls 7 cas sont de manière certaine le fait de la grippe porcine. Le reste du monde n’est pas épargné. Selon le docteur Françoise Weber, directrice générale de l’Institut général de veille sanitaire, « tous les cas confirmés d’infection au virus de la grippe porcine sont des personnes qui reviennent d’un voyage au Mexique ». France : 2 cas suspects en Ile-de-France Etats-Unis : 65 cas avérés Allemagne : 3 cas suspects dont un cas avéré d’une femme à Ratisbonne. Ecosse : 2 porteurs du virus ont été hospitalisés Israël : premier cas confirmé Nouvelle-Zélande : 14 cas confirmés ou probables Corée du Sud : selon l’agence Yonhap, un premier cas suspect s’est déclaré. Bien que le virus s’étende à plusieurs continents, la pandémie n’est pas encore évoquée puisque les cas avérés de grippe porcine n’ont pas dépassé le seuil épidémiologique.


Rappel

Grippe Espagnole : « l’Holocauste Médical » Entre 1918 et 1919, la grippe espagnole tue 400 000 personnes en France, 30 millions dans toute l’Europe. Retour sur la pandémie la plus mortelle de l’histoire devant celle de la Peste Noire au XIVème siècle.

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e surnom de « grippe espagnole »est un terme français pour parler de la grippe de 1918. Pourquoi ? Parce que l’Espagne, qui n’était pas impliquée dans la Première Guerre mondiale, a été le seul pays à publier librement des informations relatives à cette épidémie. Les journaux français de l’époque parlaient donc de la « grippe espagnole » mais se gardaient bien de mentionner les cas français, tenus secrets pour ne pas informer l’ennemi allemand de l’affaiblissement de l’armée

française. Pourtant, durant l’hiver 1918, on comptait entre 300 et 1000 morts par jour sur le territoire français. « Un véritable holocauste médical » selon les propos de Charles Pilet, vétérinaire et chercheur à l’Académie des Sciences de Paris. Particularité de cette grippe : l’âge moyen des personnes décédées était de l’ordre de la trentaine d’années, contre 55 à 60 ans lors d’une épidémie « classique ». Pour de nombreux chercheurs, le fait que l’infection ait surtout touché les jeunes laisse à penser que les personnes âgées possédaient une certaine immunité acquise lors d’une précédente infection. Selon Paul Léophonte, auteur du livre Grippes en question, Comprendre un fléau, le contexte historique est un élément important pour comprendre la diffusion du virus. « A cette époque, il

En 1918, à Seattle, les forces de l’ordre ont des masques

n’existe ni surveillance virologique ni épidémiologique. On traitait les patients avec des médicaments de fortunes. On ne savait rien du virus ni comment le soigner » explique-t-il. La seule certitude est que la grippe espagnole a emporté plus de personnes que la Première Guerre mondiale.

Un virus rieux

mysté-

Toutes les hypothèses avancées sur les origines du virus ont toutes été controversées. Une des difficultés auxquelles ont été confrontées les virologistes pour établir l’origine de l’agent infectieux est que l’on ne connaît presque rien des virus grippaux qui ont sévi au début du siècle. Il est impossible de dater avec précision la transmission du virus de la grippe espagnole à l’homme. On connaît en revanche le parcours de l’épidémie de 1918. Apparemment d’origine chinoise, le virus s’est d’abord déclaré au sein des troupes américaines qui l’ont ensuite exporté en France, en débarquant à Bordeaux, au début de l’année 1918. L’épidémie devient alors une pandémie : tous les continents de la planète sont touchés. Emportant avec lui entre 20 et 40 millions de morts à l’échelle mondiale, le virus de la grippe espagnole disparaît. Ce n’est que dans les années 90 que les recherches aboutissent. En analysant des échantillons du virus disparu dans des pré-

lèvements de tissus pulmonaires de malades décédés en 1918, des scientifiques en concluent qu’il ne s’agit pas d’un virus aviaire. Mais les mêmes questions demeurent : comment expliquer la virulence du virus ? Et surtout, à partir de quel animal le virus a-t-il été transmis à l’homme ? Comment se transmet-il d’homme à homme ? Les mêmes questions que se posent désormais les scientifiques à propos de l’actuelle grippe porcine… Pauline Riglet Brucy

En Plus

Les artistes morts de la grippe espagnole : Le poète français Guillaume Apollinaire, mort deux jours avant l’armistice à l’âge de 38 ans. Le peintre expressionniste Egon Schiele, décédé le 31 octobre 1918. Dans son tableau intitulé La Famille, il représente sa femme, elle-même fauchée par le virus. L’auteur Edmond Rostand, membre de l’Académie Française, meurt le 2 décembre 1918 après une répétition de sa pièce de théâtre l’Aiglon.

