Hors série Géopolitique Russie

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LA RUSSIE AU CŒUR DE L’EXTRÊME DROITE EUROPÉENNE

HEBDOMADAIRE : 14 DÉCEMBRE 2016 HORS-SÉRIE N°01

Vladimir Poutine, le 23 février 2016, lors d’un meeting. ©AFP PHOTO / YURI KADOBNOV

P.8 : VLADIMIR POUTINE, L’HOMME DE FER

P.9 : LA RUSSIE SUIT LA TENDANCE DU «SOFT POWER»


L’IMAGE DE LA SEMAINE :

Le 4 décembre 2016, à Paris, le patriarche de Moscou, Cyrille (Kiril) consacre la cathédrale orthodoxe russe de la Sainte-Trinité. Ce lieu de culte fait désormais partie du diocèse dit de Chersonèse. Une grande partie de la communauté orthodoxe russe a répondu à l’appel du patriarche. Parmi les rares politiques français présents à cette cérémonie, on pouvait voir la maire de Paris, Mme Anne Hidalgo. Pour la classe politique française, cette cathédrale de plus de 4000 mètres carrés reste pour l’instant un symbole controversé de l’influence de Vladimir Poutine en Europe.

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Le patriarche de Moscou, Cyrille a consacré, mardi 4 novembre, la cathédrale de la Sainte-Trinité. © Droits réservés

LA CATHÉDRALE DE LA SAINTE-TRINITÉ CONSACRÉE


SOMMAIRE

L’OEIL DU RÉDAC’

POUTINE, LE ROI DU MONDE

L

e consensus planétaire est de dire que le président des États-Unis d’Amérique est l’homme le plus puissant du monde. Vladimir Poutine est pourtant en train de rafler ce titre sans contestations. Donald Trump aux États-Unis, Igor Dodon en Moldavie, Roumen Radev en Bulgarie, tous ces politiciens nouvellement élus dans leurs pays se veulent amis de la Russie et de son président. Au-delà de ces changements de politique, le monde entier est effrayé de s’opposer à Vladimir Poutine, comme on peut le voir au Moyen-Orient, où le président russe décide de la tournure des évènements. Son droit de véto au conseil de sécurité de l’ONU lui offre d’autant plus la force de faire souffler le vent dans son sens. La France n’échappe pas à la vague russe, l’élection probable de François Fillon ou de Marine Le Pen en 2017 offrirait à Vladimir Poutine un poids conséquent dans ses discussions avec l’Europe. L’élection de l’une de ces deux figures politiques fragiliserait la relation Franco-allemande, en tout cas vis-à-vis de la Russie, augmentant encore le pouvoir du chef de l’État russe sur les décisions en Europe de l’Est. Les deux candidats ne souhaitent pas que la Russie soit sanctionnée pour son comportement en Ukraine, ou en Crimée, alors qu’il parvient déjà à repousser les tentatives d’ouverture d’enquête pour crimes de guerre dans le conflit syrien. Aujourd’hui, Vladimir Poutine dicte le tempo du monde, échappe aux sanctions, et se construit une belle liste d’alliés puissants pour le soutenir. Le roi du monde moderne, c’est lui… @NicolauTh

ŒIL DE L’EXPERT : GALIA ACKERMANN

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SYRIE : AU CŒUR DES ENJEUX RUSSES

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LA RUSSIE ET L’EXTRÊME DROITE EUROPÉENNE

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VLADIMIR POUTINE : L’HOMME DE FER

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LA RUSSIE SUIT LA TENDANCE DU «SOFT POWER»

THOMAS NICOLAU

FOCUS INTER : Magazine hebdomadaire fondé en 2016. Édité par © ISCPA Lyon. 47 rue Sergent Michel Berthet, 69009, Lyon. Directeur de publication : Patrick Girard. ÉCRIRE À : FOCUS INTER ISCPA, 47 rue Sergent Michel Berthet, 69009, Lyon. Rédacteur en chef : Thomas Nicolau @Focus_1ter Secrétaire de rédaction : Antoine Decléty, Brice Cheneval Designer : Antoine Decléty Reporter : Hugo Clechet Rédaction : Antoine Decléty, Thomas Nicolau, Jean-Baptiste Bornier, Maxence Cuenot, Quentin Villain, Guillaume Bouchut, Brice Cheneval

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FOCUS INTER L’ŒIL DE L’EXPERT

