Les enchantements de yule

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Sauge et Romarin

Solstice d'Hiver

2015


Les Enchantements de Yule Gwladys Ithilindil


20 Décembre

Grand-père Gel se promenait dans la combe au pied des collines de Belenac. Vêtu d'un long manteau bleu doublé de fourrure blanche, de bottes rouges et d'un chapeau assorti, le vieil homme sifflotait joyeusement en tapotant du bout de son bâton magique chaque arbre et chaque herbe. Dès que le bout du bâton les touchait, ils se couvraient de givre. Cela rendait heureux Grand-Père Gel qui aime tant voir la nature brillait sous ses diamants de glace. Il chantait joyeusement et riait de ses propres calembours. De l'autre côté de la forêt, un petit garçon ramassait les trésors de la forêt, ici des pommes de pins, là des cônes de sapins ou d'épicéas. Sa petite frimousse éveillée avait les joues rougies par le froid et ses yeux vert émeraude pétillaient. Il avait un bonnet sur ses boucles châtain aux reflets noisettes et un manteau sur son dos. Il portait aussi un pantalon épais et des bottes. Ah ! Et n'oublions pas le sac sur son dos. Il était très important, ce sac, puisque c'était dedans que Romarin mettait les petits trésors qu'il récoltait lors de sa balade. Dès ce soir, les Douze Nuits du Solstice d'Hiver ou les Douze Nuits de Yule allaient commencer. L'Arbre du Solstice serait érigé dans le salon et toute la famille le décorerait avec des petits ornements que chacun avait fabriqué ou récolté. Romarin se


réjouissait à cette idée. Dans son sac, il y avait déjà beaucoup de branches de sapin qui étaient tombées lors d'une forte bourrasque, des feuilles de houx avec leurs jolies baies rouges. Pour les ramasser, le petit garçon avait mis des gants, comme ça les feuilles ne l'avaient pas piqué. Les petites baies avaient l'air succulentes, heureusement Romarin ne s'était pas laissé tromper. Il savait qu'elles sont dangereuses et que si on en mange on peut en mourir. Il ne faut pas les manger, donc, mais on peut s'en servir pour faire de jolies décorations. Entre deux bouleaux blancs tachetés de noir, le petit garçon remarqua un scintillement argenté. Cela l'intrigua et excita aussi sa curiosité. Qu'est-ce que c'est ? Pourquoi cela brille autant ? Tout en se posant ces questions, il alla voir. Grand-père Gel était justement en train de givrer une pomme de pin. Il était tellement absorbé par sa tâche qu'il ne vit pas arriver Romarin. Si cela avait été le cas, je pense qu'il se serait volatilisé et que le petit garçon n'aurait vu qu'un scintillement de glace. Romarin, lui, le voyait bien et il en était pétrifié de surprise. Il était incapable de faire le moindre geste sauf celui de suivre des yeux ceux du vieil homme à la longue barbe blanche et au manteau orné de cristaux de glace. Finalement, Grand-père Gel remarqua le petit garçon. Au lieu de le pétrifier définitivement de froid pour le punir de sa curiosité, il lui sourit et lui demanda : — Que fais-tu par ici, alors que le froid est si


mordant ? N'as-tu pas froid ? Romarin fit un effort pour reprendre ses esprits et s'incliner. La buée sortait de sa bouche à chaque mot qu'il prononçait. — Si, Grand-père Gel, j'ai un peu froid mais j'ai des gants, vous voyez ? Et j'ai un manteau chaud, des bottes et un pantalon épais. Je suis venu ramasser des petites choses pour décorer l'arbre du Solstice. Grand-père Gel fit un large sourire. Il aimait aussi les fêtes, surtout celles du Solstice, et il aimait les belles décorations. — C'est bien, c'est très bien même. Et comment estu venu jusqu'à moi ? — Oh ! Je ne l'ai pas fait exprès. Je ne savais pas que vous étiez ici. J'ai vu un étincellement argenté et je suis venu voir parce que je trouvais ça très beau. — Ah ? Cela me rend heureux de te l'entendre dire. C'est cette pomme de pin qui t'a attiré. Aimerais-tu la prendre avec toi et la mettre sur ton Arbre ? Les yeux de Romarin pétillèrent comme si un feu d'artifice éclatait derrière. — J'aimerais bien, oh oui ! — Alors, je te la donne. Je vais t'avouer un petit secret. — Lequel ? chuchota l'enfant. La voix de Grand-père Gel se fit aussi ténue que le pas du renard sur la neige. — Elle est magique. Puis avec un clin d'oeil, il ajouta : tu verras.


*** Romarin retourna à la maison, son sac rempli de trésors. La petite pomme de pin magique dans la poche intérieure de son manteau. Il pouvait sentir sa douce chaleur à travers l'étoffe épaisse et cela le rendait secrètement heureux, comme si une amie secrète l'accompagnait. « C'est parce que je suis vraiment une amie, » dit une petite voix rieuse venue de nulle part. Le petit garçon écarquilla les yeux d'étonnement et regarda autour de lui. Il était remonté de la forêt par le sentier qui arrivait derrière la maison. Au fond du jardin, la bouche noire du four à pain baillait, les branches nues et festonnées de givre du pommier et du prunier se découpaient contre le ciel et l'herbe gelée avait pris une teinte bleutée. Le jardin derrière la maison ressemblait à ce qu'il était avant que Romarin parte dans la forêt. Enfin... il y ressemblait presque parce qu'entre-temps Sauge et Grand-Mère avaient disposé quelques décorations. Des guirlandes couraient sur les branches des arbres, des lampions parsemaient la pelouse comme des fleurs lumineuses, sauf qu'ils étaient éteints pour le moment. Il y avait aussi une statue en bois de Père Houx accompagné d'un renne chargé d'un panier plein de cadeaux et de la Fée des Neiges. A part cela, il n'y avait rien, alors Romarin se dit qu'il avait rêvé et se remit à marcher vers l'avant de la