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Argent

Qui fait son beurre sur le cochon ? Alors que la grippe espagnole fait trembler la planète, retour sur les secteurs dont les profits explosent à chaque alerte.

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rippe aviaire, Chikunkugna, SRAS (1)… A chaque épidémie ses profits. Les premiers à en bénéficier sont bien-sûr les laboratoires. Ainsi le groupe Roche, qui a vu son cours de Bourse prendre plus de 5.86% ce lundi, avait déjà connu de beaux jours avec la grippe aviaire. Tout comme le groupe GSK (GlaxoSmithKline) et son Relenza. Mais les laboratoires n’ont pas le monopole du profit. Il suffit de taper « fabricant

de masque » dans Google pour s’en rendre compte. Le premier résultat à s’afficher est le site Materielmedical. fr, qui propose des masques de type FFP2 -sorte de coque à mettre sur le nez et la bouche- pour 42 euros les 20, avec le petit avertissement : « N’attendez pas qu’il soit trop tard ! ». La panique fait vendre. Les résultats suivants restent tout de même plus carnavalesques. Autre vedette de cette « crise », le petit masque chirurgical bleu aperçu sur tous les visages de Mexico. Or les envoyés spéciaux de la capitale mexicaine rapportent que les masques sont surtout portés autour du cou ou occasionnellement. Reste que les députés de l’Assemblée siègent

masqués. Information peu véhiculée, ces petits masques n’empêchent pas de recevoir les germes extérieurs mais uniquement de les propager.

La Bourse s’envole et s’affole

Comme toujours en cas d’épidémie, les cours de la Bourse jouent aux montagnes russes. D’ailleurs GSK et Roche ne suivent pas le même parcours puisque le cours du premier faisait hier une variation de -0.83% alors que celui du second variait de +1.38%. Les leaders sur le marché du masque ne sont pas en reste. La biotech montréalaise Noveko a mis lundi 27 avril plus de 2.5 millions d’actions sur le mar-

ché. Mardi matin, plus d’un million d’actions étaient déjà échangées. D’autres géants occupent le marché : le groupe 3M, dont les produits de santé représentent 16.2% du chiffre d’affaire, clôturait hier à -1.39%. Le cours du groupe Alpha Pro Tech connaissait lui une variation de -2.79%. Ces taux démontrent le peu d’impact de cette grippe sur la Bourse : malgré un emballement les premiers jours, les conséquences de cette nouvelle ont été assez discrètes. Mais ces chiffres pourraient cacher l’impact de la crise porcine : de nombreuses pharmacies se sont retrouvées en rupture de stock de Tamiflu (rappelons que la prise de gélules avant l’apparition des premiers symptômes est totalement inutile), de masques chirurgicaux et autres gants stériles. A la Bourse de Kuala Lumpur, l’action de Top Glove, fabricant de gants en latex, gagnait lundi près de 12% et celle de Latexx près de 8.8%. Avec la confirmation de cas en Israël et en Nouvelle-Zélande, gageons que les fabricants de matériels sanitaires et de traitements antigrippaux ont encore de beaux jours devant eux.

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Sara Septier De Rigny (1) Syndrome respiratoire aigu sévère ou pneumonie atypique apparue pour la première fois en Chine en 2002 Keiji Fukuda, numéro deux de l’OMS cherche à rassurer l’opinion.

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Laboratoires

La grippe flatte l’industrie pharmaceutique En attendant l’arrivée d’un éventuel vaccin, les laboratoires qui proposent des anti-grippaux s’attendent à décrocher le jackpot.

(2,6 milliards d’euros) de Tamiflu. Ces gains potentiels pourraient également contrebalancer l’annonce négative d’une étude sur le médicament anti-cancer Avastin, qui avait fortement déçu les investisseurs mercredi 22 avril dernier.