«VLADIMIR POUTINE VEUT REGAGNER LE PRESTIGE QU’AVAIT L’UNION SOVIÉTIQUE» La Russie tient un rôle clef dans les conflits modernes. Si elle ne gouverne pas aujourd’hui la scène internationale, elle met en place des outils pour y arriver. Galia Ackermann, historienne et écrivaine spécialiste du monde Russe et de l’ex-régime soviétique revient sur la politique, mais surtout sur l’influence de Poutine sur le monde actuel. L’interview a été réalisée par téléphone le 11 décembre. Pensez-vous qu’aujourd’hui la Russie domine sur la politique internationale ? Galia Ackermann : Dominer est peut-être un grand mot. Cependant il est certain que c’est un joueur important. Vladimir Poutine veut regagner le prestige qu’avait l’Union Soviétique. Aujourd’hui les moyens ne sont plus les mêmes : la Russie ne dispose pas de ce qui faisait la force de l’URRS. 100 millions d’habitant de plus, un territoire encore plus large, mais aussi le contrôle de l’Europe de l’est, de pays poussés par la Russie comme Cuba, le Vietnam, le Cambodge, ou encore l’Ethiopie. On pouvait parler de deux grands camps, Capitaliste et Socialiste. Aujourd’hui ce n’est plus le cas, la Russie est assez seule. Les alliances ont changé. Elle est amie avec Erdogan alors qu’ils étaient ennemis hier. La Chine est un partenaire mais pas du tout un ami. Il y a les pays du traité du Shanghai, cette tentative d’un espace économique commun avec la Biélorussie et le Kazakhstan. Cependant tout cela n’est absolument pas comparable avec l’impact de l’Union Soviétique dans le passé. Maintenant, elle veut démontrer la force de son armée. Ces dernières années, elle a été reformée de manière très importante. Elle est bien plus performante, et la Russie veut montrer cela d’où l’importance de la situation en Syrie. Elle a donc un rôle clef dans ce conflit, mais pas forcément sur le reste de la scène internationale. On a vu que Poutine essayait d’appuyer des groupes d’extrême droite, quel est le réel but ? G.A : Le but est clairement de faire imploser l’Union européenne. L’UE représente un marché commun mais aussi une volonté politique, même si elle n’est pas en acier. L’Europe a réussi par exemple à imposer des sanctions en Russie. Il n’y a pas aujourd’hui de défense commune. S’il n’y a plus d’unité politique, il ne restera que l’OTAN, qui est aujourd’hui en position de faiblesse à cause de Donald Trump. Les pays européens

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auront donc du mal à se défendre puisqu’un budget de défense grandissant prendrait des parts sur la santé, l’éducation, etc… Ce qui veut dire que la Russie obtient ce qu’elle veut, si certains pays clefs se détachent de celle-ci, elle ne pourra qu’éclater. En cas de victoire du Front National en France, quelles seraient les conséquences ? G.A : En imaginant une victoire de Marine Le Pen, la suite logique serait un référendum sur le maintien ou non de la France dans l’Union européenne. Il serait fort possible que les Français votent non. Ce serait pratiquement la fin de l’Union européenne. On peut tenir le choc du Brexit, il est beaucoup plus difficile de tenir le choc de la France, qui a tenu un rôle essentiel dans la construction de l’UE. Dans ce cas, il sera beaucoup plus facile de traiter avec chaque pays séparément. Mais surtout, de leur proposer sa protection militaire contre des services, des technologies, des facilités de commerce, de l’investissement dans l’économie russe ou encore des levées de sanction. Si la Russie n’est pas encore maitre du jeu, elle le serait après l’éclatement de l’UE ? G.A : Absolument ! Il est très important pour la Russie que cette « domination » soit pérenne. Elle va favoriser les administrations qui limiteront les libertés de la presse pour les rendre non changeable. Le régime est le même en Russie depuis pratiquement 18 ans. L’objectif sera d’appliquer la même chose en Europe. Quand vous avez l’alternance démocratique, vous pouvez avoir des amis de la Russie au pouvoir. Cependant le cas inverse serait possible le lendemain. S’il n’y a pas d’alternance de pouvoir, cela serait beaucoup plus solide. Des outils ont déjà fait leurs preuves en Russie. Par exemple au nom de la lutte contre le terrorisme, limiter les libertés de la presse et de la parole, et ensuite construire dans les administra-

Auteure du livre «Traverser Tchernobyl». © Claire Moliterni

-tions les verticales de pouvoir comme en Russie, pour rendre ce corps solide et inchangeable. Pensez-vous que dans cette optique de suprématie, le jeu de l’église orthodoxe est important ? G.A : L’église Orthodoxe est un instrument pour la Russie. On est dans une sorte de crise des identités religieuses en France. Beaucoup se convertissent à l’islam, ou au protestantisme. Il y a également des Français qui se convertissent, même si on le sait moins, à l’orthodoxie. Ils deviennent donc des rouages dans la notion de « monde russe ». Mais c’est aussi l’influence sur les Russes de l’immigration. Il est difficile de parler d’immigration tant la présence russe est forte en Europe. Il y a environ 7 millions de Russes en Europe, voire plus en réalité. Ces gens ont la nationalité européenne. Ils occupent des postes dans les administrations, dans l’enseignement etc… Certains parlent d’une infiltration. Il faut dire que les enseignements de l’église orthodoxe russe pourraient se rapprocher aux régimes d’extrême droite. Les valeurs prônées sont très conservatrices, réactionnaires voire parfois anti-démocratiques. @HugoClechet

