Architectural Thesis_ Imane FIHRI-FASSI_2018_FR

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En quête du bonheur Le design urbain au service de l’Homme Travail personnel de fin d’études pour l’obtention du diplôme d’architecte

réalisé et soutenu par : Imane FIHRI-FASSI

Membres du Jury : Pr. Laarbi BOUAYAD

Sous l’encadrement de : Pr. Soumaya SAMADI

Pr. Jawad GUENNOUNI

Session : Juillet 2018





A mes parents, ma vraie source de bonheur, d'inspiration et de fierté éternelle. Si j'épuise les mots de toutes les langues je ne saurais les remercier dignement. A ma tante bien-aimée Oum Kaltoum, ma deuxième maman, à ses prières, à sa bienveillance, à son grand amour et sa générosité. A mes sœurs et mon petit frère, Chaimaa, Doaâ, Arije et Mohammed Siraj, mes grains d'amour sans qui la vie n'aurait pas ce délicieux goût sucré. A mes oncles chéris, qui ont coloré mon enfance de souvenirs gais et mémorables. A Mi'ziza, ma grand mère, à son grand amour et ses prières précieuses. A l'âme de mes grands parents décédés qui ont toujours chéri la conquête du savoir. A Sara, ma chère amie et camarade de l'ENA, à tout le temps qu'on a passé ensemble, à son honnêteté, à son grand cœur et surtout à son aide inestimable dans la réalisation de ce travail. A Yasmine dont la générosité d'âme m'a profondément marquée. A Ikhlas, Widad, Houda.M, Fati O., Hind, Salma, Sofia, Nouha, Jihane, Houda.El, Fati H., Mariame.M, Meriem.B, Oumayma Maryia, Souad, Rabiaa et Lamyaa pour avoir rendu joyeux tant de mes souvenirs. A toute personne, proche ou lointaine, qui a su réchauffer mon cœur avec une lueur de bonheur.



Je tiens à exprimer mes profonds remerciements à mon encadrante, Pr. Soumaya SAMADI, qui m'a encouragée tout au long de l'élaboration de ce travail et qui m'était une grande source d'inspiration et de motivation. Le présent travail n'aurait pas eu de mérite sans ses enseignements, ses orientations et ses conseils généreux. Je souhaite également exprimer ma gratitude au Pr. Laarbi BOUAYAD pour son aide et ses orientations précieuses au cours de la réalisation du mémoire et aussi pour son rôle de mentor et d'encadrant durant mes années d'études à l'ENA. Les valeurs et les principes que j'ai apprises durant les séances d'HTA et l'atelier d'architecture de 5ème année me sont d'une valeur inestimable. Je remercie avec autant de gratitude Pr. Jawad GUENNOUNI qui m'a appris qu'une architecture vivante est tout d'abord une architecture sensible qui traite avec délicatesse les éléments du milieu pour en faire une atmosphère de bonheur. Son approche a eu sans doute ses influences sur mon travail et pour ce j'en suis très reconnaissante. Mon respect et mes remerciements vont aussi à Mr. Hicham ZAKARIA qui m'a guidée pendant les prémisses de ce travail et dont les orientations ont profondément marqué le fil de la recherche. J'adresse mes sincères remerciements à Messieurs OUIOUF Abderrahim et FADEL Abdellah de l'agence urbaine de Settat qui m'étaient d'une très grande aide. Finalement, je suis reconnaissante à tous mes professeurs qui ont marqué mon cursus académique, qui ont cru en moi et qui m'ont comblée d'encouragements et d'ondes positives, en l'occurrence :Mr Rachid RHENIMI, Mme LAHTIKI Naoual, Mr SAFIDDINE, Mme ABOUZAYD Zineb, Mr KHOURASSANI et Mr SGHIR.



Depuis l'ère industrielle, la ville est devenue synonyme de stress et de misère. Malgré les avantages multiples qu'elle présente en matière de services et d'opportunités, son apport en bien-être subjectif est très limité. Des nombres ascendants de citadins souffrent des troubles de dépression et d'anxiété et une grande part des habitants des grandes villes se sentent insatisfaits de leurs vies en général. Une première piste pour résoudre ce phénomène épidémique était de changer la perspective commune de la psychologie qui s'est jusqu'ici concentrée sur les psychopathologies et de chercher plutôt ce qui rend les gens heureux et résilients face aux adversités de la vie. Afin de relier ce problème aux environnements urbains, plusieurs études ont été menées pour extrapoler les effets de l'environnement bâti sur le bien-être émotionnel et pour comprendre comment les villes peuvent devenir des lieux de satisfaction de la vie. En outre, certaines initiatives urbaines se sont concentrées sur l'échelle humaine des projets urbains et ont essayé, à la fois en théorie et en pratique, de montrer comment un design urbain centré sur l'Homme peut bénéficier les individus et les communautés. Ces types de projets reposent sur des principes tels que l'équité, la solidarité, la joie versus la douleur, la santé publique, la prospérité spirituelle, etc.



‫ملخص‬ ‫ٌشهد العالم فً اآلونة األخٌرة ارتفاعا مهوال فً فً مستوٌات األمراض العقلٌة التً‬ ‫ٌرتبط معظمها باالكتئاب والقلق و تختص المدن أكثر من البوادي بهذه الظاهرة‬ ‫الوبائٌة‪ .‬فمنذ العصر الصناعً‪ ،‬صارت المناطق الحضرٌة مكانا للتوتر و اإلجهاد‬ ‫حٌث تحتل الراحة النفسٌة حٌزا جد ضٌق‪.‬‬ ‫لم تستطع المدٌنة حتى اآلن بكل ما تملك من مٌزات و مقومات أن توفر مكان عٌش‬ ‫سعٌد و هنًء لمجتمعاتها‪ .‬فكان الحل أن نبحث عما ٌجعل الناس سعداء و مرنٌن فً‬ ‫مواجهة تحدٌات الحٌاة و نربط هذه القضٌة بالبٌئات الحضرٌة‪ .‬فً هذا الصدد تم إجراء‬ ‫العدٌد من الدراسات الستقراء آثار البٌئة المبنٌة على ا لراحة النفسٌة وفهم كٌف ٌمكن‬ ‫للمدن أن تصبح أماكن إلنماء الشعور بالرضا و الطمأنٌنة‪.‬‬ ‫باإلضافة إلى ذلك‪ ،‬ركزت بعض المبادرات العمرانٌة على المقٌاس اإلنسانً للمشارٌع‬ ‫الحضرٌة وحاولت من الناحٌة النظرٌة وال تجرٌبٌة إظهار كٌف ٌمكن للتصمٌم‬ ‫الحضري الموجه نحو اإلنسان أن ٌفٌد األفراد والمجتمعات على حد سواء ‪ٌ .‬عتمد هذا‬ ‫النوع من المشارٌع فً الغالب على مبادئ مثل‪ :‬اإلنصاف ‪ ،‬التضامن ‪ ،‬الفرح مقابل‬ ‫األلم ‪ ،‬الصحة العامة ‪ ،‬االرتقاء الروحً ‪ .. ،‬الخ‪.‬‬



Since the industrial era, cities have become a place of misery and stress. Despite all the advantages they generate, the subjective well-being in cities deem of a very little significance. Urban dwellers witness increased levels of mental illnesses most of which are related to depression and anxiety, and many feel unsatisfied with their lives in general. One clue to solve this epidemic phenomenon was to shift the common perspective of psychology that has focused so far on psychopathologies and to look instead for what makes people happy and resilient to life adversities. In order to relate this issue to urban environments, numerous studies have been made to extrapolate the effects of the built environment on emotional well-being and to understand how cities can become places for a good life satisfaction. In addition, some urban initiatives have focused on the human scale of urban projects and tried in both theory and practice to show how a humanoriented urban design can benefit individuals and communities. These kind of projects are mostly based upon principles suchlike : equity, solidarity, joy vs. pain, public health, spiritual prosperity, ..etc.



Introduction générale Problématique générale Problématique spécifique Méthodologie de recherche

Partie I :

Le bonheur humain

A. La science du bonheur

1.

2.

3.

25 26

Identification des concepts

27

1.1) 1.2) 1.3) 1.4) 1.5) 1.6)

27 28 30 32 33 34

L’émotion et autres phénomènes affectifs Les émotions positives et les émotions négatives Le bonheur ou bien-être subjectif La qualité de vie La richesse psychologique Conclusion

Les sources du bonheur

35

2.1) 2.2) 2.3) 2.4) 2.5) 2.6) 2.7)

35 36 37 43 44 45 46

L’argent et les ressources matérielles Les relations sociales La religion La santé L’engagement dans un travail significatif Les activités d’épanouissement émotionnel Conclusion

Mesurer le bonheur

47

3.1) 3.2)

47 49

Les mesures à l’échelle individuelle Les mesures à l’échelle des nations

B. Le bonheur en Islam

1. 2. 3. 4. 5.

20 21 22 23

La bonne vie L’état de tranquillité psychologique La Grâce Les bonnes actions Conclusion

C. Synthèse : Le bonheur ... Concept multidimensionnel

52

52 53 54 55 56 57


Partie II : Bonheur et environnement …Quelles liaisons? A. La relation de l’Homme à l’espace

1. 2. 3. 4. 5.

La psychologie environnementale Les modalités de la relation à l’espace Les approches d’analyse de la relation à l’espace L’identification à l’espace de vie Conclusion

B. L’espace catalyseur des émotions

1. 2. 3. 4. 5. 6. 7.

Lieux d’affection Lieux d’excitation et d’impulsivité Lieux d’ennui Lieux d’anxiété Lieux d’admiration La nature : lieu de reconstruction mentale Conclusion

C. L’espace : source de la satisfaction de vie ?

1. 2.

Espace et satisfaction de vie L’espace : médiateur des sources du bonheur 2.1) 2.2) 2.3) 2.4) 2.5) 2.6) 2.7)

La ville et la suffisance matérielle La ville et les relations sociales La ville et la religion La ville et la santé physique et mentale La ville et la satisfaction au travail La ville et les opportunités récréatives Conclusion

D. Synthèse : L’environnement heureux ... Essai de définition

Partie III : Le design urbain du bonheur : Principes et outils A. Concepts en usage pour des aménagements urbains au service de l’Homme

1.

Le concept du “Placemaking” 1.1) 1.2) 1.3) 1.4) 1.5) 1.6) 1.7) 1.8)

Présentation du concept Origines du concept La problématique traitée Les places de qualité comme finalité du placemaking Le processus du placemaking L’espace public comme objet du placemaking Les autres types du placemaking Etudes de cas

59 60

60 60 61 63 64 65

65 66 71 77 81 83 87 90

90 92 92 99 105 110 122 124 125 126

128

129

129 129 130 130 132 134 139 147 149


2.

3.

4.

Le concept de la ville heureuse

154

2.1) 2.2) 2.3) 2.4) 2.5)

154 155 156 156 160

Présentation du concept Origines du concept La problématique traitée Les éléments du bonheur urbain Etude de cas

Le concept de la revalorisation architecturale et urbaine

165

3.1) 3.2) 3.3) 3.4) 3.5)

165 166 167 169 174

Présentation du concept La problématique traitée Le modèle de la médina comme référence spatiale du concept Le processus de la revalorisation architecturale et urbaine Etude de cas : Entité Sidi Hmida, Sala El Jadida, Maroc

Conclusion : les enseignements tirés des trois concepts

186

4.1) 4.2) 4.3)

186 188 189

Analyse des trois concepts Les principes partagés par les trois concepts La méthode de conception préconisée

B. Principes et outils du design urbain du bonheur

1. 2. 3. 4. 5. 6.

L’équité La sociabilité La centralité de la religion La promotion de la santé publique Les activités récréatives L’architecture du bien-être émotionnel

Conclusion Générale Partie IV : Projet p.1/2 : Analyse de Settat, Maroc

190

190 190 191 191 192 192 194 198

A. Le Maroc sur la carte du bonheur mondial

200

B. Pourquoi intervenir sur Settat ?

202

C. Settat sur la carte du Maroc

204

1. 2.

Présentation générale Historique

D. Analyse urbaine

1. 2. 3. 4. 5.

Rappel des principes du design urbain du bonheur Grille d’analyse de référence Composition de l’espace urbanisé de Settat La population de la ville Les activités économiques

204 205 208

208 209 210 211 212


6. 7. 8. 9.

L’habitat Les équipements La mobilité L’infrastructure sanitaire

213 219 221 227

10.

L’espace public

229

E. Settat vue par ses habitants : Regard Subjectif sur la ville

1. 2. 3. 4. 5. 6.

Le profil des participants à l’enquête Le niveau de la satisfaction de vie à Settat Comment les habitants de Settat perçoivent leur ville L’impact de la ville sur la satisfaction de vie L’impact de la ville sur le bien-être émotionnel Les propositions de changement ou d’amélioration

F. Bilan

1. 2.

Impact de Settat sur le bien-être subjectif de ses habitants Vision du projet

G. Zoom sur le Centre-ville

1. 2. 3. 4. 5.

Usages et fonctions Opportunités récréatives Dynamique humaine Caractéristiques spatio-fonctionnelles des trois zones du centre-ville Analyse psychogéographique du noyau central

Partie V : Projet p.2/2 : Centre d’épanouissement personnel et communautaire à Settat

231

231 231 232 233 234 235 236

236 237 239

240 242 246 248 250

257

A. Genèse du projet

258

B. Description du site

260

C. Programme de l’entité

262

D. Processus de conception

264

1. 2. 3. 4.

Etapes de la restructuration du site Principes de l’aménagement paysager La notion du parcours scénographique Eléments de la composition paysagère

264 265 266 266


E. Le projet

1. 2.

3.

4.

267

Le plan de masse Les aménagements paysagers

267 268

2.1) 2.2) 2.3) 2.4)

268 270 270 272

L’aire de jeux Le théâtre de verdure Le jardin sensoriel L’espace de travail en plein-air

Simulation 3D du souk urbain et de la mosquée

273

3.1) 3.2)

273 274

Le souk urbain La mosquée

Conception architecturale du centre des loisirs et de culture

275

4.1) 4.2) 4.3) 4.4) 4.5)

275 276 276 277 284

Le programme détaillé La répartition spatio-fonctionnelle Le parti architectural Plans, coupe et façades Vues d’ambiance

Bibliographie Table des illustrations Annexes

285 292 296


Les troubles mentaux font des ravages au sein des populations urbaines. Au Maroc, presque 1.5 million de personnes souffrent de troubles dépressifs et un autre million et demi est victime de troubles d'anxiété. Sur le plan mondial, 300 millions de personnes auraient été affectées par une forme de dépression au cours de l’année 2015, pratiquement autant souffrant de diverses formes d’anxiété. L’augmentation par rapport aux recensements de 2005 approche les 18% et les populations urbaines s'avèrent souffrir plus que leurs voisines rurales.1 Ces statistiques dramatiques nous révèlent que la population mondiale est entrain de perdre sa résilience psychique et qu'un réel manque de repère et de signification dans la vie se dessine. La relation entre l'urbanisation et cette décadence psychologique est de plus en plus étroite et le questionnement du rapport entre l'environnement urbain et le bien-être subjectif devient pressant. Pour traiter cette question, nous nous sommes basés sur une nouvelle approche de la psychologie dont la vision a été détournée d'un ordre purement psychopathologique vers une perspective positive qui aide les gens à être heureux, résilients et optimistes et de développer des qualités qui leur permettent de mieux gérer les difficultés de la vie. Ainsi la psychologie positive appelée aussi la science du bonheur nous a simplifié la question du bonheur en le mettant sous l'objectif des recherches empiriques. Dans ce sens, le bonheur est interprété comme un bien-être subjectif qui est caractérisé par des aspects cognitif et émotionnel. En se fondant sur ces sorties et en mettant en exergue celles de la psychologie environnementale, nous avons essayé à travers ce travail de dessiner les différents liens qui existent entre le bonheur et l'espace urbain et d'explorer les différentes initiatives urbanistiques qui plaident pour le bien-être de l'Homme.

1

20

http://aujourdhui.ma/societe/rapport-de-loms-15-million-de-marocains-souffrent-de-troubles-depressifs


La vie humaine a évolué dans maintes sens à tel point que le monde apparaît comme un laboratoire gigantesque d'idées et d'innovations où les changements sont devenus perpétuels. Toutefois, au milieu de ces tourmentes, un sujet reste invariable et a toujours été au centre des réflexions: le bonheur. Quand interrogée sur le but ultime de ses choix et actions, la quasi totalité des personnes répond : " pour être heureuse ". Le bonheur est ainsi l'objectif extrême recherché par l'humanité et pour lequel plusieurs courants de pensées, des philosophies et même des sciences ont vu le jour. Une grande part des avancées technologiques ont été réalisées pour améliorer la qualité de vie humaine, pour rendre les gens heureux. Mais qu'est-ce vraiment le bonheur? Comment peut-on le définir? Qu'est-ce qui concourt à l'atteindre? Peut-on le mesurer? Telles sont les multiples questions qui obsèdent tous, communs et scientifiques. Au sein de cette myriade de questionnements, il est tout aussi légitime de s'interroger sur l'apport de l'architecture et de l'urbanisme au bonheur / malheur des sociétés. L'architecte et l'urbaniste sont-ils responsables du bonheur/malheur des gens? Comment s'opère cette influence ? Peut-on concevoir des espaces avec l'objectif de rendre les gens heureux? La réponse à ces questions ne peut trouver de place sans une contemplation scrupuleuse des effets des nouveaux espaces et systèmes urbains sur la psychologie humaine et leur contribution au déficits sociétaux, sanitaires, environnementaux, ..etc. De la sorte, la problématique relevée par ce mémoire est en effet une quête du bonheur où une investigation approfondie des facteurs environnementaux qui façonnent positivement ou négativement le vécu des populations urbaines est mise en œuvre.

