Produire une energie electrique decentralisee par pyrolyse de la biomasse

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V. FRANCESCATO

COMBUSTIBLES PYROLYSE

Produire une énergie électrique décentralisée par pyrolyse

de la biomasse Gianni Bidini, Umberto Desideri e Francesco Fantozzi Université de Pérouse (Italie) – Département d’Ingénierie Industrielle

Cet article présente une installation expérimentale de 80 kW pour la conversion énergétique du bois avec la technologie de la pyrolyse, intégrée à une turbine à gaz.

LA PRODUCTION DÉCENTRALISÉE La conversion énergétique de la biomasse est considérée comme une action clé pour atteindre les objectifs de développement durable fixés par les signataires du Protocole de Kyoto, car elle permet de réduire l’utilisation de combustibles fossiles, tandis que le CO2 libéré durant la conversion énergétique est compensé par le CO2 absorbé durant le cycle de vie du végétal. De plus, les cultures énergétiques dédiées présentent des avantages pour l’environnement dans la mesure où elles constituent des puits de carbone, et représentent d’autre part un potentiel important de valorisation des zones rurales. Toutefois, le manque de technologies de conversion énergétique adéquates

pour les installations de petite taille en limite l’utilisation aux installations à moyenne et grande échelle, impliquant des investissements élevés, des difficultés logistiques pour la collecte et le regroupement de la biomasse et un impact socio-environnemental parfois mal toléré. En effet, la conversion énergétique s’effectue principalement par combustion directe de la biomasse, et la récupération de la chaleur générée est réalisée avec des cycles de puissance à vapeur pour la génération d’électricité dont la faisabilité est limitée à des installations de tailles supérieures à 2 MW électriques et dont le rendement de conversion ne dépasse pas 20%. La conversion à petite échelle et à micro-échelle, du fait de son impact social plus réduit, permettrait une décentralisation des installations

dans les zones rurales, là où la disponibilité de biomasse est plus importante, en réduisant les coûts de transport. La production d’électricité dans des collectivités isolées résoudrait les problèmes d’approvisionnement et les pertes d’énergie inévitables le long des lignes de distribution. La production décentralisée, enfin, permet de simplifier les démarches administratives et peut ainsi contribuer à résoudre les différents problèmes bureaucratiques qui empêchent souvent la construction de nouvelles installations de moyenne et grande tailles.

Italie

LA PYROLYSE La génération d’électricité à petite échelle et à micro-échelle est assurée par les Moteurs à Combustion Interne (MCI) et par les Turbines à Gaz (TG) qui ont besoin, comme nous le savons, de combustibles liquides ou gazeux ; par conséquent, l’utilisation éventuelle de biomasse pour l’alimentation de MCI ou de TG doit obligatoirement passer par un processus thermochimique de gazéification ou de liquéfaction de la biomasse. Il existe diverses technologies thermo-

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Schéma du prototype de l’installation réalisée par le Pôle scientifique de Terni dans le cadre de l’accord ENERPOL.

chimiques disponibles pour la transformation de la biomasse mais elles nécessitent presque toutes des installations complexes et posent des critères physico-chimiques très rigides pour l’alimentation de la biomasse. La gazéification de la biomasse peut être obtenue avec une combustion partielle de cette dernière qui donne un gaz riche en monoxyde de carbone (CO), mais dilué avec l’azote présent dans l’air, ce qui a pour conséquence d’en abaisser le pouvoir calorifique inférieur

le temps de séjour à l’intérieur du réacteur, il est possible de privilégier certaines phases par rapport à d’autres. En particulier, il convient de privilégier la phase gazeuse, pour alimenter un moteur thermique, et le charbon, dont la combustion dans un brûleur spécifique peut fournir la chaleur nécessaire au maintien de la réaction de pyrolyse, avec celle qui est récupérée des gaz d’échappement du moteur. L’huile de pyrolyse constitue généralement une phase acide, visqueuse et condensable qui présente peu d’intérêt car elle peut facilement entraîner des phénomènes d’encrassement et/ou de corrosion. En récupérant de l’énergie de la phase solide et des fumées d’échappement du moteur, on peut donc obtenir des rendements très intéressants, surtout dans les installations à micro-échelle où l’on ne peut pas bénéficier, justement, de l’effet d’échelle.

La réalisation de petites installations à pyrolyse représente un potentiel important pour la valorisation des zones rurales défavorisées. (PCI) à environ un quart de celui du méthane. Si ce processus est effectué en l’absence d’oxygène avec transmission indirecte de chaleur, on obtient une pyrolyse lente. Dans un premier temps, la biomasse passe de l’état solide à l’état liquide. Avec la poursuite de la réaction thermochimique, le combustible subit les transformations suivantes : charbon (phase solide carbonée) avec un PCI de l’ordre de grandeur de la lignite; gaz de synthèse (phase gazeuse) avec un PCI égal à environ la moitié de celui du méthane (les produits sont le méthane, l’hydrogène et les oxydes de carbone); huile de pyrolyse (phase liquide) avec un PCI intermédiaire entre celui du gaz et celui du charbon. En agissant de manière adéquate sur la température de pyrolyse et sur