HUGO CLECHET


Le 20 octobre 2015, le président syrien Bachar Al-Assad et son homologue russe Vladimir Poutine affichaient

VISION GLOBALE

LA SYRIE, PIVOT DES INTÉRÊTS RUSSES AU MOYEN-ORIENT Alors qu’elle intervient militairement en Syrie depuis plus d’un an, officiellement pour combattre Daech, la Russie s’évertue à soutenir le régime de Bachar Al-Assad. Une position forte qui consiste autant à préserver ses intérêts sur place qu’à s’affirmer sur la scène internationale.

C

’est une position qui démontre une nouvelle fois le soutien indéfectible de la Russie au régime de Bachar Al-Assad. Alors que la ville d’Alep, au nord de la Syrie, est victime depuis plusieurs semaines de nombreuses frappes émanant de l’armée du président syrien, l’idée d’une trêve humanitaire semble s’éloigner. Le Kremlin ainsi que la Chine ont en effet posé leur veto au Conseil de sécurité de l’ONU le 5 décembre concernant cette potentielle trêve de sept jours. Selon les deux pays, une pause favoriserait les rebelles syriens. Cela fait désormais plus d’un an que la Russie intervient militairement en Syrie, officiellement pour combattre l’État islamique. Dans les faits, les forces russes s’attachent surtout à maintenir en place le régime de Bachar Al-Assad. Un soutien qui s’explique avant tout pour des raisons historiques. Depuis l’époque soviétique, les deux pays entretiennent d’excellentes relations. En 1971, en pleine Guerre froide, la Syrie, gouvernée par Hafez Al-Assad

(le père de Bachar), signe un accord avec l’URSS. Celui-ci prévoit l’installation d’une base militaire navale soviétique à Tartous, sur la côte ouest du pays. Un avantage qui, encore aujourd’hui, est essentiel pour la Russie. Étant un pays enclavé car coupé des routes maritimes commerciales et entouré de mers sous contrôle de l’OTAN, il s’agit de son seul accès à la Méditerranée. Actuellement, 150 soldats russes sont présents dans cette base.

ÉVITER L’EXTENSION FRONT PANISLAMIQUE

D’UN

Dans la continuité de cet accord, les deux pays signent en 1980 un traité d’amitié et de coopération. Ce qui se traduit par de nombreux échanges commerciaux, notamment des équipements militaires. Pour le gouvernement russe, le soutien au régime syrien consiste donc avant tout à préserver ses intérêts sur place. L’intervention de la Russie reflète aussi sa volonté de s’affirmer sur la scène

internationale. En démontrant son soutien à Bachar Al-Assad, Vladimir Poutine affiche son opposition aux pays occidentaux, États-Unis et France en tête, hostiles au dirigeant syrien. En s’appuyant sur la Syrie, le président russe veut montrer que son ambition est de faire de la Russie le principal acteur de cette région du globe. Une manière également de poursuivre sa politique d’obstruction envers l’Occident. Pour certains observateurs, le réel enjeu pour le Kremlin est d’éviter l’extension d’un front panislamique jusqu’à ses frontières, soutenu par les pays sunnites voisins comme la Turquie, le Qatar ou l’Arabie Saoudite. Dans ce cadre, la Russie craindrait que la chute de Bachar Al-Assad entraine une poussée de l’islamisme. Et que des attentats sur son territoire et dans les régions alentours peuplées de musulmans comme le Caucase, le Daguestan ou la Tchétchénie aient lieu. Avec le risque que la Russie devienne le prolongement du conflit entre chiites et sunnites.

L’EI, UNE MENACE « UTILE » Si cette dernière intervient en Syrie avant tout pour ses intérêts, d’aucuns estiment qu’elle n’accorde finalement que peu d’intérêt à l’État islamique. Et ce alors qu’elle est le pays qui lui fournit le plus de combattants, environ 3000. « Tant que la guerre continue, ils (les musulmans intégristes russes, ndlr) ne rentrent pas en Russie et l’activité terroriste a baissé de 50 % dans le Caucase du Nord ces deux dernières années. En plus, la Russie tire profit de l’existence de l’État islamique : elle vend des armes à l’Irak, collabore avec l’Arabie Saoudite et entretient de bonnes relations avec l’Égypte » expliquait pour « Libération » Alexeï Malachenko, expert du Proche-Orient au centre Carnegie de Moscou. De là à penser que la Russie se sert de la menace terroriste pour servir ses intérêts, il n’y a qu’un pas. BRICE CHENEVAL @ChenevalBrice

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FOCUS INTER LE GRAND ANGLE

LA RUSSIE AU CŒUR DE La campagne secrète du Kremlin visant à gagner de l’influence dans la politique européenne est bel et bien en marche. Si Marine Le Pen en serait la figure de proue, tous les partis d’extrême droite européens ont la cote à Moscou. Que ce soit les nationalistes-populistes aux xénophobes en passant par les eurosceptiques.