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Traiter la problématique de la condition humaine dans sa globalité ne peut réellement nous être bénéfique que si on conjugue nos efforts à un projet local. Pour cela, le choix d'un socle de projet était primordial pour la complétude de cette recherche. La ville choisie à ce propos est la ville de Settat. Une ville moyenne ne se distinguant nullement de ses sœurs éparpillées sur le territoire Marocain. Caractérisé par un paysage urbain neutre, ne représentant aucune particularité architecturale ou empreinte culturelle spécifique, l'espace urbain de Settat est loin d'influencer positivement le psyché de ses habitants. Composé de blocs de béton mal peint, de jardins dégradés, de places publiques tournées en marchés ambulants, le cadre de vie manque d'organisation, d'esthétique et de jovialité. Les fonctions de la ville ne répondent pas aux besoins des citadins et le processus de mise à niveau urbaine souffre de la lenteur d'exécution et de mise en œuvre. Pour toutes ces raisons, la ville de Settat présente un profil adéquat à l'application des principes du design urbain du bonheur, une démarche ayant pour objectif la conception d'un environnement urbain au service de l'humain.

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Ce travail de fin d'études a été intrigué par deux questions principales: "qu'est ce que le bonheur humain? et quelle relation peut-il avoir avec notre environnement de vie ?" Ces deux questions ont fourni le fil conducteur de la recherche qui s'est déroulée en trois grandes étapes : 1- L'élaboration d'une définition du bonheur à partir des points de vue scientifique et islamique, suivie d'un recensement de ses sources et de ses méthodes de mesure. 2- La prospection des différents liens entre l'environnement bâti et le bonheur à travers un ressourcement dans la psychologie environnementale, l'économie urbaine, la sociologie, l'histoire des villes, ..etc. L'objectif de cette prospection est la sortie avec une définition d'un environnement heureux en plus des facteurs environnementaux qui agissent positivement ou négativement sur le bonheur humain. 3- L'exploration de trois concepts d'une planification urbaine centrée sur l'Homme, à savoir : le placemaking, la ville heureuse et la revalorisation architecturale et urbaine. L'étude de ces trois modes de planification nous a permis de découvrir les grandes problématiques contemporaines liées à l'urbanisme ainsi que de formuler une idée sur les méthodes de la conception urbaine qui sert la raison sociale. A l'issu de ces trois phases, il nous a été possible de sortir avec les principes d'un design urbain du bonheur et ses outils de mise en œuvre. Dans un second temps, il a été question de ramener la problématique de son échelle globale vers une échelle locale. Pour ce, nous avons pris comme cas d'étude la ville de Settat, une ville moyenne qui présente autant de potentialités que de lacunes pour le bien-être subjectif de ses habitants. Son analyse approfondie nous a permis de composer une vision de changement que nous avons traduit dans les lignes directrices du projet entrepris dans la partie pratique.

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I



Partie I : Le bonheur humain

Fig.1.

Pendant ces dernières décennies, les populations du monde entier témoignent un manque de repère et de signification dans la vie en plus d'une haute alarmante des taux de dépression. L'approche classique de la psychologie s'est trouvée dans l'obligation de traiter des aspects plus positifs du monde des affects en continuité avec sa concentration sur les phénomènes pathologiques. Suivant ce nouveau chemin, une science nouvelle apparue vers la fin des années quatre-vingt dix mettant le bonheur au centre de ses études. De la sorte, ce premier chapitre a été inspiré des travaux des psychologues pionniers qui ont enrichi cette science, notamment Edward Diener et Martin Seligman, et a été organisé autour de trois sous-axes. Nous commencerons tout d'abord par identifier les concepts qui se rapportent au bonheur, ensuite nous effectuerons un survol de ses différentes sources pour aboutir aux méthodes de sa mesure.

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Partie I :Le bonheur humain

1-Identification des concepts Le bonheur est un sujet perplexe où plusieurs notions de natures similaires s'entremêlent. Eviter toute ambigüité possible en éclaircissant les nuances qui distinguent les unes des autres s'avère donc une étape préliminaire pour commencer notre quête du bonheur. 1.1) L'émotion et autres phénomènes affectifs a) Emotions : Selon le dictionnaire de la psychologie, le mot "émotion" désigne un modèle d'intenses changements dans l'excitation physiologique, le comportement, les processus cognitifs et les influences environnementales, décrits par des termes subjectifs tels que la joie, la peur ou la colère. Contrairement à l'usage généraliste du terme émotion dans le discours commun, les spécialistes le distinguent des autres aspects affectifs tels les sentiments, les passions, les humeurs et les épisodes émotionnels de par sa durée, ses stimulateurs et son intensité. C'est ainsi que le terme "émotion" ne connote que les émotions dites "basales" ou " primaires "ou "modales", telles la peur, la surprise, la colère, la joie, la tristesse, le dégoût et quelques autres, au nombre d'une demi-douzaine à une dizaine, et leurs dérivées, émotions " mixtes ", résultantes des mélanges des émotions basales. Elles sont caractérisées par des processus dynamiques qui ont un début et une fin et une durée relativement brève. Ces phénomènes "phasiques" sont causés par des événements précis et inattendus.1 b) Episodes émotionnelles : Les épisodes émotionnelles représentent une forme rémanente des émotions, ils débutent comme les émotions basales mais ont des durées plus longues, un exemple caractéristique est celui du deuil. L’état émotionnel commence souvent dans l’anticipation de l’événement, subit son apogée durant l’événement et persiste un temps plus ou moins long. La rumination mentale est une autre forme d’émotion

1

Antoine Roumanos, "Psychologie des émotions et des sentiments ", http://icar.univ-lyon2.fr/membres/jcosnier/, 2006, pp.6-7.

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Partie I : Le bonheur humain

rémanente, elle consiste en retour souvent intrusif de pensées, images mentales ou souvenirs liés à un événement émotionnel passé. 1 c) Humeurs: Les humeurs sont des dispositions ou états affectifs qui constituent un arrière plan plus ou moins durable imprégnant et orientant positivement ou négativement le déroulement de la vie quotidienne.2 d) Sentiments et Passions : Les sentiments tels que l’amour, la haine, l’angoisse, entre autres, se distinguent nettement des précédents par leurs causes plus complexes, par leur durée plus longue ("tonique"), et leur intensité plus basse. Bien que souvent construits sur une fixation affective à des objets précis, ils persistent et sont vécus même en l’absence de ces objets . Les sentiments excessifs, apparentés aux états de dépendance affective qui caractérisent les addictions, constituent les "passions".3 1.2) Les émotions positives et les émotions négatives: Selon l'approche de la psychologie positive, il n'y a pas une distinction terminologique rigoureuse entre "émotion", "humeur", "sentiment" et "épisode émotionnel". Le terme émotion est utilisé pour désigner le monde des affects et la catégorisation est faite selon la polarité positive-négative. Le professeur Martin Seligman, le fondateur de la psychologie positive, différencie entre les émotions négatives et les émotions positives à travers quatre composantes que possèdent toutes les émotions : la composante sentimentale, sensorielle, intellectuelle et actionnelle. Les émotions négatives tendent à être concentrées et intolérantes. Elles étrécissent l'attention et mènent à des actions rapides et décisives comme le choix entre attaquer ou fuir. Les émotions positives, par contre, créent une capacité d'être relaxé, tolérant et créatif. Une personne positive tend à posséder un esprit aimable et ouvert à de 1

Antoine Roumanos, op.cité., p.7. Ibid. 3 Ibid. 2

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Partie I :Le bonheur humain

nouvelles expériences et idées. L'humeur positive permet de penser en une manière complètement différente comparée à l'humeur négative. On se concentre sur ce qui est correcte plutôt que sur ce qui est erroné. Les émotions positives : Les émotions positives sont de trois types : les émotions orientées vers le passé, le futur ou le présent, selon la manière dont elles sont stimulées. - La satisfaction, le contentement, la fierté et la sérénité sont des émotions orientées vers le passé. - L'optimisme, l'espoir, la confiance en autre et en soi et la foi sont des émotions orientées vers le futur. - Les émotions du présent se présentent sous deux catégories cruciales et différentes: "les plaisirs" et les" gratifications1".

-

-

Les plaisirs sont constitués de plaisirs corporels et de plaisirs supérieurs. Les plaisirs corporels sont des émotions positives qui se créent à travers les sens: des goûts et des odeurs délicieuses, des sons et des vues agréables, une agilité de mouvoir son corps, ..etc. Les plaisirs supérieurs sont aussi temporaires, déclenchés par des événements plus compliqués que par ceux sensoriels, et sont définis par les sentiments qu'ils procurent : extase, ravissement, joie, confort, amusement, relaxation et ainsi de suite.

Les gratifications sont l'autre classe des émotions positives du présent. Au contraire des plaisirs, les gratifications ne sont pas des sentiments mais plutôt des activités qu'on aime faire comme la lecture, l'escalade, la danse, les bonnes conversations, le volleyball ou les jeux de société. Les gratifications nous absorbent et nous engagent entièrement, elles bloquent la conscience de soi et l'émotion ressentie (à l'exception des rétrospectives) et elles créent le "flow", l'état où le temps s'arrête et la personne se sent complètement en harmonie avec soi.2 1

Terme dérivé de l'anglais utilisé par le professeur Martin Seligman dans son livre "Authentic happiness: Using the New Positive Psychology to Realize Your Potential for Lasting Fulfillment". 2 Martin E.P.Seligman, "Authentic Happiness: Using the New Positive Psychology to Realize Your Potential for Lasting Fulfillment", 2002.

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Partie I : Le bonheur humain

1.3) Le bonheur ou bien-être subjectif : En psychologie, le bonheur est appréhendé comme un bien-être subjectif. Ceci dit, il est considéré comme un état subjectif défini par l'individu où les éléments qui le constituent ne sont pas prédéfinis ou limités à un nombre exacte. " Dans les états heureux, on croit que nos vies et événements en cours vont pour le bien. Le bonheur inclut toutes les émotions plaisantes - allant de la joie et l'extase jusqu'à l'affection et la gratitude- qu'on expérimente comme positives et agréables. Pour ce, quand on enquête sur le bonheur, on est intéressé à toute la gamme des humeurs et émotions positives d'une personne. On pose des questions sur l'harmonie et la paix, l'enthousiasme et la joie, la fierté et le contentement, et on n'essaie pas de démontrer qu'un d'eux "n'est pas le bonheur ". En considérant le bonheur d'un champ de vue large, on reste suffisamment flexible pour compter les variations d'expériences individuelles du bonheur et comment les individus le définissent".1 Ce bien-être subjectif a deux aspects fondamentaux : le bien-être émotionnel et la satisfaction de vie. Le bien-être émotionnel nous renseigne sur la qualité émotionnelle de la vie quotidienne de chacun. Il est le résultat de la balance entre les émotions positives et les émotions négatives. Pour un bon état émotionnel, la fréquence et l'intensité des sensations de joie, d'affection ou de contentement devraient dépasser celle des chagrins, des déceptions ou de tristesse. Cela implique qu'un bon état émotionnel ne prétend pas l'absence des affects négatifs, leur existence est par contre utile pour le bon fonctionnement de l'Homme. Lors d'un échec, d'une perte ou encore d'un crime, les sentiments de déception, de tristesse ou de culpabilité devraient-être ressentis, sinon la personne concernée serait soupçonnée d'avoir un trouble psychique." En effet, les sentiments déplaisants nous offrent un feedback utile à propos de la qualité de nos vies, en plus de nous motiver de faire les changements nécessaires. Le bonheur, alors, tolère une petite dose de sentiments négatifs quand on vit fréquemment ceux positifs. La balance, néanmoins, doit être en faveur des émotions plaisantes."2 Outre la composante affective, le bien-être subjectif comporte une composante cognitive qu'est la satisfaction de vie. Elle correspond aux jugements que les gens 1

Ed Diener et Robert Biswas-Diener, "Happiness : Unlocking the Mysteries of Psychological Wealth", Blackwell Publihing, 2008, p.247. 2 Ed Diener et Robert Biswas-Diener, op.cité., p.247.

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portent sur leurs propres parcours dans la vie. Cela concerne l'évaluation de la concordance entre la vie réelle et les attentes et l'évaluation des domaines de vie importants. A cet effet, une personne doit non seulement être satisfaite de sa vie en général, mais elle doit aussi être positive à propos de ses zones d'intérêt, comme la santé, le travail, les relations et les loisirs. En plus, elle doit se sentir bien à propos de soi, compétente et respectée. Les évaluations positives des aspects importants de la vie ont été appelées "fleurissement" parce qu'elles suggèrent qu'une personne fleurit à travers les aspects cruciaux du fonctionnement humain. "Le fleurissement indique les aspects de votre vie que les psychologues comme Carol Ryff, Corey Keyes, Ed Deci et Richard Ryan croient absents des plaisirs et des émotions simples du bonheur. Le fleurissement dépasse la poursuite individuelle de son propre bonheur pour inclure ses contributions à la société et au bonheur des autres. Des fois, vous pouvez être fleurissants en dépit des troubles émotionnels que vous pouvez avoir, d'autres fois vous pouvez vous réjouir de votre temps sans vraiment fleurir."1 La satisfaction de vie est purement subjective, ses critères sont confiés au jugement de la personne elle-même. Comme nous l'expliquent les chercheurs Ed Diener et Robert Biswas-Diener, une personne peut être extrêmement satisfaite avec un revenu annuel de 40000$, alors qu'une autre serait en panique avec la même somme. Pour conclure, une personne qui a un bien-être subjectif élevé est une personne qui vit une prépondérance de joie et d'affection (affect positif), avec des sensations occasionnelles de culpabilité, d'inquiétude, de colère et de tristesse (affect négatif), qui se sent satisfaite de sa vie (satisfaction de la vie) et des aspects importants de celle-ci. Pour mettre cela dans une formule, le bien-être subjectif = affect positif affect négatif + satisfaction de la vie + fleurissement. Il existe parfois des compromis entre les aspects du bonheur, une personne peut se passer des moments de joie et de plaisir temporaires pour accomplir ce qui peut lui apporter des récompenses psychologiques plus prometteuses au futur. Aussi, à mesure que nous vieillissons, nous avons tendance à éprouver les émotions moins intensément. Cependant, cela ne diminue pas la qualité de notre bien-être subjectif. In fine, le bonheur est le nom qu'on donne au fait de penser et se sentir positivement à propos de sa vie. 1

Ed Diener et Robert Biswas-Diener, op.cité., p.241.

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1.4) La qualité de vie: "La qualité de vie est un concept large, qui dépasse celui des conditions de vie et renvoie à l’épanouissement humain, au bonheur, à la santé environnementale, à la satisfaction de vie et au bien-être général d’une société, que certains économistes (Commission Stiglitz-Sen-Fitoussi, 2009) ont proposé d’intégrer dans la mesure des performances économiques et du progrès social."1 C'est une notion qui se situe au carrefour des sciences humaines, sociales, médicales et économiques. Sa multidisciplinarité présente un défi quant à l'élaboration d'une définition exacte acceptée universellement. En 1994, l’Organisation Mondiale de la Santé en a donné la définition suivante : « La perception qu’a un individu de sa place dans l’existence, dans le contexte de la culture et du système de valeurs dans lesquels il vit, en relation avec ses objectifs, ses attentes, ses normes et ses inquiétudes. Il s’agit d’un large champ conceptuel, englobant de manière complexe la santé physique de la personne, son état psychologique, son niveau d’indépendance, ses relations sociales, ses croyances personnelles et sa relation avec les spécificités de son environnement. » Cela nous montre que la qualité de vie est passée d’une conception objective, qui renvoie aux conditions de vie matérielles et à l’absence de maladie, à une conception de plus en plus subjective intégrant le bien-être physique, économique, psychologique et social des individus.2 "Cette qualité de vie globale comporte ainsi selon Bruchon-Schweitzer (2002), trois principaux domaines. Les émotions et états affectifs constituent la composante psychologique de la qualité de vie. La composante physique s'organise principalement autour de la santé physique et des capacités fonctionnelles et la composante sociale autour des relations et activités sociales."3 L'intérêt du concept de la qualité de vie réside dans son opérationnalité. La qualité de vie peut être mesurée à travers des indicateurs objectifs et d'autres subjectifs. Dans cette optique, l'Organisation Mondiale de la Santé propose un outil générique de mesure de la qualité de vie, le WHOQOL-100. Cette mesure évalue six domaines de 1

Fabien Bacro et Agnès Florin, « La qualité de vie », Presses universitaires de Rennes, www.pur-editions.fr, 2014, p.7. Ibid., p.8. 3 Ghozlane Fleury-Bahi,"Psychologie et environnement : des concepts aux applications", Collection Le Point Sur Psychologie, Edition de Boeck, 2010, p.35. 2

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qualité de vie : la santé physique, l'état psychologique, le niveau d'indépendance, les relations sociales, les relations à l'environnement ainsi que les croyances spirituelles, religieuses et personnelles de l'individu. A titre d'exemple, la facette "environnement" du WHOQOL-BREF(forme brève à 26 items), comprend huit indicateurs: 1Les ressources financières, 2La liberté, la sûreté physique et la sécurité, 3L'accessibilité et la qualité des structures de soin, 4Le logement, 5Les possibilités d'acquérir de nouvelles informations et compétences, 6L'accessibilité des lieux de loisir, 7L'environnement physique (pollution, bruit, circulation, climat), 8Les transports. 1.5) La richesse psychologique : "Etant des êtres physiques, nous faisons partie d'un monde matériel et avons besoin de construire nos ressources tangibles pour expérimenter la sécurité et le confort. Mais nous sommes aussi spirituels, ayant besoin d'un sens et d'une raison de vivre qui dépasse notre existence, et c'est ce qui nous connecte à l'humanité et à la nature. Finalement, nous sommes des êtres psychologiques qui interprètent le monde tout autour, et cela signifie que notre bonheur dépend en partie des habitudes mentales que nous développons. La vraie richesse requiert des ressources matérielles, spirituelles, sociales et psychologiques."1 Pour acquérir la richesse psychologique, nous avons besoin d'être satisfaits de notre vie, de la sentir pleine de sens, d'être engagés dans des activités d'intérêt et de poursuivre des objectifs importants. Nous avons aussi besoin d'expérimenter des émotions positives et d'avoir un sens de spiritualité qui nous lie à ce qui est au delà de nous même. Prises ensembles, ces expériences psychologiques fondamentales constituent la vraie richesse.