maison. Là, non seulement le jardin était décoré mais la façade en pierres l'était également. Une lueur dorée se déversait au-dehors par les fenêtres du rez-dechaussée et donnait à Romarin l'envie de rentrer dans la chaleur douillette de sa maison. Il essuya ses pieds sur le paillasson et entra. Il faisait bon à l'intérieur et cela embaumait les petits pains au lait et le feu de bois. Romarin entra dans le petit salon où un feu brûlait dans la cheminée. Sa sœur jumelle, Sauge, était en train d'accrocher des guirlandes sur le manteau de la cheminée. Sur du papier cartonné, elle avait dessiné Grand-Père Gel et la Fille des Neiges puis elle les avait peints et découpés. Elle avait également fabriqué des guirlandes de flocons de neige, de rennes et de traîneaux. — C'est joli ? demanda Sauge en voyant son frère. Il manque le houx et les branches de sapin pour mettre aux poutres. — Oui, c'est très joli et j'ai les branches. J'ai trouvé plein de houx avec des boules rouges, des branches de pin et de sapin. Je vais demander à grand-papa de nous apporter l'escabeau. Maman, qui était allée voir des amies, rentra pendant que les enfants décoraient les poutres. — Maman ! appela Romarin. Tu aimes notre déco ? C'est joli ? — Très joli ! J'ai une bonne nouvelle à vous annoncer. Maman sourit en voyant quatre yeux vert émeraude pleins d'interrogations levés vers elle.


— Nous sommes invités chez la famille de Leifr. J'ai croisé sa maman et elle me l'a proposé. — Chouette ! Super ! crièrent les jumeaux. Le soir venu, tous les six, car grand-mère et grandpère étaient également invités, fermèrent la porte de la maison et, bien emmitouflés dans leurs manteaux, les pieds chaussés de bottes fourrées et les mains gantées, ils se rendirent à la maison des Norvégiens. Chacun portait un cadeau à la main pour l'offrir à leurs hôtes. La maison de la famille de Leifr est typiquement norvégienne. Elle est en bois, peinte en rouge et a un toit recouvert d'herbe. — On dirait une maison d'elfes ! s'exclama Sauge. Tout le monde approuva sa remarque. Devant la maison, il y avait des statues en bois représentant le dieux Odin et le dieu Thor ainsi que des Elfes, de Freyr et de Tomtes. Des offrandes étaient déposées sur leurs socles. Les jumeaux voulurent en mettre aussi. Dans les poches de leurs manteaux, ils gardaient toujours des cailloux colorés, des coquillages, des petites pommes de pin, des glands, des noisettes, des graines et des bouts de rubans, au cas où. Ce soir-là était un cas où. Ils déposèrent quelques graines, des cailloux et des rubans avec les autres offrandes. « Merci, » dit une petite voix familière à l'oreille de Romarin. C'était la même que dans l'après-midi. Il regarda autour de lui et, encore une fois, ne vit rien d'exceptionnel. — Qu'est-ce qu'il y a ? chuchota Sauge.


— J'ai entendu quelqu'un me parler tout bas, répondit Romarin sur le même ton. Et j'ai aussi entendu cette voix cet après-midi. — Ah bon ? Et... A ce moment-là, la porte d'entrée s'ouvrit. La maman de Leifr les accueillit avec son inimitable accent norvégien. — Bonsoir ! Bienvenue ! Entrez donc. Ils entrèrent dans une grande salle toute en bois. Un feu brûlait dans une grande cheminée. Un grand sapin décoré trônait dans un coin. La cheminée, les murs et la fenêtre étaient aussi décorés. Au milieu de la pièce, il y avait une grande table remplie de bonnes choses à manger : des tartines aux œufs de lompe ou de saumon, des sandwiches au fromage et aux légumes marinés, un plat de morue et un plat de porc, des tas de boissons différentes et des petits gâteaux. Il y avait beaucoup de monde chez Leifr. Ses grandsparents étaient venus spécialement de Norvège, ainsi que son oncle Olaf, sa tante Mari et ses cousins Alfhild, Eldjarn et Faraldr. La grande sœur de Leifr, Liknvé, distribuait à tout le monde des petites cartes de vœux qu'elle avait peintes elle-même. Liknvé était une artiste douée et ses cartes étaient un très beau cadeau. Sauge s'exclama de joie en voyant la sienne, qui était faite dans un carton bleu encadré d'or. Elle y avait dessiné un château de conte de fées con uvert par la neige et des enfants qui patinaient sur un lac gelé. La carte de Romarin était rouge et verte et avait un dessin en relief représentant un Sapin de Yule.


La soirée fut très joyeuse. Pendant que les adultes bavardaient et grignotaient au buffet, les enfants jouaient dans la maison. Ils jouèrent à cache-cache et à trape-trape, puis firent une chasse au trésor. Linkvé cacha le « trésor » quelque part et les autres se mirent à le rechercher. Alfhild fouilla dans la cuisine et la salle à manger, Eldjarn descendit à la cave et Faraldr chercha dans les deux chambres d'amis. Leifr alla dans la bibliothèque et le bureau de son père, Sauge monta à l'étage pour chercher dans la salle de jeux et l'atelier de couture. Romarin fouilla le grenier. Il souleva le lourd couvercle d'un coffre et tomba à la renverse. Du fond du coffre surgit une petite fée aussi grande que la main du petit garçon. Ebahi, Romarin s'aperçut qu'elle avait des ailes d'argent et une robe blanche sertie de brillants et de dentelle argentée. La robe faisait vaguement penser à une pomme de pain, à la pomme de pin que Grand-Père Gel avait donné à Romarin. Quand il comprit cela, Romarin écarquilla encore plus les yeux, ce qui fit rire la fée aux éclats. « Je m'appelle Sylna. Je suis la fée de la pomme de pin. » Romarin mit la main dans sa poche. Sa pomme de pin n'y était plus. Sylna éclata de rire. — Romarin, tu es là ? Le jeu est fini, Faraldr a trouvé le trésor. Sauge apparut en haut de l'escalier. En un clin d'oeil, Sauge vit l'air ahuri de son frère et la petite fée. Elle s'accroupit à côté de Romarin, un grand sourire sur les


lèvres. — On va chanter des chansons et faire des offrandes, dit Sauge. Je suis venue te chercher pour cela. Qui es-tu ? demanda-t-elle à la fée. — Je m'appelle Sylna, je suis la fée de la pomme de pin. — Quelle pomme de pin ? — Celle que Grand-Père Gel m'a donnée, répondit Romarin. Il lui raconta sa rencontre avec Grand-Père Gel. Le visage rayonnant, Sauge applaudit. — C'est chouette ! Dis, Sylna, tu veux bien nous suivre en bas et participer à la fête ? — Avec plaisir ! Je vais mettre l'ambiance, vous allez voir ! Sylna tint parole. Grâce à elle, la soirée fut une féerie de musiques, de danses et de lumières. Lorsqu'ils rentrèrent à la maison, tard dans la nuit, les jumeaux déclarèrent : — C'était trop bien cette soirée ! Qu'est-ce qu'on s'est amusés !


