Un urbanisme de l'urgence, une architecture de la prévention

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Un urbanisme de l’urgence, une architecture de la prévention Hilary Sample Les villes modernes et leur architecture doivent en bonne partie leur développement aux règles et règlements édictés par les autorités en vue de préserver la santé publique 1. L’évolution de ces règles, particulièrement lorsqu’il s’agit de protéger la santé publique en milieu urbain lors d’épidémies imprévues, mène souvent à remettre en question l’ordre et les libertés qu’elles sont censées garantir 2. Les règles régissant le développement urbain ont ainsi été largement façonnées par les effets des épisodes de maladies chroniques ou transmissibles. L’histoire des temps modernes nous montre que les plus grandes remises en question du statu quo urbain se produisent lors de l’apparition de maladies transmissibles, en partie du fait de leur vitesse de propagation, et finissent par déstabiliser l’espace public et les infrastructures existantes en matière de santé 3. Les épidémies modernes – typhoïde, tuberculose, choléra, grippe, polio, pneumonie des légionnaires, jusqu’aux plus récents VIH / sida, SRAS, grippe aviaire et H1N1 –, affectèrent toutes les villes où elles se mani­ festèrent et induisirent une refonte des lignes directrices en matière d’occupation de l’espace, laquelle mena à des réformes touchant l’environnement bâti 4. Il faut ajouter que la nature des épidémies actuelles est de plus en plus impré­ visible, car on observe des anomalies jamais vues auparavant dans les nouveaux virus, ainsi que l’apparition de supervirus. S’il existe des règles et des règlements pour fournir les moyens de gérer l’environnement bâti, les crises sanitaires urbaines tendent à les bousculer et à révoquer les libertés établies.

Ville saine, ville malade

À tout moment, on peut dire qu’il existe au moins deux villes dans la ville : une ville saine et une ville malade. Jamais cette division inhérente n’apparaît plus évidente que lorsque surgit une crise sanitaire. Lors de ces épisodes, on se met à observer une différence physique entre les personnes saines et celles atteintes de maladies – par exemple, les porteurs de masques durant les épidémies de SRAS en 2003 ou les visages émaciés et les corps décharnés des patients atteints du sida, qui firent leur apparition dans les médias au début de la crise du VIH / sida –, mais il devient également possible d’en voir les répercussions physiques dans le corps public incarné par l’architecture et les espaces publics de la ville. Les épidémies influent sur le mode de fonctionnement des villes et de leurs bâtiments, ceux-ci ayant été conçus, construits, organisés, contrôlés et entretenus selon des politiques, des plans et des protocoles élaborés avant qu’aucune des épidémies contemporaines n’ait pu être envisagée. Lors d’une crise comme celle de l’épidémie de SRAS en 2003, une ville fonctionnant normalement fut radicalement transformée et contrôlée par des paramètres 231


urbains entièrement nouveaux et inattendus; par exemple, la fermeture forcée des hôpitaux, les voitures vides dans les rues et les stations de métro désertées à la suite de quarantaines volontaires, ou encore la fermeture des bains publics aux premiers temps de l’épidémie de VIH / sida. Ces changements physiques au corps urbain, imprévisibles et perturbateurs, produisent une démarcation encore plus grande entre corps sains et corps malades. Les transformations urbaines qui eurent lieu lors de l’épidémie de SRAS s’appliquèrent d’abord à l’échelle d’un seul bâtiment; d’infimes changements dans le fonctionnement d’un bâtiment peuvent radicalement altérer la per­ formance fonctionnelle de ce dernier, ce qui a une incidence sur la performance du pâté de maisons, et ainsi de suite, jusqu’à une zone urbaine beaucoup plus vaste, reconfigurant dans la foulée l’ensemble de la ville. L’image de la ville est ainsi transformée de l’intérieur ( il suffit de penser à l’effondrement de l’industrie touristique à Toronto du fait des épidémies ). Durant les épidémies de SRAS, les changements les plus visibles concernent la typologie des bâtiments directement liés aux traitements ou aux soins de santé. Notre système de santé publique est depuis longtemps associé à un seul type de bâtiment : l’hôpital – un environnement conçu pour être en permanence acces­ sible au public. Dans des circonstances normales, les malades interagissent avec un certain groupe de personnes – en général des médecins, des infirmières, des pharmaciens, des cliniciens ou des responsables de la santé publique –, et occupent les espaces attribués à ces fournisseurs de soins, dans les hôpitaux, les cliniques et les pharmacies. Désormais, la notion même selon laquelle les problèmes de santé sont traités en un seul lieu est remise en cause, comme l’ont montré les récentes épidémies. Les mesures de santé publique ne s’appuient plus exclusivement sur l’espace de l’hôpital, et l’idée que l’hôpital est le lieu où tous les soins sont prodigués est dépassée. Par exemple, l’hôpital était auparavant principalement considéré comme l’incarnation d’une archi­tecture publique urbaine où étaient regroupés les spécialistes capables de traiter les maladies du corps. Entre le XVIIe et le XIXe siècle, cette institution était devenue un lieu peu 2  Hôpital Sammy Ofer Tel Aviv, 9 mars 2011 L’hôpital fut construit de manière à pouvoir être protégé de toute attaque chimique ou biologique. Le garage peut être converti en des installations souterraines d’urgence de 1750 lits. Photo : Jack Guez, AFP / G etty Images, 109887575

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recommandable, à éviter à tout prix, mais au XXe siècle, cette perception fut renversée grâce à des projets innovants, comme celui de l’hôpital ColumbiaPresbyterian à New York, en 1921, où l’architecte James Gamble Rogers proposa de hautes structures qu’il nomma air castles ( châteaux aériens ), et qui donna une image nouvelle de l’hôpital, devenu un lieu de soins, moderne et sain. De nos jours, les guerres et l’apparition de supervirus ont transformé la perception que l’on a des hôpitaux, qui évoluent en des lieux où l’on peut être exposé à toutes sortes de risques; récemment, les hôpitaux sont devenus de véritables champs de bataille, de l’Irak à la Lybie 5, tandis que durant la première guerre du Golfe, l’hôpital principal de Tel-Aviv fut réaménagé, en étant littéralement moulé dans une enveloppe protectrice qui permettait de sceller physiquement toutes les fenêtres, emprisonnant à l’intérieur l’air qui était continuellement filtré ( figure 2 ). Lors de la crise du SRAS à Toronto, on put lire dans le rapport de la Commission sur le SRAS intitulé Le printemps de la frayeur que « [ les ] hôpitaux sont des milieux de travail dangereux, comme les mines et les usines », ce qui en fait des lieux non sécuritaires aussi bien pour les travailleurs que pour les patients, et que « avant l’apparition du SRAS, personne n’était préparé à la possibilité de devoir fermer un hôpital pour endiguer l’éclosion d’une maladie infectieuse 6 ». Il semblerait qu’il existe, depuis les épidémies de SRAS, une tendance aux États-Unis et en Europe qui consiste à réaliser les programmes de santé non pas dans des sites éloignés des centres ou dans des parcs industriels de banlieue, mais plutôt au cœur même des villes, dans des espaces bâtis et des bureaux pouvant accueillir des activités de recherche, des laboratoires, ainsi que les services qui leur sont associés, comme ceux des cabinets d’avocats spécialisés en propriété intellectuelle. Il s’ensuit que le public est non seulement concerné par un plus grand nombre de ces types de programmes, mais aussi que ces derniers ont gagné une plus grande visibilité publique. Les laboratoires de recherche – dont certains sont qualifiés d’usines à Nobel –, les bureaux des ministères de la Santé ou des agences gouvernementales de la Santé et les sièges sociaux des entreprises pharmaceutiques comme Roche ou Novartis, qui ne se concurrencent plus seulement sur le terrain de la fabrication de médicaments mais aussi sur celui de l’architecture d’avant-garde, sont sans aucun doute en train de transformer l’image que l’on a de la ville. Les bâtiments urbains actuels dédiés aux soins de santé reçoivent de nouveaux ajouts, greffés à des hôpitaux trop vétustes pour continuer à fonctionner selon les normes actuelles. Des bâtiments à l’architecture autrefois caractéristique sont aujourd’hui flanqués de nombreux atriums, ailes, tours, etc., faisant de l’hôpital un des bâtiments les plus denses et consommant le plus de mètres carrés de tous les types que comporte la ville d’aujourd’hui 7 ( figure 3 ). La planification de ces projets architecturaux est aussitôt suivie par la mise en place de stratégies de marketing qui positionnent les villes commanditaires comme des centres ou des destinations de première importance dans les domaines de la médecine et de la biologie 8. Certes, le but de la concentration de services et de programmes est l’amélioration de l’état de santé du centre urbain, mais il vise également 233