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ujourd’hui, la France, est semble-t-il devenue le nouvel eldorado des radicaux de droite. Le récent intérêt et même la future implantation dans l’Hexagone de « Breitbart News », un site internet d’extrême droite américain soutien de Donald Trump, en est la preuve. Mais un pays a fait de la France et plus particulièrement du Front National un pion essentiel à « conquérir » en Europe : la Russie. Vladimir Poutine a bien compris, depuis son retour à la présidence en 2012, l’intérêt que pourrait avoir Marine Le Pen dans son vaste projet de démantèlement de l’Union Européenne. Ce rapprochement de Poutine envers le FN se mesure de plusieurs façons. Le point de vue économique est celui le plus assumé par la présidente du parti frontiste. En septembre 2014, Marine Le Pen a confirmé avoir effectué un prêt de 9 millions d’euros auprès d’une banque russe. Une somme à laquelle il faut ajouter deux autres millions, provenant de l’association de financement de Jean-Marie Le Pen, obtenus en avril 2014 de la part d’une banque chypriote alimentée par des fonds russes. Le FN pourrait, selon son trésorier Wallerand de Saint-Just, rééditer cette demande auprès des banques russes : «Il nous manque pour la présidentielle de 2017 20 à 25 millions d’euros que les banques françaises refusent de nous prêter. Il n’est donc pas exclu que nous fassions appel à nouveau à des banques russes». Des financements qui font polémique car ils sont jugés comme un achat des positions du FN, plutôt pro-russes.

POUTINE LORGNE SUR UN AXE PARIS-BERLIN-MOSCOU À L’OUEST La France, avec le FN, n’est cependant pas le seul pays visé par Vladimir Poutine en Europe de l’Ouest. La Grande Bretagne et l’Allemagne, avec respectivement leurs deux partis d’extrême droite, l’UKIP et l’AFD sont également dans le viseur du président russe. Un point commun relie ces trois grands partis soutenus par Moscou : leur euroscepticisme. C’est ce que recherche le Kremlin, démanteler ou avoir une Union Européenne pro-russe pour ne plus subir les sanctions de l’UE. L’ancien leader de l’UKIP, Nigel Farage, ainsi que de nombreuses personnalités du parti indépendantiste ont manifesté leur admiration pour Poutine et leur soutien à son action

en Syrie par exemple. Au parlement européen, les députés du FN et de l’UKIP avaient été parmi les seuls, à l’Ouest, à voter contre une résolution antirusse en juin 2015 suite au conflit avec l’Ukraine. L’AFD, le parti de l’alternative et eurosceptique en Allemagne, semble sous la même influence économique de la Russie que le Front National. En effet, Moscou envisageait d’octroyer un prêt comme le rappelle le « Spiegel », ou convenir d’un arrangement dans le cadre du commerce de l’or dévoile le « Center for Strategic Communication ». Le rapprochement entre la Russie, la France et l’Allemagne n’est cependant pas nouveau car c’est l’axe allié que veut voir se constituer Vladimir Poutine. La deuxième proposition dans le programme de politique étrangère de Marine Le Pen pour les présidentielles de 2012, le confirme un peu plus : « conjointement, la proposition faite à l’Allemagne de s’associer pour former une alliance trilatérale Paris-Berlin-Moscou. »

L’EUROPE DE L’EST : UN TRÈS BON TERRAIN DE CHASSE POUR POUTINE Et si l’Europe de l’Est était de nouveau soviétique ? Cette interrogation se pose après des élections présidentielles qui ont vu la Moldavie et la Bulgarie rejoindre le club très privé des « pays pro-russes ». Mais dans le viseur de Moscou sont aussi présents la Hongrie, l’Autriche et bien d’autres pays d’Europe de l’Est. Si de nombreuses barrières (langue, culture ou religion) séparent ces pays, ils ont en revanche le point commun d’avoir tous faits partie de l’URSS. Bien que le régime soit tombé en 1991, l’influence russe se fait de nouveau ressentir. Non pas par le biais de troupes militaires, mais plutôt d’une manière tout aussi cruelle que pacifique : l’argent. Une très belle représentation du soft power “poutinien“. À commencer par le parti d’extrême droite hongrois « Jobbik » (« mouvement pour une meilleure Hongrie »). Créé en 2003, il se veut eurosceptique, antisioniste, ultranationaliste, contre l’immigration et pour la fermeture des frontières. Il a même demandé en 2015 la construction d’un mur anti-migrants à la frontière de la Serbie. Mur qui fut par la suite érigé par le gouvernement de Budapest. En l’espace de quelques années, le parti est devenu la seconde force politique du pays et est passé de 2,2 à 20% des voix lors des dernières élections législatives. Au point que le gouvernement de