21 décembre Qu'elle était jolie la maison de Sauge et de Romarin ! Cet après-midi-là, les enfants avaient fini de la décorer et le Sapin de Yule trônait majestueusement dans le grand salon, en face de la cheminée. Papa y avait accroché des bonbons et des sucres d'orge, Maman des petits cadeaux emballés, Grand-Père des jouets en bois et Grand-Mère des décorations en dentelle. Les jumeaux y avaient ajouté les guirlandes et les boules qu'ils avaient fabriquées à l'école. Pour le moment, c'était l'heure du goûter. Les enfants étaient assis à la table du petit salon. Un chocolat chaud fumait dans une carafe ornée d'oiseaux. A côté, trônaient les tranches de pain grillé, le beurre, la crème et les confitures. Romarin tartina une tranche de pain avec de la confiture de framboises, sa préférée. Sauge remonta la clé de l'automate musicien et celui-ci déambula sur la nappe rouge et or en chantant des airs de Yule. Soudain, la musique du petit automate fut couverte par des piaillements venant de dehors. Les jumeaux se précipitèrent à la fenêtre et virent deux oiseaux en train de se disputer. Un roitelet et un rouge-gorge, les plumes ébourriffées, se battaient becs et griffes. — Oh ! C'est comme la bataille du Roi Houx et du Roi Chêne ! s'exclama Sauge. Le roitelet, c'est le Roi Houx, le roi de l'année déclinante, qui se bat pour garder son trône. Le rouge-gorge, c'est le Roi Chêne, le roi de l'année ascendante, qui se bat pour conquérir


le trône. Le Roi Chêne va remporter ce combat, c'est sûr. Peut-être que le rouge-gorge gagnera celui-ci. Comme pour lui donner raison, le roitelet s'enfuit et le rouge-gorge, très fier de sa victoire, gonfla ses plumes et alla se poster tout en haut du prunier. De là, il put chanter sa victoire sans être embêté par les deux chats de la maison, Alven et Miss Moppet. Le soir venu, on alluma les décorations. Quel bonheur c'était, de voir le sapin si beau et toutes les guirlandes aux poutres et autour des fenêtres ! Toute la famille était réunie autour de la table de la salle à manger. Il y avait beaucoup de monde : grand-papa et grand-maman, papy et mamie, tous les oncles, les tantes, les cousins et les cousines. Pendant que les adultes se régalaient à table, les enfants, qui n'avaient plus faim, jouaient avec des petites luges en carton et des bonshommes en papier qu'ils avaient fabriqués et peints auparavant. Balanos, le plus âgé des cousins, avait aussi fabriqué une pente avec d'autres cartons et les enfants s'amusaient à faire glisser leurs luges dessus. Sylna, la petite fée de la pomme de pin, dormait dans un petit lit sur la commode de Romarin. La commode était située sous la fenêtre et la fée souriait dans son sommeil, car la lune caressait son visage et elle faisait de beaux rêves. Dans un de ses rêves, Sylna entendit une voix murmurer : « Réveille-toi ! C'est la nuit de Yule ! Va célébrer l'événement. ». Aussitôt, elle ouvrit les yeux et s'envola de son lit. Elle tendit


l'oreille et entendit les voix joyeuses en bas. « Mais oui ! C'est la fête, se dit-elle. J'ai envie d'y participer moi aussi ! » Elle sortit une baguette magique d'une des poches de sa robe et l'agita au-dessus de sa tête. Une pluie scintillante l'enveloppa. Lorsque la pluie cessa, Sylna apparut habillée d'une jolie robe verte et or, avec de la dentelle aux manches et au col, un diadème de pommes de pin, de houx et de branches de sapin posé sur sa tête. « Oh ! Je suis très jolie ! » s'exclama-t-elle en s'admirant devant la fenêtre. Elle tourna trois fois sur elle-même puis s'envola hors de la chambre. En bas, elle entra dans la cuisine où attendaient les gâteaux du dessert, les fruits secs ou confits et les boissons. Ils étaient sagement posés sur la table et le plan de travail, attendant qu'on vienne les chercher. « Oh, oh ! Je vais animer un peu tout ça, moi. » La malicieuse petite fée mit aussitôt son projet à exécution. Un petit coup de baguette et les flûtes à champagne virevoltèrent autour de la bouteille de champagne. Un autre petit coup et les assiettes à dessert et les couverts à gâteau dansèrent une bourrée énergique. Encore un autre coup de baguette et ce furent les gâteaux eux-mêmes, accompagnés des fruits qui chantèrent. Cela fit un beau tintamarre et même les lampes se mirent de la partie. C'était un véritable festival de lumières dans la cuisine. Un instant plus tard, Sylna quitta la cuisine et entra dans le petit salon rouge. Elle agita sa baguette magique, les guirlandes se mirent à danser, les braises dans la petite cheminée s'enflammèrent et se


transformèrent en petites salamandres à la peau de cuivre. Les salamandres dansèrent dans l'âtre tandis que les décorations sur le petit sapin chantaient et tournoyaient, tournoyaient et tournoyaient à toute allure. Des grelots et des clochettes tintinnabulèrent audehors. Sylna fit un petit rond sur la vitre glacée et regarda à l'extérieur. Oh ! Huit rennes attendaient sagement, le museau plongé dans leur sacoche de foin et un vieux monsieur en manteau vert brodé de feuilles de houx marchait vers la maison. La petite fée de la pomme de pin sauta de joie puis vite, vite mit la main devant la bouche et se fit toute petite quand le vieil homme regarda dans sa direction. Il lui fit un clin d'oeil malicieux et elle se sentit rassurée. — J'ai entendu des grelots, dit Elantia. — Moi aussi, répliquèrent Camma et Romarin. Les enfants interrompirent leurs jeux et tendirent l'oreille. Mais oui ! Mais oui ! Pas de doute à avoir, il y avait bien quelqu'un au-dehors. A voir le visage souriant des adultes, cette personne devait être... — Allez voir, les enfants, dit le papa de Sauge et de Romarin. Ils ne se le firent pas dire deux fois. En un instant, ils ouvraient la porte et saluaient Grand-Père Houx. Camma et Sauge le prirent par la main et le firent entrer dans la salle à manger. Ils lui proposèrent de s'assoir dans un fauteuil face à la cheminée et lui amenèrent des petits gâteaux et du cidre chaud. Grand-Père Houx souriait, heureux de voir une