3  Hilary Sample et Matt Zych Comparaison des sièges d’organisations de la santé Diagrammes des bâtiments, 2011

1927 1927 1927 League League of Nations League of Nations of Nations Geneva Geneva Geneva 1927 League of Nations 1927 1927 1927 Geneva League League League of Nations of ofNations Nations Geneva Geneva Geneva

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1000’ 1000’1000’

le renforcement de son image. Il reste qu’il est encore trop tôt pour savoir 0’ 200’ 1000’ si 0’de telles stratégies sont efficaces, et comment. 0’0’ 200’ 200’ 1000’ 1000’ 200’ 1000’

Mesures de contrôle : isolement ou quarantaine ?

Au fil de l’histoire, les villes eurent tendance à séparer les malades du reste de la collectivité dans de vastes zones urbaines nommées « cordons sanitaires ». Dans leur petit ouvrage, Urban Structuring, les architectes modernes Alison et Peter Smithson, examinent les épisodes historiques qui donnèrent naissance à cette forme urbaine particulière, faisant remarquer que dans le plan de la ville de Turin par exemple, « les fortifications avec leur “cordon sanitaire” occupent plus d’espace que ses zones bâties9 » [ Traduction libre ]. Les maladies urbaines – et plus particulièrement les épidémies – étant en progression et pouvant survenir à tout moment, les villes sont particulièrement vulnérables aux irruptions et aux transmissions d’agents pathogènes. Alors que le cordon sanitaire occupait autrefois, ainsi que les Smithson le notèrent, un espace de l’ordre de celui des zones bâties, il apparaît que les villes d’aujourd’hui manquent de tels espaces réservés aux malades. Jadis périmètre physique nécessaire de protection de la cité, jouant le rôle de zone tampon entre les bien-portants et les malades, le cordon sanitaire n’occupe plus désormais autant d’espace. À la place, l’hôpital urbain, surtout dans un contexte postSRAS, continue de regrouper de plus en plus de services autour de lui pour rehausser son image et offrir une plus grande réactivité et une apparente stabilité en des temps incertains, particulièrement durant les épidémies. Si les histoires d’épidémies urbaines que l’on peut raconter sont variées, presque toutes mettent en scène l’environnement bâti et l’architecture. Un premier épisode de l’histoire des épidémies pourrait comparer les conditions de l’isolement par rapport à celles de la quarantaine au cours de la crise du SRAS en 2003; un deuxième révèlerait l’histoire des grands centres décisionnels 234

1965 PAHO Washing


1965 PAHO Washington D.C.

1966 WHO Geneva

1965 1965 1965 1965 1966 1966 1966 1966 PAHO PAHO PAHOPAHO WHO WHO WHO WHO Washington Washington Washington D.C. D.C. Washington D.C.Geneva D.C. Geneva Geneva Geneva

1977 Human Health Services Washington D.C.

2006 UNAIDS / WHO Geneva

2006 2006 2006 2006 1977 1977 1977 1977 UNAIDS WHO / WHO / WHO UNAIDS //UNAIDS WHOUNAIDS Human Human Health Health Human Services Human Services HealthHealth Services Services Geneva Geneva Geneva Washington Washington Washington D.C. D.C. Washington D.C. D.C. Geneva

en matière de santé, en particulier celle de la construction du siège de l’ONUSIDA, achevée quelque 25 ans après le début de l’épidémie de VIH / sida, en 1983. En les comparant, on peut voir les différences entre une image de gouvernance de classe mondiale et les conditions sur le terrain. S’il est vrai qu’il existe toujours deux villes dans la ville, nulle part cette différence n’aura-t-elle été aussi visible qu’au cours de l’irruption d’une nouvelle maladie urbaine, qualifiée de « pneumonie atypique » et désignée sous le nom de virus du syndrome respiratoire aigu sévère 10 ( SRAS ). L’épidémie débuta dans la plus grande confusion, car si le premier symptôme était une simple fièvre, les médias en parlèrent immédiatement comme d’une maladie « extrêmement dangereuse », voire « incurable ». Laurie Garrett, journaliste lauréate du prix Pulitzer, évoqua fréquemment, lors de ses conférences et de ses entrevues, le nombre de contrôles de température auxquels elle fut soumise alors qu’elle se trouvait à Beijing 11. Très répandu en Asie du Sud-Est et en particulier en Chine, le virus était apparu pour la première fois dans les marchés d’animaux sauvages de la ville de Guangzhou dans la province du Guangdong. Il se propagea rapidement par le biais de voyageurs ayant pris l’avion à destination d’autres villes du monde, tout particulièrement sur la liaison Hong-Kong-Toronto12. La magnitude des épidémies se mesure à l’instar de celle des séismes. Dans un graphique appelé « échelle de Richter des maladies virales à l’échelle mondiale », le SRAS fut classé juste au-dessous de 3, alors que le VIH occupe toujours la première place, atteignant presque 713 ( figure 4 ). Même si la magnitude de l’épidémie de SRAS ne fut pas aussi élevée que celle du VIH / sida, elle marqua considérablement les esprits et affecta les infrastructures urbaines vitales, ainsi que l’utilisation des bâtiments et des espaces publics, en un très court laps de temps. La rapidité avec laquelle le virus atteignit chaque ville généra une séquence de phénomènes aussi dévastateurs pour l’économie urbaine que le virus lui-même. 235


Quand le virus s’annonçait, les villes se vidaient soudainement, transformées en villes fantômes. L’ampleur de l’évacuation, suivie nécessairement d’une crise économique, fut pour une large part le résultat du message de panique véhiculé par les médias quant aux dangers présentés par le virus. Le professeur David Baltimore, lauréat du prix Nobel de médecine en 1975, qualifia ce phénomène de « virus médiatique », et affirma que la peur populaire fut aggravée par l’attitude des médias qui provoquèrent une réaction excessive dans des rapports qui menaçaient d’« augmenter considérablement le risque pour la santé publique par rapport à celui du virus réel » [ Traduction libre ], et du même coup, de faire plus de dégâts chez les gens que le virus lui-même14. « On aurait dit que la dépression des années 1930 venait de frapper de nouveau. Les gens avaient peur de sortir faire leurs courses. Je séjournais dans un hôtel où il n’y avait qu’un seul autre client. Ce fut absolument dévastateur pour l’économie. Et par-dessus tout, il y avait cette question de savoir si on avait la fièvre ou pas15  » [ Traduction libre ]. À Taipei, les autorités taïwanaises se servirent des médias pour apaiser la peur populaire en créant la chaîne SARS TV, qui diffusait tout au long de la journée des émissions portant sur le virus, et mirent en service une ligne directe gratuite fonctionnant 24 h sur 24 pour répondre aux questions du public sur les différents sujets touchant au SRAS. La chaîne montrait dans le détail des tâches banales du personnel hospitalier qui nettoyait les ascenseurs, une bouteille d’alcool à désinfecter à la main, pour prouver que ceux-ci étaient désinfectés tous les jours16. Ce qui auparavant était considéré comme une simple tâche routinière devint une procédure susceptible de sauver des vies. Les formes urbaines les plus touchées par l’épidémie de SRAS furent les lieux publics, notamment les infrastructures publiques occupant des fonctions vitales, comme les hôpitaux, les aéroports, les écoles, les cliniques et les infrastructures de transports en commun. Ces systèmes essentiels à la société furent fragilisés jusqu’à la défaillance, parfois temporaire, parfois permanente. La propagation de cette épidémie créa des situations semblables dans les villes du monde entier, chacune ayant eu à faire face aux mêmes problèmes de surveillance, 4  Une « échelle de

Richter » des maladies virales dans le monde, proportionnelle au nombre approximatif de morts en 2003, tiré de Robin A. Weiss et Angela R. McLean, “ Emerging Infections: What Have We Learnt from SARS? ”, Philosophical Transactions: Biological Sciences, vol. 359, no 1447, 29 juillet 2004, The Royal Society, p. 1137-1140.