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Ed Diener et Robert Biswas-Diener, op.cité., p.11

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On peut énumérer les composantes essentielles de la richesse psychologique comme suit: • La satisfaction de vie et le bien-être émotionnel; • La spiritualité et la signification de la vie ; • Les valeurs et les objectifs de vie pour les atteindre ; • Les relations sociales aimantes ; • Les activités et le travail ; • La santé physique et mentale ; • La suffisance matérielle pour répondre aux besoins vitaux. 1.6) Conclusion : Nous déduisons de ce premier sous-chapitre que le bonheur accepte différentes définitions, toutefois elles s'inscrivent toutes sous l'un des deux aspects qui le caractérisent : la satisfaction de vie et le bien-être émotionnel. Dans un deuxième temps, nous remarquons que les notions de "qualité de vie" et de "richesse psychologique" semblent similaires et nous renseignent sur la multiplicité des éléments qui concourent au bonheur humain.

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Le bonheur est le fruit d'interactions de plusieurs facteurs qui rendent nos vies cohérentes et harmonieuses. Dans ce sous-chapitre, nous allons explorer les différentes sources du bonheur, celles qui apportent satisfaction de vie et bien-être émotionnel.

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2- Les sources du bonheur

2.1 ) L'argent et les ressources matérielles : Dans une étude qui a reçu le prix Nobel de l'économie, les psychologues Daniel Kahneman et Angus Deaton ont dressé une des questions les plus controversées au sujet du bonheur : Est-ce que l'argent achète le bonheur ? L'étude a porté de manière séparée sur les deux aspects du bonheur précédemment définis: la satisfaction de vie et le bien-être émotionnel. Ils ont effectué une analyse de 450 000 réponses au Gallup-Healthways Well-Being Index, une enquête quotidienne conduite sur 1000 résidents aux USA par la Gallup Organization entre 2008 et 2009. Ils ont trouvé que le bien-être émotionnel (mesuré à partir des questions sur les expériences émotionnelles de la veille) et la satisfaction de vie (mesurée par l'échelle de Cantril) ont différentes corrélations. Le revenu et l'éducation ont plus tendance à être liés à la satisfaction de vie, alors que la santé, la solitude et le tabagisme sont relativement plus crédibles pour prédire les émotions quotidiennes. Quand ils ont superposé le revenu et la satisfaction de vie, ils ont trouvé que cette dernière augmente régulièrement en fonction du premier. Le bien-être émotionnel s'améliore aussi avec l'augmentation du revenu, mais ne connait aucune progression au-delà d'un revenu annuel de ~75000$. Par contre, un revenu bas empire la souffrance émotionnelle associée aux infortunes du divorce, la maladie et la solitude. Ils ont conclu qu'un revenu élevé procure la satisfaction de vie mais pas le bonheur et qu'un revenu bas est lié à la fois à une satisfaction de vie réduite et à un bien-être émotionnel bas.1 D'autres statistiques renvoient au fait que l'amélioration du pouvoir d'achat et de l'augmentation du PIB ne signifie pas systématiquement un rehaussement du bonheur des individus et de leur qualité de vie, la Chine en fournit le parfait exemple : " [...], la 1

Daniel Kahneman et Angus Deaton,"High income improves evaluation of life but not emotional well-being", Center for Health and Well-being, Princeton University, Princeton.

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nouvelle star de la croissance accélérée du PIB, fournit encore plus de preuves d'un paradoxe. Entre 1999 et 2010, une décennie dans laquelle le pouvoir d'achat moyen en Chine a augmenté plus que trois fois, Le taux de satisfaction de la vie de la population a stagné selon les sondages du Gallup (même si les chinois urbanisés étaient plus heureux que leurs cousins ruraux)."1 Cela signifie qu'avoir plus de chambres, plus de vêtements ou plus de voitures n'élève pas très haut le bien-être subjectif, le gain affectif obtenu par le gain matériel reste très minime. Cependant, il est intéressant de mentionner que cette conclusion est plus appropriée aux pays riches qu'aux pays pauvres. Dans un pays où la pauvreté menace la vie elle même des gens, être riche prédit un bien-être meilleur, pourtant quand il s'agit des nations où presque tout le monde a une sécurité financière de base, la croissance de la richesse d'un individu n'a pas des conséquences fortement perceptibles sur son bonheur. Pour conclure, la réponse adéquate à la question "est-ce que l'argent fait le bonheur?" est affirmative mais partiellement. Avoir un bon revenu nous rend satisfaits de nous mêmes, nous permet de nous sentir en sécurité et nous offre plus d'opportunités pour contribuer au bien de la société, mais il ne nous garantie pas de nous sentir heureux. Ce qui nous mène à chercher les autres sources du bonheur. 2.2) Les relations sociales : La relation entre le bonheur et les relations sociales est une voie à double sens. Les gens heureux entretiennent de bonnes relations sociales et vice versa, les bonnes relations sociales nous rendent plus heureux. Une étude établie par les chercheurs d'Harvard a suivi, depuis 1938, les vies de 724 hommes pendant 75 ans. Tous les deux ans, l'équipe de recherche appelait ces hommes et leur posait de nouvelles questions sur leurs vies. Les sorties les plus marquantes de cette recherche ont démontré que les gens les plus heureux et qui ont une meilleure santé sont ceux qui entretenaient de bonnes relations et qui étaient les plus connectés avec leurs familles, leurs amis et leurs communautés. La qualité d'une relation est aussi importante que sa présence, la vie dans un milieu conflictuel s'est avérée très nocive pour la santé. En effet, les personnes satisfaites de leurs relations à cinquante ans étaient celles qui étaient en meilleure santé à quatre-vingts ans.2 1 2

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Charles Montgomery, " Happy city : Transforming our lives through Urban Design", DOUBLEDAY CANADA, 2013, p.17.

https://www.ted.com/talks/robert_waldinger_what_makes_a_good_life_lessons_from_the_longest_study_on_happiness


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D'autres études ont mis en question les méthodes du développement personnel qui assument aider les gens à accroître leur bonheur dans le but de savoir lesquelles réussissent vraiment. De manière intéressante, une des méthodes les plus efficaces est celle qui comprend la communication positive avec les autres. Pratiquer la communication positive, l'appréciation de l'autre et la gentillesse implique l'augmentation de notre bonheur, améliore nos relations et nous enrichie psychologiquement.1 Dans le sens inverse, d'autres études ont trouvé que les personnes qui ont une satisfaction de vie élevée pendant leurs vingtaines, sont plus susceptibles que les autres de se marier, de rester mariées et d'être contentes de leurs mariages.2 Ces résultats ne sont pas tributaires des traits de caractère des personnes. Le rôle que jouent les relations sociales dans la procuration du bonheur est valable autant pour les personnes introverties que pour les extraverties. Après une étude où les chercheurs ont rassemblé des informations relatives aux humeurs des participants tout en leur demandant d'indiquer s'ils sont seuls ou accompagnés durant différents moments de la journée, il s'est avéré que les deux: extravertis et introvertis avaient plus d'émotions positives quand ils étaient avec d'autres personnes que lorsqu'ils étaient seuls.3 On conclut que les relations sociales sont importantes, mais pas n'importe lesquelles. Seulement les relations positives caractérisées par une entente mutuelle, où l'amour est présent et où les parties sentent leurs paires dignes d'intérêt sont le type de relations qui produisent le bonheur. Les connaissances et les amis temporaires peuvent nous apporter des moments de joie, cependant ce sont les relations profondes et qui offrent le soutien qui sont essentielles à notre bien-être. 2.3) La religion :

Nous sommes des créatures spirituelles aussi bien que matérielles. Nous avons besoin de croire à ce qui est plus puissant que nous pour réconforter nos inquiétudes et renforcer notre résilience face aux défis de la vie. La religion en est une source authentique, elle a procuré à l'humanité depuis son apparition un guide de vie dont 1

Ed Diener et Robert Biswas-Diener, op.cité., pp.64-65. Harker LeeAnne, et Dacher Keltner, "Expressions of positive emotion in women’s college yearbook pictures and their relationship to personality and life outcomes across adulthood", Journal of Personality and Social Psychology, Vol° 80, 2001, pp.112–24. 3 Ed Diener et Robert Biswas-Diener, op.cité., pp.51-52. 2

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l'objectif est le bien de l'Homme. Elle s'est révélée aussi, d'après des études récentes, une des sources du bien-être subjectif. Qu'est ce qui fait de la religion une source de bonheur ? C'est ce que nous allons découvrir à travers les six éléments suivants: la foi, la spiritualité, les valeurs, la signification de la vie, les pratiques religieuses et le sentiment d'appartenance à la communauté. a) La foi : La croyance en Dieu, à l'au-delà et au jugement final nous rendent moins attachés aux aspects matériels de la vie, ce sont des croyances qui nous réconfortent et nous rassurent à propos de notre destin. Face à l'idée de la mort, la bonne foi, de par les réponses qu'elle procure, est une source de tranquillité et de paix. Talya Miron-Shatz, une professeure en science de la décision, s'est intéressée dans une étude aux choses auxquelles les femmes pensent durant la journée, au travail, au shopping, avec leurs familles ou quand elles rêvent les yeux ouverts et leurs répercutions sur leurs émotions. Elle a découvert deux aspects surprenants. Le premier est l'existence d'une catégorie très négative : celles qui pensaient trop à leurs poids. Le deuxième est que plusieurs femmes pensaient fréquemment à la religion, dans ce cas leurs émotions étaient presque toujours positives. Les femmes tendent apparemment à penser aux concepts positifs des religions comme la paix, le Paradis ou la bienveillance qu'à ceux négatifs comme l'Enfer ou la culpabilité.1 Cette étude argumente la liaison entre la croyance et les émotions positives. La foi est prometteuse d'optimisme et d'espoir et c'est ce qui la rend efficace contre les formes de dépression. Une autre étude conduite par le professeur Ed Diener en collaboration avec la Gallup Organization a trouvé que les personnes qui croient en Dieu et à la vie après la mort ont généralement une satisfaction de vie élevée par rapport aux non-croyants. En outre, la foi nous protège de ce que des psychologues comme Martin Seligman appellent le tapis roulant de l'hédonisme "the hedonic treadmill". Un phénomène qui décrit le fait de chercher toujours à posséder plus de choses parce que celles que nous avons ne nous apportent plus le bonheur que nous estimions avoir au moment de leur 1

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Ed Diener et Robert Biswas-Diener, op.cité., p.119.


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acquisition. Cela est dû à notre adaptation rapide aux éléments matériels de la vie, ce qui les rend évidents et sans réel impact sur notre bien-être. Ceci induit une envie de possession répétitive et vicieuse d'où l'appellation "tapis roulant du hédonisme" c.-à-d. ne mène nul part. La foi de sa part nous libère partiellement du matérialisme en détournant notre égocentrisme vers l'altruisme et le partage. La bonne foi incite aussi ses croyants à être sobres. Finalement, un des aspects fondamentaux de toute religion et de toute foi est la liaison avec le mystique et avec la puissance divine qui nous dépasse. Comme le décrivent Ed Diener et Robert Biswas-Diener :" les gens pratiquent le sport, lisent les livres, prennent des cours et participent aux fêtes pour développer leurs muscles physiques, intellectuels et sociaux. Mais ils partent à l'église pour fléchir leurs muscles spirituels. Le sentiment spirituel, parfois physique parfois émotionnel est difficile à définir, mais il est universel. Des gens l'atteignent par la prière, d'autres à travers les actes de charité ou l'appréciation de la nature." b) La spiritualité : La spiritualité est un des phénomènes les plus difficiles à définir, encore plus d'un point de vue scientifique. Pour le décrire on parle souvent d'élévation spirituelle, d'un sentiment de complétude et de paix intérieure. C'est une notion liée principalement à la religion cependant à l'époque où nous vivons, l'expérience spirituelle est devenue appropriable même par les non-religieux. Le psychiatre George Vaillant défini l'essence de la spiritualité par l'expérience des sentiments positifs comme l'amour, la gratitude et la révérence qui connectent les gens à ce qui est plus large qu'eux mêmes. La spiritualité induit des sentiments profonds et agréables ce qui rend sa présence cruciale dans l'accomplissement de la richesse psychologique. Elle peut être atteinte par plusieurs moyens, comme la prière, le chant des hymnes religieux, le jeûne, la méditation et plusieurs autres. Il s'est avéré aussi que les pratiques spirituelles ont des effets positifs sur le cerveau humain. Parmi les expérimentations les plus remarquables à ce propos, nous trouvons celles de Richard Davidson, un neuroscientifique de renommée de l'université de Wisconsin. Dans une étude, il a comparé entre l'activité électrique du cerveau d'un groupe de moines bouddhistes qui ont passé des années de réflexion spirituelle, de méditation et de silence et celle d'un groupe témoin d'étudiants universitaires. Les résultats de la

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recherche étaient stupéfiants. Non seulement les modèles d'ondes cérébrales positives des moines étaient d'environ trente fois aussi fortes que celles des étudiants, mais plus des zones du cerveau semblaient également être activées. En particulier, le cortex préfrontal gauche était très actif chez les moines. Cette zone du cerveau, comme il s'avère, est également associée à l'expérience des émotions positives. 1 c) Les valeurs : Nous avons vu précédemment que le contact positif avec les autres améliore la qualité de notre bien-être subjectif au long comme au court terme. Les valeurs de leur part jouent un rôle très important dans l'amélioration de nos comportements avec les autres, qu'on soit des transmetteurs ou des récepteurs. L'honnêteté, l'empathie, la générosité, l'amour et les bonnes intentions influencent la manière avec laquelle nous interprétons ce qui se passe autour de nous et nos façons de réagir. Les valeurs influencent aussi l'orientation de nos activités dans la vie, elles nous poussent à y instaurer des principes et nous mènent à chercher des vies significatives. Ceci est très important pour la satisfaction de vie comme nous allons voir au paragraphe suivant. Finalement, des études ont révélé que les enfants qui grandissent dans des environnements religieux tendent à être plus heureux en tant qu'adultes, plusieurs facteurs peuvent en être responsables et un d'eux est la présence d'un système de valeurs au sein de la famille.2 d) Un sens et une raison de la vie : "Le sentiment de signification est une des choses les plus importantes qu'une religion puisse offrir à ses adeptes. La religion aide les gens à mieux comprendre leur monde et donne une raison large à leur existence. Plus que toute activité humaine, la religion lie les gens à ce qui est plus grand qu'eux-mêmes. Même les vies les plus misérables acquièrent une signification dans le contexte d'une religion."3 Le professeur Seligman différencie dans son approche du bonheur entre le bienêtre subjectif lié aux plaisirs et celui basé sur une vie significative qui a un but global. Les plaisirs quotidiens de la vie comme les jeux vidéos, la télé où la bonne gastronomie sont rarement liés à un sens profond de la satisfaction de vie. Un bonheur complet 1

Richard J. Davidson," Emotion regulation, happiness, and the neuroplasticity of the brain", Advances in Mind-Body Medicine, 2005,volume 21, pp.25–58. 2 Ed Diener et Robert Biswas-Diener, op.cité., p.121. 3 Ibid., p.120.

