Revue BE6 - Dossier : que faire de vos dechets de bois et sciures ?

Page 1

DOSSIER DÉCHETS

our beaucoup de professionnels de la filière bois française, l’application de cette réglementat io n v a im p o s e r de l ou rd es contraintes. Il est donc opportun d’apprécier l’importance du gisement de déchets qui devra dorénavant être valorisé, et d’évaluer dans quelle mesure la valorisation énergétique peut résorber une partie du problème.

QUE FAIRE DE

P

VOS DÉCHETS DE BOIS ET SCIURES?

ÉTAT DES LIEUX DE LA RÉGLEMENTATION FRANÇAISE SUR LES DÉCHETS LIGNEUX

QUELLES SONT LES SOLUTIONS DE VALORISATION ÉNERGÉTIQUES

Le 1er juillet 2002, la réglementation française sur l’élimination des déchets est entrée en application. Elle interdit la mise en décharge de déchets non ultimes, c’est-à-dire ni valorisables, ni réutilisables. Ce dossier présente un état des lieux des gisements disponibles en France, par types de déchets de bois ainsi que des exemples de réalisations. BOIS ENERGIE N°6 < JUILLET 2002 > 26

VTT ENERGY

ADAPTÉES?

La loi du 13 juillet 1992 a complété l a l o i c a d re s u r l e s d éch et s d u 15 juillet 1975 en insistant sur le développement de la prévention, de la valorisation et du recyclage. Elle a pour important corollaire la limitation à partir du 1 er juillet 2002 du stockage des déchets aux seuls déchets ultimes. Cette loi comporte trois définitions importantes : - la valorisation des déchets : ce mot apparaît pour la première fois dans la loi française. La valorisation des déchets consiste dans " le réemploi, le recyclage ou toute autre action visant à obtenir, à partir de déchets, des matériaux réutilisables ou de l'énergie " ; - les déchets industriels spéciaux qui, en raison de leurs propriétés dangereuses figurent sur une liste fixée par décret, et ne peuvent être déposés dans des installations de stockage recevant d'autres catégories de déchets ; - les déchets ultimes qui sont " les déchets résultant ou non du traitement d'un déchet qui n'est plus susceptible d'être traité dans des conditions techniques et économiques du moment, notamment par extraction de la part valorisable ou par réduction de son caractère polluant et dangereux ". Parmi les dispositions de la loi, on peut relever en particulier : - La responsabilité du producteur de déchet : " toute personne qui produit ou détient des déchets […] est d’en assurer ou d’en faire assurer l’élimination ". Ceci est la concrétisation du principe " pollueur-payeur ". - Les obligations des collectivités locales : les communes ou les regroupements de communes doivent assurer la collecte et l’élimination des déchets des ménages et ceux produits


DOSSIER DÉCHETS

Quel gisement de

déchets bois en France ? Joël Tétard, Alkaest Conseil

France

La recherche d’une voie de valorisation des déchets bois ne peut se faire sans l’évaluation de leur gisement. Au total, ils représentent environ deux millions de tonnes chaque année en France. Quelles valorisations peut-on proposer, et pour quels déchets ? par les artisans et commerçants. Les collectivités locales peuvent assurer cette collecte et ce traitement sans sujétion particulière, eu égard aux quantités produites et à leurs caractéristiques. La loi du 13 juillet 1992 a été précisée par plusieurs circulaires successives, dont la plus récente est la circulaire du 28 avril 1998 dite " circulaire Voynet " sur la mise en œuvre de plans départementaux d'élimination des déchets ménagers et assimilés. Ce texte rappelle, d'une part que " l ' ob j e cti f de r é s o rp ti on de s décharges (...) devait être fermement maintenu ". Il manifeste, d'autre part, une volonté de réorientation des plans en faveur du recyclage. " Cette réorientation doit se traduire par un aménagement des objectifs antérieurement définis de façon à intégrer d’avantage de recyclage matière et organique et, ainsi, de limiter le recours à l'incinération et au stockage aux seuls besoins ". Du point de vue du développement du bois énergie, le cadre réglementaire français offre donc un certain nombre d’opportunités, mais également de limites, qu’il convient maintenant de préciser pour chacun des principaux types de déchets ligneux.