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de contrôle et de traitement, qui affectaient la capacité des bâtiments à jouer leur rôle initial, et ajoutant une nouvelle dimension fonctionnelle et historique à celles déjà connues. Si ces nouvelles situations, bien que temporaires, changent la manière dont l’architecture fonctionne, alors il apparaît clairement qu’elles sont aussi importantes que celles qui étaient prévues, et méritent donc d’être étudiées. L’imbroglio créé par une crise est aussi important pour l’histoire d’un bâtiment que l’est sa conception, même si cette crise n’est que passagère. L’isolement a lieu au sein de l’hôpital, tandis que la quarantaine fonctionne à l’échelle de la ville. C’est une distinction importante à faire, tout particulièrement parce que l’isolement nécessite des mesures plus strictes et des espaces confinés, contrôlés et fixes. L’isolement évoque en particulier la mise à l’écart d’un patient malade au sein d’un hôpital pour éviter la transmission de sa maladie aux autres patients. Le premier hôpital d’isolement fut établi au Moyen Âge sur une île près de Venise, à Lazzaretto Vecchio, durant les épidémies de peste. Dans le New York de l’époque industrielle, une cuisinière atteinte de fièvre typhoïde fut confinée dans l’isolement sur l’île de North Brother, située sur l’East River, durant 20 ans. L’histoire se souvient de cette femme sous le nom de Typhoid Mary, laquelle vécut ainsi jusqu’à la fin de sa vie. Un cas plus récent et plus extrême, qui eut lieu entre 1971 et 1984, est celui d’un jeune garçon au système immunitaire déficient qui dut vivre dans une bulle de plastique, sans possibilité d’interaction avec les autres. En 1977, la NASA lui fit confectionner sur mesure une combinaison de cosmonaute appelée Mobile Biological Isolation System, dans laquelle l’air était filtré en permanence afin d’éliminer les microbes, et qui lui permettait de se déplacer et même de quitter l’hôpital; mais après sa sixième sortie, il refusa de porter la combinaison, terrifié à l’idée que les microbes qui auraient pu y rester accrochés ne finissent par le tuer17. Tout au long de l’histoire, les îles jouèrent un rôle important dans le contrôle des maladies contagieuses. Aujourd’hui, les normes contemporaines sont moins drastiques et permettent de confiner le patient à un environnement soigneusement contrôlé, avec des systèmes de ventilation qui sont conçus pour éliminer les microbes 5  Hôpital général de North York Toronto, 29 mai 2003 Vigile portant un équipement de protection qui patrouille devant l’entrée condamnée de l’aile d’urgence. Toronto fut la source du deuxième groupe de cas de SRAS. Sept mille résidants furent maintenus en quarantaine dans l’enceinte de l’hôpital, à titre de précaution. Photo : J.P. Moczulski, AFP / G etty Images, 2039101

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et éviter leur propagation dans les systèmes de ventilation principaux et à la population de l’hôpital. De par les procédures utilisées dans les hôpitaux modernes, les chambres d’isolement tiennent plus du laboratoire sécurisé que de la traditionnelle chambre de patient, équipées qu’elles sont de sas à pression négative et de toutes sortes de dispositifs à la fine pointe de la technologie. Lors de l’épidémie de SRAS, certains hôpitaux aménagèrent ainsi des zones spéciales appelées « unités pour fiévreux ». Dans le cas de l’épidémie de SRAS à Toronto et à Hanoï, les hôpitaux furent de fait convertis en hôpitaux d’isolement, fermés au public et n’acceptant aucun visiteur ( figure 5 ). À Toronto, les entrées donnant sur le corridor longeant University Avenue furent sévèrement contrôlées, et les périmètres autour des accès délimités par des rubans jaunes de signalisation, forçant les piétons à traverser la rue et créant une barrière physique entre l’entrée de l’hôpital et le trottoir; les sorties d’urgence furent bloquées avec des chaises, et des notes griffonnées à la main en interdisaient l’accès. La raison de toutes ces mesures était de protéger le public, mais aussi d’empêcher les membres désespérés de la famille des malades d’entrer dans l’hôpital. L’importante présence policière ajoutait à l’impression que l’hôpital était devenu une scène de crime. À Vancouver, un poste de triage fut installé dans l’aire de stationnement en face d’un hôpital pour créer une barrière supplémentaire entre l’entrée de celui-ci et les personnes possiblement infectées; en fonction de leurs réponses à des questions de routine, les éventuels patients étaient redirigés vers un autre service pour un dépistage plus poussé. À Taipei, les responsables d’un hôpital mirent en place à l’extérieur du bâtiment un pavillon de triage abrité sous un chapiteau, endroit par lequel les personnes potentiellement infectées et les employés devaient passer avant de pouvoir accéder à l’hôpital proprement dit. Comme la ville possédait une infrastructure de santé publique qui sera jugée rétro­spectivement déficiente, il n’y avait pas d’autre endroit dans la ville pour subir un test de dépistage. La prise de conscience qui s’ensuivit poussa le gouvernement à ordonner la construction de plusieurs hôpitaux spécialisés dans les maladies infectieuses et à mettre en œuvre un nouveau système de prévention des épidémies comprenant des cliniques de traitement des maladies infectieuses18. À Beijing, malgré un contexte de fort développement urbain, avec l’arrivée du virus, la ville prit l’allure d’une ville fantôme; les étudiants furent mis en quarantaine dans leurs dortoirs, tandis que les travailleurs migrants envahirent les gares et quittèrent les lieux en un véritable exode de masse. Plusieurs hôpitaux de l’Armée de libération populaire accueillirent des patients, mais ces derniers furent déplacés dans d’autres secteurs de la ville durant l’inspection des hôpitaux par les représentants de l’Organisation mondiale de la santé ( O MS ), afin de réduire le nombre de cas rapportés19. Finissant par admettre la progression du nombre de cas d’infection, le gouvernement fit construire d’urgence un hôpital pouvant accueillir un millier de patients. Cet hôpital fut achevé par les militaires en sept jours. L’isolement fait partie de la pratique hospitalière moderne, mais nécessite un degré de confinement plus important que la quarantaine, et n’est jamais volontaire. 238