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requiert une balance entre la vie de plaisir et la vie de sens. Beaucoup de plaisirs sans objectif peut être destructif, être hédoniste sans poursuivre un but laisse les gens se sentir vides de l'intérieur. Encore plus, beaucoup de sens sans réellement se sentir bien laisse à désirer. Comment conférer un sens à sa vie ? La religion en est une des sources valables. Plusieurs religions comprennent les raisons fondamentales de l'existence humaine, leurs adhérents attribuent un sens à leurs vies à travers ses explications, par leur croyance au mystique et au système de valeurs qui y est incorporé. Que leurs vies soient dévouées à l'entraide, à faire le bien pour atteindre le Paradis ou pour être en accord avec leurs valeurs, la religion est une source de motivation pour mener des vies qui se concentrent sur l'autre plus que sur soi. e) Les pratiques religieuses : Chaque religion a ses propres rituels et observances, les unes peuvent avoir des ressemblances, d'autres nullement. Cependant, pratiquer les observances de sa religion, en présence de la foi, procure un état de bien-être mental et psychologique. La gratitude est par exemple une des habitudes qu'on peut acquérir à travers les pratiques religieuses. En Islam, une des finalités de tout acte d'adoration de Dieu est d'exprimer sa reconnaissance aux bénédictions dont l'individu jouit. Cette habitude nous apprend à être modestes et à être reconnaissants à tout ce qui rend notre vie meilleure. Les bienfaits de la gratitude sont très tangibles quand il s'agit de la satisfaction de vie. Selon la recherche du psychologue Robert Emmons sur les bienfaits de la gratitude, une forte liaison existe entre le bonheur et la pratique de la gratitude. Il l'explique du fait que quand les gens se sentent reconnaissants, ils ne se concentrent pas seulement sur les aspects positifs de leurs vies mais aussi sur comment les autres les ont aidés, ainsi le sentiment de gratitude génère un désir d'offrir de l'aide en retour. Ceci crée chez l'individu des émotions positives liées à la satisfaction de vie et à l'estime de soi à travers le partage. D'autres études ont démontré des effets directs des pratiques religieuses sur l'état psychologique du pratiquant. Selon une étude conduite à Zahedan University of Medical Sciences au sud-est de l'Iran, l'écoute de la récitation du Coran sans musicalité aide à

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atteindre un grand état de calme et à améliorer la santé mentale significativement.1 D'autres ont démontré, à travers une analyse spectrale EEG de la prière chez les musulmans, qu'au cours de la prostration (en cas de récit des supplications et en acte physique seulement) le cerveau connait une activité parasympathique appelée "réponse de relaxation" qui consiste en un ensemble de réactions corporelles qui engendrent un état général de calme et de contentement.2 Ces découvertes démontrent une forte relation entre le bien-être émotionnel et les pratiques religieuses ce qui encourage à les prendre en considération de manière régulière. f) Le sentiment d'appartenance à la communauté : La solidarité, la fraternité et l'union sont des virtus que la plupart des religions chérissent et prêchent dans les sociétés. En Islam, le concept de fraternité est omniprésent. Les musulmans sont tous des frères et sœurs de par leur appartenance à la Oumma, la grande communauté musulmane. La croyance d'un musulman n'est complète que s'il désire pour son frère ce qu'il désire pour soi. Aussi, tout homme musulman est sollicité à prier en groupe à la mosquée pour avoir plus de bénéfices. De même, plusieurs traditions juives invitent à une mentalité d'adoration en groupe. Une maxime commune implique que la Torah ne peut être étudiée individuellement, ainsi les juifs se réunissent en Minyan, des groupes de prière de 10 personnes ou plus. En Christianisme aussi, les Mormons sont bien connus pour le temps qu'ils passent ensemble dans les activités de l'église. Être membre d'une communauté spirituelle fournit un sentiment d'appartenance et d'identité commune. Des théoriciens estiment que le soutien offert par la religion est particulièrement important pour les personnes socialement marginalisées. En effet, le sentiment d'appartenance spécifique à la religion chasse les sentiments d'inquiétudes à la connaissance qu'il y a des personnes prêtes à donner de l'aide en cas de difficulté. Neal Krause est un chercheur qui a été intéressé par les bénéfices du support social à l'église. Il a collecté des informations sur le support social, le stress financier, la santé et d'autres variables de plus de mille chrétiens de troisième âge en 2001, puis il les a suivis en 2004. Il est sorti avec deux conclusions majeures. La première est le fait que la réception et la fourniture du support aux confrères aide à soulager les soucis 1

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Sharif kaf Al-Ghazal, S.," Medical Miracles of the Qur'an", 2013, Kube Publishing Ltd. Doufesh H, Faisal T, Lim KS, Ibrahim F,"EEG spectral analysis on Muslim prayers", 2012.


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d'argent. La deuxième est que plus une personne assistait fréquemment à la messe plus elle était susceptible d'être toujours en vie les trois ans qui suivent.1Nous en déduisons que derrière le sentiment d'appartenance se cache un sentiment de sécurité dont nous avons tous besoin pour dépasser les moments de stress. Tout compte fait, les enseignements qu'on peut tirer des religions résident dans l'importance de chercher un but à sa vie, de cultiver sa spiritualité et de s'ouvrir aux autres. Si on est adepte d'une croyance, nous devrons nous remémorer de ses valeurs et de pratiquer ses observances régulièrement. 2.4) La santé : La santé physique et mentale est vitale. Elle nous offre la capacité d'être actifs dans la société. Néanmoins, elle n'est réellement appréciée que lorsqu'on la perd ou quand on est en contact avec des personnes malades. Il est donc important d'être en bonne santé pour un bon fonctionnement et d'en être conscient pour exprimer sa reconnaissance et se sentir bien à propos de sa vie. Notre perception subjective de notre santé est même plus importante que notre état de santé objectif. Ceci est tributaire de notre capacité d'adaptation aux adversités et d'être toujours en mesure d'évaluer positivement sa santé même si on est assez faibles. Il reste vrai que les maladies très sévères détériorent le degré du bonheur que ça concerne la satisfaction de vie ou le bien-être émotionnel, cependant les maladies modérées n'affectent que ce dernier, la satisfaction de vie est légèrement atteinte. D'un autre point de vue, des chercheurs ont démontré à travers une étude guidée par le professeur Sheldon Cohen en Pennsylvanie2, que la santé n'est pas seulement une raison du bonheur mais une conséquence aussi. Les gens heureux sont moins susceptibles de tomber malades, leur système immunitaire est plus performant et guérissent plus vite que les personnes en détresse. Il a été prouvé aussi qu'il y a une forte corrélation entre la longévité et les émotions positives. Il s'est avéré que les personnes heureuses vivent plus longtemps que celles malheureuses ou négatives.3

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Neal Krause,"Church-based social support and mortality", Journals of Gerontology, ser. b: Psychological Sciences and Social Sciences, 2006, volume 61, B:S140– S146. 2 Ed Diener et Robert Biswas-Diener, op.cité., pp.30-32. 3 Deborah D. Danner, David A. Snowdon, et Wallace V. Friesen, "Positive Emotions in Early Life and Longevity: Findings from the Nun Study", Journal of Personality and Social Psychology, 2001, Volume. 80, No. 5, pp.804-813.

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En gros, avoir une bonne santé est une fondation d'une bonne qualité de vie et être positif est un facteur important quand il s'agit de vivre longtemps ou de guérir plus vite. 2.5) L'engagement dans un travail significatif : "Étant donné que la majorité des gens passe une grande partie de sa vie au travail, il est essentiel d'acquérir une solide compréhension du rôle que jouent l'emploi et le milieu de travail dans la formation du bonheur des individus et des communautés du monde entier."1 Amy Wrzesniewski, une chercheure à l'université de Yale, a distingué entre trois orientations du travail : l'emploi, la carrière et l'appel. Si le seul objectif du travail est la rémunération matérielle, il est donc un simple emploi que la personne ne recommanderait probablement pas à ses amis ou à ses enfants. Elle s'en débarrasserait une fois qu'elle assurera une autre source de suffisance matérielle. La carrière, quant à elle, entraine un investissement personnel plus profond au travail. La personne aime des facettes du travail mais pas toutes. Elle travaille durement dans le but d'atteindre un privilège (statut, augmentation de salaire,...). Dans ce cas, les retours du travail sont beaucoup plus importants que la jouissance dérivée du travail lui-même. Et finalement, l'appel ou la vocation est quand la personne perçoit son travail significatif et notable. Elle arrive à sentir son importance pour la société et travaille honnêtement pour l'accomplir. C'est un engagement passionné au travail pour le travail. "Traditionnellement; les appels étaient réservés aux prêtres de travail très prestigieux et raréfiés, aux juges de la Cour suprême, aux médecins et aux scientifiques. Mais il y a eu une découverte importante dans ce domaine: tout travail peut devenir un appel, et tout appel peut devenir un emploi. Un médecin qui considère le travail comme un emploi et qui s'intéresse simplement à faire un bon revenu n'a pas d'appel, tandis qu'un collecteur d'ordures qui considère son travail comme faisant du monde un endroit plus propre et plus sain pourrait avoir un appel."2 Ceci montre que l'attitude personnelle face au travail est plus importante que la nature du métier. Généralement, les personnes qui perçoivent leurs métiers comme des appels sont plus heureuses, au travail comme à la maison. Le bonheur des employés est aussi avantageux aux entreprises. Des recherches récentes montrent que 1

Helliwell, J., Layar, R.et Sachs, J, " World Happiness Report 2017", New York: Sustainable Development Solutions Network, 2017, p.145. 2 Martin E.P. Seligman, op.cité.

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le travail et l'emploi ne sont pas seulement des moteurs du bonheur, mais que le bonheur peut aussi contribuer à façonner les résultats du marché du travail, la productivité et même la performance de l'entreprise. De Neve and Oswald (2012), Oswald, Proto, et Sgroi (2015), Edmans (2011). 1 2.6) Les activités d'épanouissement émotionnel : L'expérience des émotions positives est une partie importante du bonheur intégral. Comme nous avons vu au paragraphe {1.2}, il existe des émotions positives orientées vers le passé, les unes vers le futur et d'autres sont relatives au présent. Quand on parle d'activités d'épanouissement émotionnel, nous parlons précisément d'activités qui nous fournissent un bien-être émotionnel au présent. Ce genre d'activités adoucit notre humeur et rend la vie moins difficile. Elles peuvent prendre la forme d'une journée passée à la plage, d'un après-midi entre amis ou famille, d'une excursion au parc d'attraction, d'un voyage touristique, d'une promenade ou même d'une bonne douche chaude. Ces activités planifiées au cours de nos occupations habituelles servent à casser la routine et à augmenter notre apport en affects positifs. C'est aussi une opportunité pour renforcer nos liens sociaux et s'ouvrir au monde. Des règles existent pour que ces activités gardent leur effet au fil du temps. Conçues comme une source de bonheur éphémère, elles doivent tout d'abord être réparties sur des intervalles pour empêcher l'habituation. Ces activités doivent garder leur caractéristique de nouveauté et de changement pour pouvoir procurer une sensation de plaisir. Une deuxième règle est d'apprendre à savourer les moments, d'être délibérément conscient de l'expérience du ravissement. Et finalement, il faut pratiquer la pleine conscience exprimée en anglais par le terme "Mindfulness" qui est l'opposé des actions et réactions automatiques sans réelle réflexion. La pleine conscience exige un état d'esprit lent, attentionné au présent. Les gratifications sont aussi une forme d'activités d'épanouissement émotionnel. Elles ne procurent pas une sensation instantanée de plaisir accompagnée d'émotions positives mais elles les épargnent à la fin sous-forme de rétrospectives de jouissance. Ces activités sont caractérisées par la sensation d'arrêt de temps. Elles sont 1

Ghozlane Fleury-Bahi, op.cité.

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généralement des hobbies qui incluent : la concentration, le défi, le talent, des objectifs à atteindre, un engagement profond et sans effort, la disparition de l'autoconscience et l'arrêt de temps. Mihaly Csikszentmihalyi, le psychologue derrière la théorie du "flow" ou la sensation d'arrêt de temps, explique que la sensation du "flow" a des bénéfices à l'avenir d'une personne, c'est une source de capital psychologique qui lui permettra de réussir dans différents aspects de sa vie ultérieure. Les règles qu'on a citées en haut ne s'appliquent pas à ce genre d'activités puisqu'elles fournissent un bienêtre émotionnel différent des plaisirs. 2.7) Conclusion On conclut que l'équilibre psychique, physique et social d'un individu ne peut être atteint que lorsque plusieurs aspects de sa vie s'épanouissent parallèlement et harmonieusement. Il nous a été convenu d'appeler ces aspects "des sources du bonheur" parce que leur existence produit un impact positif quant à la satisfaction de vie et le bien-être émotionnel d'une personne.

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Jadis, considéré comme un sujet subjectif propre aux philosophes, aujourd'hui le bonheur est devenu un objet des études scientifiques pour lequel des méthodes de mesures ont été élaborées. Variant des mesures biologiques des hormones du bonheur à la simple question "êtes-vous heureux?", ces mesures nous ont révélé plusieurs vérités sur le bonheur.

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3- Mesurer le bonheur

3.1) Les mesures à l'échelle individuelle : a) L'auto-évaluation du bonheur: D'après le professeur Ed Diener, une des méthodes les plus fiables et les plus fréquentes pour mesurer le bonheur d'une personne est de lui poser directement la question simple : Êtes-vous heureux/heureuse ? Il s'avère que les gens sont compétents quand il s'agit de surveiller leurs propres émotions et de savoir à quelle intensité ils expérimentent le bonheur. Néanmoins, des personnes peuvent être gênées à rapporter honnêtement leur degré de bien-être subjectif. Les chercheurs procèdent dans ce cas à rassembler des données concernant leur bonheur de la part de leurs entourages: famille et amis. En addition, les sujets de l'étude peuvent être incités à invoquer des mémoires de leurs vies dans un court laps de temps. Les personnes heureuses tendent à se souvenir des moments de joie plus que les moments de détresse alors que c'est le contraire pour les personnes tristes. Ce type d'études qui rassemble plusieurs méthodes est mené à petite échelle traitant seulement 30 à 50 sujets par fois contrairement aux enquêtes qui traitent une centaine de pays. Parmi les moyens d'auto-évaluation du bonheur, nous avons le bilan de la richesse psychologique. Il contient trois sections, chacune comprend des assertions auxquelles la personne doit donner une note allant de 1à5 ou de 1à7 selon un principe donné. Ces sections se présentent comme suit : - L'échelle de la satisfaction de vie : elle permet de savoir si la personne est satisfaite des circonstances actuelles de sa vie et si elle perçoit le déroulement de sa vie en voie d'amélioration ou de déclin. Cette échelle a été développée par Ed Diener, Robert A. Emmons, Randy J. Larsen et Sharon Griffin.

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- La balance du bien-être émotionnel : elle permet de calculer le score des émotions positives et des émotions négatives vécues les quatre semaines précédentes et d'en tirer le résultat de l'équilibre émotionnel d'une personne. Ceci permet de savoir lesquelles des émotions une personne expérimente le plus. Ces informations sont des signes de la qualité de la vie émotionnelle d'un individu et invitent à prendre les mesures nécessaires au cas où une personne vit souvent des sensations négatives comme la colère ou l'anxiété qui peuvent nuire à son bien-être général. - L'échelle du fleurissement psychologique : cette section évalue les aspects essentiels de la vie d'une personne comme l'importance des activités auxquelles elle est engagée, la qualité de ses relations sociales, ses habitudes sanitaires, sa suffisance matérielle, sa perception de l'avenir ..etc. Une personne qui marque un score élevé dans cette section signifie qu'elle fleurit à travers ces différents aspects. Le rassemblement des résultats des trois sections permet d'obtenir un profil de bonheur. Ce n'est pas évident d'avoir un très haut score dans toutes les catégories, mais avoir les deux tiers promeut une bonne vie. Cependant avoir un très bas score à la balance des affects (positives et négatives) réduit considérablement la joie de vivre. C'est difficile d'enregistrer un score élevé à l'échelle du fleurissement ou de la satisfaction de vie quand une personne est déprimée. Le but général de ce bilan est de déterminer les aspects de la vie qu'une personne doit améliorer pour jouir d'une vie plus rémunératrice. b) Les mesures biologiques : Les mesures des niveaux de sérotonine ou de dopamine circulant dans des parties du cerveau ou du cortisol circulant dans le sang durant la journée prédisent l'état émotionnel de l'individu. La sérotonine et la dopamine sont des hormones liées à des sensations de joie et de bonheur alors qu'un haut niveau de cortisol dans le sang est signe de stress. D'autres recherches basées sur les technologies de l'imagerie cérébrale ont démontré qu'il y a une activité cérébrale spécifique au bonheur1. Il apparait que le cortex préfrontal gauche présente une activité élevée chez les personnes heureuses

1

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Les travaux du professeur Richard Davidson sur les neurosciences affectives.


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alors que c'est le cortex préfrontal droit qui est plus actif chez les personnes tristes, négatives ou déprimées. Une autre méthode investiguée par le chercheur John Cacioppo consiste à mesurer, à travers des électrodes, les micros mouvements des muscles faciaux liés à différentes émotions. Il expose les participants à des images présentant des objets plaisants, neutres ou déplaisants et enregistre l'intensité de leurs réactions. A l'aide de cette méthode, il a découvert que les personnes heureuses ont tendance à réagir positivement même aux images présentant des objets neutres comme une simple chaise. Ceci signifie, qu'en absence de menaces, les personnes heureuse perçoivent positivement un environnement normal. Prises ensembles, ces différentes méthodes tendent à converger. Les scans du cerveau, à titre d'exemple, montrent une activité du cortex préfrontal gauche cohérente avec les rapports du bonheur auto-évalué. Aussi, quand une personne dit qu'elle est heureuse ou malheureuse, souvent sa famille et ses amis attestent de même. Les convergences observées prouvent la validité de ces méthodes et des résultats obtenus. Il existe parfois des divergences, comme le fait qu'une personne juge sa vie malheureuse alors que son entourage la voit heureuse, ce qui laisse entendre la présence d'un certain problème chez la personne concernée. 3.2) Les mesures à l'échelle des nations : a) Le rapport du bonheur mondial (l'ONU): En 2012, l'organisation des nations unies (ONU) a défini le 20 Mars comme la journée mondiale du Bonheur et depuis elle sort chaque année un rapport du bonheur mondial intitulé "World Happiness Report". Elle y classe les différentes nations selon le bien-être subjectif de leurs peuples, et cherche à expliquer les variations observées à travers des facteurs objectifs et d'autres subjectifs. Le rapport a aussi comme objectifs d'évaluer les politiques d'un pays et son progrès social et de guider les gouvernements à prendre en considération le bien-être subjectif de leurs populations dans leurs différentes stratégies. Pour mesurer le bien-être subjectif, le rapport se base principalement sur l'évaluation individuelle de la vie formulée par l'échelle de Cantril comme suit : « Voici une échelle qui représente l’échelle de la vie. Supposons que le sommet de l’échelle représente la

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vie la meilleure pour vous, et le bas de l’échelle la vie la pire pour vous. Où vous situez-vous personnellement sur cette échelle en ce moment ? ». Les réponses sont rassemblées de presque 1000 personnes par an dans chaque pays des 150 ou plus traités. Les analyses présentées se référent à la moyenne des scores de chaque pays durant une période de trois ans. Le rapport de 2017, à titre d'exemple, comprend la moyenne de la somme des résultats de chaque pays des années 2014, 2015 et 2016. Les éditeurs du rapport argumentent le choix de cette méthode par le fait que la satisfaction de vie englobe la qualité de vie dans son ensemble de manière plus complète et plus stable que les rapports émotionnels basés sur les expériences quotidiennes. Ceci est dû à deux grandes raisons. D'abord, les réponses à l'évaluation de vie sont plus liées aux circonstances de la vie que les rapports des émotions. Ensuite, les scores de l'évaluation de vie révèlent des différences plus prononcées entre les différents pays et nations. Le choix de cette méthode à la place d'un indice formé de facteurs objectifs influents le bonheur est dû aussi à la force que donne le jugement personnel à la crédibilité des statistiques, en plus de la possibilité que les facteurs du bonheur choisis soient dépendants des avis de ceux qui les mettront. Il s'avère donc que la méthode choisie soit la plus crédible. Dans un deuxième temps, les éditeurs cherchent les variantes qui créent les différences de classement entre pays. Il les ont réduit à six facteurs : -

Le PIB par habitant, L'espérance d'une vie en bonne santé, Le soutien social (mesuré par la présence d'une personne sur qui compter en cas de difficultés), La confiance (mesurée par une absence perçue de la corruption au sein du gouvernement et des entreprises), La liberté perçue pour prendre des décisions à propos de sa vie, La générosité (mesurée par des dons récents).