LE GISEMENT DE « DÉCHETS BOIS » Les déchets verts des ménages et des espaces publics Les déchets organiques provenant de l’entretien des parcs et jardins privés représentent environ 7 millions de tonnes, dont environ 1/10e est valorisé sous forme de compost, filière en

rapide développement. Les déchets provenant de l’entretien des espaces verts publics des collectivités locales, des organismes publics et parapublics (arbres et haies de la voirie publique, parcs, jardins et terrains de sports) représentent environ 900 000 tonnes par an en France. Les collectivités publiques sont plus sensibilisées que les ménages à la question de la valorisation des déchets et disposent souvent d’une logistique dédiée, la valorisation matière. Ces déchets verts sont de plus souvent valorisés sous forme de compost. Le restant suit encore les mêmes filières que les déchets ménagers, c’est-à-dire le stockage dans les centres d’enfouissement technique et l’incinération, avec ou sans valorisation énergétique. Les écorces La production d'écorces est essentiellement le fait des scieries de la 1ère transformation du bois. La très grande majorité d'entre elles dispose d'écorceuses intégrées à leur ligne de production.

765 000 tonnes, dont près des 3/4 proviennent du traitement de résineux. Les écorces ne comportent pas de composés majoritaires susceptibles de justifier une extraction industrielle à des coûts économiquement acceptables : la production de tannin à partir des écorces de chêne et de châtaigniers a été arrêtée au cours du XIXe siècle avec le développement de produits tannants synthétiques (sels de chrome). Les écorces font cependant l'objet de plusieurs types de valorisation : - Les principaux débouchés commerciaux actuels des écorces de résineux se trouvent dans l'agriculture, sous forme de compost, de paillage Seul 1/10e des 7 millions de tonnes/an de déchets verts produits en France est valorisée sous forme de compost.

horticole ou dans le conditionnement des sols ; - Les écorces de pin maritime et de pin sylvestre sont valorisées comme matériau décoratif destiné aux jardins, bacs floraux, etc. À cet effet, une marque de qualité NF (Norme Française) a été mise en place il y a quelques années ; Le compost, le paillage et le condi-

À partir du 1er juillet 2002 : limitation du stockage aux seuls déchets ultimes… Seuls le sapin et l'épicéa sont encore en partie écorcés en forêt. On estime que 15 % des grumes de sapin et d'épicéa débitées en France dans les scieries sont préalablement écorcées en forêt. On peut estimer la production française totale d'écorces à environ

tionnement des sols permettent de valoriser annuellement 400 000 tonnes d'écorces (estimation), provenant pour l'essentiel de résineux. La valorisation énergétique absorbe 375 000 tonnes d'écorces chaque année en France, en particulier par les chaufferies à bois (230 000

BOIS ENERGIE N°6 < JUILLET 2002 > 27


DOSSIER DÉCHETS valorisées sont soit brûlées sur place, soit mises en décharge. Il s'agit principalement d'écorces de feuillus qui pourraient donc faire l'objet d'une valorisation sous la forme de gran u l é s . C e g is e m e n t import a nt d'écorces de feuillus correspond, en première approximation, aux besoins de chauffage de 50 000 ménages.

Valorisation des écorces produites par les industries de la 1ère transformation du Bois en France (tonnes)

Ressources

Emplois Combustion sur site

Feuillus

115 000

200 000 Contre-plaqués

Résineux

Total

15 000

Horticulture et agricultures

320 000

Chaufferies

175 000

Total valorisé

625 000

Potentiel valorisable

140 000

565 000

765 000

Source : ALKAEST Conseil, d'après CTBA

tonnes). Cette valorisation énergétique est également le fait des scieries qui éliminent par la combustion une part importante des écorces qu'elles produisent. La quantité d'écorces ne faisant pas l'objet d'une valorisation en France est de l'ordre de 150 000 à 200 000 tonnes. Actuellement, ces écorces non

Les 150 000 à 200 000 tonnes d’écorces non valorisées par an pourraient répondre aux besoins en chauffage de 50 000 ménages.

Les déchets de la 1ère transformation du bois La production française de sciures et de " produits connexes " (dosses, délignures, etc.) provenant des scieries représente un total de 4 300 000 tonnes. En tant que matière première, les sciures et autres déchets de la première transformation du bois sont employés principalement par l'industrie papetière et par celle des panneaux, pour la fabrication de litières pour animaux et pour un certain nombre d'usages industriels tels que la fabrication d'objets moulés, d'absorbant pour le sol, le fumage des poissons, etc. Les usages énergétiques, comme la

Principales valorisations des sciures et déchets produits par les industries de la 1ère transformation du bois en France (tonnes).