Des effets secondaires inattendus

Bien que la plupart des cas de transmission du virus aient eu lieu dans les hôpitaux, les logements sociaux furent le deuxième type de bâtiments le plus touché. Durant la crise du SRAS, une mauvaise compréhension des enjeux et la confusion naïve entre l’isolement et la quarantaine, nourries par les médias, conduisirent à une peur accrue des épidémies au sein de la population, en particulier lors d’épisodes qui se déclarèrent dans les grands ensembles de logement social. De nouveaux modes cartographiques furent utilisés pour produire des surfaces statistiques qui permettaient de suivre l’évolution quotidienne de ces foyers de la maladie20. Dans ces milieux critiques – où la forte concentration d’individus malades était le résultat de superpropagateurs du virus –, la quarantaine fut fréquemment employée. Un superpropagateur de virus est une personne hautement contagieuse qui transmet sans le savoir le virus à de nombreuses autres personnes, un peu comme Thyphoid Mary. La quarantaine n’implique pas uniquement la séparation d’un groupe de personnes des autres, mais aussi celle d’objets qui doivent être mis à l’écart du public, comme des bateaux dans un port qui sont retenus à des fins d’observation, ou des avions transportant une cargaison de marchandises provenant de l’étranger, qui doivent être fouillés au cas où des objets porteurs de maladie s’y trouveraient. En cas de maladie, une quarantaine est déclarée en vue de surveiller les personnes qui ne présentent aucun symptôme, mais qui sont confinées durant une période d’incubation donnée pour en avoir le cœur net. À Taipei, les responsables du complexe de logements sociaux de Hua-Chang demandèrent que les résidants fussent mis en quarantaine et déplacés au domaine résidentiel de Ji-he le temps que la ville établisse un centre de contrôle et que les autorités désinfectent toutes les unités d’habitation 21. Parmi les consignes établies par les autorités de Taipei – communes aux administrations d’autres villes touchées par la maladie – figurèrent l’entretien des équipements collectifs, l’usage de l’air conditionné au réglage maximum ( ou le maintien des fenêtres ouvertes si l’on ne possédait pas de climatiseur ), ainsi que l’utilisation des escaliers plutôt que des ascenseurs. Une unité de radiographie mobile fut dépêchée dans une entreprise après qu’un employé rentré de Beijing par Hong-Kong fut tombé malade. Pourtant, selon un rapport sur le SRAS rédigé après l’épidémie, l’établissement d’un centre d’urgence pour orchestrer rapidement les prises de décision relativement à la maladie aurait pu avoir lieu plus tôt à Taipei. C’est dans le quartier de Kowloon, à Hong-Kong, que l’on identifia un des plus importants foyers de la maladie en dehors des milieux hospitaliers, dans les tours résidentielles du complexe d’habitation d’Amoy Gardens ( figure 1 ), où des colonnes de plomberie et des systèmes de drainage qui fuyaient, situés à proximité de conduits d’aération conçus avec effet cheminée furent désignés comme responsables de la propagation de l’infection dans certaines tours22. On observa que plus les occupants résidaient dans les étages supérieurs 239


de l’immeuble, plus ils étaient susceptibles d’être touchés par la maladie, ce qui confirmait l’effet cheminée dans la circulation de l’air contaminé. Les conduits censés apporter aux résidants les bienfaits de l’air frais et de la lumière naturelle produisirent en fait l’effet inverse, en devenant la source même de propagation du virus23. Les pots de purge en U asséchés, la vapeur d’eau et l’air évacué par les ventilateurs des salles de bain dans les conduits d’aération semblèrent donc responsables de la diffusion verticale du virus dans une des tours résidentielles 24. Ces complexes résidentiels, construits sous le régime britannique, constituaient des logements sociaux, semblables aux logements londoniens des années 1950, à l’époque de la reconstruction et des projets d’habitations à loyer modique. L’absence d’entretien du complexe d’Amoy Gardens fut donc blâmée pour la propagation du virus et par la suite, la tour E fut mise en isolement pendant une période de 10 jours, personne ne pouvant en sortir ou y recevoir de visiteurs. Dans un genre de lazaret des temps modernes, les résidants que l’on crut infectés et les membres de leur famille furent évacués des tours de l’Amoy Gardens et envoyés dans trois centres de quarantaine désignés par le gouvernement, qui servaient habituellement de camps de vacances : Lady MacLehose Holiday Village, Sai Kung et Lei Yue Mun Park. Durant la période d’isolement de 10 jours, l’évacuation des personnes que l’on pensait infectées par le virus fut facilitée par leur transport dans des autobus escortés par la police. Lei Yue Mun Park et Holiday Village, camps gérés par le ministère des Loisirs et des Services culturels, décrits comme offrant de beaux panoramas et du grand air, furent conçus à la manière des bâtiments européens du début du XXe siècle, avec terrasses ouvertes, même si le complexe avait aussi servi de caserne militaire. Les individus étaient isolés au sein du camp de vacances, et les repas livrés à chacun trois fois par jour. Malgré les installations extérieures, la vie au camp de Lei Yue Mun Park fut décrite par une des personnes confinées comme « une vie en prison »; l’accès aux piscines et toute interaction avec les chevaux de l’île étaient interdits, par peur dans ce dernier cas de transmission de la maladie aux chevaux, puis aux animaux sauvages. Les familles des malades furent envoyées dans un autre camp pour éviter qu’elles ne soient elles aussi infectées. En 2009, ces camps furent réutilisés lors de l’épidémie de grippe A ( H1N1 ), qui nécessita à nouveau le transport de personnes chez qui l’on suspectait la maladie, au moyen d’autobus commerciaux cette fois-ci, vers les hôpitaux ou diverses autres destinations où elles furent mises en quarantaine. Pour en revenir à l’épidémie de SRAS, ajoutons que les 5 400 unités de l’ensemble résidentiel de Lower Ngau Tau Kok ( LNTK ) construit à Hong-Kong en 1969 furent elles aussi le théâtre d’un épisode de superpropagation. Là, comme à Amoy Gardens, des campagnes d’entretien s’ensuivirent, qui consistèrent à nettoyer et à désinfecter toutes les surfaces, le moindre recoin et la moindre fissure. Tandis qu’à Amoy Gardens, les personnes infectées furent évacuées, au LNTK, un bâtiment fut converti en centre temporaire de mise en quarantaine 240


et servit, une fois que la situation commença à être maîtrisée, de quartier général au personnel médical de première ligne. Après les hôpitaux et les logements sociaux, d’autres types de bâtiments publics s’avérèrent des lieux particulièrement propices à la propagation du virus. À Toronto, les écoles, les églises et même les salons funéraires produisirent leur lot de foyers de personnes contaminées. En tout, 23 000 personnes furent placées en quarantaine, bien que dans la plupart des cas, ce fût volontaire. Il reste que cela prouve que même si le nombre de personnes infectées n’a jamais atteint celui d’autres maladies, l’épidémie fit quand même une forte impression sur le grand public, ce qui entraîna par exemple à Toronto, des restrictions quant aux déplacements et aux voyages et l’annulation de nombreux événements, frappant de plein fouet l’industrie touristique à son pic saisonnier, et déstabilisant l’économie de la ville25. Dans le but de prévenir une autre propagation de la maladie, mais également afin de rétablir l’image de leur ville, les autorités municipales déployèrent diverses stratégies d’entretien des infrastructures. Les questions d’entretien furent en tête des préoccupations pour les gestionnaires des villes désireuses de redorer leur blason et de recouvrer une image de propreté. À Taipei, les militaires furent carrément réquisitionnés pour désinfecter les rues et les hôpitaux 26. D’autres installations culturelles et publiques furent fermées pour cause de nettoyage, et une fois rouvertes, chaque visiteur dut se faire prendre la température à l’entrée, en vertu de directives établies par le gouvernement. Dans le cas du LNTK à Hong-Kong, l’entretien de 800 unités causa l’infection d’une personne27. Une publicité souvent diffusée à la télévision rappelait le ratio de 1 volume de détergent pour 99 volumes d’eau, recommandé pour désinfecter les surfaces. Dans le cadre d’une campagne massive, tout le monde était enjoint à nettoyer sa maison afin de désinfecter l’ensemble de la ville et d’éviter d’autres infections. Une étude des aéroports au moment de l’épidémie révéla une profonde inquiétude parmi les voyageurs concernant la protection individuelle, inquiétude alimentée par des écriteaux invitant à porter un masque et à se laver les mains ou décrivant les symptômes tant redoutés. La paranoïa atteignit son paroxysme quand les simples boutons d’ascenseurs furent suspectés à leur tour d’être des vecteurs de transmission du virus chez les résidants des hôtels, ces derniers prenant dans certains cas l’avion vers d’autres destinations et propageant à leur tour la maladie, comme dans le cas de Toronto. En réaction à la propagation rapide du virus de Hong-Kong à Toronto, un système de surveillance fut rapidement mis en place dans les aéroports. De Singapour à New York ou Toronto, les aéroports établirent des points de contrôle équipés d’appareils de balayage thermique capables de détecter si un passager avait la fièvre, un des symptômes du SRAS. Dans certains cas, ces postes de détection furent convertis en équipements permanents. Au nouvel 241