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Opportunisme

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amiflu, Oseltamivir, Relenza, Zanamivir… Ces noms ne vous disent peut-être rien, et pourtant ils contribueront peut-être à sauver des centaines de vies à travers le monde. Ces petits comprimés, notamment fabriqués par les laboratoires Roche et GlaxoSmithKline (GSK) sont déjà prêts à inonder le marché, une nouvelle fois. En effet, ce sont les mêmes médicaments qui étaient déjà utilisés pour lutter contre l’épidémie de grippe aviaire de 2005. L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a rapporté que les virus à l’origine des cas humains de grippe porcine seraient sensibles à la molécule Zanamivir (l’antigrippal Relenza de GSK), ainsi qu’à l’Oseltamivir (Tamiflu des laboratoires Roche). GSK a d’ores et déjà annoncé avoir fourni « 100.000 boîtes de Relenza aux autorités mexicaines, à leur demande », et indique qu’il « évalue d’urgence les moyens d’en augmenter la production ». Le groupe pharmaceutique suisse Roche, s’est de son côté dit « prêt » à expédier dans le monde 3 millions de doses de Tamiflu. Jérôme d’Enfert, directeur médical du laboratoire, a d’ailleurs annoncé que « les Etats

pouvaient compter » sur leur capacité de production de « 400 millions de traitements par an ».

Gains substantiels annoncés

La menace mondiale pourrait être une bonne nouvelle pour le suisse qui avait souffert d’une baisse de la demande de Tamiflu. Le chiffre d’affaires du Tamiflu, qui figure parmi les 20

médicaments les plus vendus par le groupe, avait reculé de 68% à 609 millions de francs suisses (403,9 millions d’euros) l’an dernier. « Quand la peur de la grippe aviaire a vraiment pris au quatrième trimestre 2005, le cours de Bourse avait fortement progressé », a souligné un analyste aux Echos, ajoutant qu’entre 2006 et 2007, Roche a vendu pour 4 milliards de francs suisses

Roche n’en est pas à son premier fait d’arme en matière d’opportunisme économique. Au mois de juillet 2008, le laboratoire avait décidé de suspendre ses recherches sur le VIH. Raison invoquée, aucun de ses médicaments en production « ne représentait un progrès notable par rapport aux produits existants ». D’après la direction, « les chercheurs travaillant sur le VIH ont été réaffectés à d’autres activités ». Les trois médicaments développés par Roche – Fuzeon, Viracept et Invirase – ne représentent que 160 millions de francs suisses (106 millions d’euros) dans le chiffre d’affaires du groupe pharmaceutique (46,1 milliards de francs suisses, 28,46 milliards d’euros, pour l’exercice 2007), indique pour sa part le Financial Times. Peter Staley, fondateur d’Act Up et d’AIDSmeds.com, a déclaré qu’ « il est décevant qu’un grand laboratoire se retire de la recherche contre le sida », tout en soulignant que « Roche n’était jamais parvenu à produire un médicament contre le SIDA qui se vende bien ».

Grégory Raymond

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Traitement

Grippe mexicaine : sur la piste du vaccin Fiabilité Le traitement préventif qui permettra de pallier à l’épidémie est en cours d’élaboration. Plusieurs grands groupes pharmaceutiques s’y intéressent.

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nviron quatre mois, c’est le délai que se donnent les chercheurs pour élaborer un vaccin immunisant contre la grippe mexicaine. Maintenant que le virus est clairement identifié et décomposé, la conception d’un remède est envisageable. Officiellement, c’est le laboratoire suisse Novartis, désigné par l’OMS, qui va travailler à la fabrication des antigènes qui pourront neutraliser le H1N1. Dans les prochains jours, il doit

recevoir les souches virales en cause de l’épidémie. Cependant, des concurrents sont déjà à la recherche de la panacée miracle. C’est le cas de Médicago, entreprise pharmaceutique canadienne qui travaille aussi sur le virus de la grippe aviaire. La forte demande, probable, vu l’ampleur que prend la pandémie, révèle l’intérêt commercial qu’il y aurait, à produire un vaccin. En France, on est disposé à développer un traitement préventif à condition d’être contracté. Les équipes du laboratoire P4 de Lyon, spécialisées dans les virus les plus contagieux se tiennent prêts en cas de besoin. Hervé Raoul, le directeur adjoint, répondait lundi au micro de LCI : «Si nous sommes sollicités, une vingtai-

La France pourrait développer un traitement préventif.