Ressources Feuillus

Résineux

Total

Emplois

3 205 000

1 855 000

5 060 000

Combustion sur site

280 000

Industrie papetière

2 410 000

Industrie pannetière

1 400 000

Charbon de bois

300 000

Chaufferies collectives

210 000

Litières animales

150 000

Plaquettes et granulés

70 000

Autres usages

240 000

Sources : ALKAEST Conseil, d’après CTBA et données Enquête Agreste

Décharge 6%

Destruction sans valorisation Valorisation énergétique 2% 6% 18%

Autres

ITEBE

Valorisation matière 68%

BOIS ENERGIE N°6 < JUILLET 2002 > 28

Destination des déchets de la 1ère transformation du bois. (Source : ADEME - Enquête DIB 96 auprès des établissements de dix salariés et plus)


DOSSIER DÉCHETS

Les déchets de la 2e transformation du bois Les principaux gisements de déchets et sciures de la seconde transformation du bois sont représentés par les industries de l'Ameublement et de la Menuiserie Industrielle. Le gisement potentiel de déchets issus de ces activités est plus faible que celui observé dans la 1re transformation du bois, du fait que les rendements matières y sont souvent supérieurs (jusqu'à 95 % dans le travail des plaquages dans les menuiseries industrielles contre 50 à 60 % dans les scieries de la 1 ère transformation du bois). En première approximation, on peut estimer la production annuelle de sciures et déchets de la seconde transf or ma ti o n du b o i s e n Fr a n ce à 1 000 000 tonnes. La multiplicité des activités de la seconde transformation du bois, et la variété des produits, rendent cependant la valorisation de ces déchets beaucoup plus complexe. Lors de son élaboration par ces industries, le bois est en effet souvent associé à d'autres matériaux (colles, peintures, résines, etc.) qui impliq u en t un ce r tai n n om bre de contraintes : tri des fractions indésirables, traitement des émissions, traitement des cendres et imbrûlés, etc. Les débouchés actuels des déchets et sciures produits par les industries de la seconde transformation du bois concernent principalement la valorisation énergétique par les producteurs eux-mêmes (combustion sur site) ou par les chaufferies collectives. L'industrie des panneaux draine également une faible fraction de ces déchets. L e solde correspond à

ITEBE

fabrication de charbon de bois, de plaquettes sèches ou de granulés, ou la combustion directe en chaufferies collectives représentent moins de 12 % de la production de déchets de l'industrie de la première transformation du bois, le reste étant soit brûlé à l'air libre sur le site de production, sans valorisation, soit transformé comme litière pour animaux, soit cédé à des particuliers ou mis en décharge. En ne tenant compte que des seules quantités de déchets actuellement non valorisées (incinération, mise en décharge…), le potentiel théorique de déchets produits par les industries de la 1ère transformation du bois susceptible d'être mobilisé pour des usages énergétiques en France peut donc être estimé à 520 000 tonnes, soit une quantité correspondant aux besoins de 170 000 ménages.

Potentiel de valorisation des sciures et déchets produits par les industries de la seconde transformation du bois en France en 1997 (tonnes)

Ressources

Emplois

Ameublement

394 000

Combustion sur site

500 000

Menuiserie industrielle

310 500

Industrie pannetière

70 000

Contre-plaqué

168 500 Chaufferies collectives

60 000

Industrie pannetière

140 500

Total

1 013 500

Total

630 000

Potentiel valorisable

384 500

La valorisation énergétique du broyat de palettes (700 000 tonnes/an non valorisées en France) est possible dans des installations munies d’un système de traitement de fumées.

Source : ALKAEST Conseil, d'après CTBA

BOIS ENERGIE N°6 < JUILLET 2002 > 29


DOSSIER DÉCHETS

Les broyats de palettes sont valorisables dans l'industrie des panneaux en substitution des déchets "nobles".

Les autres déchets industriels banals La part du bois dans les autres déchets industriels banals est considérable puisqu’elle représente 40 % des 22 millions de tonnes de déchets générés chaque année en France par les industries. La nature fortement hétérogène des déchets ligneux produits par les industries rend complexe la logistique de collecte et les procédures de valorisation. Par ailleurs, on observe un retard plus ou moins important dans la mise en place et la conformation des filières régionales de collecte des déchets issus des industries de la Seconde Transformation du Bois. Lorsqu’elles existent, ces filières s'adressent principalement aux industriels les plus importants ou qui ne peuvent valoriser en interne la totalité de leur production de déchets et satisfont de façon imparfaite aux besoins des “petits” producteurs.