aéroport international de Beijing conçu par Foster and Partners, les passagers défilent sous un plafond à balayage équipé de caméras thermiques avant de se présenter aux douanes. Bien que plus aucun cas de SRAS n’ait été confirmé depuis l’épidémie en dehors des laboratoires, la crise du SRAS a eu des conséquences durables sur la ville, dont les scanneurs thermiques de Beijing n’en sont qu’un exemple. D’autres effets tangibles à grande échelle sont la construction de nouveaux hôpitaux de contrôle des maladies infectieuses, notamment en Asie du Sud-Est. Tout au long de la crise, l’épidémie de SRAS fut comparée aux premiers temps de la pandémie de VIH / sida, certains conjecturant que cet épisode épidémique deviendrait permanent, même s’il s’avéra finalement temporaire. Cette réaction fut certainement la raison véritable de la déclaration publique — sans précédent pour un premier ministre chinois — dans laquelle Wen Jiabao incita à traiter les patients atteints du sida avec « attention et amour ». Il brisa ainsi un vieux tabou, selon lequel les dirigeants du Parti communiste chinois se lavaient les mains de cette problématique 28. La crainte que l’épidémie de SRAS puisse s’avérer aussi dévastatrice que celle de la grippe espagnole en 1918 ou du VIH / sida en 1983 était bien réelle, et les directives de l’OMS prirent rapidement le pas sur les lois, règlements et politiques locaux et nationaux.

Gouvernance sanitaire et interventions architecturales

À la différence du VIH / sida, le coronavirus du SRAS est visible au microscope, et il fut découvert et identifié « en un temps record 29 » [ Traduction libre ]. Par comparaison, la découverte du virus qui causa la pire des pandémies modernes de l’immunodéficience humaine ( VIH ) nécessita plus de temps. La collaboration de laboratoires indépendants de partout dans le monde, sous la coordination de l’OMS, offrit une infrastructure efficace qui permit de décoder rapidement le virus du SRAS. Certes, la rapide maîtrise du virus fut portée au crédit de l’intervention musclée de l’OMS, mais les décisions 6 Agence

Baumschlager-Eberle Siège de l’ONUSIDA Genève, Suisse, 2005 Photo : Eduard Hueber

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de cette dernière furent aussi à certains moments controversées, notamment quand elle outrepassa l’autorité des gouvernements locaux et régionaux en décrétant des interdictions de voyager et des restrictions pour des semaines durant, exacerbant ainsi les difficultés économiques des pays concernés. Ce que les épidémies de SRAS révélèrent est que la protection de la santé n’est plus une affaire locale, nationale, fédérale ni même internationale, mais bien une problématique mondiale; que n’importe qui peut être infecté; et que les pratiques locales ne relèvent plus nécessairement de la gouvernance locale ou nationale. Ce n’est là qu’une partie de l’histoire de l’OMS. En fait, la gouvernance mondiale de la santé associée aux maladies transmissibles a été mise en œuvre en 1948, depuis son siège de Genève. Aujourd’hui, l’OMS se consacre particulièrement aux interventions relatives au VIH / sida, à la malaria et à la tuberculose 30. Le portrait de l’intervention de l’OMS véhiculé par les médias est néanmoins celui d’une maîtrise des événements, avec des équipes d’experts partout sur le terrain. Selon le chercheur Alex De Waal, « [ l ]a question de l’épidémie de VIH / sida est gérée, et non pas résolue 31 » [ Traduction libre ]. L’épidémie de VIH / sida est à présent sous étroite surveillance et fait l’objet d’une organisation plus complexe que jamais, depuis un nouveau siège, le bâtiment commun à l’OMS et au Secrétariat de l’ONUSIDA32 ( 2005 ). Situé à Genève, ville renommée pour son grand nombre de sièges opérationnels d’institutions internationales œuvrant dans les domaines de la santé et de l’économie, le siège de l’OMS-ONUSIDA accueille les administrateurs de l’organisme, mais symbolise aussi les efforts entrepris pour améliorer la situation sanitaire mondiale en rapport avec l’épidémie de VIH / sida 33. Établi à proximité d’autres sièges de l’Organisation mondiale de la santé, de la Croix-Rouge internationale et du siège européen de l’Organisation des Nations Unies ( installé dans l’ancien bâtiment de la Société des Nations, le Palais des Nations ), ce site suisse offre un contraste saisissant avec les installations dans les pays d’Afrique subsaharienne, la région du monde la plus affectée par la maladie. Le bâtiment de l’ONUSIDA abritant aussi des bureaux de l’OMS et niché au cœur de cette lointaine Europe représente la dichotomie de l’embarrassante séparation entre les malades et les bien-portants. Comme le souligne Susan Sontag dans La maladie comme métaphore; Le sida et ses métaphores, le virus, en tant que facteur d’épidémie « à évolution lente », « envahit le corps; la maladie ( ou, dans la nouvelle version, « la peur de la maladie » ) est décrite comme envahissant la société tout entière 34 ». En 2002, les architectes autrichiens Baumschlager-Eberle remportèrent le concours international pour la conception du bâtiment dans le cadre du nouveau Programme commun des Nations-Unies sur le VIH / sida ( O NUSIDA ), avec un projet qui symbolisait certes l’important travail mené dans le domaine de la santé, mais questionnait également les fondements mêmes des concepts architecturaux formels qui sous-tendent la création d’un siège mondial 35 ( figure 6 ). Bien que l’analyse formelle du bâtiment de l’ONUSIDA fût digne d’intérêt en soi, le véritable mérite du projet résidait dans sa remise 243


en question du parti pris autoritaire du programme architectural de l’ONU, qui consistait à assurer une uniformité esthétique et le contrôle des maladies par des normes et conventions traditionnelles. Le siège de l’ONU à New York ( achevé en 1952 ), avec sa tour de verre qui abrite l’administration du Secrétariat et sa salle de l’Assemblée en pierre qui accueille ses membres du monde entier, forme un ensemble emblématique de la gouvernance et du pouvoir internationaux. La tour de verre symbolise un pouvoir que Banham attribue à son « statut planétaire », le verre étant le matériau symbolisant la clarté, autant littérale qu’abstraite; au siège de l’ONU, « le verre était universellement livré sous des formes rectangulaires précises [ . . . ] indifférentes aux traditions et aux accidents locaux 36 ». Il poursuit : « [ Le verre ] répondait donc à toutes les aspirations des fondateurs de l’Organisation des Nations Unies, qui lui donnèrent une forme canonique avec cette tour à New York. » [ Traduction libre ] La combinaison des deux éléments architecturaux que sont le Secrétariat et la salle de l’Assemblée fit une impression si puissante sur l’imagination des commissaires de l’ONU que ces mêmes formes firent l’objet d’une condition spécifique dans les critères du concours d’architecture de 1959 pour le siège de l’Organisation mondiale de la santé. Ce qui voulait dire en fait que le siège de l’OMS devait être conçu à l’image de celui de l’ONU à New York 37. Parmi les 15 architectes de renommée internationale qui concoururent au projet du siège de l’OMS, citons Eero Saarinen, Kenzo Tange et Jean Tschumi. Les projets qui s’éloignaient des critères du concours furent éliminés d’emblée, y compris celui de Kenzo Tange qui proposait deux tours de béton brut incur­vées qui convergeaient à leur sommet; le projet d’Eero Saarinen qui comportait une tour de plus de 60 m à portée libre s’élevant au-dessus d’une place d’entrée ouverte ( sous laquelle la salle de l’Assemblée était enterrée ) se classa second. Depuis la réalisation de son siège à New York, l’ONU a souhaité reproduire les formes de la tour et du cube dans ses autres projets, en particulier dans celui du siège de l’Organisation mondiale de la santé et de ses six bâtiments annexes, 7  Jean Tschumi Siège de l’Organisation mondiale de la santé Genève, Suisse, 1966 Bâtiment en cours de construction, avec le siège des Nations Unies au premier plan Photo : Tibor Farkas, WHO / Tibor Farkas