maison aussi bien décorée et des enfants si gentils. Il se tourna vers Balanos, le plus âgé et le regarda longuement. Le garçon finit par baisser ses yeux noisettes tant cette observation prenait du temps. — Tu es un garçon courageux et plein de ressources. Je connais ta petite aventure au collège et avoir sorti ce garçon de l'eau était très noble de ta part. Grand-Père Houx faisait allusion à une petite aventure qui était arrivée à Balanos quelques semaines auparavant. Dans sa classe, il y avait un garçon qui ne savait pas nager et qui était la risée des autres élèves. Pour s'amuser lors d'une sortie au bord d'un lac, quelques garçons l'avaient poussé dans l'eau et le malheureux aurait pu se noyer si Balanos n'était pas intervenu. — Oh, euh ! Ce n'est rien, d'autres auraient pu le faire. Et j'ai attrapé un sacré rhume après ça. Le garçon rougissait, mal à l'aise. Il n'aimait pas trop qu'on parle de ses exploits. Grand-Père Houx hocha la tête. — Je pense quand même que ton courage mérite une récompense. Voici pour toi. Je crois que ce qu'il y a dedans te plaira beaucoup. Sur ces mots, Grand-Père Houx donna à Balanos un petit paquet entouré d'un papier vert foncé. Il se tourna ensuite vers Visumaros, le plus âgé des enfants après Balanos. Les deux cousins étaient très différents l'un de l'autre. Balanos était grand et plutôt athlétique, Visumaros était plus petit et élancé. Le premier avait les cheveux roux, ceux de Visumaros


étaient noirs. Visumaros était plus timide que son cousin et moins confiant en lui. Il avait d'autres qualités comme sa générosité et son amour des animaux. — Pour toi aussi, mon garçon, j'ai le cadeau idéal. Visumaros remercia Grand-Père Houx d'une voix empreinte de joie et d'émotion et admira le paquet enveloppé de papier bleu marine. Il s'assit par terre et s'absorba dans sa contemplation. Comme Balanos, il ne voulait pas l'ouvrir avant que les autres aient reçu le leur. Camma, qui avait onze ans, ressemblait beaucoup à son grand frère Balanos. Elle avait les même cheveux roux et ses yeux étaient vert mordoré. Grand-Père Houx lui donna un paquet enveloppé de papier rose et doré. — J'ai appris que tu étais très douée de tes mains. Ce cadeau te plaira certainement. Et à toi, Elantia, ce petit présent t'aidera à avoir confiance en toi. Elantia était la petite sœur de Visumaros. Elle avait neuf ans, des cheveux châtains et des yeux bleus et un manque de confiance en elle qui l'empêchait de montrer ses talents et qui la rendait un peu gauche. Elle rougit en recevant son cadeau empaqueté dans du papier argenté et bafouilla un timide remerciement. Aussi timide fût-il, il était empreint de chaleur et d'émotion. Grand-Père Houx répondit par un clin d'oeil malicieux avant de se tourner vers Brennos. — Brennos, tu as fait des progrès à l'école depuis le début de l'année et je t'en félicite. Aussi, j'ai pensé


que ce cadeau t'aidera à persévérer. — Merci, Grand-Père Houx, répondit Brennos. Je vous promets que je continuerai à bien travailler à l'école. Brennos, dix ans, était un garçon brun aux yeux noirs qui préférait jouer au ballon avec ses amis ou dans leur cabane perchée sur un arbre dans les bois plutôt que d'apprendre ses leçons. La menace d'une redoublement à la fin de l'année précédente lui avait fait assez peur pour qu'il réagisse et qu'il se mette à travailler. Grand-Père Houx tenait à l'encourager en lui donna un paquet dans un curieux papier bariolé. A Albolon et Natuna, le petit frère et la petite sœur de Brennos, Grand-Père Houx donna deux cadeaux enveloppés dans du papier blanc et or. Enfin, il se tourna vers les jumeaux. Il avait deux petits paquets dans ses mains, un bleu et argenté, l'autre vert et rouge. Il leur sourit et leur dit : — Je souhaite vous féliciter, tous les deux, pour toute l'aide que vous avez apporté à vos parents et à vos grands-parents cette année. Vous avez également bien travaillé à l'école et vous avez souvent aidé Kern, le mythozoographe. Alors, j'ai pensé que ces petits cadeaux vous feront plaisir. Après avoir salué toute la famille, Grand-Père Houx partit faire un tour dans le petit salon. Un instant plus tard, toute la famille entendit les grelots et les clochettes de son traîneau s'éloigner dans la nuit. — Il est temps d'aller se coucher, les enfants. — Oh, maman ! Est-ce qu'on peut regarder nos


cadeaux avant ? demanda Romarin. — Oui et après vous irez vous coucher car nous vous réveillerons avant l'aube pour vous montrer le lever du soleil. Un merci unanime accueillit ces paroles. Les enfants ouvrirent avec précaution leurs cadeaux, en faisant attention de ne pas déchirer le papier qui était si beau et si bien fait. Sauge avait l'idée de découper le sien pour en faire un bonhomme. Elle s'y mettrait après le petit déjeuner ou après la promenade qui suivrait plutôt. Des murmures et des exclamations joyeuses fusèrent quand les enfants découvrirent ce qu'ils avaient reçus. Balanos avait eu une médaille en or pour récompenser son courage. Il la mit aussitôt autour du cou et tous les enfants vinrent l'admirer puis il alla la montrer aux adultes qui voulaient tous la voir et le félicitèrent d'en avoir une aussi belle. Visumaros découvrit une statuette en résine représentant un aigle prenant son envol. Un petit mot l'accompagnait et disait : « Ceci n'est qu'un début. Je connais ton amour des rapaces et j'espère que cet aigle t'aidera à poursuivre ton apprentissage sur ces oiseaux. ». La joie était à son comble. Camma découvrit un petit coffret avec des échantillons de porcelaine froide et du matériel pour sculpter. Les yeux brillant de bonheur, elle imagina aussitôt ce qu'elle commencerait à modeler après la promenade du matin. L'image de Grand-Père Houx trottait dans sa