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ne de chercheurs du laboratoire seraient amenés à procéder à une caractérisation fine du virus et à faire des tests précliniques d’efficacité de vaccins et de molécules antivirales». Côté privé, Sanofi Pasteur, la section vaccin de Sanofi Aventis affirme être en mesure de mettre au point un vaccin antigrippal si nécessaire. En attendant la découverte de la piqûre protectrice, il faut s’en tenir à des mesures curatives limitées, en cas de contamination. Le Tamiflu fabriqué par le laboratoire Roche ainsi que le Relenza du britannique GlaxoSmithKline se révèlent encore efficaces dans les deux jours qui suivent la contagion. Abdel Pitroipa

Les vaccins contestés

Une fois que la solution vaccinale à la grippe mexicaine aura été trouvée, la question de sa fiabilité se posera certainement. En effet, un certain nombre de vaccins sont au cœur de polémiques, depuis que des effets secondaires nocifs ont été remarqués après injection. En première ligne figure le vaccin contre l’hépatite B. Il a fait l’objet de plaintes de nombreux patients qui ont répondu à la campagne massive de vaccination lancée dans les années 90. Peu après l’inoculation, beaucoup d’entre eux ont constaté une dégradation de leur état de santé. A l’époque GlaxoSmithKline et Sanofi Pasteur figuraient au banc des accusés. Vient ensuite le vaccin contre le virus HPV en cause du cancer du col de l’utérus. Non seulement son efficacité n’est pas prouvée et ne devrait pas être connue avant plusieurs années, mais on soupçonne les laboratoires d’avoir fourni des antidotes expérimentaux. Rien qui, en définitive, ne puisse rassurer les bénéficiaires du futur vaccin antigrippe mexicain.


Inégalités

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Les pays inégaux face aux pandémies

Les inégalités sociales et économiques ont une certaine influence sur les risques d’épidémie.

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ous les pays ne sont pas égaux face aux risques de maladies. Le 21 octobre 2008, une conférence sur la santé et la mondialisation analysait les risques d’émergence d’épidémie. Si, bien sûr, le transport et la globalisation de l’agriculture prennent une part importante dans la propagation des maladies, la pauvreté, les inégalités sociales et les comportements humains prennent de plus en plus d’ampleur. A tel point que

ces facteurs pourraient devenir, d’après les estimations, l’une des principales causes d’émergence de pandémie. Il est évident que les pays développés sont bien mieux aptes à lutter contre ce type d’épidémie que les pays du Sud. Gérard Salem, chercheur en géographie de la santé, affirme que « les pathologies sont étroitement liées aux conditions de développement et de richesse, à l’échelle de la planète, mais aussi à l’échelle de la ville ». Les pays occidentaux ne souffrent plus de maladies infectieuses mais dégénératives, comme le cancer ou l’obésité. « La carte de l’obésité se superpose avec celle de la précarité, déclare-t-il. Les problèmes de santé que nous

connaissons en France sont plus souvent d’origine sociale et culturelle qu’environnementale. » Il ne suffit donc pas à un pays d’avoir une croissance à deux chiffres pour se prévenir de risques sanitaires. Il lui faut avant tout réduire les inégalités sociales.

L’économie, un frein pour la santé ?

Au niveau international, la recherche de profit de la part des laboratoires pose problème. « Le risque de pandémie inquiète tous les gouvernements, déclare le professeur Oumar Faye au journal sénégalais Walfadjiri, ceux qui en ont les moyens commencent à stocker des médicaments. Cette mala-

die relance aussi le marché des vaccins, […] encore une fois seuls les pays riches pourront en profiter. Avec une capacité réduite, les laboratoires serviront d’abord ces derniers. » Une déclaration qui portait sur le risque de la grippe aviaire, mais qui s’avère vérifiée aujourd’hui. Au vu du nombre de cas mortels au Mexique par rapport aux Etats-Unis, il parait évident que les disparités économiques influences sur les traitements disponibles. La finance vient corroborer tout cela, quand on voit que les actions des grands laboratoires ont explosé depuis quelques jours. « Les associations font pression sur les Etats et les laboratoires pharmaceutiques pour fournir des trithérapies aux malades des pays du Sud. Mais les intérêts économiques prévalent sur la santé et la survie des malades », affirme l’association Act’up Toulouse lors d’un débat sur le rapport entre géographie et pandémie. L’OMS, le FMI et d’autres instances internationales tentent effectivement d’harmoniser l’accès aux souches de virus, afin de permettre aux pays émergents de lutter efficacement contre ces fléaux. Mais les intérêts économiques ralentissent tellement ces tractations que l’évolution et l’émergence de virus se font plus rapidement que la mise en place de la prévention. Grégory Rozières

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France

Un plan-plandémique remis à jour Le virus de la grippe porcine qui se propage au Mexique, réactive en France les craintes d’une possible épidémie. L’Etat remet à jour son plan national de lutte contre les risques de pandémies grippales.

nal (SGDN) et ferait office de ligne de conduite en cas de pandémie de grippe porcine en France. Il prévoit notamment la création d’un Comité Interministériel de Crise (CIC) réunissant les principaux ministres d’Etat.