8  Jean Tschumi

Siège de l’Organisation mondiale de la santé Genève, Suisse, 1966 Aire des employés Photo : Jean-Philippe Charbonnier, WHO /  Jean-Philippe Charbonnier

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tous construits avant 1965. C’est Jean Tschumi qui remporta le concours pour le siège de l’OMS ( 1959 -1966 ), avec un concept qui répondait en tous points au mandat défini dans le programme du concours – avec la tour et le cube de la salle de l’Assemblée – bien qu’avec plusieurs étages de moins pour respecter les normes de hauteur des bâtiments en vigueur en Suisse ( figure 7 ). Le concept de Tschumi était conforme au type de bâtiment onusien et enserrait le Secrétariat et les bureaux du personnel d’une façade brise-soleil en aluminium ( figure 8 ). Son concept explorait avec imagination l’idée d’un espace intérieur modulable de manière à mieux répondre à la vocation du siège. Cet espace devait pouvoir être agrandi ou rétréci, selon les besoins des équipes qui doivent réagir à tout moment à l’émergence d’une crise sanitaire dans le monde. Le Secrétariat de Tschumi pouvait accueillir plus d’un millier de personnes. Dans l’énoncé de mandat de l’OMS, le siège devait se suffire à lui-même, de sorte qu’il n’y ait plus besoin d’en bâtir un autre ultérieurement. L’arrivée du virus du VIH / sida changea la donne. Le nouveau siège de l’ONUSIDA ( 2005 ), un bâtiment bas et massif, est construit autour d’une cour ouverte. Longeant le périmètre de la cour dallée, se trouvent les bureaux administratifs sagement empilés les uns sur les autres, à la différence du siège de l’OMS, de l’autre côté de la rue, où les bureaux n’ont pas la même forme que le Secrétariat. La salle de l’Assemblée, pièce la plus importante du siège de l’ONUSIDA du fait que c’est là que sont discutées, débattues et votées les différentes décisions politiques, ne se distingue pas du reste des bureaux, et est enchâssée à l’intérieur de la masse du bâtiment 38. La forme physique du bâtiment de l’ONUSIDA est pensée de manière à contraster avec l’image de l’ONU et de l’OMS. Elle ne tente pas de recréer les mêmes parties individuelles distinctes que dans les sièges de ces deux organisations, mais place toutes les parties disparates au sein d’une même enveloppe brillante, produisant une architecture de l’unification des parties en un tout cohérent. Même le mobilier de la salle de l’Assemblée est ici une simple série de tables linéaires et de chaises en plastique dans une configuration en carré; on n’y trouve aucune estrade

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pour l’orateur, ni de sièges d’auditorium, ni de hiérarchie spatiale – c’est d’abord et avant tout une disposition démocratique simple. S’il fait toujours partie de la famille de l’ONU et de l’OMS, ce bâtiment constitue une rupture symbolique avec la dualité formelle Secrétariat / salle de l’Assemblée que l’ONU voulait voir dupliquer dans ses bâtiments du monde entier. Cette rupture que constitue le bâtiment de l’ONUSIDA dénote une nouvelle façon de penser la santé ou du moins, l’organisation de la surveillance, du suivi et de la gouvernance en matière de santé. Il serait toutefois trop simpliste d’interpréter cette forme de bâtiment – basse et horizontale, par opposition à une forme haute et verticale – comme l’expression du fait que cette architecture représente des valeurs mondiales, non pas dans le sens du pouvoir, mais d’une volonté de s’efforcer d’abord et avant tout de gérer et de soutenir la lutte sur le terrain contre le VIH / sida. Dans AIDS and Power, Alex De Waal affirme que les gouvernements africains, les organisations de la société civile et les organismes internationaux se montrèrent d’une remarquable efficacité dans la gestion de l’épidémie de VIH / sida de manière à limiter les tensions politiques. En Afrique subsaharienne, où une personne sur six contractera le VIH au cours de sa vie, la peur de la maladie ( appelée « mort noire » par l’influente journaliste Laurie Garrett ), qui bouleverse la société africaine, ne semble pas être un enjeu politique. En fait, on constate dans les pays concernés « un fonctionnement sans heurts et coordonné des institutions » et, grâce à ces efforts, « à quelques rares exceptions notables, pour lesquelles plusieurs facteurs de stress s’additionnent, il est peu vraisemblable que le sida crée une crise sociopolitique 39 ». L’efficacité de la gestion de l’épidémie permet de dire que « la société ne va pas s’effondrer ou se transformer par un processus de type révolutionnaire » [ Traduction libre ]. En 2005, la Commission pour l’Afrique produisit un rapport intitulé Notre intérêt commun, offert en version imprimée ou électronique par téléchargement gratuit, brossant les grandes lignes des environnements caractéristiques où vivent les patients atteints de VIH / sida en Afrique, ainsi que la vitesse de propagation de la maladie sur le continent, au rythme de une personne par seconde40. L’expansion des villes aggrave encore la situation, du fait de l’augmentation de la pauvreté et de la prolifération des bidonvilles qui l’accompagnent, que De Waal décrit dans son livre par l’euphémisme « urbanisation chaotique41 » repris dans le rapport. C’est dans ces conditions que 22,5 millions de personnes vivent avec le VIH / sida en Afrique subsaharienne – à comparer avec les quelque 1,5 million en Amérique du Nord. Heureusement, on y trouve quand même un lieu qui dispense des traitements et des soins, malgré des conditions extrêmes. Le documentaire de la chaîne Al Jazeera Saving Soweto ( 2009 ) relate les activités quotidiennes de l’hôpital Chris Hani Baragwanath connu sous le nom de « Bara », dans le quartier de Soweto, à Johannesburg, le plus grand hôpital au monde traitant de cas aigus, établi sur un site de 70 ha et comportant près de 3 200 lits. Malgré l’objectif de l’ONUSIDA qui est de « Zéro nouvelle infection à VIH. Zéro discrimination. Zéro décès lié au sida » figurant dans son 246


rapport mondial de 2010, l’épidémie en Afrique du Sud demeure la plus importante de la planète 42. Au Bara, par exemple, parmi les patients admis à l’unité 20, près de 60 % des décès enregistrés sont liés au VIH / sida 43. Construits sur le site d’une caserne abandonnée de l’armée britannique, les bâtiments et les infrastructures de l’hôpital sont dans un état de délabrement avancé, et leur connexion avec le réseau public et ses services est également vétuste. De fréquentes pannes d’électricité dues aux restrictions qui touchent Soweto entraînent de fréquentes coupures de courant dans l’hôpital; en même temps, bien que de nouveaux bâtiments aient été ajoutés à ceux du campus, aucun système électrique supplémentaire n’a été installé depuis la création de l’hôpital. Parmi les installations vieillissantes de l’hôpital, on compte l’immeuble de 12 étages logeant les infirmières et infirmiers, un service d’accouchement, une unité de soins néonatals intensifs, la morgue, les différents réservoirs d’eau, l’unité de soins intensifs, les anciennes et nouvelles résidences des médecins, ainsi que des passerelles et des passages entre les bâtiments 44. Outre ces problèmes logistiques, les conditions de travail y sont tellement déplorables que le personnel a dû recourir à des actes de sabotage – bloquant le fonctionnement de la blanchisserie ( ce qui réduisit la disponibilité en linge sanitaire ); altérant les groupes électrogènes et l’approvisionnement en essence; retardant des traitements et forçant la fermeture de salles d’opération et d’unités –, dans l’espoir d’attirer l’attention sur les défaillances de l’hôpital pour que l’on y remédie 45. La solution proposée a été de réduire le nombre de patients de moitié et de créer un réseau de six « mégahôpitaux » dans lequel Bara n’en serait plus qu’un parmi d’autres. La leçon à tirer des épidémies de SRAS et de VIH / sida est que nous sommes à une époque où la maladie ne peut plus être maîtrisée depuis un lieu fixe; ni l’hôpital ni le siège d’une organisation ne peuvent à eux seuls fournir le traitement nécessaire. Là où le modernisme envisageait des espaces utopiques, ouverts et continus, remplis d’air et inondés de lumière, nous percevons aujourd’hui l’espace autrement, en fait rempli de particules, de matière invisible; les bâtiments eux-mêmes sont devenus les espaces de prévention de la maladie, même s’ils ne la soignent pas directement en tant que telle. Non, l’hôpital ou le siège d’une organisation mondiale ne peuvent à eux seuls apporter des solutions individuelles pour guérir la maladie, mais ils constituent, de concert avec les autres types de bâtiments, le réseau nécessaire à sa gestion dans les villes. Les maladies urbaines ne posent pas un problème clairement défini, mais confus, et requièrent des solutions techniques autant que des réponses improvisées. Les crises sanitaires urbaines se déclarant de plus en plus souvent, il semble que les directives en matière d’aménagement doivent de plus en plus considérer les situations d’urgence comme une norme et non plus comme une exception au fonctionnement urbain 46. Ce que cela signifie pour l’architecture, ce n’est pas une perte du projet formel, culturel ou esthétique, mais 247