L’AEMN : UNE FOURMILIÈRE DE PARTIS NATIONALISTES

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L’Alliance Européenne des Mouvements Nationaux est une alliance de mouvements politiques d’extrême droite d’Europe formée à Budapest. Reconnue comme parti politique européen depuis 2013, elle regroupe des partis nationalistes comme le Mouvement pour une meilleure Hongrie (Jobbik), le Front national qui l’a quitté depuis, le Mouvement social - Flamme tricolore d’Italie, les Nationaux-démocrates de Suède, le Front national de Belgique, le Front Bleu et blanc de Finlande, l’UKP du Royaume-Unis etc. Après Bruno Gollnisch (FN), c’est Béla Kovács (Jobbik) qui en est le président. Tous ces partis promeuvent la défense de la souveraineté des nations européennes, la lutte contre l’immigration ou encore la promotion des valeurs traditionnelles.


L’EXTRÊME DROITE EUROPÉENNE

QUENTIN GIRARDON

Viktor Orban, pourtant considéré comme radical par l’Union Européenne, suspecte l’eurodéputé et président de l’AEMN, Béla Klovács, d’être un agent à la solde de Moscou. Surnommé « KGBéla » l’homme va être d’ici peu entendu par la justice hongroise pour trafic d’influence. Il encourt une peine de huit ans d’emprisonnement. En Autriche, le parti « La Liberté de l’Autriche » a perdu de peu les élections présidentielles (46,2%) face au candidat indépendant, Alexander Van der Bellen. Si l’Autriche est passée à côté de l’extrême droite, le bilan de ces élections se révèle catastrophique. En quelques mois de campagne, les intentions de vote ont quadruplé. Lors des premières élections le 24 avril dernier, 35 % des Autrichiens avaient voté

pour le parti d’extrême droite (FPO) alors que les sondages l’annonçaient à 8%... Les candidats du ÖVP et du SPÖ (respectivement parti de la droite et de la gauche) n’ont même pas dépassé les 11 %, tandis que le futur vainqueur n’avait obtenu que 21 %. Pour gagner face au parti de Norbert Hofer (FPO), il a fallu de multiples rebondissements, des annulations de votes et une grande coalition anti-extrême droite. Malgré la défaite de la droite nationaliste, eurosceptique et xénophobe, le FPO reste tout de même le parti le plus voté d’Autriche. Le candidat malheureux a par ailleurs annoncé son intention de se rendre en Russie pour rencontrer les politiques russes et montrer à l’Europe que les sanctions à l’égard du pays ne sont pas « utiles

et pertinentes ». Une façon de réaffirmer son soutien à la Russie de Vladimir Poutine. Toutes ces formations politiques progressent dans chacun de leur pays en gagnant au fil des mois de plus en plus d’influence. Ce pouvoir fournit par les urnes donne une légitimité que recherchent les partis d’extrême droite européens. Que ce soit en France, en Allemagne ou en Hongrie, le débat sur l’accueil des migrants divise les populations et contribue à ce rapprochement. La Russie profite de cette période de doute en plaçant ses pions comme sur un jeu d’échecs. L’objectif à court terme pour Moscou est de diviser l’Union européenne en cassant le lien qui, jusqu’à présent, unit vingt-huit pays et donc de supprimer les sanctions économiques à son encontre. @MaxenceCuenot @QuentinVillain

MAXENCE CUENOT QUENTIN VILLAIN

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PORTRAIT DE...

VLADIMIR POUTINE : L’HOMME DE FER À la tête de l’une des plus grandes puissances mondiales depuis seize ans, Vladimir Poutine est un personnage politique plus que mystérieux. Représenté comme un surhomme à travers sa propagande, le président russe est bien plus complexe que cela.

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é le 7 octobre 1952, à Léningrad, le futur président de la fédération de Russie était un enfant comme les autres. Ne se démarquant que par deux disciplines sportives : le sambo (une lutte russe), dont il est à plusieurs reprises champion dans sa ville natale, et le judo. Il aime aussi d’autres sports comme le tennis ou encore la natation. Une passion qui se retrouve dans ses nombreuses photos de propagande. Peu brillant à l’école, ses seules réussites se trouvent dans les bagarres. Ce qui ne présageait pas forcément d’un avenir dans les sphères du pouvoir. Après avoir obtenu un diplôme de droit à l’université de Léningrad en 1975, Vladimir Poutine décide de quitter le domicile familial pour rentrer au service du KGB, principal service de renseignement de l’URSS post-stalinienne.