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Proximité, Politique et Communication : trio gagnant.

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Dès le niveau 3, la France a ouvert des cellules de crise au sein du Quai d’Orsay et de la Direction Générale de la Santé. Sur le plan interne

exceptionnels donnés au Président de la République.Dans ce plan, certaines mesures sont à prendre par le CIC au cas par cas et une attention toute particulière est portée à la stratégie de la communication aux populations, le rapport précise : donner « une information […] donnant l’assurance que les pouvoirs publics sont à même de gérer la situation dans ses composantes sanitaires et organisationnelles » mais surtout « éviter les risques de rumeurs ». La politique de communication me-

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ous les sombres augures de la grippe aviaire ou de la grippe espagnole (voir page 9), nombre d’experts s’attèlent à rassurer la population sur la réalité d’un plan national en cas de pandémie. Dans le Libération daté du 28 avril 2008 Didier Hossin Directeur général de la santé précise « Tout la difficulté de ce plan, est la bonne montée en puissance […] L’important est que notre plan ne soit pas un plan de papier ». L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a déclaré l’état d’alerte niveau 4, tout en précisant par le biais de son numéro deux, Keiji Fukuda, que « la pandémie n’était pas inévitable ». Pour l’instant le plan français n’est pas totalement mis en place, et seules quelques mesures telles que les renforcements sanitaires dans les aéroports sont effectives.Mais sur le papier, quelles mesures revêtent véritablement ce plan national de lutte et de prévention contre les pandémies grippales ? Crée suite à l’apparition de la grippe aviaire en octobre 2004, ce plan est mis à jour par le Secrétariat général de la défense natio-

serve sanitaire, à analyser les besoins, puis à en référer au niveau étatique. Mais ce sont surtout les maires qui ont un rôle à jouer, en tant qu’acteur de proximité ils sont responsables de la vaccination de masse, du maintien des services communaux et de la fermeture des établissements scolaires : une mesure déjà en place au Mexique. Et plus le niveau d’alerte augmente, plus les mesures deviennent drastiques : coupures des relations internationales : terre, air ou mer, fermeture

Keiji Fukuda, numéro deux de l’OMS cherche à rassurer l’opinion.

à l’Hexagone, ce sont les préfets de région, de département et de zone qui visent à coordonner l’organisation des soins et du corps de ré-

des frontières, assistance de l’armée, arrêts des relations entre la métropole et l’outre-mer en cas de contagion, voire même pouvoirs

née par le Premier Ministre en charge du CIC aura certainement un arrière goût de barrique en chêne. Lucie Oriol


Hôpitaux

Crédit Photo. Jean-Pierre Viollot

Hôpitaux sous haute surveillance

Les hôpitaux sont prêts à faire face à la grippe porcine. Explications à travers les urgences d’Aubagne.

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a grippe porcine ? « Il s’agit d’un virus plus dangereux que celui de la grippe aviaire », s’inquiète Anne Giry, le cadre des urgences de l’hôpital d’Aubagne, responsable de la gestion des risques sanitaires de son hôpital. Elle est malgré tout prête à appliquer le plan antipandémie grippale élaboré en 2004. « Nous avons à la fois des infrastructures et des stocks de matériel qui nous permettent de faire face à une éventuelle épidémie », décla-

rait lundi le premier ministre François Fillon. L’hôpital d’Aubagne dispose du « matériel suffisant pour traiter les premiers cas » confirme Anne Giry. Cela passe par les masques FFP2 filtrants, masques chirurgicaux dits « anti-projections », tenues pour le personnel, gants, lunettes … Et bien sûr le Tamiflu, ce médicament antiviral déjà utilisé lors de l’épidémie de H5N1. Tout cela en quantité limitée puisque c’est à l’armée que reviendrait la tâche de distribuer les stocks en cas de pandémie.« Si on passe en alerte 5, les hôpitaux passeront en plan blanc » explique la responsable des urgences. Une situation qui conduirait à réquisitionner

tout le personnel et à fermer l’accès à l’hôpital. « Si on contamine l’hôpital, on est foutus », résume Anne Giry. Une difficulté de taille dès lors, maintenir les populations paniquées éloignées. Les soins s’effectueraient à domicile, modifiant toute l’organisation du système hospitalier traditionnel. Au total, 95% des gens contaminés seraient traités chez eux. Seuls les patients les plus gravement malades et les personnes immuno-déficientes, demeureraient à l’hôpital.