en fait le contraire : cela pose la question de savoir comment l’architecture peut prendre en compte des problèmes contemporains de performance fonctionnelle. Les architectes modernes n’ont pas eu peur d’envisager les questions de santé comme source de renouvellement des formes urbaines. Si la ville sera toujours, ne serait-ce qu’en partie, malade, il reste que l’architecture doit mener des réflexions approfondies sur les problématiques de santé et proposer des éléments d’action concrète. 1 Entre 1851 et 1938, des conférences sanitaires internationales annuelles eurent lieu dans les principales villes européennes. Alors que le choléra faisait des ravages en Europe, la première Conférence sanitaire internationale se tint à Paris pour élaborer des conventions sanitaires internationales. Chaque année, de nouveaux sujets s’ajoutèrent dans le cadre de ces conférences : le choléra et la peste, la variole et le typhus, mais aussi le commerce le long du canal de Suez, ou les périodes de guerre et la navigation aérienne. À l’époque où ces conventions virent le jour, il n’existait aucune agence supranationale de la santé pour gérer les crises en matière de santé publique. À la suite de ces conventions et de ces conférences, des agences nationales de la santé virent le jour pour aboutir à la convention de Rome en 1874 qui fut le théâtre d’un vote unanime en faveur de la création d’une agence internationale de la santé, instance où les données disponibles et la recherche sur les épidémies pourraient être regroupées et suivies. Cette agence fut baptisée l’Office international d’hygiène publique ( O IHP ). La gouvernance mondiale en matière de santé publique mena à l’élaboration d’un ensemble de conventions et de normes pour assurer la surveillance des maladies, mais aussi plus récemment, pour baliser la question de la prévention de la maladie. Ces conventions furent adoptées par les autorités sanitaires aux plans national et local ainsi que par les autorités municipales, pour rendre les ensembles urbains plus sécuritaires et plus sains. La multiplication des organisations responsables de la santé illustre en partie l’histoire des conférences et des conventions internationales sur la santé humaine, exprimant ce désir de construire un lieu permanent pour accueillir le personnel nécessaire à la surveillance des maladies à l’échelle planétaire. C’est en France et aux États-Unis que l’on assista à la naissance des premières agences organisées, organisations nationales aussi chargées de superviser les problèmes internationaux. Elles cédèrent ultérieurement le pas, avec la création de la Société des Nations, à une branche de gestion de la santé créée un peu plus tard par cette dernière, qui demeura en activité jusqu’à l’avènement de l’Organisation des Nations Unies en 1948, pour être finalement intégrée en 1966 au nouveau siège de l’Organisation mondiale de la santé. 2  Lehnerer, Alex. Grand Urban Rules, Rotterdam, 010 Publishers, 2009. 3  Matthew, Richard A., et Bryan McDonald. “Cities under Siege”, Journal of the American Planning Association, American Planning Association, vol. 72, no 1, hiver 2006, p. 109. 4  Les épidémies de choléra qui survinrent à Londres dans les années 1850 révélèrent d’importantes faiblesses dans les infrastructures d’aqueducs, ce qui conduisit à de nouveaux concepts de distribution de l’eau dans les maisons. 5  Forbes, Kate. “Libya crisis: Medics flee Gaddafi airstrikes”, 11 mars 2011, <http: // www.bbc.co.uk / news /  world-africa-12720402> ( consulté le 18 septembre 2011 ).

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6  Campbell, Archie. Le printemps de la frayeur : Résumé, Commission sur le SRAS, vol. 1, 2006, Introduction, p. 18 et Recommandations, p. 37, <http: // www.health.gov. on.ca / french / publicf / pubf / ministry_reportsf / campbell06f /  vol1chp1f.pdf> ( consulté le 17 septembre 2011 ). 7  Wagenaar, Cor ( éd. ). The Architecture of Hospitals, Rotterdam, Nai Publishers, 2006. 8  Sample, Hilary. “Biomed City”, Verb Crisis, Barcelone, Actar, 2009. 9  Smithson, Alison et Peter. Urban Structuring, Studies of Alison & Peter Smithson, Londres, Studio Vista, 1967, p. 76. 10 Le SRAS, un coronavirus jamais observé auparavant, a l’apparence d’un halo ( couronne ), et fut séquencé dans les deux semaines suivant sa découverte. Il s’avéra posséder sa propre ramification dans l’arbre génétique, du jamais vu pour un virus. Baltimore, David. “Viruses, Viruses, Viruses”, Engineering and Science, Pasadena, Caltech, 2003, <http: // eands.caltech.edu / articles / LXVII1 / viruses. html> ( consulté le 18 septembre 2011 ). 11  Entrevue de l’auteure avec Laurie Garrett, 28 juillet 2005. 12  Kennedy School of Government. SARS and the Implication for Human Rights, Case Study, Carr Center for Human Rights, Harvard University : « On rapporte que le docteur Liu, spécialiste en santé respiratoire dans un hôpital de Guangzhou, et qui était porteur de la maladie, en se rendant à Hong-Kong et en descendant à l’hôtel Metropole, l’aurait ainsi transmise à d’autres personnes qui en auraient infecté 8 422 autres, dont 916 en sont mortes, dans 29 pays.  », <http: // www.hks.harvard.edu / cchrp / pdf /  SARS.CaseStudy.( Final ).pdf> ( consulté le 18 septembre 2011 ); Krauss, Clifford. “The SARS Epidemic: the Overview; Travelers Urged to Avoid Toronto Because of SARS”, The New York Times, section A, colonne 1, rubrique Business / Financial, 24 avril 2003, p. 1. 13  Weiss, Robin A., et Angela R. McLean. “Emerging Infections: What Have We Learnt from SARS?”, Philosophical Transactions: Biological Sciences, vol. 359, no 1447, 29 juillet 2004, p. 1137-1140. 14  Baltimore, David. “SAMS Severe Acute Media Syndrome? The SARS Epidemic”, Wall Street Journal, 28 avril 2003, p. 12. 15  Garrett, Laurie. “SARS and Other Emerging Diseases in a World Out of Balance”, conférence donnée dans le cadre du programme Jill and Ken Iscol Distinguished Environmental Lecture à l’Université Cornell, Ithaca, New York, 2003. 16  Wu, Yi-Chen. “Risk Communication during the SARS Outbreak in Taiwan: What did we do and what have we learned?”, SARS Control Research Program, Rotterdam, Erasmus Medical Centre, 2006, <http://survey.erasmusmc. nl / SARSControlproject / picture / upload / WP6%20final%20 report%202( 1 ).pdf> ( consulté le 18 septembre 2011 ). 17  Dotinga, Randy. “Sad Story of ‘Boy in the Bubble’”, Wired, 4 octobre 2006. Voir également la présentation multimédia à l’adresse <http: // www.wired.com / entertainment / theweb / multimedia / 2006 / 04 / 70622?slide=7& slideView=3> ( consulté le 18 septembre 2011 ).