Les dix premiers pays sur l'échelle de la satisfaction de vie, sont aussi ceux classés hautement par rapport à ces six facteurs.

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Dans une initiative personnelle, Pierre Lorry, le fondateur du site "Globeco.fr", a mis en place un indice de bonheur mondial. Cet indice est fondé sur la définition suivante d'un monde heureux :

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b) L'indice du bonheur mondial (IBM):

"Un monde ou un pays heureux c'est : - Où on vit en paix et en sécurité, - Où on vit en liberté et en démocratie, et où les droits de l’homme sont respectés, - Qui connaît une qualité de la vie importante, - Où la recherche, la formation, l’information, la communication et la culture sont partagées par tous".1 C'est un indice qui repose principalement sur des indicateurs objectifs contrairement au rapport de l'ONU. Ceci est fait dans le but de distinguer entre le bonheur collectif et celui personnel/individuel, deux concepts complémentaires mais différents. Selon Pierre Lorry, le bonheur collectif est défini comme " l’ensemble des conditions qui font que, dans le monde entier d’une part, et dans chaque pays d’autre part, les personnes ont plus ou moins de possibilités d’être heureux"2. Alors que pour lui, le bonheur individuel dépend de la compréhension de chacun de son propre bonheur. Les indicateurs qui composent l'indice sont en nombre de 40, 10 dans chaque section : paix, démocratie, qualité de vie et culture. Ainsi, pour une année donnée, L’IBM est la moyenne de ces 40 indicateurs. Calculé initialement pour l’an 2000, et mis pour cette année au niveau 100, l’IBM évolue chaque année, en hausse ou en baisse, en fonction de la moyenne obtenue. Les résultats supérieurs à 100 traduisent une augmentation du bonheur mondial et les résultats inférieurs à 100 traduisent une diminution du bonheur mondial. Pour procéder au calcul, Pierre Lorry se base sur les statistiques tirées des rapports des organismes internationaux comme le PNUD, la Banque mondiale, OMS, SIPRI, Amnesty, HCR..etc.

1 2

www.Globeco.fr http://www.oib-france.com/lindice-du-bonheur-mondial-pierre-leroy/

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Partie I : Le bonheur humain

L'Islam est la religion pratiquée par plus de 93% des Marocains1 et influence plusieurs aspects de leur vie quotidienne. La conception de l'Islam du bonheur est donc une des clés pour comprendre la perception des Marocains de ce concept. Les sources majeures et authentiques de la doctrine musulmane sont le Coran et les Hadiths du prophète Mohammed (que la paix et le salut d'Allah soient sur lui) "la Sunna". Ainsi, les différents concepts et principes dont nous allons parler dans cette partie s'y réfèrent. Le terme arabe "Assaâda" équivalent au terme bonheur n'a été cité au Coran que deux fois2, faisant allusion à ce que le vrai bonheur ne peut être acquis qu'en Paradis, et que notre vie sur terre a été destinée à l'imperfection, nulle vie ne peut être complète. Cependant, il existe plusieurs autres concepts liées à la qualité de vie comme "la bonne vie à l'opposé de la vie de misère ", "la Grâce" et "l'état de tranquillité psychologique".

1- La bonne vie : "Al Hayat Attayiba" Dans le verset coranique[97] de Sourate An-Nahl, Allah dit :" Quiconque, mâle ou femelle, fait une bonne œuvre tout en étant croyant, Nous lui ferons vivre une bonne vie. Et Nous les récompenserons, certes, en fonction des meilleures de leurs actions."3 La bonne vie dans ce verset est conditionnée par deux choses : les bonnes œuvres et la croyance. Les bonnes œuvres signifient tout acte de bonne nature qui a été entrepris pour une bonne fin. La croyance en Islam signifie un état de certitude de l'existence de Dieu, de ses anges, de ses messagers, des livres saints, du jour du jugement final et du destin. Dans un sens large, c'est un état de paix qui découle de la bonne foi. Allah dans ce verset promet les bons croyants qui œuvrent pour le bien une bonne vie. Quelle est donc cette vie ? et qu'est-ce qui la caractérise ?

1 2 3

Dernière enquête du Gallup de l'an 2015. Versets coraniques 105 et 108 de Surate Houd .

ِ ِ ِ ‫من ع ِمل‬ Traduction de Dr Muhammad Hamidullah du verset coranique : " ً‫حيَاةً طَيِّبَة‬ َ َ َْ َ ُ‫صاِلًا ّمن ذَ َك ٍر أ َْو أُنثَى َوُى َو ُم ْؤم ٌن فَلَنُ ْحيِيَ نَّو‬

‫َح َس ِن َما َكانُواْ يَ ْع َملُون‬ ْ ‫َجَرُىم ِ​ِب‬ ْ ‫َّه ْم أ‬ ُ ‫"ولَنَ ْج ِزيَن‬: َ ٩٧‫النحل‬

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َ


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La bonne vie, selon le professeur Annabulsi-un des savants musulmans contemporains- n'est pas dépendante des ressources matérielles destinées à l'extinction comme la fortune ou le pouvoir. C'est un état de bien-être psychique et physique, c'est une satisfaction des besoins matériels, un statut respectueux au sein de la société et un foyer serein. La bonne vie est l'état du bien-être résultant de la balance entre nos besoins matériels et nos besoins spirituels. 1 Le prophète Mohammed (que la paix et le salut d'Allah soient sur lui), nous enseigne dans un Hadith que le bon croyant n'expérimente que le bien, que ça soit dans les bonnes circonstances ou les mauvaises et ceci grâce à sa gratitude et à sa patience.2 Ceci implique que grâce à la foi l'attitude de la personne musulmane reste positive indépendamment de ses circonstances. La bonne foi et la croyance sont donc une source de bien-être en Islam. Concrètement, en apprenant au musulman d'être reconnaissant et remerciant son bien-être émotionnel augmente, et en deuxième lieu en lui apprenant à rester calme face aux calamités de la vie le rend plus fort psychiquement. Un bon croyant a une certitude qu'il n'est pas seul face à la vie et cela le renforce pour faire face aux différentes difficultés. Implicitement, la croyance instaure une paix et une tranquillité aux cœurs des croyants, c'est un aspect ressenti intangible.

2- L'état de tranquillité psychologique : "Attoma'inina" L'état de tranquillité est mentionné au Coran treize fois sous des formes variées désignant l'état de calme et l'absence de turbulence. Il signifie aussi l'autosatisfaction et la sérénité. 3 Le terme et sa forme employée (verbe ou nom) ont des significations très précises au Coran et dépendent largement du contexte. Dans le sens du calme et de la stabilité, le terme de tranquillité est souvent suivi par celui du "cœur" comme dans le verset 28 de Surate Ar Ra'd où Allah le tout-puissant dit: "Ceux qui ont cru, et dont les cœurs se tranquillisent à l'évocation d'Allah. N'est-ce point par l'évocation 1 2

http://www.nabulsi.com/blue/ar/art.php?art=5779&id=44&sid=46&ssid=48&sssid=49 le sens tiré du Hadith: ‫ إن أصابتو ضراء صرب فكان خرياً لو‬،‫ وليس ذاك ألحد إال للمؤمن‬،‫ عجباً ألمر املؤمن إن أمره كلو خري‬: ‫مصداقا لقول النيب ملسو هيلع هللا ىلص‬

‫وإن أصابتو سراء شكر فكان خرياً لو " رواه مسلم‬ 3

‫ ﺍﻟﻌﺪﺩ‬،‫ ﺍﻟﻤﺠﻠﺪ ﺍﻟﺴﺎﺩﺱ‬، ‫ ﻣﺠﻠﺔ ﻛﻠﻴﺔ ﺍﻟﻌﻠﻮﻡ ﺍﻹﺳﻼﻣﻴﺔ‬، ‫ﺩﺭﺍﺳﺔ ﺩﻻﻟﻴﺔ‬: ‫ ﺍﻟﺴﻜﻴﻨﺔ ﻭﺍﻟﻄﻤﺄﻧﻴﻨﺔ ﻓﻲ ﺍﻟﻘﺮﺁﻥ ﺍﻟﻜﺮﻳﻢ‬،‫ﺻﻼﺡ ﺍﻟﺪﻳﻦ ﺳﻠﻴﻢ ﻣﺤﻤﺪ‬. ‫ﻡ‬. ‫ﻡ‬ 2012،‫ﺍﻟﺜﺎﻧﻲ ﻋﺸﺮ‬

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Partie I : Le bonheur humain

d'Allah que se tranquillisent les cœurs? 1" Ceci met en évidence l'aspect émotionnel de la tranquillité. Dans un autre sens, le même terme de tranquillité connote l'apaisement dérivé de la satisfaction et de la foi, d'où l'aspect cognitif de l'état. Dans Sourate Al Fajr, Allah interpelle l'âme croyante par :"Ô toi, âme apaisée (27) retourne vers ton Seigneur, satisfaite et agréée (28) entre donc parmi Mes serviteurs (29) et entre dans Mon Paradis (30)"2, il est à noter que le mot arabe du verset original du terme "apaisée "est un adjectif dérivé de "tranquillité". Ce qui est spécifique au concept de tranquillité en Islam c'est que c'est un état constant invariable dès qu'il est acquis. Le savant AbduAllah Al Ansari El Haroui définit la tranquillité par un état de calme lié à une sécurité psychologique, au repos et au contentement de la compagnie de Dieu.3 La tranquillité peut être appréhendée comme une forme de conception du bien-être subjectif en Islam parce qu'elle implique un état psychologique agréable à l'âme et bénéfique à l'Homme. C'est un aspect qu'on tire de l'attachement à Dieu et de la satisfaction vis-à-vis du destin quel qu'il soit.

3- La Grâce : An-Niâma En arabe, le terme "Grâce"4 exprime tout ce qui rend la vie de l'Homme agréable, elle peut être matérielle ou immatérielle, quantitative ou qualitative. Selon le savant Raghib Al-Asphahani, la grâce représente l'état du bien. Elle est synonyme de prospérité, de confort, de bénédiction et de plaisirs en opposition avec la misère. Les Grâces sont des dons d'Allah garantis à l'humanité, elles sont nombreuses et innombrables. Quelques unes sont citées clairement dans les Hadiths du prophète (que la paix et le salut d'Allah soient sur lui), comme celui rapporté par Ibn Abbas (Allah l'agrée) où le prophète met la lumière sur deux bénédictions que plusieurs personnes n’apprécient pas à leur juste valeur : la santé et le temps libre, dans une autre version : la santé et la sécurité 5. Leurs bienfaits, selon l'explication des savants, doivent être investis dans l'obéissance de Dieu sinon elles ne seront pas ِ ِ ‫"الَّ ِين منُواْ وَ ْمِ ُّنن قُلُوب هم بِ ِ ْك ِر ااِ أَالَ بِ ِ ْك ِر‬: 28 ‫الرعد‬ la traduction du verset coranique: "‫وو‬ ّ ّ ُ​ُ ُ ُ‫اا َ ْ َم ُّنن الْ ُقل‬ َ َ َ َ 2 ِ ِ‫كر‬ ِ​ِ ِ ِ​ِ la traduction du verset coranique ‫) َو ْاد ُخلِي َجن َِِّت‬29 ( ‫) فَ ْاد ُخلِي ِ​ِف ِعبَ ِادي‬28 ( ً‫اضيَةً َم ْر ِضيَّة‬ َ ّ‫) ْارجعي إ َ​َل َرب‬27 ( ُ‫س ال ُْم ْ َم نَّة‬ ُ ‫" َ​َي أَيَّتُ َها النَّ ْف‬: ‫الفجر‬ ")30( 1

3 4 5

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‫ َ​َبو ال مأنينة‬59 ، ‫ منازل السائرين‬،‫عبد هللا األنصاري اهلروي‬

‫ﺍﻟﻨِّﻌﻤﺔ‬ ِ (( :‫ قال النيب ملسو هيلع هللا ىلص‬:‫عن عبد هللا بن عباس رضي هللا عنهما قال‬ le sens tiré du Hadith : ‫ الصحة والفراغ))؛ رواه البخاري‬:‫نعمتان مغبو ٌن فيهما كثريٌ من الناس‬


Partie I :Le bonheur humain

bien exploitées et du coup ne seront pas appréciées à leur juste valeur. Dans un autre Hadith, le prophète (que la paix et le salut d'Allah soient sur lui) dit: « Quiconque, parmi vous, se réveille en toute sécurité, dans sa maison, en bonne santé et ayant à sa disposition suffisamment de nourriture pour la journée, c’est comme s’il possédait le monde entier et tout ce qu’il contient. »1. Le contentement envers la subsistance que Dieu nous accorde, qu’elle soit importante ou minimale, équivaut au contentement envers la vie en général et c’est là que réside la plus grande richesse que puisse posséder une personne. En plus de la jouissance des bénédictions elles-mêmes, leur perception consciente est très valorisée et même plus importante au contentement de la personne. Etre béni et le sentir pleinement est vital pour la satisfaction de vie et pour exprimer sa gratitude vis-à-vis des aspects positifs de sa propre vie. Les Hadiths soulignent aussi que se suffire du minimum et renforcer sa croyance est plus crucial à la bonne vie que tout ce que les richesses matérielles puissent apporter2.

4- Les bonnes actions Etre un bon croyant ne suffit guère à l'accomplissement du bien-être subjectif à la vie d'ici-bas. A travers plusieurs versets coraniques3 et Hadiths du prophète4 (que la paix et le salut d'Allah soient sur lui), on apprend qu'un bon musulman ne doit pas être plié sur soi , qu'il doit chercher le bien des autres pour qu'il puisse trouver son propre bonheur. Les bonnes actions peuvent prendre plusieurs formes, comme le cite le Hadith suivant du prophète (Prière et paix sur lui): « Quelles sont les meilleures de toutes les actions? Réjouir le cœur d’une personne, nourrir celui qui a faim, aider celui qui est éprouvé, alléger le chagrin de celui qui est chagriné, et alléger les souffrances de celui qui est blessé.» (rapporté par El Boukhari) . Ibn Majah, Al-Hakim. Al-Albani l’a également classé authentique dans al-Silsilah. Sa version arabe : ‫"من أصبح منكم مناً ِف سربو‬ ".‫ فكأمنا حيزت لو الدنيا ِ​ِبَ َ افِ ِريَىا‬، ‫ عنده قوت يومو‬، ‫معاىف ِف جسده‬

1

2

Le prophète (que la paix et la bénédiction d'Allah soient sur lui) dit :« Il est difficile pour celui chargé de richesses de grimper la route escarpée qui mène à la félicité. » (dans le livre de Mouslim). 3 Surate Ar Ra'd, verset 29: " Ceux qui croient et font de bonnes œuvres, auront le plus grand bien et aussi le plus bon retour." 4 Le prophète (que la paix et la bénédiction d'Allah soient sur lui) dit: "Heureux soit celui qui réunit en lui la longue vie et la bonne action". Rapporté par al-Tabarânî en citant 'Abdullah Ibn Buchr.

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Partie I : Le bonheur humain 56

5- Conclusion Finalement, si on formule une définition du bonheur en Islam, ça serait un état de calme et de sérénité acquis à travers la foi en Dieu et les bonnes actions envers les autres. C'est une satisfaction vis-à-vis des circonstances de la vie et une suffisance matérielle du minimum avec la conviction que cette vie d'ici-bas n'est qu'un passage et que le bonheur véritable est celui retrouvé au Paradis.