tête. Elantia avait reçu un petit carnet secret avec un stylo en argent. Sur chaque page, il y avait une citation pour avoir confiance en soi ou un petit conseil. La fillette le serrait contre son cœur quand elle monta se coucher. Brennos reçut un petit classeur pour collectionner des images. Dedans, il y en avait déjà quelques-unes et il restait encore beaucoup de pages à compléter. Lui-aussi était accompagné d'un mot : « Une image pour chaque bonne note que tu auras reçue. » Albolon reçut une balle chatoyante en caoutchouc qui rebondissait quand on la lançait et qui émettait des sons mélodieux en même temps. Quant à Natuna, elle avait déjà adopté et trouvé un nom au mini-poupon qu'elle avait trouvé dans son paquet. Ce poupon était entouré d'un nécessaire de toilette (peignoir, beignoir, peigne...), de deux habits, d'un biberon et d'un pot. Et les jumeaux, qu'avaient-ils reçus ? Romarin découvrit des petites figurines de dragons, de pégases, de chevaliers féeriques et de princes elfiques. Sauge reçut des princesses elfiques, des magiciens féeriques, des licornes et des dragons-fées. Les enfants rangèrent leurs cadeaux et coucher, sans oublier de faire le bisou adultes auparavant. Une fois la tête l'oreiller, ils s'endormirent et firent de rêves.

allèrent se à tous les posée sur très beaux

Eh ! Attendez ! Qu'est devenue la petite fée Sylna ? Et bien, elle s'est endormie sous le sapin du petit


salon parmi les cadeaux que Grand-Père Houx avait déposé. A la cuisine, toute avait repris sa place. Les gâteaux avaient été mis au réfrigérateur puisque personne n'avait eu envie d'en manger. Il avait été décidé de les garder pour le lendemain. Les couverts, les tasses et les assiettes avaient été rangés à leur place. Le champagne et les flûtes avaient rejoint la salle à manger où le champagne avait coulé à flots et accompagné les conversations et les plaisanteries.


22 et 23 décembre Comme promis, les adultes réveillèrent les enfants avant l'aube, le lendemain. Bâillant et se frottant les yeux, les neuf enfants descendirent et se rendirent à la salle à manger. Elle était toute propre et bien rangée car Mamie et Grand-Mère l'avaient nettoyée avant que tout le monde se lève. Les volets étaient ouverts et on pouvait voir que la nuit était encore noire. C'était comme si elle devait durer éternellement et que le jour ne viendrait jamais. Sauge frissonna. Et si cela devait arriver ? Mais non, chaque année, le soleil revenait à la vie après cette longue nuit. La veille, avant le dîner, la famille avait fait des offrandes et des prières. Le soleil n'avait aucune raison de ne pas revenir. Même si elle avait appris à l'école les cycles du jour et de la nuit ainsi que celui des saisons, Sauge aimait à penser que les offrandes aidaient le soleil et que celui-ci était content de les voir. Même si elle savait que le soleil est une étoile, une immense boule de gaz et de feu, elle ne pouvait s'empêcher d'imaginer que derrière cette apparence, il y avait une divinité et que cette divinité avait besoin de recevoir des marques d'amour. Les offrandes en étaient une. — Regardez ! Ca commence ! Ca commence ! cria Albolon, tout à coup. Le petit garçon avait raison. Des fenêtres, la famille put voir des rayons blafards blanchir la nuit. La salle à manger était idéalement située à l'est et c'est pour


cela qu'elle avait été choisie pour assister à la renaissance du soleil. Pendant quelques minutes, l'aube resta suspendue dans le ciel comme si elle chassait la nuit pour offrir un champ d'azur à son frère. Tout le monde était dans l'expectative. Est-ce que la Grande Déesse mettrait au monde son enfant, le soleil, sans aucun mal ? Une année, après une aube superbe, les nuages s'étaient amoncelés au-dessus de la région de Limore et le lever du soleil avait été masqué par une pluie torrentielle qui avait duré trois jours. Tout le monde espérait que ce ne fut pas le cas, cette fois, et scrutait le ciel avec espoir et anxiété. Le blanc de l'aube se colora en doré, en rose et en orangé. Une explosion de couleurs dans le ciel. Des bouts de bleu perçaient ici et là. Les rayons d'or du soleil flamboyaient dans le ciel. C'était magnifique et personne n'en perdit une miette. Petit à petit, les ors et les orangés s'affadirent et le rose pâlit. Il ne resta bientôt que le bleu profond du ciel. C'était un bleu qu'on ne voyait qu'en hiver quand la nature a été purifiée par le froid et le givre. — Que c'est beau ! sincèrement émerveillés.

s'écrièrent

les

enfants,

— Après le petit déjeuner, nous irons apporter des offrandes à la Terre et aux animaux, dit Mamie. Ainsi fut fait. Après s'être régalés avec les petits gâteaux et réchauffés avec du thé, du chocolat chaud ou du café, adultes et enfants s'habillèrent et partirent en promenade. Sylna, la petite fée de la pomme de pin les suivit, à l'insu de tous sauf des jumeaux.


Les bottes crissaient sur le sol gelé. Le froid rougissait les joues et les nez, malgré les écharpes et les bonnets. Les jumeaux commencèrent les offrandes en donnant à manger à Alven et à Miss Moppet, les deux chats de la maison. Natuna et Camma accrochèrent des pommes de pin garni de beurre de cacahuètes et de graines sur les branches des arbres où les chats ne grimpaient jamais. Ils quittèrent le village et ssuivirent la route à travers les prés et les champs scintillants de givre. A la croisée de deux routes, ils déposèrent une offrande à l'esprit du lieu. — De quel côté allons-nous ? demanda le papa des jumeaux. — A gauche ! répondirent les enfants, à l'unisson. A gauche, la route continuait entre des petites collines au sommet aplati et des prairies. De temps en temps, l'un ou l'autre des enfants déposaient une offrande dans un creux, sur une pierre ou entre des racines, puis toute la famille disait une petite prière et bénissait le lieu où l'offrande avait été faite. Au retour à la maison, chacun ouvrit ses cadeaux. Des oh ! et des ah ! fusaient chaque fois que l'un ou l'autre découvrait le contenu de son paquet. Romarin avait reçu un château en bois peint et rehaussé d'or, accompagné d'une montagne avec un dragon accroché à son sommet. Sauge s'extasia devant son château des merveilles. Il était également en bois peint et il était rehaussé d'argent. Sa base reposait sur des nuages joufflus, blancs, roses et bleus.