BOIS ENERGIE N°6 < JUILLET 2002 > 30

En réponse à cet état de fait, et afin de répondre à leur obligation concernant l'organisation des filières de collecte et de traitement des déchets industriels banals, les Régions commencent à mettre en place des plans déchets et des outils de gestion (“bourses de déchets”). Cependant, il semble que ce type d'organisation ne puisse garantir à elle seule la pérennité d'approvisionnement nécessaire à une unité de valorisation énergétique spécifique au bois. Il

Ordures Ménagères) ou les centrales électriques équipées de lits fluidisés rotatifs. Les déchets d’emballage La fabrication, la collecte, le transport, le tri, le reconditionnement des palettes et la valorisation de leurs déchets constituent une filière complexe en raison du grand nombre d'acteurs qui y sont actifs (près de 400 en France), de leur dispersion sur l'ensemble du territoire mais égale-

Le gisement français en déchets de bois avoisine les deux millions de tonnes par an. apparaît plus judicieux d’orienter ces déchets vers des unités de valorisation susceptibles de traiter conjointement des déchets fortement hétérogènes comme peuvent l’être les UIOM (Unités d’Incinération des

ITEBE

d'autres emplois mal quantifiés (par exemple, dés de bois agglomérés pour les palettes) ou non identifiés. Cependant, le caractère fortement hétérogène de ces déchets, la présence de matériaux associés incompatibles avec un usage comme combustible et le fort développement de la valorisation énergétique par les industries productrices elles-mêmes restreignent sensiblement le potentiel valorisable. L'estimation de 385 000 tonnes de déchets et sciures susceptibles d'être valorisés dans des usages énergétiques doit donc être considérée avec une grande prudence. Elle correspondrait aux besoins de 100 000 ménages.

ment de la grande variété de leurs métiers de base (fabricants-reconditionneurs, reconditionneurs, etc.) et de leurs statuts juridiques (entreprises, artisans, associations d'insertion sociale, etc.). Complexe, la filière est cependant bien structurée, du fait de l'importance de la palette aujourd'hui dans les chaînes logistiques intracommunautaires. En première approche, il semble que la valorisation énergétique de broyat de palettes pourrait s'exercer en zone périurbaine à des coûts d'approvisionnement en matière première comparables à celles observées pour des unités de production alimentées par l'industrie de première transformation du bois. Cette activité pourrait également bénéficier de la proximité de son marché, principalement celui des chaufferies collectives et des chaudières industrielles. Il faut cependant


DOSSIER DÉCHETS

Les déchets de chantiers Ces déchets concernent les chantiers du bâtiment (environ 24 millions de tonnes par an) et des travaux publics (environ 330 millions de tonnes par an). La part des bois dans ces déchets de chantier est difficile à déterminer du fait que ces déchets sont souvent de nature composite. L’application du principe de précaution semble réserver la valorisation énergétique de ces déchets aux seules unités équipées de traitement des fumées spécifiques. Il est cependant à noter que certain pays, comme la Finlande, considèrent que ce type de déchets ne pose pas de problème spécifique…

CONCLUSION SUR LE GISEMENT DE DÉCHETS « BOIS » La ressource française de déchets de bois susceptible d'être mobilisée à c ou rt e t mo ye n te r m e e st a u minimum de l'ordre de 800 000 tonnes par an, de quoi répondre aux besoins de 250 000 ménages. Le potentiel valorisable est certainement bien plus important, mais de nombreuses incertitudes pèsent sur une évaluation fiable. On peut estimer, en première approximation,

ITEBE

relativiser l’intérêt que pourrait représenter cette filière de valorisation énergétique : le broyage des palettes nécessite un équipement spécifique (pour le déferraillage, en particulier) hors de portée de la plupart des acteurs traditionnels du recyclage. Par ailleurs, même si des travaux récents du Centre Technique du Bois et de l’Ameublement, ont confirmé des études américaines concluant que le broyat de palettes apparaissait proche du broyat de bois brut, du point de vue des rejets de combustion (dioxines, métaux lourds, etc.), le principe de précaution limite la valorisation de cette ressource dans les seules unités équipées de systèmes de traitement des fumées. Il apparaît plus judicieux de valoriser les broyats de palettes dans l’industrie des panneaux en substitut des déchets " nobles " que sont les sciures et autres produits connexes de la 1ère transformation du bois. Les quelques 700 000 tonnes non encore valorisées en France pourraient ainsi se substituer à la moitié des 1 400 000 tonnes de déchets " nobles " utilisées dans l’industrie pannetière, libérant d’autant ces ressources pour des valorisations énergétiques.

que ce gisement avoisine les 2 millions de tonnes, ce qui correspond à une production de bois densifié satisfa i sa n t le s be so in s d e 6 0 0 0 0 0 ménages. ᔤ

CONTACT : Joël Tétard Alkaest Conseil 6, rue Lionel Terray 92500 Rueil Malmaison France Tel : +33 155 94 82 06 Fax : +33 155 94 28 07

Pour plus d’informations sur la législation, se référer au site du ministère de l’Environnement : www.environnement.gouv.fr/ lepoint/textdech.htm

Le potentiel annuel de déchets de bois valorisables en France est de 2 millions de tonnes/an à long terme, répondant aux besoins de 600 000 ménages.