Une gestion de crise

A Aubagne, comme ailleurs, rien n’est laissé au hasard. Le plan d’action est préparé

dans les moindres détails. En cas d’alerte épidémiologique maximale, l’école d’infirmières accueillerait les familles. La morgue, qui ne compte que 18 places, serait délocalisée dans le gymnase et les corps incinérés automatiquement. Malgré tout, certains estiment que la France n’est pas prête à réagir à une pandémie. Le Pr Raoult, chef du laboratoire de virologie à l’hôpital de la Timone à Marseille rappelle ainsi qu’ « il y a chaque année plus de 2 millions de cas de grippe et 5.000 morts dans notre pays, alors imaginez ce qui peut se passer avec un nouveau variant et sans vaccin ». L’hôpital d’Aubagne a d’ailleurs prouvé sa bonne organisation lors des grosses chutes de neige survenues en janvier dernier. Aucun plan blanc décrété officiellement, mais les services ont rappelé tout le personnel et organisé des cellules de crise toutes les deux heures pour faire face à la situation et prodiguer les soins adaptés aux patients. Théoriquement, tout est donc prêt pour prendre en charge un afflux massif de cas de grippe porcine. Reste que face à un virus globalement mal connu, à la désorganisation et à la panique que déclencherait une telle pandémie, les hôpitaux français pourraient bien ne pas être aussi prêts qu’ils le pensent. Laurence Texier

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Mutations

Virus : redoutables stratèges Début 2009, l’OMS déclarait que les risques de pandémies avaient augmenté de 30% par rapport au siècle dernier. Les premiers cas de grippe mexicaine posent dès lors le problème de résurgence des virus.

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oshua Lederberg, prix Nobel de médecine disait « Les seuls véritables compétiteurs de l’humanité pour la domination de la planète sont les virus ». Véritables hôtes indésirables les virus sont d’autant plus dangereux que leur rapidité de mutation est impressionnante et peut dépasser la science. La résurgence épidémique fait partie de l’histoire naturelle de certains virus comme la tuberculose, la rougeole, la grippe classique. Leur réapparition massive peut être accélérée par une baisse de vigilance prophylactique. D’autres émergent de ce qu’on peut appeler des réservoirs sauvages, (porcs, oiseaux, singes) ou de différents écosystèmes. Leur force tient en deux paramètres : la capacité de dépasser la barrière des espèces, et la rapidité de transmission. De ces deux paramètres vont dépendre la faculté d’émergence du virus. S’il ne fait que des cas isolés, elle est faible, s’il arrive à contaminer toute une population et créer une épidémie, elle est forte. Dans le cas de la grippe mexicaine, c’est l’union de différents virus dans le corps d’un porc qui en serait la cause : un virus

La résurgence épidémique fait partie de l’histoire naturelle de certains virus.

de grippe humaine, deux virus de grippe porcine normale (1) et d’un virus aviaire. Avec 150 morts et des cas déclarés à l’échelle mondiale, c’est un virus qui a réussi son émergence.

Possibilités d’éradication

Pour toutes les raisons évoquées, les virus restent un terrain de jeu pour la science. Car si certains peuvent être éradiqués, leur capacité de réémergence pose encore problème. La polio constitue l’un des meilleurs exemples. Eradiquée en 1961, grâce aux progrès de l’hygiène et une large campagne de vaccination menée par l’OMS, sa réapparition a été confirmée à partir de 2003 en Inde. De nos jours,

la cohabitation avec des produits nocifs tels que les pesticides et les engrais chimiques augmente aussi la réémergence ou la mutation d’anciens virus. En ce sens, la vaccination reste le moyen le plus sûr de les combattre. Cependant, plusieurs difficultés se présentent. D’abord la période d’élaboration d’un vaccin est longue et son efficacité prend du temps à être prouvée. Ensuite les virus sont de plus en plus résistants et lors de leurs réémergences, ils peuvent être différents des souches travaillées en laboratoire, sans parler de leurs mutations peu connues. C’est le cas de la grippe humaine de type A, qui à chaque réapparition, subit des mutations ponc-

tuelles de ces antigènes, obligeant les laboratoires à élaborer un nouveau vaccin antigrippal. Dans le cas récent du virus de la grippe « mexicaine », l’inquiétude vient surtout du fait qu’il soit né d’une recombinaison génétique. La « cassure antigénique » provoque alors un virus que les vaccins peuvent difficilement contrôler. Si ce genre de virus provoque une épidémie, la plupart des laboratoires n’ont ni les moyens ni les circuits nécessaires de recherche pour les affronter. Priscilla Romain