Les autres enfants et les adultes étaient heureux de leurs cadeaux. Grand-Père Houx avait trouvé pour chacun le cadeau idéal. Ainsi, Visumaros avait reçu un énorme livre sur les rapaces qui fourmillait de renseignements et était abondamment illustré de photographies et Papy avait eu de quoi commencer la collection de timbres dont il rêvait depuis longtemps déjà. Après le repas de midi, où on se régala des restes de la veille et des gâteaux, Brennos, Albolon, Natuna et leurs parents s'en allèrent. Ils étaient invités à passer le réveillon de Noël chez les grands-parents maternels des enfants. On se sépara avec de chauds remerciements, des visages souriants et la promesse de se revoir après le Nouvel An. Les grands-parents allèrent faire la sieste et les adultes se réunirent dans le petit salon pour discuter et jouer à des jeux de société. La porte s'ouvrit et la tête rouquine de Balanos apparut dans l'entrebâillement : — Est-ce qu'on peut aller dehors, pour jouer ? — Oui, répondit sa mère, couvrez-vous bien, surtout. Mettez vos gants, vos bonnets et vos écharpes. — D'accord ! Quel bonheur de se dépenser ! Même si le froid était intense et mordait les joues et le bout du nez, c'était un véritable plaisir. Il n'y avait pas de neige, pas encore, mais on sentait dans l'air qu'elle n'était pas loin. Une petite fille aux pommettes saillantes et aux


yeux bleu perçant nattes noires passa dans sa robe bleue moufles vert sapin, bonnet assorti.

qui tranchaient avec ses deux devant la maison. Elle était jolie bordée de fourrure blanche, ses son gilet en laine rouge et son

— Bonjour, Dojinitsa ! cria Sauge en agitant le bras. Tu veux jouer avec nous ? — Je vais demander à mamotchka si je peux. Camma regarda Dojinitsa s'éloigner, d'un air intrigué. — Qui c'est ça, mamotchka ? — Mamotchka, ça veut dire « petite maman », c'est du russe, expliqua Romarin. Elle va juste demander la permission à sa maman. Quelques minutes plus tard, Dojinitsa revint. — Mama est d'accord si votre maman est d'accord aussi. — Viens, on va demander à maman, dit Sauge. Les deux petites filles entrèrent dans la maison. Maman n'était plus dans le petit salon. Elles la trouvèrent dans la cuisine, les mains plongées dans la farine. — Maman, est-ce que Dojinitsa peut venir jouer avec nous ? Sa maman est d'accord. — Tu es la bienvenue, Dojinitsa. Tu peux rester pour goûter, si tu veux. Les jumeaux te raccompagneront après. Les enfants organisèrent une partie de cache-cache qui dura jusqu'au goûter. Quand la maman des jumeaux les appela pour venir manger, ils étaient


épuisés et contents. Ils rentrèrent à l'intérieur et vinrent se réchauffer près de la cheminée. Les adultes étaient partis vaquer à d'autres occupations et les enfants avaient la pièce entièrement pour eux. Visumaros s'assit dans un fauteuil et se plongea dans son livre. Balanos l'imita et prit un roman de Jules Verne, Voyage au centre de la terre. Vite accaparé par les aventures d'Axel et de son oncle, il ne fit plus attention à ce qui l'entourait. Les filles et Romarin prirent des feuilles de papier, quelques vieux magazines, des feutres et des ciseaux puis elles s'installèrent à la table pour dessiner et découper des jouets en papier. Les jumeaux montrèrent à Dojinitsa les cadeaux qu'ils avaient reçu. Quand les poupées de papier furent terminées, les enfants inventèrent un jeu qui consistait à raconter un bout d'histoire et à illustrer les passages au moyen des personnages et des éléments qu'on avait avec soi. Camma commença : — Il était une fois un prince prisonnier dans la plus haute tour de son château... Romarin mit la figurine d'un prince dans la tour la plus élevée du château en bois. — C'était le premier ministre du roi qui l'avait fait enfermer afin de prendre sa place sur le trône, continua Elantia. Romarin assit une poupée de papier au visage grimaçant sur le trône. Ainsi de suite, chacun des enfants ajoutait des éléments au récit. Ils en étaient à l'affrontement final


entre le prince et le premier ministre quand la maman des jumeaux appela : — Venez goûter ! Une tornade s'engouffra dans la salle à manger et les enfants s'assirent à table, parlant tous en même temps, les uns de leur combat au sommet, les autres de leurs lectures. — Oh là, les enfants ! dit Grand-Père, un peu de calme ! Pendant le goûter, il se passa des choses étonnantes comme un petit ballet spontané de la part des couverts et des assiettes ou un concert de chants entonné par les madeleines, les brioches et les sablés. — Ce sont les enchantements de Yule, sourit grandpère. La magie est souvent à l'oeuvre en cette période de l'année. Le 23 décembre, après le repas de midi, Balanos, Camma et leurs parents devaient repartir pour aller passer Noël chez leurs autres grands-parents. Les enfants se levèrent très tôt pour profiter de leurs dernières heures ensemble. Ils montèrent au grenier. Sous la double pente du toit, les en<fants avaient un grand espace pour jouer et des malles pleines de trésors. Dans l'une, ils trouvèrent de vieux habits d'autrefois, dans une autre des affaires d'école, dans une troisième de vieux jouets. Ils s'y amusèrent toute la matinée. Ils fouillèrent d'abord les malles et prirent les affaires qui les intéressaient le plus : une dînette, une ferme, un circuit de train électrique, une salle de


classe et une maison de poupées pour les jouets ; des robes, des jupons, des boléros, des redingotes et des pantalons pour les vêtements. — J'ai trouvé du maquillage de théâtre ! s'écria Elantia, toute contente. Elle posa une petite boîte sur un guéridon un peu bancal et ils s'approchèrent pour voir. Elle avait raison, c'était bien une boîte de maquillage pour les comédiens. — Jouons à nous déguiser, dit Camma. Moi, je vais mettre cette jolie robe verte. Les autres enfants suivirent son exemple aussitôt. Balanos mit un gilet et une redingote, Visumaros un habit pour aller pique-niquer et un canotier. Elantia choisit un chemisier blanc avec de la dentelle et une jupe bleue, Sauge préféra une robe de petite fille à volants, dans les tons gris et roses et Romarin s'habilla d'un pantalon rapiécé et d'une veste large en lin. — Il manque quelque chose à nos tenues, constata Camma. Je sais ! Du maquillage ! Sous la main un peu malhabile de la fillette, une fine moustache se dessina au-dessus des lèvres des garçons et les joues des filles se couvrirent de rose. — Voilà, nous sommes parfaits maintenant. — A quoi jouons-nous ? — Je ne sais pas. — Moi non plus. — Je

sais,

moi,

dit

Romarin.