ᔡ Au niveau européen : la Directive 1999/31/CE du Conseil du 26 avril 1999 concer nant la mise en décharge des déchets définit une stratégie nationale de réduction des déchets biodégradables mis en décharge. Elle demande à chaque État membre d’atteindre les objectifs, grâce notamment au recyclage, au compostage, à la production de biogaz ou à la valorisation des matériaux et la valorisation énergétique.

POUR EN SAVOIR PLUS : www.europal.net/ Fr/reglementation/ accueil_regles.htm

BOIS ENERGIE N°6 < JUILLET 2002 > 31


DOSSIER DÉCHETS

Bois non traités deux voies de valorisation par densification C h r i s t o p h e Z a m b l e r a , S o c i é t é C i m a j ; C h r i s t o p h e G a r n i e r, S o c i é t é P r o m i l l France

La densification du bois en briquettes ou granulés est une des solutions pour les sousproduits de l’industrie du bois de première et seconde transformation, réservée aux sciures et copeaux de bois non traités.

LA BRIQUETTE La briquette de bois densifié est un combustible de haute performance destiné au chauffage en complément ou remplacement des bûches de bois traditionnelles. Son taux d'humidité très faible associé à une densité élevée en font un combustible tout à fait avantageux. La briquette est fabriquée depuis plus de 20 ans dans le monde entier. ɀ En Europe, nos voisins sont pour certains de grands producteurs de briquettes. Les pays de l'est fournissent les allemands, autrichiens et les suisses (où la demande est plus importante que la production). L'Italie et l’Espagne connaissent aussi un très fort développement de ces productions. ɀ Dans les pays en voie de développement la densification permet d’utiliser toutes sortes de sous-produits ligneux et de fournir aux populations locales un moyen de chauffage utilisé également pour la cuisson des aliments.

CIMAJ/PHIL IMAGE

Techniques de fabrication : La fabrication des briquettes nécessite une presse spécifique.

BOIS ENERGIE N°6 < JUILLET 2002 > 32

Trois technologies se côtoient : ɀ La presse hydraulique : utilisée principalement pour les petits débits de 50 à 300 kg/heure. Son faible coût d'achat et sa facilité d'utilisation en font l'outil le plus intéressant pour les menuiseries dont les volumes de traitement des sciures et copeaux ne nécessitent pas un travail en continu de la presse. ɀ La presse à inertie : cette technique est surtout utilisée pour les installa-

Photo 1- Deux presse à briquettes Cimaj, capacité de 900 kg/heure chacune.


DOSSIER DÉCHETS

Selon les technologies, les briquettes peuvent être de différentes formes : cylindriques de différents diamètres et longueurs, parallélépipédiques, hexagonales pour les plus courantes. Pour simplifier, on peut dire que pour des cadences inférieures à 250 kg / heure en mode de fonctionnement non continu il faut privilégier l'hydraulique et au delà la technique mécanique. Qui fabrique la briquette ? L'application de la réglementation c on c ernant la valo r i sa ti on de s déchets impose une recherche de solution pour les industriels du bois. L'industrie de deuxième transformation du bois est plus particulièrement concernée par ce type de production. En effet, la briquette nécessite une matière sèche, et ce quels que soient les procédés. Le taux d'humidité doit être inférieur dans tous les cas à 12 %. La fabrication de briquettes permet en premier lieu une réduction importante des volumes de stockage des sciures et copeaux, la valorisation énergétique étant d’un certain point de vue un avantage supplémentaire. De nombreuses petites menuiseries ont opté pour cette solution : stockage en été sous forme de briquette et chauffage des ateliers en hiver avec ces dernières. Pour les menuiseries plus importantes, souvent seuls les excédents de sciures et copeaux qui ne sont pas valorisés comme matière première par l’industrie sont utilisés pour la

densification et revendus localement ou auto consommés. Depuis peu, on observe l’émergence de productions régionales de briquettes effectuées par des entreprises spécialisées à partir des déchets qu’elles collectent auprès de petites menuiseries.