(1) Les porcs d’élevage sont généralement atteints d’une grippe appelée porcine mais cette maladie reste bénigne


Décryptage

Les carences de l’Institut de Veille Sanitaire

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ès que la population est prise d’une poussée de fièvre médiatique à cause d’une épidémie, l’Institut National de Veille Sanitaire (INVS) revient sur le devant de la scène. Cet établissement public informe le Ministère de la Santé en cas de menace pour la population. Il remplit un rôle de sentinelle en récoltant des données de différentes manières. A propos de la grippe porcine, Françoise Weber a déclaré mardi : « Depuis le 25 avril, 107 personnes se sont signalées ». Une partie des gens infectés appelle le 15 (numéro national pour les urgences médicales) et est recensée de fait. Mais ce sont surtout les médecins qui font remonter l’information jusqu’à l’INVS. Didier Houssin, le directeur général de la Santé, a ajouté à la suite de Françoise Weber : « Il y a 32.000 médecins libéraux en France. Ils doivent en référer à l’Hôpital le plus proche s’il y a un cas suspect ». Pour d’autres infections, l’INVS collecte les données des réseaux nationaux participant à la surveillance de l’état de santé de la population. Par exemple, les registres de morbidité (qui re-

censent tous les décès dans certains départements et pour certaines pathologies) permettent d’évaluer les ravages causés par le cancer. Les organismes comme les caisses d’assurance maladie ainsi que les agences de veille et de sécurité sanitaire tel l’Etablissement Français du Sang (ESF) fournissent aussi des informations à l’Institut.

La canicule, échec de l’INVS

Cette centralisation des données ne concerne pas seulement les épidémies. L’INVS est aussi en charge des risques sanitaires. Ainsi, Françoise Weber a participé le 23 avril dernier à une

table ronde sur le thème « Radiofréquences, santé, environnement », c’est-à-dire le Grenelle des ondes radio. Ce champ d’action moins connu de l’Institut montre aussi ses limites. Ce n’est pas un rapport de l’établissement qui a servi de point d’appui aux débats mais celui intitulé « bio-initiative », rédigé par un groupe international de scientifiques, chercheurs et professionnels de santé publique. Si dans ce cas les données restent difficiles à collecter, l’INVS n’a pas rempli son rôle lors de la canicule en 2003. La mission d’information du Sénat mise en place après le drame (14802 décès) a relevé : « l’Institut

de veille sanitaire n’a pas rempli toutes les missions qui lui étaient assignées par la loi ; il lui incombait […] d’alerter les pouvoirs publics en cas de menace pour la santé publique et de mettre en œuvre tout un système pour faire remonter les informations, proposer des programmes d’action et aider le gouvernement à évaluer l’impact de ces mesures ». Les phénomènes climatiques ne faisaient pas partie des axes d’actions prioritaires de l’établissement. Avec 384 personnes en charge de « surveiller, alerter et prévenir » 63 millions de Français, l’INVS n’a pas tous les moyens pour tenir son rôle. François Perrigault

Crédit Photo. François Perrigault

L’Institut de Veille Sanitaire récolte des informations pour alerter la population en cas de danger. Mais l’établissement a des ratés, comme en 2003 lors de la canicule.

Françoise Weber dirige l’INVS depuis décembre 2007

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Eaux

Crédit Photo. Jean-Pierre Viollot

Jolie bouteille, sacrée bouteille

Traitée et testée à la source, dans quel état l’eau du robinet arrive-telle chez nous ?

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e choix de l’eau en bouteille pourrait rassurer. Mais rien n’est parfait. De nouvelles études indiquent que le plastique pourrait contaminer l’eau et constituer un danger pour la santé. Selon une enquête de l’Environnemental Working Group (EWG), l’Industrie de l’eau en bouteille ne serait pas si limpide. Produits

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chimiques, contaminants toxiques. Alors que celle-ci fait l’apologie de sa pureté, ce constat de l’EWG fait tâche. Joint par téléphone, le géant français Nestlé réfute ces accusations. Un silence troublant qui s’ajoute à une baisse de la consommation de l’eau embouteillée de 7,3% en 2008. Mais peuton faire confiance à l’eau du robinet ?