DE SIMPLE ESPION À PRÉSIDENT À son égard, la police politique de l’ex-URSS ne prêtait aucune attention. Sa hiérarchie le trouvait incompétent et asocial. Il n’arrivait pas à se démarquer des autres agents du cabinet. C’est pour ces raisons qu’à la fin de la guerre froide, il fut envoyé à la mairie de Saint-Pétersbourg. C’est là que démarre sa vie politique. À ce moment-là, il soigne son entourage et se rapproche de personnes influentes comme l’un des conseillers les plus proches du président russe de l’époque, Boris Eltsine. Grâce à cela, il devient en 1998 le directeur du service fédéral de sécurité. Un tremplin qui lui permettra d’accéder une année plus tard à la présidence par intérim.

POUTINE LE SURHOMME Vladimir Poutine arrive donc à se faire une place en se faisant bien voir auprès des personnalités politiques, mais aussi en se rapprochant de la mafia russe. « Lorsqu’il parle, pas un trait de son visage ne bouge, sinon les lèvres » le décrit Sylvaine Pasquier, journaliste à « L’Express ». L’ex-espion du KGB possède cet atout de ne rien faire paraître. Une qualité qui lui a servi dans sa quête de pouvoir. Mais c’est aussi une bonne manière de se faire craindre. Malgré une taille moyenne, 1m70, peu de gens qui l’entourent ont le courage de se confronter à lui. Nombreuses ont été les photos de propagande le montrant sous son meilleur jour : en train de tirer à l’arme de poing, en luttant contre les éléments de Sibérie ou encore en domptant un ours à mains nues. Toute une exagération qui n’a fait qu’amplifier son mythe. Car au final, on ne sait que peu de choses sur ce personnage aussi froid que l’hiver sibérien. D’un coté les Européens en profitent pour se moquer de lui alors qu’en Russie le tabloïd Komsomolskaya Pravda, a repris des clichés où l’on peut le voir torse nu, avec en titre : «soyez comme Poutine». Une manière a lui de montrer que le sport peut rapprocher les gens, mais aussi pour contraster avec son prédécesseur, Boris Eltsine. En effet, pendant sa présidence, ce dernier était un homme politique beaucoup plus classique mais surtout enfermé dans un problème d’alcool. En étant à la tête de l’une des plus grandes puissances, de l’un des producteurs d’hydrocarbures les plus importants et disposant d’un droit de veto à l’ONU, Vladimir Poutine s’est affirmé, de loin, comme l’une des personnalités les plus influentes.

L’ŒIL DE LA SEMAINE : VLADIMIR POUTINE, RETOUR EN 5 POINTS SUR SES DÉCISIONS POLITIQUES INTERNES À LA RUSSIE Depuis son élection à la présidence de la Fédération de Russie, le 31 décembre 1999, Vladimir Poutine n’a cessé de chercher à affaiblir les principales institutions de l’État, afin de n’être soumis à aucune contrainte lors de ses prises de décisions politiques. En 1999, Vladimir Poutine annonce qu’il veut structurer l’économie russe en y implantant un réseau de PME-PMI. Son objectif est de construire un système économique fondé sur une économie de marché, afin de gagner davantage de ressources pour participer au capitalisme mondial.

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En 2000, Vladimir Poutine décide de rétablir l’hymne de l’Union soviétique. Il agit ainsi contre l’opinion d’une partie non négligeable de son administration, globalement opposée à la réhabilitation de cet hymne. Les paroles en seront néanmoins changées.

Dès 2000 et jusqu’en 2011, Vladimir Poutine cherche à renforcer son pouvoir en réformant tout d’abord le Conseil de la Fédération de Russie (2000). Dès lors, les gouverneurs ne sont plus élus, mais désignés par le président en personne. En 2011, il instaure un « cumul des mandats obligatoires » qui va modifier, en sa faveur, la composition de la seconde chambre.

Le 5 mai 2014, Vladimir Poutine signe une loi visant à bannir toute forme d’injure dans les arts et les médias. Les transgresseurs risquent une amende de 50.000 roubles (environ 1000 euros).

Le 7 juillet 2016, Vladimir Poutine signe la « loi renseignement » pour lutter contre le terrorisme en Russie. Cette loi prévoit de renforcer les moyens en matière de surveillance et de répression du terrorisme, mais également de multiplier par deux la peine d’emprisonnement pour « extrémisme », l’élevant ainsi à 8 ans d’emprisonnement.