CIMAJ

tions plus importantes et pour les productions industrielles. Les capacités sont supérieures à 300 kg/heure. La qualité finale de ces briquettes est globalement supérieure (densité plus élevée et régularité permettant d'automatiser plus facilement le conditionnement). ɀ La presse "à vis" : cette technologie s'apparente à l'extrudeuse. Son utilisation est très peu répandue du fait du faible nombre de fabricants et des problèmes d'usure trop importants des vis. Cependant, techniquement la qualité de la briquette réalisée est des plus intéressantes. Aujourd'hui nous en sommes encore au niveau des prototypes, et la diffusion de ce type de machine reste confidentielle.

Bien qu’il n’existe aucune statistique en ce domaine, le marché de la briquette peut être estimé à environ 10 000 tonnes vendues par an. Les ventes sont en constante augmentation le marché étant à ses débuts. À titre de comparaison la République Tchèque a plus de 40 fabricants re c e n sé s. S i on c o n s id è re u n e moyenne de 500 tonnes par producteurs (il y a en effet des gros producteurs à plusieurs milliers de tonnes) cela fait plus du double pour un pays plus de deux fois plus petit que la France.

LE GRANULÉ Le granulé de bois est un combustible de haute performance destiné au chauffage et à la production d’eau chaude en remplacement des énergies traditionnelles sur des matériels spécifiques : poêles et chaudières. Son taux d'humidité très faible (6 à 8 %) associé à une densité élevée en font un combustible tout à fait performant. Le granulé a été inventé dans les années 1970 aux USA et est apparu en France dans les années 1980. En Europe, les pays scandinaves sont de tr è s g ros p ro d u c t e u r s : 700 000 tonnes/an pour la Suède, 250 000 pour le Danemark. L’Allem a g n e , l’ Autr i c he e t l a S u is s e connaissent également une très forte augmentation de leur production. L’Italie a, quant à elle, une production exponentielle. Techniques de fabrications : La fabrication de granulé nécessite la combinaison de plusieurs procédés : - le séchage est nécessaire pour produi re à p a r ti r d e s c iu re s o u d e copeaux humides - le broyage permet de réduire la granulométrie (affinage de la sciure ou du copeau séché) afin de faciliter le travail de granulation - la presse à granulés fonctionne par compression mécanique de la sciure au travers d’un anneau perforé (filière). La pression, proche de 200 bars, est exercée par le biais de deux rouleaux.

La viabilité des installations de granulation se situe au-delà de 5 000 tonnes/an. De nombreuses tentatives de développement de petites presses pour répondre à des marchés naissant ont été réalisées mais ces essais n’ont jamais donné entière satisfaction, les coûts de maintenance étant très importants.

Photo 2 - L’utilisation de la briquette est simple et ne nécessite pas d’installation spécifique.

Suivant les besoins, les granulés peuvent avoir différents diamètres : 6 mm pour les poêles à granulés, 8 à 10 mm pour les chaudières et > 12 mm pour les applications industrielles. Qui fabrique les granulés ? La fabrication de granulés nécessitant un outil industriel complexe (usine de granulation) aujourd’hui la production de granulés de bois en France est réalisée par trois producteurs et représente un marché d’environ 20 000 tonnes/an. La situation géographique de ces trois producteurs limite aujourd’hui le développement du marché du fait des coûts de transport élevés. De nombreux projets existent pour réaliser des installations de granulation dans les régions forestières (exemple : RhôneAlpes, les Landes, Provence Alpes Côte d’Azur).

BOIS ENERGIE N°6 < JUILLET 2002 > 33


DOSSIER DÉCHETS

PROMILL STOLZ

Photo 3 - Presse à granulés de type Évolution 250 (200 à 250 kW), Capacité de 2,5 à 4 tonnes/heure.

L’industrie de la première transformation de bois fournit ces industriels. La matière première est également commercialisée pour les fabricants de panneaux de particules. En Suède, de nombreuses installations utilisent des copeaux de rabotage issus de l’industrie de la 2e transformation et évitent ainsi l’opération de séchage. La fabrication de granulés permet une réduction de volume par trois. La valorisation énergétique est la voie la plus utilisée. D’autres valorisations comme par exemple la litière pour les animaux domestiques est également possible et réalisée. La granulation de bois peut être une activité complémentaire à la fabrication de granulés d’engrais, de boues urbaines ou de fourrage.

NORME DE QUALITÉ BRIQUETTE ET GRANULÉ DE BOIS De nombreux pays ont mis en place une norme de qualité pour les granulés et les briquettes. La France, par l'intermédiaire de l'ITEBE et de l'interprofession, vient de mettre au point une charte qualité présentée lors du dernier salon de Lons le Saunier (Jura, France). Son but : clarifier l'offre et faire connaître au consommateur ces combustibles d'exception.