L’eau, aliment plus surveillé

le

En 2006, Cristaline relançait la polémique. « Qui prétend que l’eau du robinet a toujours bon goût ne doit pas

en boire souvent !». Un slogan dénoncé par la ministre de l’Ecologie de l’époque, Nelly Olin, qui avait jugé ces propos « malhonnêtes ». Et pour cause, l’eau du robinet est depuis longtemps l’aliment le plus surveillé par les services sanitaires. Mais peut-on réellement la boire sans craintes ? Si 85% des Français (baromètre C.I.Eau-TNS Sofres 2008) répondent par l’affirmative, quelques 8% doutent encore. « Cette eau est tout à fait potable, contrôlée un grand nombre de fois avant d’arriver chez le consommateur. Elle coûte

cinquante fois moins cher que l’eau de source que l’on trouve en magasin» assure le porte-parole de la fédération France Nature Environnement. Eau du robinet, eau en bouteille ? Une question de goût et… d’écologie : «les bouteilles en plastique sont fabriquées à partir de pétrole, matière première en voie d’épuisement et leur transport par camion à travers notre pays contribue à l’émission de bruit, de polluants atmosphériques et de gaz à effet de serre, donc au dérèglement climatique. » Camille Thomas


Polémique

Vous reprendrez bien un peu de pesticides ? Troisième plus gros consommateur mondial de pesticides, la France est au cœur de nombreuses polémiques environnementales.

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Veillerette, auteur du livre « Pesticides : révélation sur un scandale français », n’est pas surpris de l’usage excessif de ces insecticides. «L’abus de pesticides en Europe n’est pas étonnant. Leurs présences dans les végétaux ne cessent de croître. En 2000, 60% des fruits et légumes européens étaient sans résidus de pesticides. La même analyse, six ans plus tard, montre que la tendance a basculé: 50% contiennent des résidus.»

Des risques incontestables

Pourtant, les effets secondaires des pesticides sur la santé ont été vérifiés et confirmés. Atteintes du système cardiovasculaire, du système respiratoire,

Crédit Photo. DR

5% des produits d’origine végétale analysés dans les grandes surfaces françaises contiennent des résidus de pesticides particulièrement dangereux pour les enfants. 103 tonnes de pesticides illégaux ont été découverts en France en 2008. Le XXIe siècle a tranché et choisi l’industrialisation à outrance et la standardisation des produits alimentaires. De quoi réveiller l’anxiété des consommateurs. « Je ne sais

absolument pas ce qu’il y a dans nos assiettes ni ce qu’il y a dans les engrais et dans la terre. Même lavés, les fruits et légumes ne m’inspirent plus confiance », témoigne l’un d’entre eux. En 2006, la France était le deuxième plus gros consommateur mondial de pesticides. Un an plus tard, l’Hexagone descend à la troisième place et talonne les Etats-Unis qui disposent pourtant d’une surface agricole 10 fois supérieure. Mais que les français se rassurent. Si la France n’est pas une référence, l’Europe n’est pas, pour autant, un modèle du genre. Bien au contraire. Près de la moitié des fruits et légumes européens sont contaminés par des pesticides. François

des fonctions sexuelles, risques fœtaux, de maladies de Parkinson, de cancers… les dangers d’intoxications pour l’organisme humain sont multiples. Selon une étude publiée en 2008 par l’Environment Protection Agency (EPA), beaucoup de nouveaux nés ne développent pas de capacité à combattre les pesticides qu’ils ont absorbés durant les deux premières années de leur vie, ce qui les exposent tout particulièrement aux maladies. Heureusement, les doses de pesticides détectées dans les aliments restent faibles. En revanche, les résidus découverts appartiennent, la plupart du temps à de multiples familles de pesticides. « Récemment, nous avons relevé 16 résidus différents dans une même bouteille de vin, explique François Veillerette. Les risques de ces mélanges de pesticides sont encore inconnus, on ignore si sur le long terme leur consommation peut détériorer l’organisme ». Le film, sorti en novembre 2008, de Jean-Paul Jaud Nos enfants nous accuserons, véritable plaidoyer contre les pesticides, a connu un franc succès dans l’Hexagone et sera diffusé dans plusieurs festivals au cours de l’été. Encore une fois, le septième art s’accapare d’un sujet brûlant qui n’est pas prêt de se consumer. Anthony Wolfstyn

La France est le 3ème plus gros consommateur mondial de pesticides derrière les Etats-Unis.

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