Un urbanisme de l’urgence, une architecture de la prévention Hilary Sample Les villes modernes et leur architecture doivent en bonne partie leur développement aux règles et règlements édictés par les autorités en vue de préserver la santé publique 1. L’évolution de ces règles, particulièrement lorsqu’il s’agit de protéger la santé publique en milieu urbain lors d’épidémies imprévues, mène souvent à remettre en question l’ordre et les libertés qu’elles sont censées garantir 2. Les règles régissant le développement urbain ont ainsi été largement façonnées par les effets des épisodes de maladies chroniques ou transmissibles. L’histoire des temps modernes nous montre que les plus grandes remises en question du statu quo urbain se produisent lors de l’apparition de maladies transmissibles, en partie du fait de leur vitesse de propagation, et finissent par déstabiliser l’espace public et les infrastructures existantes en matière de santé 3. Les épidémies modernes – typhoïde, tuberculose, choléra, grippe, polio, pneumonie des légionnaires, jusqu’aux plus récents VIH / sida, SRAS, grippe aviaire et H1N1 –, affectèrent toutes les villes où elles se mani festèrent et induisirent une refonte des lignes directrices en matière d’occupation de l’espace, laquelle mena à des réformes touchant l’environnement bâti 4. Il faut ajouter que la nature des épidémies actuelles est de plus en plus impré visible, car on observe des anomalies jamais vues auparavant dans les nouveaux virus, ainsi que l’apparition de supervirus. S’il existe des règles et des règlements pour fournir les moyens de gérer l’environnement bâti, les crises sanitaires urbaines tendent à les bousculer et à révoquer les libertés établies.
Ville saine, ville malade
À tout moment, on peut dire qu’il existe au moins deux villes dans la ville : une ville saine et une ville malade. Jamais cette division inhérente n’apparaît plus évidente que lorsque surgit une crise sanitaire. Lors de ces épisodes, on se met à observer une différence physique entre les personnes saines et celles atteintes de maladies – par exemple, les porteurs de masques durant les épidémies de SRAS en 2003 ou les visages émaciés et les corps décharnés des patients atteints du sida, qui firent leur apparition dans les médias au début de la crise du VIH / sida –, mais il devient également possible d’en voir les répercussions physiques dans le corps public incarné par l’architecture et les espaces publics de la ville. Les épidémies influent sur le mode de fonctionnement des villes et de leurs bâtiments, ceux-ci ayant été conçus, construits, organisés, contrôlés et entretenus selon des politiques, des plans et des protocoles élaborés avant qu’aucune des épidémies contemporaines n’ait pu être envisagée. Lors d’une crise comme celle de l’épidémie de SRAS en 2003, une ville fonctionnant normalement fut radicalement transformée et contrôlée par des paramètres 231