L’UTILISATION DU GRANULÉ ET DE LA BRIQUETTE Le granulé est utilisé essentiellement pour le chauffage domestique ou collectif.

La briquette peut être utilisée en autoconsommation pour le chauffage des ateliers, mais elle est le plus souvent destinée au chauffage des foyers de particuliers. Leurs principaux points forts sont : - leur forme et leur conditionnement qui facilitent leur stockage et leur utilisation, - la souplesse d’approvisionnement, - une énergie noble et économique, - la diminution par 3 ou 4 du volume de stockage, - la souplesse des livraisons adaptées à la demande, - la parfaite régularité de la qualité assure une maîtrise du budget chauffage. De plus la briquette ne nécessite pas d’installation spécifique et le granulé autorise une totale automatisation de la combustion. ᔤ

CONTACT BRIQUETTES Société Cimaj : Christophe Zamblera 295 route de Launaguet 31200 Toulouse France

CONTACT GRANULÉS Société Promill : Christophe Garnier RN 12 28410 Serville Cedex France

MONTPEYROUX

Photo 4 - Les granulés sont produits à partir de sciures de scierie ou de sous-produits de menuiserie comprimées à environ 100 bars.

BOIS ENERGIE N°6 < JUILLET 2002 > 34


COMPAGNIE DE CHAUFFAGE DE GRENOBLE

DOSSIER DÉCHETS

Un cas d’école :

Photo 1 : La centrale thermique de la Poterne à Grenoble alimente un réseau de chaleur de 75 000 équivalent-logements.

du bois de rebut en centrale

Samuel Neuville, ITEBE

Mise en service en 1993, la centrale thermique de la Poterne est un exemple de valorisation thermique du bois de rebut. Elle alimente le deuxième plus grand réseau de chaleur après Paris. UNE CENTRALE DE COGÉNÉRATION VALORISANT DU BOIS DE REBUT La compagnie de chauffage de Grenoble, créée en 1960, est une Société Anonyme d'Economie Mixte Locale, qui a vocation de chauffer les sept communes raccordées (Grenoble, Echirolles, La Tronche, Pont-de-Claix, Eybens, Gières et Saint-Martin d'Hères), grâce à un réseau de chaleur et cinq chaufferies interconnectées. Aujourd’hui, avec plus de 175 personnes employées, 728 mégawatts de puissance raccordée et 130 km de réseaux, en fournissant 80 000 équivalent-logements soit un tiers de la population de l'agglomération grenobloise, la Compagnie de Chauffage est le deuxième plus grand réseau de chaleur après celui de Paris. Pour permettre d’élargir la gamme des combustibles utilisés, la compagnie de chauffage a décidé d’utiliser les déchets de bois. Avec les ordures ménagères, le fioul, le charbon et le gaz, le bois contribue à la protection de l’environnement et la sécurité

d’approvisionnement. Depuis 1994, deux chaufferies sont équipées pour brûler du bois : la centrale de Villeneuve (63 MW) et la centrale de la Poterne (72,5 MW) en 1994. Après 30 ans de services, la compagnie de chauffage a remplacé la centrale de Teisseire (la première chaufferie de Grenoble) par la centrale de la Poterne, mise en service en 1993. La centrale de la Poterne est équipée d’une technologie tournée vers l’avenir : une chaudière vapeur de type LFC (Lit Fluidisé Circulant), couplée à un turbo-alternateur garantissant ainsi performance, diversité énergétique, rentabilité et protection de l’environnement. En 1999, la compagnie de chauffage a obtenu, pour c e tte c e n tr a le l a c e r t if ic at io n ISO 14 001 pour l’environnement, certification qui a été étendue à la centrale de Villeneuve et qualité ISO 9001 pour l’ensemble de ses activités.

DU DÉCHET BRUT… Le bois est fourni par Lely Environnement, entreprise qui recycle et valo-

rise les déchets bois. Les déchets de bois sont issus du tri des DIB (Déchets Industriels Banals), du centre de tri, des déchetteries et des bois à la dérive récoltés par EDF sur les barrages. Les déchets bois subissent les traitements suivants : 1 - Déchiquetage (pré-broyeur MJ 300 CV, voir photo 2), 2 - Elimination des grosses ferrailles, 3 - Stockage sur aire bétonnée, 4 - Broyage fin (machine de 450 CV, voir photo 3), 5 - Déferraillage, démétallisation, criblage final (broyat de 50 mm, voir photo 4), 6 - Mesure et ajustement du pouvoir calorifique et de la siccité du bois. La consommation annuelle des chaufferies de la Poterne et de la Villeneuve est de 17 000 tonnes de bois. Le combustible arrive par camion, puis il est transporté dans un silo d’un volume de stockage de 700 m 3 . Ensuite une vis d’alimentation achemine les plaquettes de bois dans la chaudière.