On

va

faire

des


devinettes. Chacun fait deviner un mot aux autres en le mimant. Interdit de dire un mot ! La partie de mime dura une bonne demie-heure et fut ponctuée de rires. Les enfants se racontèrent ensuite des histoires drôles qu'ils avaient entendues ou lues. Ils terminèrent ensuite leur matinée en s'amusant avec les jouets, les garçons avec le train électrique et les filles avec la maison de poupées. Après le départ de Camma et de Balanos, les jumeaux, Elantia et Visumaros partirent se promener dans la forêt. Sylna, la petite fée de la pomme de pin, les accompagna incognito. Grâce à elle, la balade fut entourée de prodiges et de merveilles. Ainsi, ils purent comprendre le langage des animaux, des arbres et des plantes. La journée se termina devant un conte de Noël filmé et un lait chaud épicé. Sylna, installée dans le château des merveilles de Sauge, rendit les figurines et les poupées de papier vivantes et organisa une réception digne d'une reine.


24 et 25 décembre

Le soir du 24 décembre, il y eut un beaucoup de monde chez Sauge e Romarin. Outre Tatie et Tonton, Elantia et Visumaros, il y avait Alwyn, Lina et Dojinitsa. Leifr et sa famille étaient repartis passer le reste des fêtes en Norvège. Dans la région de Limore, Noël n'était pas une fête religieuse et n'était pas nécessairement une fête de famille. Bien souvent, les familles aimaient passer le réveillon ensemble et au village de Belenac, le village de Sauge et de Romarin, les villageois se réunissaient tous le 25 à midi pour faire la fête ensemble. Les parents d'Alwyn, de Lina et de Dojinitsa et leurs frères et sœurs étaient partis faire la fête à Limore, la grande ville de la région mais les trois enfants n'avaient pas eu envie d'y aller, alors la maman des jumeaux les avaient invités à passer la nuit à la maison. Deux tables étaient dressées dans la salle à manger, une pour les adultes, l'autre pour les enfants. Celle des enfants avait une nappe verte décorée de pommes de pin dorées et des petites couronnes de branches de sapin garnies de rubans. Tous les plats étaient présentés sur la table et les enfants se servaient de ce qu'ils voulaient comme dans un buffet. On appelle ça le service à la française. Il y avait une soupe aux perles du Japon, des sandwiches, des morceaux de poulet rôti, des pommes de terre poêlées avec des girolles, des trompettes des morts et des champignons de Paris, des châtaignes grillées et du


pain de mie grillé. Il n'y avait pas les fruits, le fromage et le dessert cependant. Alwyn avait apporté du cidre non alcoolisé, spécialement préparé pour l'occasion par son oncle. Lina était venue avec du pain aux noix et du pain de mie à l'origan. Quant à Dojinitsa, elle avait apporté des pirojki, des sortes de petites brioches fourrées à la viande. Au bout d'un moment, les enfants en eurent un peu assez de rester assis. Vous imaginez, vous, demeurer assis plus d'une heure d'affilée ? Non, je ne crois pas. Heureusement, chez Sauge et Romarin, il n'y avait pas besoin d'attendre le feu vert des adultes pour se lever de table. Il suffisait de le faire doucement et d'aller jouer au petit salon sans faire trop de bruit. Une surprise les y attendaient. Sylna, juchée sur la tête d'un renne paré de clochettes, leur fit de grands signes de la main. Elantia, Visumaros, Dojinitsa, Lina et Alwyn furent très surpris en la voyant et les jumeaux éclatèrent de rire avant de leur présenter la petite fée de la pomme de pin. — Vous en faites une tête ! Le grand ami de GrandPère — Je vous assure que c'est vrai. Regardez par la fenêtre si vous ne me croyez pas. Au-dehors, huit rennes patientaient en mangeant de l'avoine contenue dans une sac pendu à leur cou. Ils étaient reliés à un traîneau gigantesque en bois rouge orné de clochettes dorées, de rubans blanc et rouge, de branches de sapin et de houx. Les enfants, fous de joie, sortirent dans la nuit


glaciale, suivis par Sylna et le neuvième renne. Ce dernier vint se placer parmi les autres rennes et la lanière qui le reliait au traîneau s'accrocha toute seule à son collier. — Montez sur le traîneau et mettez la couverture sur vous, dit Sylna. Ainsi vous n'aurez pas froid. Une fois les enfants installés, les rennes s'envolèrent dans le ciel étoilé, égrenant les notes joyeuses de leurs clochettes. Ils voyagèrent au-dessus des toits du village, au-dessus des champs et des forêts, des villes, des lacs, des montagnes, des mers, jusqu'au Pôle Nord, jusqu'au village de Noël. Les maisons étaient toutes construites en bois et joliment sculptées et peintes. Les rennes atterrirent devant la plus grande d'entre elles. La porte s'ouvrit et une vieille dame souriante descendit les marches du perron pour venir les accueillir. — Entrez ! Entrez, les enfants, dit la Mère Noël. L'intérieur de la maison était douillet et chaleureux. Mère Noël fit entrer les enfants dans un salon tapissé de rouge et d'or. Une épaisse moquette verte recouvrait le sol, des tableaux représentant le Père Noël, son épouse, Grand-Père Houx et les Elfes décoraient les murs. Il y avait des fauteuils devant une cheminée et d'énormes coussins de géant éparpillés un peu partout contre les murs. Les enfants choisirent les coussins qui leur semblaient plus confortables. Mère Noël revint, en compagnie d'une elfe cuisinière en tablier blanc. Toutes les deux portaient un plateau chargé de tasses de chocolat fumant et de petits