Poutine est l’un des hommes les plus influents du monde. © Droits réservés

FOCUS INTER


Le premier bulbe doré de l’église Sainte-Trinité avait été posé en mars dernier. © Droits réservés

LE REGARD CULTUREL

LA RUSSIE SUIT LA TENDANCE DU «SOFT POWER» Depuis une dizaine d’années, la Russie tente de modifier son image négative de régime autoritaire (corruption, assassinats de journalistes…). Pour y parvenir, elle a choisi de se servir d’outils comme la « diplomatie publique » ou encore le « soft power ».

L

’Eglise orthodoxe russe, Sainte-Trinité, a été inaugurée à Paris le 19 octobre dernier. Il s’agit d’un centre spirituel et culturel de 4 700 m2 qui a ouvert ses portes au pied de la tour Eiffel. Le chantier, évalué à près de 170 millions d’euros, a été entièrement financé par la Russie. Ce projet a pour but de jouer un rôle important dans le renforcement des liens entre la France et la Russie et le renforcement de la coopération entre ces deux pays, d’après Vladimir Poutine. Ce complexe est un « symbole massif du soft power russe en plein cœur du 7e arrondissement » selon Tatiana Kastouéva-Jean, responsable du Centre Russie/Nouveaux États indépendants à l’institut français des Relations internationales. D’après elle, ce centre a été « conçu comme la vitrine du monde russe à un moment où la Russie voulait mettre l’accent sur son rayonnement culturel en dehors de ses frontières ». C’est même le point culminant d’un rapprochement diplomatique entre la France et la Russie. Il faut, toutefois, tempérer la portée de ce projet en rappelant qu’il a été lancé en 2007 alors que le lien entre les deux pays était à son apogée (à l’époque le projet a été préféré à une mosquée demandée par l’Arabie Saoudite). Actuellement, sous le gouvernement de François Hollande, l’entente est bien moins cordiale, comme le montre le fait que le président russe n’ait pas souhaité assister à l’inauguration. En effet, la France est un des pays d’Europe qui critique le plus durement la politique de Vladimir Poutine en Syrie mais également en Ukraine ou sur l’annexion de la Crimée. Quoi qu’il en soit, la Russie associe donc le pouvoir politique et religieux. Disposant de moyens financiers, humains et spirituels, l’Église est ainsi devenue un pion essentiel du Kremlin dans la domination d’anciens et nouveaux espaces qui

lui apparaissent comme primordiaux sur l’échiquier mondial. Cela a notamment été le cas en Ukraine, par exemple, où la religion est un des principaux facteurs du conflit entre l’Est et l’Ouest.

« SOFT POWER », D’ACCORD MAIS C’EST QUOI ? Le « soft power » (ou puissance douce) désigne la puissance d’influence, de persuasion. Il s’agit de la capacité pour un acteur (un État, par exemple) à influencer le comportement d’autres acteurs par des moyens structurels, culturels ou idéologiques et des ressources telles que l’image, la réputation positive d’un État, ses capacités de communication ou encore son rayonnement. Développée par le professeur américain Joseph Nye, cette idée a été reprise par de nombreux dirigeants politiques. Le concept a, pour la première fois, été proposé dans son ouvrage : « Bound to Lead » en 1990. Ce dernier avait été écrit pour contrer l’idée du déclin de la puissance américaine. Ainsi, Nye y affirmait que les États-Unis disposaient d’une capacité à séduire et persuader les autres États sans avoir à user de leur force ou de la menace. Le terme « soft power » est à mettre en opposition au « hard power » qui privilégie principalement les actions armées et l’argent. Lors d’un entretien à France culture en 2012, Le professeur explique comment lui est venu ce concept : « Le soft power est aussi vieux que l’Histoire humaine. Dans la Chine ancienne, le philosophe Lao Tse parle déjà des leaders qui ne commandent pas, mais trouvent leur légitimité dans la séduction. Au fond, le soft power est une tendance naturelle chez l’homme, bien en amont de toute stratégie politique ». Par la suite, il revient sur l’épisode de la Guerre froide en faisant le lien entre la défaite de l’Union soviétique et, jus-

tement, le manque de « soft power » : « La Guerre froide est une période pour laquelle le jeu entre hard et soft power apparaît de manière relativement évidente ». Pourtant, « si l’Union soviétique est sortie perdante de l’affrontement, c’est qu’elle avait perdu la quasi totalité de son soft power. Le communisme n’attire plus, l’Union soviétique est démunie de soft power ».