18  Yu-tzu, Chiu. “Epidemic prevention gets financial shot in the arm”, Taipei Times, mercredi 16 juillet 2003, p. 2, <http: // www.taipeitimes.com / News / taiwan / archives /  2003 / 07 / 16 / 2003059605> ( consulté le 18 septembre 2011 ). 19  Kraus, Richard. “China in 2003: From SARS to Spaceships”, Asian Survey, vol. XLIV, no 1, janvier-février 2004, p. 148. 20  Alderson, Laura. “The Big Picture: Mapping SARS in Hong Kong”, Environmental Health Perspectives, vol. 112, no 15, novembre 2004, p. A896. 21  “Taipei Housing Block Sealed off Over SARS”, Asian Economic News, 9 mai 2003, <http: // www.thefreelibrary. com / Taipei+housing+block+sealed+off+over+SA RS.-a0101643782> ( consulté le 18 septembre 2011 ). 22  Lai, P. C., et al. “Understanding the Spatial Clustering of Severe Acute Respiratory Syndrome ( SARS ) in Hong Kong”, Environmental Health Perspectives, vol. 112, no 15, novembre 2004, p. 1550-1556. 23  Lee, S. H. “The SARS Epidemic in Hong Kong”, Journal of Epidemiology and Community Health ( 1979- ), vol. 57, no 9, septembre 2003, p. 652-654. 24  Ibid., p. 653. 25  Campbell, Archie. The SARS Commission, “Interim Report: SARS and Public Health in Ontario”, Toronto, 15 avril 2004, https: // ospace.scholarsportal.info / bitstream / 1873 / 6381 / 1 / 243127.pdf ( consulté le 18 septembre 2011 ). 26  Un étudiant en architecture qui se trouvait à Taipei durant les épidémies raconta que dans les immeubles de grande hauteur, les fenêtres aux vitres teintées furent remplacées par d’autres, au verre translucide, dans l’espoir de faire pénétrer plus de lumière naturelle, les rayons ultraviolets étant considérés comme des agents d’élimination des microbes. 27  Hong Kong Housing Department. “Safeguarding clean housing estates”, Civil Service Newsletter, Hong-Kong, 21 juillet 2003, <http: // www.csb.gov.hk / hkgcsb / csn / csn57 /  57eng / e14-15.html> ( consulté le 18 septembre 2011 ). 28  Kraus, Richard. “China in 2003: From SARS to Spaceships”, Asian Survey, vol. XLIV, no 1, janvier-février 2004, p. 150. 29  “B.C. lab cracks suspected SARS code”, CBCNews, Canada, avril 2003. 30  Garrett, Laurie. “SARS and Other Emerging Diseases in a World Out of Balance”, conférence donnée dans le cadre du programme Jill and Ken Iscol Distinguished Environmental Lecture à l’Université Cornell, Ithaca, New York, 2003; Sample, Hilary. Conférences “Überagencies, Design and Disease in the Contemporary City”, CCA, 19 juillet 2007, et “Uncovering Urban Patterns at the Daniels School of Architecture, Landscape and University of Toronto”, Architecture, Therapeutics, Aesthetics, 27 février 2010. 31  De Waal, Alex. AIDS and Power: Why There is no Political Crisis Yet, New York, Zed Books, 2006, p. 3. 32  Fondée au milieu des années 1990, l’agence ONUSIDA se concentre sur les problèmes du VIH / sida. En Afrique, l’épidémie de VIH / sida est compliquée par la présence d’autres maladies transmissibles comme la malaria et la tuberculose. 33  « Lancement de la construction d’un nouvel immeuble commun pour l’OMS et l’ONUSIDA », Organisation mondiale de la santé, Centre des médias, 28 juin 2002, <http: // www. who.int / mediacentre / news / releases / release53 / en / index. html#> ( consulté le 18 septembre 2011 ).

34  Sontag, Susan. La maladie comme métaphore; Le sida et ses métaphores, trad. de l’américain ( Illness as Metaphor ) par Marie-France de Paloméra et Brice Matthieussent, Paris, C. Bourgois, 2009, p. 153-154. 35  « Lancement de la construction d’un nouvel immeuble commun pour l’OMS et l’ONUSIDA ». Op. cit. Dix agences d’architectes venant de sept pays furent sélectionnées pour participer à ce concours. Le concours fut organisé par la FIPOI, fondation privée sans but lucratif créée par la Suisse et le canton de Genève en 1964, avec la collaboration de l’Office fédéral des constructions et de la logistique ( O FCL ), avec pour objectif que le bâtiment ait un coût raisonnable, non seulement en termes de construction, mais aussi en matière de frais annuels de fonctionnement et d’entretien. Le jury retint le projet autrichien de Baumschlager-Eberle pour son « attitude plastique très contemporaine, le projet [ faisant ] acte d’abstraction en se saisissant d’un volume simple qui, grâce à des opérations sérielles d’extrusion, propose une grande richesse spatiale ». Voir <http: // www. who.int / mediacentre / news / releases / release53 / fr / index. html> et <http: // wien.baumschlager-eberle.com / en / office /  projects / who-unaids-administration-building> ( consultés le 18 septembre 2011 ). 36  Banham, Reyner. Grass Above, Glass Around, A Critic Writes, Los Angeles, University of California Press, 1997, p. 209. 37  On trouve l’origine de ces deux formes distinctes et spectaculaires que sont le Secrétariat et la salle de l’Assemblée dans le bâtiment du ministère de la Santé et de l’Éducation construit à Rio de Janeiro suivant les plans d’Oscar Niemeyer, lui-même influencé par Le Corbusier, et qui servira de modèle pour le siège social de l’ONU à New York. 38  La forme basse et l’organisation du bâtiment sont semblables à celles du siège des Human and Health Services de Marcel Breuer à Washington D.C. 39  De Waal, Alex. Op. cit., p. 3. 40  Geldof, Bob. Notre intérêt commun : Rapport de la commission pour l’Afrique, La Commission pour l’Afrique, p. 30, <http: // ocpa.irmo.hr / resources / docs / Commission_ for_Africa_Report-fr.pdf> ( consulté le 18 septembre 2011 ). 41  Ibid. La croissance en Afrique subsaharienne est souvent plus le fruit d’une économie informelle que d’une économie officielle et organisée. Soixante-douze pour cent de la population africaine urbaine totale vit dans des bidonvilles. Voir p. 58. 42  Programme commun des Nations Unies sur le VIH / sida ( O NUSIDA ). Rapport mondial : Rapport ONUSIDA sur l’épidémie mondiale de sida, 2010, Genève, ONUSIDA, 2010, p. 4, <http: // www.unaids.org / globalreport / documents / 20101123_GlobalReport_full_fr.pdf> ( consulté le 18 septembre 2011 ). 43  <http: // www.lefthandfilms.co.za / soweto>. Le Chris Hani Baragwanath Hospital est le plus grand hôpital au monde. Voir aussi <http: // www.chrishanibaragwanathhospital.co.za> ( consultés le 18 septembre 2011 ). 44  Bauer, Nicholas. “R150m upgrade for downscaled Chris Hani Baragwanath”, Mail & Guardian online, 16 août 2011, <http: // mg.co.za / article / 2011-08-16-r150m-upgradefor-downscaled-bara> ( consulté le 18 septembre 2011 ). 45  Khumalo, Nonku. “Bara Sabotage an inside job”, Soweto Live, 13 juillet 2011, <http: // www.sowetanlive.co.za / news /  2011 / 07 / 13 / bara-sabotage-an-inside-job> ( consulté le 18 septembre 2011 ). 46  Scarry, Elaine. Thinking in an Emergency, New York, W. W. Norton & Co., 2011.

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1  Publicités ciblant les communautés ethniques, Guerrero Street, San Francisco, Californie ( 2003 ), tiré de Catherine Cubbin et al. “ Where We Live Matters for Our Health : Neighborhoods and Health ”, Robert Wood Johnson Foundation Issue Brief 3, septembre 2008. Photo : Catherine Cubbin

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