gâteaux. — Buvez ce délicieux chocolat chaud et mangez ces succulents gâteaux. Vous n'en avez jamais goûté d'aussi bons. Ils ont été faits par les elfes des cuisine et leurs assistantes les fées cuisinières. Cela vous réchauffera et vous apprécierez mieux la magie de ce village. Le chocolat chaud était véritablement délicieux, Mère Noël n'avait pas menti et il n'y avait pas assez de gâteaux pour contenter la gourmandise éveillée des enfants. Ils avaient l'impression d'être dans un rêve et se demandait combien de temps celui-ci durerait. Le plus longtemps possible, souhaitaient-ils car ils vivaient vraiment un moment formidable. La porte s'ouvrit et un grand et vieil homme en chemise de flanelle à carreaux et au pantalon rouge entra. A sa longue barbe blanche et à ses yeux rieurs derrière ses lunettes rondes, les enfants reconnurent le Père Noël. — Eh bien ! Avez-vous perdu votre langue ou n'êtesvous pas contents de me voir ? Il fit un clin d'oeil malicieux tout en souriant aux enfants médusés. Visumaros reprit ses esprits le premier. — Oh ! Nous sommes vraiment contents de vous voir, Père Noël. Nous en sommes si contents et étonnés que nous en avons perdu notre langue. — Ah ! Ah ! Ah ! rit le Père Noël. Vous n'êtes pas si surpris quand mon ami Grand-Père Houx vient vous rendre visite.


— C'est parce que nous sommes habitués, répondit Elantia. Il vient nous rendre visite, chaque année mais nous les aimons beaucoup, ces visites ! — J'en suis sûr et je sais qu'elles lui plaisent beaucoup à lui aussi. Je vais bientôt partir faire ma tournée et les elfes sont en train de terminer les derniers cadeaux. Nous avons pris un peu de retard, cette année. Voulez-vous venir voir l'atelier ? — Oh oui ! Oui, répondirent les enfants, surexcités. Bien sûr que oui ! Visiter l'Atelier du Père Noël, quel enfant n'en rêverait pas ? Pendant qu'ils suivaient le Père Noël ausous sol, Elantia souffla à Sauge : — Mais où est passée Sylna ? Les deux fillettes regardèrent autour d'elles. Point de petite fée. Sauge haussa les épaules. — Elle doit être en train de visiter, répondit-elle. Elle ne croyait pas si bien dire. Sylna était allée rendre visite aux fées et aux elfes à la cuisine. L'Atelier du Père Noël était immense. Il y avait des établis, du bois, du matériel partout, des cadeaux étaient déjà entassés dans un coin et Grand-Père Houx était occupé à les comptabiliser. Une foule d'elfes était occupée à assembler les derniers jouets, d'autres préparaient des boîtes pour les y mettre en les enveloppant de jolis papier très colorés. Comme dans un rêve, les enfants suivirent le Père Noël à travers l'atelier. Ils l'écoutèrent expliquer comment les jouets étaient fabriqués et le rôle de


chacun. Ils regardèrent les elfes travailler et les aidèrent à tester certains jouets puis à les emballer. Ils saluèrent grand-Père Houx et aidèrent à la fin à mettre les cadeaux dans le Grand Sac. — Vous nous avez bien aidés, approuva le Père Noël. Vous aurez déjà des cadeaux demain matin mais je tiens à vous remercier pour votre aide. — Mais, Père Noël, nous avons déjà eu des cadeaux ! s'écria Romarin en regardant vers Grand-Père Houx. — Je sais et je sais aussi que j'aime offrir des cadeaux à tous les enfants sages du monde. Vous avez bien mérité les vôtres. Voici, en remerciement de votre aide. Le Père Noël tendit une carte écrite de sa main à chaque enfant. Il y était écrit : « Crois en tes rêves. Signé Père Noël ». Le lendemain matin, les enfants se réveillèrent dans leurs lits. Dojinitsa dormait dans la chambre de Sauge, Lina dans celle d'Elantia et les trois garçons dormaient dans la chambre de Romarin. Sylna aussi dormait chez Sauge. Comment étaient-ils revenus ? Aucun ne le savait et ils s'en moquaient. La seule idée qu'ils avaient en tête, ce fut de voir quelles surprises le Père Noël leur avait laissées. Au pied du sapin, ils trouvèrent un tas de cadeaux de toutes tailles et de toutes formes. Il y avait un livre de contes pour Elantia, une marionnette en bois pour Dojinitsa, une tête à coiffer pour Lina, un poupon pour Sauge, des jumelles pour Visumaros, une sacoche


pour Alwyn et une maquette de voilier pour Romarin, en plus il y avait pleins de petits joujoux et un cadeaux pour chaque chat. Mon histoire est presque terminée. Il me reste plus qu'à vous dire que cette journée du 25 décembre se déroula comme dans un rêve. Par chance, il avait neigé pendant la nuit et les enfants purent faire des batailles de boules de neige et s'amuser à fabriquer un Bonhomme de Neige. La petite fée Sylna les accompagnait dans tous leurs jeux et elle ne reprit sa forme originelle de pomme de pin, qu'après la seconde visite de Grand-Père Gel, le 7 janvier.


Kitchel Sabrina Ceridwen Le Kitchel est une spécialité sacrée réservée aux cérémonies des douze jours de Yule.

Ingrédients : – 500 g de farine – 2 cuillères à café de levure en poudre – 30 g de sucre – 3 œufs – 1dl de lait – 200 g de beurre – 200 g de raisins secs – 50 g d'amandes moulues – 75 g d'écorces d'oranges confites – ½ cuillère à café de cannelle – ½ cuillère à café de noix de muscade en poudre Recette : Tamiser la farine avec la levure. Ajouter le beurre ramolli divisé en parcelles, le sucre et les œufs. Ajouter le lait et mélanger jusqu'à obtenir une pâte molle. Mélanger la garniture à la pâte : les raisins secs, les amandes moulues, les écorces d'oranges confites, la cannelle et la noix de muscade. Mettre le Kitchel dans un moule à flan, puis laisser cuire au four chauffé à 180° pendant 20 minutes. Lorsqu'il est cuit, le sortir du four et saupoudrer de sucre, avant de le


dĂŠguster.


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