LA RUSSIE S’Y MET AUSSI La Russie a donc essayé de récupérer puis d’entretenir son pouvoir d’attraction pour faire accepter sa politique. Ceci, dans le but d’éviter le développement d’un sentiment anti-russe. En fait, elle a décidé de changer son fusil d’épaule concernant la politique étrangère après la « révolution orange » en Ukraine (avant cela, le « hard power » était sa marque de fabrique). Grâce à ces changements radicaux, la Russie est entrée pour la première fois dans le classement annuel des 30 pays les plus influents par la puissance douce. Elle se place à la 27e position de ce classement réalisé par l’agence britannique Portland Communications. Cela est notamment dû à ses nombreux médias (comme la chaîne d’informations Russia Today) diffusés dans le monde entier. Par ailleurs, d’après le politologue russe Sergey Karaganov, « la Russie est un des rares pays à séduire une énorme quantité de gens à travers ses efforts pour conserver son indépendance et sa souveraineté. C’est un puissant pôle d’attraction ». En revanche, côté russe, le discours est légèrement différent. En effet, pour Alexandre Orlov, ambassadeur de la Fédération de Russie en France, « la Russie n’a pas de soft power ». Il précise, d’ailleurs, que « chaque pays est libre de choisir et de suivre son propre chemin » et préfère ainsi parler de « rayonnement ». @gus_bouchut

GUILLAUME BOUCHUT

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L’ACTU EN TWEETS LA RUSSIE SE SÉPARE DE LA COUR PÉNALE INTERNATIONALE Alors qu’elle était jusqu’à présent signataire du statut de Rome, la Russie a remis en cause l’utilité de la Cour pénale internationale (CPI). Elle est allée jusqu’à menacer de faire marche arrière et de retirer sa signature.

A

près le Burundi, l’Afrique du Sud et la Gambie, c’est désormais au tour de la Russie de vouloir quitter l’institution de La Haye. Elle a en effet annoncé mercredi 16 novembre son souhait de retirer sa signature du statut de Rome, qui avait mené à la création en 1998 de la CPI. La Russie, qui avait signé sans ratifier le traité en 2000, reproche aujourd’hui à la CPI son manque d’impartialité, notamment sur le sujet de l’Ukraine, et d’efficacité. Le ministère des affaire étrangères russe a expliqué dans un communiqué que la Cour « n’avait pas été à la hauteur des espoirs qui ont été placés en elle ». Depuis bientôt trois mois, quatre pays – dont la Russie – ont signifié leur désir de se retirer de la CPI. Le Burundi, l’Afrique du Sud et la Gambie ont unanimement reproché à l’institution de condamner exclusivement les pays africains. La Russie a annoncé son intention de quitter la Cour Pénale Internationale en retirant leur signature de du traité de Rome. © Droits réservés

LA CIA AFFIRME QUE MOSCOU A AIDÉ TRUMP À ÊTRE ÉLU Le Washington Post a dévoilé une évaluation secrète de la CIA qui montre que la Russie a interféré dans l’élection présidentielle américaine de 2016 en aidant Donald Trump à l’emporter.

R

ebondissement dans l’élection du controversé Donald Trump. Un haut-respondable de la CIA a révélé au Washington Post, vendredi 9 décembre, que « l’objectif de la Russie était de favoriser un candidat par rapport à un autre, d’aider Trump à être élu ». Selon la CIA, Moscou aurait eu recours à des intermédiaires pour transmettre les emails piratés d’Hillary Clinton à WikiLeaks. L’équipe du président élu a immédiatement réfuté ces accusations en affirmant que les experts qui ont tiré ces conclusions étaient «les mêmes que ceux qui disaient que Saddam Hussein disposait d’armes de destruction massive». Le président Obama a réclamé quant à lui un «examen complet» de ce qui s’est déroulé lors du processus électoral de 2016. Le Washington Post a toutefois affirmé que l’évaluation de la CIA était loin de représenter un rapport complet reflétant le point de vue des 17 agences américaines du renseignement. La CIA estime que la Russie a aidé Donald Trump à être élu. © Droits réservés

BIENTÔT UNE MARQUE ALIMENTAIRE KREMLIN Le Kremlin lancera à partir du mois de janvier, sa propre marque alimentaire baptisée « Qualité Kremlin », jusqu’à présent réservée aux élites...

E

t si demain il était possible de goûter un yaourt Qualité Kremlin ? C’est du moins le nom de la marque que lancera bientôt le gouvernement russe. À partir de janvier 2017, les produits de cette marque seront distribués dans tous les supermarchés russes et disponibles via une boutique en ligne. Mais cette production n’est pas vraiment une nouveauté, celle-ci était jusqu’à présent réservée exclusivement au gouvernement et au président russe. Comme une réminiscence du passé soviétique, ces produits marquent le refus des élites à consommer les mêmes produits que la « plèbe ». Une occasion supplémentaire pour Vladimir Poutine de flatter son futur homologue américain, Donald Trump, qui avait lancé ses « Steak Trump » et son eau minérale, la « Trump Water ». Des produits «Qualité Kremlin» seront disponibles dans les supermarchés russes et via une boutique en ligne d’ici janvier. © Tass


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