Partie I :Le bonheur humain

Après ce voyage dans la science du bonheur et la réflexion musulmane à ce sujet, la multi-dimensionnalité du bonheur s'annonce très prononcée et fait référence à sa subjectivité. C'est une notion qui repose sur une conception, une attitude et des choix personnels par rapport aux différents aspects de la vie. Etre heureux c'est penser et se sentir bien à propos de soi, c'est vivre des moments de joie d'un temps à l'autre et être résilient face aux moments difficiles. Etre heureux, c'est être épanoui à travers les différents centres d'intérêt que ça soit au travail, au sein de sa famille et ses amis, par rapport à sa santé ou à ses objectifs dans la vie. La description scientifique du bonheur dérivée de la psychologie et celle de l'Islam coïncident énormément et nous remarquons cela à travers la correspondance entre les concepts de bien-être émotionnel, de satisfaction de vie et de fleurissement et ceux de tranquillité, de bonne vie et de Grâce. On retient donc le terme bien-être subjectif comme interchangeable avec celui du "bonheur" pour cadrer la recherche et cibler nos objectifs de départ. Les différents moteurs du bien-être subjectif sont interconnectés et dépendent largement de la perception subjective de l'individu. Ces sources de bonheur ont été réduites dans le cadre de ce mémoire au nombre de six : 1. 2. 3. 4. 5. 6.

la suffisance matérielle pour garantir le confort et la sécurité ; les relations sociales aimantes ; la religion ; la santé physique et mentale ; l'engagement dans un travail significatif ; les activités d'épanouissement émotionnel.

Il nous reste à explorer la relation de l'espace avec ces différentes sources et aspects du bien-être subjectif. Ceci nous mènera à chercher comment s'établit la relation de l'homme à son environnement et comment l'espace peut procurer à l'Homme un bien-être émotionnel et l'orienter vers la satisfaction de vie.

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II



Partie II : Bonheur et environnement...Quelles liaisons?

Toutes les activités humaines sont liées à l'espace. La compréhension de la relation qu'entretient l'Homme avec son environnement permet de déceler les aspects d'influence que ce dernier peut avoir sur l'Homme et donc sur sa vie. Dans ce chapitre, il s'agit d'investiguer les différentes théories qui étudient cette relation spécifique et les conclusions majeures qu'on peut en tirer.

1- La psychologie environnementale La psychologie environnementale est une science qui étudie les processus qui régulent et médiatisent la relation à l'environnement, sur la base des perceptions, évaluations, attitudes et comportements individuels. Elle permet d'adopter une approche contextualisée en considérant à la fois les spécificités physiques et sociales de l'environnement, ainsi que les caractéristiques individuelles.1 Dans le "Handbook of Environmental Psychology"(1987), Stokols et Altman définissent la discipline comme "l'étude du comportement et du bien-être de l'individu en relation avec l'environnement socio-physique". La notion de l'environnement sociophysique met en lumière l'approche psychosociale intégrée dans la psychologie environnementale qui permet de prendre en compte des processus intergroupes et interindividuels en plus des processus intra-individuels.

2- Les modalités de la relation à l'espace Le processus de la relation à l'espace passe par 3 phases : 1La phase perceptivo-cognitive : elle commence par la perception des différentes composantes physiques et sociales d'un espace et leur évaluation (jugement de qualité), et se complète par la reconstruction mentale de l'espace de vie via les cartes mentales. 2La phase affective : c'est quand la personne développe un lien affectif à l'égard de son espace de vie qu'il s'agisse du logement, du quartier ou de la ville. Cette affection portée à l'espace vécu mène l'individu à s'y identifier selon des modalités qui 1

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Ghozlane Fleury-Bahi, op.cité., pp.7-8.


3- Les approches d'analyse de la relation à l'espace Dans le cadre de la psychologie environnementale, différentes approches existent pour analyser les modalités de la relation à l'espace. Toutefois, elles convergent vers deux orientations principales et complémentaires : une perspective individualisante et une perspective psychosociale.

Partie II : Bonheur et environnement...Quelles liaisons?

rappellent la façon dont on s'identifie aux membres des groupes sociaux auxquels on appartient. 3La phase d'interaction comportementale : l'individu réagit à l'espace à travers différents comportements comme l'exploration quand il s'agit d'un lieu nouveau, de transformation et d'appropriation si c'est un espace de vie (logement, espace de travail, quartier...) ou de protection si on se situe au niveau de l'environnement global (territoire, pays, planète).

Celle individualisante se préoccupe des spécificités individuelles telles la personnalité et la perception. Les approches qui suivent cette orientation sont : l'approche différentielle, l'approche déterministe et l'approche des motivations et ressources environnementales. L'approche différentielle se base sur des dimensions de la personnalité de l'individu pour analyser sa perception et son évaluation de l'espace. Elle isole les traits de personnalités et les styles cognitifs qui prédisposeraient une personne à interagir d'une manière spécifique avec l'environnement. L'approche déterministe considère que l'environnement a un impact sur les processus perceptivo-cognitif, affectif et comportemental de l'individu et du groupe. Les travaux qui lient les conditions environnementales et le stress1 se sont basés sur cette orientation, ainsi que les recherches qui traitent la satisfaction pour l'environnement bâti ou naturel. Dans cette optique, les attributs du lieu tels que sa lisibilité, son esthétique, sa cohérence spatiale, son caractère plus ou moins complexe, seront considérés comme autant de facteurs susceptibles de venir influencer les processus perceptivo-cognitifs et évaluatifs pour générer, in fine, un niveau de satisfaction donné (Golledge, 1987)2. 1 2

Gabriel Moser, "les stress urbains", Paris : Presses Universitaires de France, 1992. Ghozlane Fleury-Bahi, op.cité., p.12.

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Partie II : Bonheur et environnement...Quelles liaisons?

L'approche des motivations et ressources environnementales interprète les comportements adoptés dans un milieu et le processus évaluatif relevant comme résultantes du degré de congruence entre les besoins de l'usager et les opportunités offertes par l'environnement. Lorsqu'il évalue un lieu, l'usager indique, notamment par cette évaluation, le degré avec lequel le lieu contribue à l'accomplissement de ses propres objectifs (Canter & Rees, 1982).1 Ces besoins peuvent être liés à l'environnement physique (esthétique, ressources, sécurité, stimulation/tranquillité) ou à l'environnement social (homogénéité/hétérogénéité sociale, 2 interaction/solitude). L'évaluation de l'espace peut se faire aussi à base des standards de comparaison. Le jugement de l'usager de son espace de vie est influencé par sa conception du lieu idéal. L'orientation psychosociale des modes d'analyse prend forme à travers l'approche transactionnelle. Cette approche permet d'adopter une perspective dynamique et holistique qui prend en compte toutes les variantes déjà citées et y intègre la dimension temporelle, selon laquelle la relation de l'Homme à son environnement est le sort d'une influence et de transformations mutuelles : processus adaptatifs vis-à vis de l'espace physique (comportementaux ou évaluatifs) et intégration sociale au court ou au long terme. Saegert et Winkel3 ont identifié les principales caractéristiques de cette approche comme suit: -

l'unité d'analyse est l'individu dans l'environnement "the person-in-environment"; l'individu et l'environnement se définissent et se transforment mutuellement, comme des parties d'un tout; stabilité et changement coexistent continuellement; la polarité du changement n'est pas préétablie; les sources de changement et les modalités avec lesquelles chacune de ces sources affecte les autres créent de nouvelles configurations du système personne/environnement.

Ces différentes méthodes d'analyse nous informent que l'espace n'est pas juste un simple objet matériel auquel l'Homme est indifférent, mais tout un système d'action1

Ghozlane Fleury-Bahi, op.cité., p.13. Kahana, E., Lovegreen, L., Kahana, B., Kahana, M., "Person, environnement, and person-environnement fit as influences on residential satisfaction of elders", Environment and behavior, 2003. 3 Saegert, S., et Winkel, G. H. "Environnemental psychology", Annual Review of Psychology, volume 41, 1990. 2

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4- L'identification à l'espace de vie Le lieu de vie a un impact tellement profond sur l'individu que des psychologues (Prohansky, 1978; Prohansky, Fabien & Kaminoff, 1983) énoncent que l'identité individuelle se façonne par rapport aux lieux dans lesquels on vit. Ce concept appelé "identité de lieu" (place identity), est défini comme une sous-structure de l'identité de soi qui regroupe les cognitions concernant le monde physique dans lequel vivent les individus. Celles-ci comprennent les souvenirs, les idées, les sentiments, les attitudes, les valeurs et les préférences relatifs à des environnements variés et complexes qui définissent l'existence quotidienne de chaque être humain (Prohansky, 1978). Cette sous-structure de l'identité serait avant tout de nature cognitive, se structurant à partir des expériences individuelles. Ces expériences passées seraient la source d'un certain nombre de cognitions directement liées aux différents espaces et lieux qui ont permis la satisfaction des besoins physiologiques, psychologiques, sociaux et culturels de l'individu tout au long de sa vie. 1

Partie II : Bonheur et environnement...Quelles liaisons?

réaction. Les différentes méthodes précédemment expliquées nous ont éclairé son aspect multidimensionnel. Elle est donc une relation fortement importante et comme nous allons découvrir à travers le sous-chapitre suivant, elle agit même sur notre identité intrinsèque.

Les psychologues qui ont étudié ce phénomène diffèrent de perspective quand il s'agit des processus psychologiques qui président à la structuration de l'identité de lieu. Les uns mettent les dimensions individuelles en premier plan alors que d'autres amplifient le rôle des processus sociaux. L'identification au lieu serait soumise dans ce dernier contexte aux mêmes principes de fonctionnement que l'identification à un groupe social. Dans une tentative d'opérationnalisation du concept, Marco Lalli2 a proposé le concept de "l'identité urbaine"(urban-related identity). Cette dernière est structurée à partir de cinq composantes distinctes: - L'évaluation externe: renvoie à l'image associée à l'espace de vie;

1

Ghozlan Fleury-Bahi, op.cité., p.45. Marco Lalli, "Urban related identity: theory, measurement and empirical findings", Journal of Environmental Psychology, volume 12, pp.285-303.

2

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Partie II : Bonheur et environnement...Quelles liaisons?

- L'attachement général: traduit les relations affectives entretenues vis-àvis du lieu de vie; - La référence à l'ancrage au passé : référence aux expériences passées dans le lieu; - La familiarité perçue : revoie à la pratique quotidienne du lieu; - La composante d'engagement/implication : traduit le désir de s'engager dans le lieu et la projection de sa vie future dans cet espace. Il propose, sur ces bases théoriques, une échelle constituée de 20 items, qui permet d'obtenir un score global d'identification à la ville de résidence, ainsi que cinq sous-scores relatifs à chacune des sous-dimensions précitées.

5- Conclusion Les théories précitées nous sommes intéressantes de par leur capacité à prouver que notre relation à l'espace est autant importante que notre relation aux membres de notre communauté du moment qu'elle représente une composante de notre constitution identitaire. Cependant, la relation entre l'espace et le bonheur nous semble encore floue et nous mène à chercher d'autres liens qui l'étayent.

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Partie II : Bonheur et environnement...Quelles liaisons?

Plusieurs hommes de lettres et artistes se sont intéressés aux expériences émotionnelles de la ville. Appelés des "psychogéographes" depuis les années cinquante, ils ont erré dans les rues de Paris et Londres en essayant de traduire leurs expériences sensibles et poétiques du lieu à travers la littérature, l'art et le journalisme. Leurs écrits décrivent les nuances sombres de la ville moderne industrialisée et tentent par le partage de leurs vécus et leurs perceptions élever une voix de changement des politiques de la ville.1 Aujourd'hui, grâce aux gadgets technologiques abondants, le traçage des expériences émotionnelles des espaces devient plus crédible et à portée de main des scientifiques et spécialistes. Parmi eux, se distingue le neuroscientifique Colin Ellard qui a catégorisé, dans son livre "Places of the heart: : the psychogeography of everyday life", les espaces selon les émotions ou sentiments qu'ils évoquent : affection, joie, anxiété, stress,..etc. Dans les sous-chapitres suivants, nous découvrirons ce qui caractérise chaque espace et nous en déduirons les facteurs spatiaux du bien-être émotionnel.

1- Lieux d'affection "L'histoire des interactions entre les Hommes nourrit les sentiments de confiance, d'ouverture et d'affection. De la même façon, notre histoire des visites à un endroit, le temps que nous y passons et les expériences que nous y vivons, peuvent donner lieu à de solides sentiments d'attachement."2 La maison est le premier espace auquel nous nous sentons attachés. Ceci traduit la force du lien qui unit l'individu à son lieu de vie, chose qui dépend de sa capacité de contrôle de l'espace et du degré avec lequel il y agit pour le rendre compatible avec sa psychologie interne et ses préférences. En d'autres termes, l'attachement au lieu est en étroite liaison avec notre degré d'appropriation de l'espace.

1 2

Merlin Coverly, "Psychogeography", Pocket Essentials, 2006, passim. Colin Ellard," Places of the heart: the psychogeography of everyday life", New York: Bellevue Literary Press, 2015, p.81.

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Fig.2: La tour "the Tower", la maison bâtie par Carl Jung, le fameux psychanalyste, qui selon ses termes représente en pierre ses plus profondes pensées.

Sur une échelle plus grande, ce phénomène affectif a des aspects culturels et sociaux aussi bien que psychologiques. Dans sa définition de l'attachement au lieu, Setha M. Low parle de : "la relation symbolique générée par le fait qu'un individu donne un sens émotionnel et affectif culturellement partagé à un lieu précis"1. Les types d'attachement culturel à un espace prennent différentes formes variant de l'ancrage généalogique d'une personne dans une agglomération donnée, à la propriété matérielle d'un territoire, aux récits narratifs qui mêlent l'histoire du peuple à son lieu de sédentarisation. Ces aspects reflètent les composantes majeures de la vie socioculturelle d'une population (sociale, matérielle et idéologique). Notre attachement à une ville par exemple dépend donc de sa portance culturelle et sa liaison avec notre propre histoire. D'ici, se dévoilent deux aspects pertinents de l'attachement au lieu: l'appropriation et l'identification à l'espace. Nous nous sentons bien dans des espaces auxquels nous sommes attachés et nous nous y attachons parce que nous pouvons nous les approprier et nous y identifier.

2- Lieux d'excitation et d'impulsivité L'excitation émerge de l'imprévu, de la capacité de sortir de l'ordinaire et de surprendre. Des espaces ont été conçus spécifiquement pour cette raison ayant comme objectif de jaillir les émotions de l'individu afin de guider et d'anticiper ses comportements, généralement dans un but lucratif. Les parcs de loisirs, les casinos et les Malls en sont de parfaits exemples. L'intérêt commun du design de ces différents 1

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Setha M. Low, " Symbolic ties: place attachment in the plaza ", New York: Plenum Press, 1992, p.165.


Pour ce, ces designs s'inspirent de la psychologie environnementale qui énumère un nombre de caractéristiques capables d'influencer l'humeur des visiteurs. Les lignes et les formes courbées, à titre d'exemple, représentent une préférence chez les individus d'un très bas âge. Ceci est lié au nombre important de cellules corticales qui analysent les nuances des surfaces courbées comparées à celles qui analysent les objets aux angles pointus et rigides. Ces cellules font partie d'un système de traitement neuronal très rapide qui forme les premières impressions et évalue les menaces. Nous pouvons alors construire une impression positive ou négative des espaces basée sur les formes, les compositions et les lignes qui se dégagent dans un laps de temps très minime. Pareil pour les chemins que nous engageons, nous avons tendance à prendre des routes sinueuses et courbées dans un bâtiment ou une pièce plutôt que des droites.

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espaces est de garder la personne à l'intérieur le plus-longtemps possible et de stimuler son esprit pour qu'elle y dépense le maximum d'argent.

Se basant sur cette théorie, les casinos ont développé un système de conception dont l'effet débute avant même que le joueur prenne place devant une machine à sous. Le périple de ce dernier commence par une entrée sinueuse, et s'engage dans un parcours à "effet mystère". En psychologie environnementale, cet effet est défini comme la probabilité qu'une enquête plus approfondie d'une scène produise de nouvelles informations et il est connu par son pouvoir d'accroître l'attrait d'une scène ou d'un lieu. L'exemple classique du mystère est l'apparition d'un sentier forestier sinueux qui mène le spectateur plus loin dans la scène en promettant que de nouvelles perspectives se trouvent juste autour du prochain détournement. Cette propriété est utilisée dans l'arrangement spécifique de l'espace du casino pour donner lieu à des scènes partiellement occultées qui invitent le visiteur à l'intérieur. D'autres techniques ont été mises en jeu dont la philosophie est de mettre la personne dans une bonne humeur à travers des interventions environnementales qui augmentent les émotions positives afin de l'encourager à rester plus longtemps dans l'espace du casino et à y revenir plus souvent. Ces interventions se manifestent dans la grandeur des espaces, l'utilisation des sons et des vues agréables, dans les lumières scintillantes ou sous forme d'éléments naturels, parfois même en une reproduction des repères architecturaux mondiaux.

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Fig.3 : Sentier forestier illustrant l'effet mystère dans la nature.

Fig.4 : Entrée de l'espace des machines à sous dans un Casino à Montreux en Suisse. Nous pouvons remarquer les chemins sinueux et la scène semi-occultée qui donne l'envie d'exploration.

Les parcs de loisirs représentent un deuxième exemple de l'usage de l'environnement bâti (structures, chemins, couleurs, décorations,..) comme outil de distraction et de manipulation des émotions des visiteurs. Avec toutes les attractions merveilleusement offertes dans ce type d'espaces, le visiteur se trouve dans un état d'excitation et d'impulsivité. Le jaillissement d'adrénaline, les battements de cœur rapprochés et les sensations d'arrachement produites par les montagnes russes, à titre d'exemple, nourrissent cet état d'euphorie. Les émotions produites dans un parc de loisir en sont très caractéristiques et diffèrent des émotions habituelles que nous pouvons développer lentement dans un espace ordinaire. Cependant, ce que nous

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Finalement, les centres commerciaux, ces espaces dont la visite représente un besoin plutôt qu'une envie d'évasion, ont su tirer d'importantes marges de profits de notre relation à l'espace.