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traitement des gaz émis. Nous donnons ci-après une brève description du processus et des principaux composants. Pyrolyseur Le réacteur de pyrolyse est un échangeur de chaleur constitué d’un cylindre rotatif à l’intérieur d’un cylindre fixe. La biomasse, introduite dans la trémie de chargement avec la granulométrie et l’humidité qui conviennent, est acheminée à l’aide d’une vis sans fin jusqu’au cylindre interne qui tourne pour favoriser le transfert de chaleur. Dans l’interstice entre le cylindre rotatif et le cylindre fixe circulent les gaz chauds provenant de l’échappement de la microturbine, leur température peut être augmentée par la post-combustion du charbon effectuée dans une chambre de combustion spécifique (CHAR CC). À l’intérieur du réacteur, la biomasse, à une température d’environ 600°C et en l’absence totale ou quasi-totale d’oxygène, subit un processus de pyrolyse lente pour obtenir du gaz de synthèse, de l’huile de pyrolyse à l’état de vapeur, du charbon et de la vapeur d’eau. Les systèmes auxiliaires La phase gazeuse est extraite du pyrolyseur et envoyée dans un système à cyclone de dépoussiérage pour éliminer les particules en suspension. Dans l’étage suivant à scrubber, le gaz est refroidi pour condenser la vapeur d’eau et les

SCHÉMA DE L’INSTALLATION PROPOSÉE La figure illustre le schéma général de l’installation qui est constituée généralement d’un réacteur de pyrolyse et d’une microturbine à gaz pour la production d’électricité, intégrés de sorte que le pyrolyseur produit le gaz combustible qui alimente la turbine à gaz tandis que cette dernière fournit, à travers les fumées d’échappement, une partie de la chaleur nécessaire au pyrolyseur. Pour garantir la liaison entre les deux systèmes et le fonctionnement de l’installation, il faut prévoir des sous-systèmes auxiliaires comme le système de lavage et de compression du gaz de synthèse, le brûleur du charbon, le système d’alimentation de la biomasse et le système de

ITEBE

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goudrons en suspension et pour l’élimination des éventuels composés chimiques agressifs qui pourraient endommager les composants suivants. Le gaz de synthèse ainsi épuré est porté à la pression nécessaire par un compresseur et injecté dans la chambre de combustion de la microturbine. La phase solide produite dans le pyrolyseur est brûlée quant à elle dans un brûleur spécifique situé sur la ligne de flux des gaz d’échappement provenant de la microturbine, et faisant fonction de chambre de post-combustion. Après avoir cédé la chaleur au pyrolyseur, les fumées d’échappement de la microturbine sont envoyées avec les produits de combustion du charbon, au système de traitement et de filtration pour leur décontamination avant leur rejet dans l’atmosphère. La Microturbine La microturbine à gaz de pyrolyse est constituée d’une turbine centripète, raccordée au générateur électrique, dans laquelle on introduit à une température et une pression élevées les produits de combustion du gaz de synthèse provenant dans la chambre de combustion. L’air comburant est aspiré par un compresseur solidaire de la turbine et envoyé dans la chambre de combustion après avoir été préchauffé dans le régénérateur par les gaz chauds provenant de la turbine.

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PERFORMANCES DE L’INSTALLATION L’installation proposée par le Département d’Ingénierie Industrielle de l’Université de Pérouse est cofinancée par la Région de l’Ombrie avec les fonds destinés à la réalisation des objectifs identifiés pour atteindre les engagements du Protocole de Kyoto. L’installation sera réalisée dans le pôle scientifique de Terni, dans le cadre de l’accord ENERPOL (ENErgy from Residual Permanent Observatory and Laboratory) pour la réalisation d’un laboratoire et d’un observatoire permanent sur la conversion énergétique de la biomasse résiduelle, signé par le Département d’Ingénierie Industrielle, par la société d’ingénierie Tecnocentro Eng. srl et par l’Institut de Recherche sur les Matériaux ISRIM scrl. L’installation proposée comprend une microturbine de 80 kW dont on prévoit l’utilisation globale 6 000 heures par an pour une production nette d’électricité, après déduction des consommations internes, d’environ 400 000 kWh/an. Considérant une consommation annuelle de biomasse égale à environ 730 t, le rendement de conversion énergétique de l’installation est d’environ 19%1, correspondant donc aux valeurs qui peuvent être obtenues dans les instal-

lations traditionnelles de taille moyenne ou grande. L’installation proposée, d’autre part, permettrait d’éviter l’émission dans l’atmosphère d’environ 290 t/an de CO2 correspondant au volume émis par les installations thermoélectriques traditionnelles de l’ENEL2 pour produire 400 000 kWh d’électricité. À micro-échelle, l’installation réalise un rendement intéressant (19%) et comparable à celui qui peut être obtenu avec les systèmes traditionnels à grille de taille moyenne ou grande mais de manière plus durable, dans la mesure où elle utilise la biomasse là où elle est plus disponible. Les éventuels obstacles à l’utilisation de la technologie proposée sont essentiellement de nature technique et feront l’objet d’expérimentations successives. En particulier, les aspects que nous pouvons d’ores et déjà identifier comme critiques sont le lavage du gaz de synthèse, le réglage idéal de la microturbine pour le passage du méthane au gaz de synthèse à pouvoir calorifique moyen et l’étanchéité du pyrolyseur. La date de commencement des travaux est fixée début 2003 et la première production d’électricité à partir de la biomasse à microéchelle est prévue en 2004.

L’installation proposée par le Département d’Ingénierie Industrielle de l’Université de Pérouse est cofinancée par la Région de l’Ombrie avec les fonds destinés à la mise en place des objectifs identifiés pour atteindre les engagements du Protocole de Kyoto.

1

Considérant un pouvoir calorifique inférieur de la biomasse de 2 500 kcal/kg

2

« émissions de CO2 par zone de production thermoélectrique ENEL (1998) » annexe du Bulletin Officiel de la région de l’Ombrie n°9 du 28 février 2001.

PERFORMANCES DE L’INSTALLATION Puissance électrique nette Consommation annuelle de biomasse Production annuelle d’électricité Rendement de conversion Production annuelle évitée de CO2

65 730 400.000 18,8 290

kW tonnes kWh % tonnes

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