France

...À LA PRODUCTION D’ÉNERGIE La chaudière vapeur de la Poterne est de type LFC (Lit Fluidisé Circulant), marque CNIM de 72,5 MW de puissance, couplée à un turbo-alternateur de 13,5 MW. Le procédé du lit fluidisé circulant consiste à brûler le combustible en suspension dans l’air et pendant un temps assez long. Le rendement de la chaudière LFC est de 89 % et de 95 % pour le groupe

BOIS ENERGIE N°6 < JUILLET 2002 > 35


DOSSIER DÉCHETS

Tableau 1: les rejets de la centrale sont inférieurs aux exigences préfectorales

Photo 2 : déchiquetage des déchets de bois.

Photo 3 : Broyage fin des déchets de bois après déchiquetage.

Arrêté Préfectoral [mg/Nm3] 30 300 450

LELY

Poussières Dioxyde de soufre Oxydes d'azote (NO2)

Valeurs mesurées [mg/Nm3] 29 160 175

LELY

Substances

turbo-alternateur. Deux chaudières fioul de 35 MW et 29 MW ont été récupérées de l’ancienne centrale Teisseire. Les combustibles utilisés sont le charbon, le bois et les farines animales. Les cendres extraites du LFC, ainsi que les cendres récupérées en bas des économiseurs et de l’électrofiltre sont récoltées dans un silo à cendres. Les fumées sont débarrassées de leurs cendres par un cyclone. Les poussières fines sont ensuite captées grâce à un filtre électrostatique. La cheminée est composée de trois conduits (un par chaudière) d’une hauteur de 65 m, d’un diamètre de 6 m.

Pour élargir la gamme de combustibles de la centrale, il a été décidé d’utiliser des déchets de bois.

Photo 4 : Déferraillage, démétallisation et criblage final des déchets de bois.

BOIS ENERGIE N°6 < JUILLET 2002 > 36

LELY

La chaleur produite par la centrale de la Poterne est distribuée au réseau de chaleur urbain de 130 km à une température de 185 °C. La consommation d ’ é n e rg ie p r im aire est d e 334 000 MWh pour une production électrique de 45 600 MWh. Le combustible bois représente 5 % de la production totale de la centrale, soit un équivalent de 4 000 équivalent-logements.

UNE CENTRALE QUI RESPECTE L’ENVIRONNEMENT En matière d'environnement, la simple mise en conformité ne suffit plus : les investissements doivent déjà prendre en compte les exigences des années à venir, d'où des choix techniques "propres" assurant dès maintenant des performances 2 à 3 fois supérieures aux exigences européennes en vigueur. Le procédé de combustible du "lit fluidisé circulant" utilisé à la Poterne réduit les émissions de soufre de 70 %, celles d'azote de 40 %, celles des poussières de 90 % par rapport à l'ancienne centrale Teisseire. La transformation pour l’utilisation


DOSSIER DÉCHETS

Photo 5 : Schéma de principe du système à lit fluidisé circulant de l’installation.

ᔡ Aspects

Maître d'ouvrage : Compagnie de Chauffage, société anonyme d'économie mixte locale au capital de 3,4 millions d’euros. Investissement : Coût total : 36 892 660 € (y compris raccordement à l’ancienne centrale) Coût de la transformation pour l’utilisation des déchets bois : 1 948 298 € Subventions : 35 % du Conseil Régional Rhône-Alpes et de l'ADEME (Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Energie).

de bois de rebut a permis une réduction des rejets de CO2 de 11 % par rapport aux énergies fossiles. ᔤ

COMPAGNIE DE CHAUFFAGE DE GRENOBLE

économiques

RENSEIGNEMENTS Compagnie de chauffage 25, avenue de Constantine BP 2606 F-38100 Grenoble Cedex 02 France Tél. +33 476 33 23 60 Fax. +33 476 40 18 92 commercial@cie-chauffagegrenoble.fr www.cie-chauffage-grenoble.fr Lély Environnement 37 rue Pierre Sémard F-38602 FONTAINE Cedex France Tél. +33 476 27 11 72 Fax. + 33 476 53 01 31 lely.environnement@wanadoo.fr

BOIS ENERGIE N°6 < JUILLET 2002 > 37


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.