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pouvons tirer de cette expérience exceptionnelle c'est qu'au moment où le familier s'effondre et que nous sommes devant une situation complètement nouvelle que nos esprits se réveillent et que notre attention s'accentue. Et ce sont ces circonstances qui nous rendent conscients de l'effet qu'a l'environnement sur notre psychologie. Le cadre bâti ordinaire devrait alterner paysage habituel et nouveauté, une part d'information cachée donnera place à la volonté d'exploration et à l'émotion d'excitation qui s'ensuit.

Les marchés ont longtemps existé comme des centres de socialisation et de dynamique humaine plutôt que des espaces à vocation purement commerciale. Leur transformation en espaces équivalents aux espaces de loisir n'a vu le jour qu'après la déviation majeure du système économique vers la production et la consommation de masse qui a donné lieu à la tendance actuelle du shopping par envie et non par nécessité. A ce titre, l'invention du supermarché comme un seul bloc qui enferme toute sorte de marchandises a connu un succès dans le monde entier et s'en est ensuit la création des Malls et des centres commerciaux de grandes surfaces.

Fig.5 : Marché urbain à Fès el Bali, Fès, Maroc. Lieu de commerce et de sociabilisation.

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Fig.6:Croquis du Southdale, le premier centre commercial aux USA, à Edina, Minnesota. Conçu en un seul bloc fermé par l'architecte autrichien Victor Gruen et ouvert au public en 1965 .

Les principes de base derrière la conception de ces structures s'approchent dans leurs outils et leurs finalités de ceux des casinos. Les recherches axées autour de l'achat impulsif montrent que les gens sont beaucoup plus susceptibles de succomber à de tels achats lorsqu'ils sont dans un état émotionnel positif. Pour ce, Les Malls par exemple optent pour des allées sinueuses, des surfaces miroitées et réflectives pour ralentir les pas des visiteurs, des dispositions soigneusement pensées de la marchandise, du contrôle du milieu par la climatisation et la ventilation et de l'isolation du monde extérieur. Généralement l'aspect architectural extérieur du Mall n'est pas révélateur, gardant à ses trésors intérieurs le mérite de la découverte. Aussi, les aires de restauration sont conçues de manière à fonctionner comme des stations de repos et de ravitaillement plutôt que des restaurants raffinés afin de ne pas gaspiller du temps sacré du shopping.

Fig.7: Vue intérieure du Morocco Mall à Casablanca exposant les règles fines de conception des grandes surfaces de shopping.

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En bref, l'environnement physique a un impact énorme sur l'état émotionnel de l'Homme et sur ses décisions. Ces évidences doivent figurer dans le processus conceptuel du cadre bâti, mais contrairement aux exemples cités ceci doit se faire pour les bonnes fins. Nous en déduisons que par rapport aux bonnes humeurs, les formes courbées, la végétation, la diversité, l'effet mystère et l'échelle appropriée ont des incidences remarquablement positives sur la psychologie des usagers.

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Ces interventions et plusieurs autres sont méticuleusement étudiées pour manipuler les émotions des usagers, chose qui se traduit dans le fait que 40 à 70% des acquisitions d'une personne dans un Mall ne figureraient pas sur sa liste d'achats préétablie. L'évidence scientifique a démontré que ces comportements sont liés aux mécanismes d'impulsivité, les mêmes responsables des comportements de dépendances pathologiques. L'influence de l'espace à cet égard s'avère très puissante.

3- Lieux d'ennui L'ennui est lié à la sensation insupportable du passage très lent du temps et à une sorte d'inquiétude qui peut se manifester sous forme d'agitation psychique interne à la fois aversive et déplaisante ou sous forme de gestes corporels comme l'ajustement de la posture, les regards inquiets et aussi les bâillements. Dans le cadre de l'étude de la conjoncture entre l'émotion et l'espace, quelle relation existe entre notre environnement de vie et l'état d'ennui ? La réponse se trouve dans les recherches du psychologue Berlyne sur l'étude des motivations humaines et animales et de l'esthétique expérimentale.1 Le lien entre ces deux domaines à l'apparence contrastée réside dans une notion clé : la curiosité. Une grande partie de la motivation de nos comportements est due à la curiosité seulement: le besoin de satisfaire notre soif incessante du nouveau. Notre désir inné de collecter des informations nous pousse à explorer de nouvelles places, de regarder les œuvres d'art et aussi détermine, en partie, ce que nous aimons quand nous le faisons. Dans ses recherches sur la transmission d'information, Berlyne débat que tout objet perçu y compris des éléments visuels comme les images, les objets à trois dimensions ou même les paysages urbains sont caractérisés par leur contenance en information. Cette contenance est définie par le fait qu'une chose procure assez 1

David Berlyne," Conflict, Arousal and Curiosity", McGraw-Hill, NewYork, 1960.

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d'éléments pour construire un sens. Les éléments qui ne se produisent pas très souvent fournissent plus d'informations que ceux qui se produisent fréquemment. Pour mieux comprendre, imaginons un message vocal qui s'est mal enregistré et où on n'entend que "...le...à...et...tu..", on saura très peu du sens du message, sa contenance en information s'approcherait du zéro. Par contre, si on entend " je suis...direction...appel...dîner...après", on peut facilement réussir à déchiffrer une partie du sens incorporé. La différence entre les deux messages ne réside pas dans le nombre de mots que contient chacun, mais dans la fréquence de leur utilisation dans la langue française. Les connecteurs logiques, les articles et les indicateurs temporels s'utilisent plus fréquemment et donc contiennent une faible quantité d'informations alors que les noms et verbes ont une utilisation spécifique et donc moins fréquente ce qui leur permet de donner plus d'informations. Pareil pour une scène, nous pouvons mesurer sa contenance en information par la fréquence des éléments qu'elle affiche. Imaginons-nous sur un passage piéton, à notre gauche se trouve une longue façade muette d'un hangar, d'un supermarché ou d'un grand mur de clôture et à notre droite une voie automobile bordée d'un autre grand mur de clôture. A notre premier pas, nous observons les deux murs et la voie qui les sépare, quelques pas plus tard rien de nouveau ne se produit, une centaine de mètres après, nous pouvons complètement prédire la scène suivante. Les éléments de ce paysage de rue restent inchangeables, ils représentent une seule longue séquence, et sont de ce fait plus fréquents. Ce genre de paysage est pauvre en informations et donc pauvre en matière d'excitation psychologique.

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Fig.8: Quartier industriel à Essaouira, Maroc.

Fig.9: Tunnel bordé de passages piétons au sein d'un zone résidentielle à Aïn Sebaâ, Casablanca, Maroc.


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Afin de comprendre d'avantage notre réponse psychologique à ce genre d'espaces, une étude psychogéographique a été conduite par Colin Ellard où des participants ont été exposés à une situation pareille devant un très grand bloc d'une marque de supermarchés connue 1. Devant ce paysage, les participants ont témoigné une sensation d'ennui et de mécontentement et leurs mesures biologiques ont attesté de même. Leur degré de stimulation était le moindre en comparaison avec les autres sites de l'expérience et en les appelant à décrire la scène, les adjectifs "fade", "monotone" et "sans passion" ont gagné le top de la liste.

Fig.10: Groupe des participants à l'expérience psychogéoraphique.

Grâce aux recherches expliquées plus haut, nous arrivons maintenant à comprendre une partie de la réponse psychologique des participants de l'expérience. Le manque d'informations et de nouveauté contenues dans une scène diminue l'intérêt qu'on peut lui porter et donc nous mène à s'éloigner vite et à chercher une place plus attrayante. Ces mesures et observations s'alignent avec les observations de l'urbaniste de renommée Jan Gehl, qui a remarqué que les gens ont tendance à marcher plus vite devant une façade muette comparé à une façade dynamique et vivante2.

1

http://www.bmwguggenheimlab.org/testing-testing-mumbai Jan Gehl , Lotte Johansen Kaefer et Solvejg Reigstad, “Close Encounters with Buildings,” Urban Design International, 2006, Volume 11, pp. 29–47. 2

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Ces découvertes ont des implications énormes sur la conception de rues plus accessibles et plus conviviales aux piétons. Elles suggèrent qu'en changeant simplement l'apparence et la structure physique des rez-de-chaussée des bâtiments, il est possible d'exercer un impact considérable sur la manière dont une ville est utilisée. Non seulement les gens sont plus susceptibles de se promener dans les paysages urbains avec des façades ouvertes et animées, mais leurs comportements dans de tels endroits changent catégoriquement. Ils pausent, regardent autour d'eux et absorbent leur environnement dans un état agréable d'affects positifs et avec un système nerveux attentif et vivant. En plus, une telle conception évite le risque de mettre la population d'une ville dans un état d'ennui épidémique.

Fig.11: Les Ramblas, avenue emblématique de Barcelone, porte en elle l'aspect de la promenade joviale où les gens pausent, regardent autour d'eux et jouissent de leur temps en ville.

Le besoin de complexité dépasse donc notre préférence esthétique de la variété pour s'inscrire profondément dans les mécanismes de nos motivations internes : la recherche du nouveau et de l'information. Les observations de Berlyne concernant notre préférence de la complexité visuelle implique aussi qu'il y a un seuil sensible de la complexité agréable, au dessous duquel, s'instaure l'ennui et au dessus duquel se manifeste une sensation de surcharge désagréable comme l'anxiété, le stress et la déconcentration. Ce seuil est appelé dans le lexique de la psychologie environnementale "stimulation" qui signifie la quantité d'information sensorielle (visuelle, auditive, olfactive, etc.) à laquelle est exposé un individu. Les stimulations

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doivent avoir pour objectif le maintien de l'éveil et du désir d'exploration. Avec un degré de stimulation modéré, les sens prospèrent et l'individu fonctionne de manière optimale. Pour améliorer la qualité des stimuli on peut jouer sur l'intensité, la familiarité, la nouveauté, la complexité et la variété.1

Fig.12: Cliché pris au marché central de Rabat qui témoigne un cas d'espace de surstimulation.

Malgré que cette caractéristique environnementale paraisse suffisamment enviable, nous nous demandons s'il existe des conséquences sanitaires de l'ennui qu'une bonne conception des espaces de vie peut prévenir. Etant un état psychologique, l'ennui est défini comme un état de faible excitation. Cependant, des découvertes récentes ont aussi attribué à l'ennui des états élevés de stimulation ( au sens négatif ) ou même de stress. Dans une étude, le neuroscientifique James Danckert en collaboration avec son étudiant Colleen Merrifield, ont exposé des participants à deux scènes de films, une qui suscite la tristesse et l'autre l'ennui. Afin d'avoir un aperçu au fonctionnement interne des participants, ils les ont attachés à des équipements qui mesurent leurs impulsions cardiaques et la conductance de leurs peaux en plus ils leurs ont demandés de fournir des échantillons de salive au cours de certaines phases de l'expérimentation. Ces échantillons ont été analysés par la suite pour investiguer la présence de cortisol, l'hormone liée au stress. Remarquablement, après une brève exposition de trois minutes à la vidéo ennuyeuse, les participants ont

1

Stéphanie Pornin et Cécile Peeters, "Psychologie environnementale, Design et Bien être", www.cityzenweb.fr

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montré un rythme cardiaque élevé et des niveaux croissants de cortisol salivaire par rapport aux niveaux observés quand ils ont regardé la vidéo triste.1 Ces recherches ont mis en évidence qu'une exposition à une expérience même brève d'ennui est suffisante pour changer la chimie du cerveau et du corps d'une manière à générer le stress. En outre, l'ennui a des effets nocifs sur la santé, des études ont démontré qu'il y a une forte corrélation entre les hauts degrés d'ennui et la mortalité.2 D'autres ont lié les niveaux élevés de cortisol dans le sang associés au stress aux maladies et arrêts cardiaques et aux diabètes. Nous nous interrogeons à ce niveau sur la probabilité d'occurrence de ces conséquences sanitaires lors d'une exposition à un paysage ennuyeux. L'effet des espaces ennuyeux se perçoit avec le cumul du temps, cette influence est liée à notre neuroplasticité. D'après des découvertes récentes, le cerveau humain continue à se développer durant toute la vie de la personne et peut présenter des réponses physiques dramatiques aux conditions ou aux changements environnementaux. Un meilleur exemple pour les effets de la privation environnementale (un environnement pauvre en matière d'information) sur le comportement et le fonctionnement cérébral provient des études consacrées à l'identification des causes de troubles mentaux tels que le trouble déficitaire de l'attention avec hyperactivité (TDAH). Ici, des études approfondies de l'environnement familial des enfants ont montré que le manque d'enrichissement dans l'environnement physique de la maison, sous la forme d'affordance en jeux, en panneaux muraux et en œuvres d'art à titre d'exemple, est l'un des prédicateurs les plus forts des symptômes. Cette conclusion correspond étrangement bien aux résultats de l'étude de Merrifield et Danckert, vu que la signature psychophysiologique de l'ennui qu'ils ont identifiée a également été observée chez les enfants diagnostiqués avec le TDAH.3

1

James Danchert et Colleen Merrifield, “Characterising the Psychophysiological Signature of Boredom,” Experimental Brain Research, 2014,Volume 232, pp.481–491. 2 Annie Britton et Martin Shipley, “Bored to Death?” , International Journal of Epidemiology, 2010, Volume 39, pp.370–371. 3 Aisling Mulligan et al., “Home Environment: Association with Hyperactivity/Impulsivity in Children with ADHD and their NonADHD Siblings”, Child: Care, Health and Development, 2013, Volume 39, pp.202–212.

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Pour conclure, un paysage ennuyeux est un paysage pauvre en matière d'informations et d'animation et qui s'inscrit au dessous du seuil optimal de la complexité visuelle. Par ailleurs, la prise en compte d'éléments favorables à rendre un espace vivant et vibrant va au-delà des soucis de promouvoir la mobilité douce et l'attractivité des espaces aux enjeux de la santé publique et de la santé mentale en particulier.

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D'après cet exemple et d'autres de nature plus extrême (les cachots individuels ou les situations de captivité domestique), nous nous rendons de plus en plus compte des conséquences qu'engendrent les environnement ennuyeux sur notre santé allant du stress, à une diminution des affects positifs, aux troubles mentaux.

4- Lieux d'anxiété Les causes d'anxiété et la place qu'occupe l'environnement physique à ce propos sont les deux questions auxquelles nous tenterons de répondre dans les paragraphes suivants. Tout d'abord, l'anxiété est une émotion de la famille de la peur1, c'est la sensation causée par l'anticipation d'un événement futur non-souhaitable. Elle est normale et adaptative et nous permet de mieux réagir aux menaces. Cependant, quelques formes d'anxiété se développent en pathologies psychiatriques liées à différents facteurs. Le constat remarquable par rapport à notre recherche est le grand pourcentage des diagnostics qui sont enregistrés en milieu urbain en comparaison aux milieux ruraux. Cette relation mystérieuse n'a pas encore trouvé d'explication scientifique juste qui isole un facteur précis de l'environnement urbain suspect être coupable. Toutefois, des études ont démontré que le manque de cohésion sociale dans les quartiers augmente la probabilité d'atteinte d'une affliction psychiatrique et que le cas contraire prévient de succomber dans une forme de dépression ou d'anxiété2. Une autre découverte suggère que l'abondance en espaces naturels atténue la probabilité de la propagation des troubles psychiatriques au sein des populations urbaines3. Ces deux découvertes mettent l'accent sur l'effet de l'environnement sur la santé psychiatrique publique, mais aussi sur le rôle de l'architecte et l'urbaniste dans la prévention de tels sinistres. 1

Daniel Goleman, "L'intelligence émotionnelle", Bantam Books, New-York, 1995, Appendice A, pp.424-427. Judith Allardyce et Jane Boydell, “The Wider Social Environment and Schizophrenia,” Schizophrenia Bulletin, 2006, Volume 32, pp.592–598. 3 Karen McKenzie, Aja Murray et Tom Booth, “Do Urban Environments Increase the Risk of Anxiety, Depression and Psychosis? An epidemiological study,” Journal of Affective Disorders, 2013, Volume 150, pp.1019–1024. 2

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Quelles sont donc les caractéristiques environnementales connues pour un effet anxieux ? Une première clé à la réponse se trouve dans la densité urbaine. Les espaces surpeuplés ont des incidences sur nos réponses psychologiques aux formes du stress social. Des incidences qui se révèlent avoir lieu au niveau cérébral (l'activité de l'amygdale et du cortex cingulaire) et qui indiquent que les individus qui vivent et qui ont grandi dans des milieux urbains sont moins immuns aux facteurs de stress provenant de la société1. Cette vérité s'explique par le passage rapide d'un mode de vie où nos ancêtres vivaient dans des petites agglomérations d'une centaine de personnes dont ils connaissaient presque tout (histoires, personnalités, habitudes), vers un mode de vie moderne qui nous oblige à vivre au milieu d'étrangers dont nous ne savons rien du tout. Ce changement a donné lieu à une transformation du concept de la confiance, qui est devenu de plus en plus compliqué. Au sein d'une société, le sentiment de confiance est très influencé par le sentiment de communauté et d'unité et les discussions les plus récentes sur la façon dont le cadre bâti peut influencer les relations interpersonnelles ont porté sur ce phénomène précis. Une de ces études a traité le comportement "prosocial" en utilisant une méthode astucieuse consistant à disperser des lettres timbrées et adressées par terre et à utiliser comme mesure du comportement "prosocial" la probabilité que de telles lettres soient récupérées et expédiées par des étrangers.2 L'expérience a eu lieu dans une série de dortoirs universitaires avec des conceptions radicalement différentes : des immeubles à multiples étages qui hébergeaient un grand nombre d'étudiants qui se croisaient rarement au cours d'une journée moyenne, et des bâtiments de moyenne et basse densité qui avaient plus d'espaces partagés, y compris des services de restauration où les étudiants se voyaient généralement au moins une fois pendant la journée. Les chercheurs ont constaté que le taux de retour des lettres abandonnées était fortement influencé par l'agencement physique du bâtiment dans lequel les lettres étaient tombées, avec les taux les plus élevés enregistrés dans les bâtiments à faible densité (en fait, le taux de retour de ces bâtiments était 100% ) et le taux de retour le plus bas 1

Florian Lederbogen et al., “City living and urban upbringing affect neural social stress processing in humans”, Nature, 2011, Volume 474, pp.498–501. 2 La méthode de la lettre abondonée a été inventée par Stanley Milgram et a été relatée dans l'article: "The Lost-Letter Technique: A Tool of Social Research". Public Opinion Quarterly, 1965, Volume 29, pp.437–438.

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Cette étude et bien d'autres suggèrent que la manière dont notre environnement bâti est organisé et la manière dont il influence nos interactions quotidiennes avec les autres ont un effet tangible sur nos sentiments de confiance, notre volonté d'aider les étrangers, et notre satisfaction de nos conditions de vie. Cette étude nous présente aussi une réflexion sur la relation entre l'espace et l'anxiété. Pour voir le lien, nous devons simplement nous demander ce qui nous empêche de nous comporter d'une manière amicale et "prosociale" quand on est au sein d'une foule d'étrangers. Beaucoup de réponses sont possibles à cette question, mais la plupart d'entre elles convergent vers une idée simple: nous gardons une distance de sécurité avec les étrangers parce que nous craignons le mal.

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témoigné dans les immeubles à plusieurs étages (un peu plus de 60% des lettres ont été retournées dans de tels environnements).

Fig.13: Les gratte-ciels, invention architecturale qui règle les soucis des demandes en habitat mais cause une diminution des taux de la cohésion sociale. Photo d'un quartier de Hong Kong prise par Antoine Dubois.

Vivre dans des conditions de surpeuplement parmi les étrangers libère un large éventail d'impulsions protectrices qui peuvent aller de notre simple réticence à engager une conversation avec la personne assise à côté de nous dans un bus de ville à

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notre réticence à nous promener dans notre propre quartier après la tombée de la nuit. Toutes ces réponses sont, d'une manière ou d'une autre, des adaptations à des circonstances de vie anormales qui nous alertent de la présence des risques et provoquent ainsi un certain niveau de peur ou d'anxiété. Au-delà du facteur social, d'autres facteurs évidents agissent en deuxième degré sur nos taux d'anxiété dans la ville, tels que l'exposition aux bruits excessifs, qui a longtemps été connue pour son influence sur les performances cognitives et l'état émotionnel. Il y a aussi le seuil optimal de la complexité sensorielle qui, lorsqu'il est dépassé, nous incite à prendre des mesures pour l'éviter et chercher un abri. Il serait également logique que l'exposition chronique aux risques ordinaires de l'environnement urbain tels que le trafic dangereux servirait également à accroître l'anxiété. Mais en dehors de ces perturbations évidentes de l'équilibre, il est probable que les formes mêmes des bâtiments qui nous entourent puissent aussi contribuer au malaise urbain. Il est maintenant connu par les scientifiques que les formes rigides activent l'amygdale qui est responsable des réponses émotionnelles liées aux dangers et aux menaces, et qui peut générer l'anxiété.

Fig.14: Lee-Chin Crystal, l'extension du Royal Ontario Museum conçue par l'architecte Américain Daniel Libeskind, a reçu beaucoup de critiques liées surtout à ses angles aigus et la sensation de malaise que les habitants de la ville ont témoignée.

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5- Lieux d'admiration

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De toutes ces informations nous déduisons que l'organisation du cadre bâti a un effet tangible sur les sentiments de communauté et de confiance entre les citadins, et que le manque de cet ingrédient nous conduit à entrer dans un labyrinthe d'anxiété. Des quartiers de faible ou de moyenne densité garnis d'espaces partagés instaurent des conditions d'habitat "prosocial". D'autres caractéristiques environnementales ont aussi des incidences variantes sur notre bien-être émotionnel tels que la forme, le bruit, la surcharge sensorielle et l'exposition aux risques urbains.

Fig.15: "Bright nights", l'un des paysages les plus splendides observé au Canada.

Être devant un paysage naturel exceptionnel, les cascades de Niagara, un lever de soleil par dessus les nuages au sommet d'une montagne ou entre les murailles de l'Alhambra entourés de vestiges historiques, de fresques musulmanes, d'eau et de verdure, une sensation unique nous prend. C'est l'admiration. Quand on se demande ce qu'est réellement l'admiration, notre esprit évoque des souvenirs d'un état où nous avions senti que ce qui est devant nous est complètement nouveau comparé à tout ce que nous avions expérimenté dans notre vie, que c'est tellement authentique, extraordinaire ou époustouflant qu'on se sent petit devant sa

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grandeur. Selon plusieurs chercheurs1, deux propriétés distinctes résonnent sous le terme admiration : l'accommodation et l'immensité. L'accommodation est le fait de réajuster sa vision du monde, de ses expériences et ses jugements devant un stimulus d'admiration. L'immensité quant à elle est liée au sentiment de la «grandeur» de quelque chose, elle peut être vécue physiquement quand on est devant un paysage naturel majestueux ou de manière indirecte devant le talent d'une personne de grande intelligence par exemple. Au-delà de la sensation agréable de l'admiration elle-même, ces moments provoquent une perception différente du temps et nous laissent vivre le moment présent lentement. Ce phénomène a été appelé par la psychologue Melanie Rudd "la dilatation subjective du temps" et a été attribué à l'expérience de l'admiration dans l'une de ses études2. Quand on est devant une scène impressionnante, nous nous détachons de notre existence substantielle à la fois spatiale et temporelle. La grandeur d'un bâtiment, la délicatesse de sa conception et sa finition et son originalité sont capables de nous mettre dans un tel état. Diverses sont les explications de ce phénomène, partant de notre perception de l'espace personnel et de l'horizon à notre réaction biologique à tout ce qui nous dépasse par son immensité. Cependant, notre vrai intérêt se résume dans la sensation de bien-être qui se dégage de l'expérience d'admiration intimement liée à notre expérience du lieu.

Fig.16: Medersa de Ben Youssef à Marrakech témoin vivant de la splendeur de l'architecture musulmane qui suscite l'admiration. 1

Dacher Keltner et Jonathan Haidt ont présenté une analyse scientifique de l'émotion d'admiration dans leur article au journal : Cognition and Emotion, 2003, Volume 17, pp.297–314. 2 Melanie Rudd, Jennifer Aaker et Kathleen Vohs, “Awe Expands People’s Perception of Time, Alters Decision Making, and Enhances WellBeing”, Psychological Science, 2012, Volume 23,pp.1130–1136.

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6- La nature : lieu de reconstruction mentale

Fig.17: Les dunes de Merzouga au sud-est du Maroc, une nature unique distinguée par son effet restauratif.

L'effet "restauratif" désigne la capacité des éléments spatiaux à avoir une action thérapeutique, à réduire les sources de stress et la fatigue cognitive. Un élément restaurateur a le pouvoir de nous mettre en retrait des activités et des stimulations. Cet effet est connu en psychologie environnementale par son aspect apaisant qui nous rend calmes, relaxés, revitalisés et rafraîchis.1 Dans les milieux urbains modernes, nous exerçons une attention focalisée dans laquelle nous nous concentrons soigneusement sur les tâches quotidiennes telles que les tâches bureautiques ou ménagères ou généralement celles qui nécessitent l'apprentissage, la résolution de problèmes et la planification. Les psychologues Stephen et Rachel Kaplan2 qui ont mis en place la théorie de l'attention restaurée 1

Stéphanie Pornin et Cécile Peeters, op.cité. Rachel et Stephen Kaplan, "The Experience of Nature: A Psychological Perspective", Cambridge University Press, Cambridge, UK, 1989.

2

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expliquent que le premier type d'attention (focalisée) demande beaucoup d'efforts et qu'au fil du temps il consomme nos ressources cognitives et nous place dans un état de fatigue mentale qui nous conduit à l'inattention, l'irritabilité et à une prise de décision impulsive. Ainsi, pour ne pas succomber à ces conséquences, il faudrait alléger notre cerveau par une exposition à un élément restaurateur. A cet effet, la nature nous en fournit la meilleure opportunité pour ce faire. Grâce à notre fascination par les détails physiques de la nature, notre attention devient involontaire et ne nécessite pas d'effort ce qui nous permet de nous recharger d'humeur positive, de relaxer notre système nerveux et d'accroître notre capacité de concentration. La fascination rentre dans les cinq facteurs environnementaux à effet restauratif dont on trouve: - Le fait d'être-loin (being-away) physiquement et psychologiquement de ce qui demande une attention focalisée volontaire; - La cohérence (l'ordre et l'organisation) et l'étendue (la possibilité d'exploration et de déplacement dans l'espace) perçues dans un environnement; - La compatibilité entre les préférences personnelles et les exigences environnementales. D'autres études argumentent que l'effet restauratif de la nature est dû à notre attrait à ses propriétés mathématiques telles que les suites de Fibonacci et la théorie des fractales. Dans tous les cas, cette découverte implique que plus un citadin aura accès à la verdure, à la lumière et aux espaces ouverts, mieux il résoudra les problèmes, comprendra et assimilera de nouvelles informations. Il est intéressant de noter que la nature évoquée dans ce contexte n'est pas forcément une forêt vierge, une montagne ou un paysage qui n'a pas connu l'intervention de l'Homme. Par contre, elle désigne tout élément naturel qu'il soit un arbre, du gazon, de l'eau, du sable,.., trouvé dans un milieu rural ou urbain, en grande ou en petite quantité.

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Fig.18: Exemple de la concrétisation des suites de Fibonacci dans les pétales de roses.


A l'échelle d'une agglomération urbaine, les bienfaits de l'exposition à la nature excèdent ceux physiologiques, cognitifs et émotionnels pour avoir un impact même sur les problèmes sociaux et le bien-être relatif au vivre-ensemble. Selon les expérimentations remarquables de Frances Kuo et William Sullivan2 conduites dans des quartiers urbains variant en quantités de végétation, il s'est avéré que le taux de crimes témoigné dans des quartiers où la verdure est plus présente est moindre comparé à ceux relevés dans les quartiers où la végétation est rare. Les habitants des quartiers les plus verts ont même attesté qu'ils se sentaient en sécurité et en joie. Il apparait que ces sentiments de joie et de sécurité soient justifiés. Les personnes résidentes dans les environnements où la végétation est abondante communiquent plus entre eux, se connaissent et profitent de taux plus élevés en matière de cohésion sociale, qui non seulement prévient les risques des pathologies mentales mais diminue aussi l'occurrence de crime.

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En plus de son effet restauratif, la nature possède une capacité thérapeutique qui aide à la guérison. Dans la célèbre étude de Rogers Ulrich sur la durée de rétablissement d'un groupe de patients qui ont reçu une chirurgie au niveau de la vessie, il a découvert que ceux qui avaient une vue sur le jardin de l'hôpital ont vite repris leurs forces comparés à ceux qui n'avaient que des murs en béton sous leurs yeux1. D'autres recherches plus élaborées ont montré que de simples vues de la nature produisent des niveaux réduits de stress, une activité cardiaque plus saine, une activité cérébrale détendue et des scores plus élevés sur une gamme de tests psychologiques destinés à rechercher des affects positifs.

La littérature sur les bienfaits psychologiques, physiologiques et sociaux de la nature est très abondante et nous renseigne sur l'importance d'une exposition régulière à des éléments naturels. Nous nous interrogeons maintenant sur la variation d'impact relative aux différents environnements naturels et les seuils minimaux d'exposition à la nature.

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Rogers Ulrich, “View Through a Window May Influence Recovery from Surgery”, Science, 1984, Volume 224, pp.420–421. Frances Kuo et William Sullivan, “Environment and Crime in the Inner City: Does Vegetation Reduce Crime?”, Environment and Behavior, 2001, Volume 33, pp. 343–367. 2

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Dans ce sens, le psychologue environnementaliste White a dressé avec son équipe une liste des espaces naturels classant les différents paysages selon leur capacité restaurative ainsi que les conditions qui facilitent l'atteinte de cet effet.1 Pour mettre en place cette liste, ils se sont basés sur une enquête menée par Natural England de 2009 à 2011, où 4255 personnes ont relaté leurs expériences dans des environnements naturels différents visités la semaine d'avant. Les résultats de l'étude étaient comme suit. Sur un large éventail de paysages, ceux côtiers ont figuré sur le top de la liste alors que les parcs urbains ont occupé le bas du classement. Par rapport aux environnements verts, les régions boisées, les forêts, les collines et les montagnes ont été associées à des niveaux de restauration similaires aux sites côtiers. Les aires de jeux étaient associées au niveau le plus bas de restauration. Etre accompagné d'enfants s'est avéré moins restauratif qu'être seul. Aussi, la durée de la visite influence positivement l'expérience de restauration. Plus on reste dans un espace à effet restauratif plus on se sent relaxé et revitalisé. Une autre étude estime que tout être humain quelle que soit sa culture a une préférence au paysage du Savannah d'Afrique Tropicale et particulièrement aux arbres en forme de canopée. Cette théorie est appelée l'hypothèse du Savannah mise en place par 1

Fig.19: Les Maldives, des îles immergées dans la fraîcheur de l'océan Indien, représentent une destination populaire pour les chercheurs de bien-être.

Fig.20: Les aires de jeux sont souvent caractérisées par les bruits d'enfants ce qui empêche d'entrer dans un état de calme et d'apaisement.

Fig.21: Paysage du Savannah où nous pouvons voir les arbres avec leur formes particulières.

White et Al., "Feelings of restoration from recent nature visits", Journal of Environmental Psychology, 2013, volume 35, pp.40-51.

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Quant aux seuils minimaux d'exposition à la nature, la question devient plus difficile parce qu'il faudra établir des outils de mesure et formuler une fonction mathématique qui lie l'exposition à l'espace naturel à l'effet qu'elle génère et en sortir avec le seuil minimal d'exposition effective. Pour ce, une étude a été établie par l'U.S. Environmental Protection Agency pour analyser les approches de mesure de l'exposition aux espaces verts et les effets sanitaires qui en résultent2. Ils sont sortis avec la conclusion de la difficulté d'établir un seuil pareil vu le manque de consistance dans la quantification des entités d'espaces verts et l'engagement public (défini comme la manière et la magnitude avec laquelle une personne ou une population interagit avec un espace vert spécifique).

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Gordon Orians et Judith heerwagen1 en 1992 et explique la préférence au paysage du Savannah par notre évolution biologique et sa liaison à notre milieu de vie originel assumé ici être l'Afrique Tropicale. Cette vérité scientifique est plus valide quand on est en jeune âge que lorsqu'on grandit vu notre grande capacité d'adaptation.

On conclut que malgré le drainage croissant des populations vers les agglomérations urbaines, nous portons en nous un besoin inné pour les environnements et éléments naturels. Ce besoin doit être satisfait en aménageant soigneusement des espaces naturels capables de nous ressourcer et restaurer nos compétences mentales. Il est aussi intéressant d'incorporer les facteurs à effet restauratif dans la conception architecturale comme la fascination, la cohérence et l'étendue. Encore, la prise en compte des propriétés mathématiques dans l'architecture peut donner lieu à des conceptions fortement attrayantes. Et finalement il faut rendre l'exposition à la nature accessible à tout le monde.

7- Conclusion A travers les différentes recherches présentées dans ce chapitre, nous avons pu recenser un nombre de facteurs environnementaux capables de produire des affects positifs et de nous mettre en bonne humeur au cours de notre pratique quotidienne du lieu. Nous énumérons ces caractéristiques comme-suit: 1

Orians, G. H. et Heerwagen, J. H., "Evolved responses to landscapes", paru dans le livre d J. H. Barkow, L. Cosmides, & J. Tooby (Eds.), "The adapted mind: Evolutionary psychology and the generation of culture ", New York: Oxford University Press, 1992, pp. 555-579. 2 EPA ,"Estemating greenspace exposure and benefits for cumulative risk assessment applications", Mai 2015, www.epa.gov/research.

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La capacité d'identification à l'espace de vie; La capacité d'appropriation de l'espace; Le seuil de stimulation optimale; La capacité restaurative de l'espace; La cohésion sociale vécue ; La capacité de l'espace à générer l'admiration.

Il faut noter que nous ne pouvons pas avoir ces six facteurs réunis en un seul espace notamment à l'échelle architecturale et ce pour la simple raison que nous n'en avons pas besoin. Chaque activité humaine exige un état mental et émotionnel spécifique qui ne nécessite que la présence d'une ou deux de ces caractéristiques. Un deuxième point porte sur l'échelle des incidences de ces facteurs, qui varient entre une échelle personnelle, interpersonnelle et intergroupe. Pour ce, nous avons répertorié ces six facteurs selon leurs effets psychologiques et sociaux et leurs différents outils et matières de mise en œuvre (tab.1). In fine, se sentir bien dans son espace de vie est primordial pour un bien-être émotionnel. Néanmoins, ce dernier ne constitue qu'une partie de la formule du bonheur. Pour atteindre le bien-être subjectif, nous devons être satisfaits de notre vie en général et s'épanouir à travers les différentes zones d'activités humaines. Pour cela, nous interrogerons dans le prochain chapitre la possibilité qu'une liaison existe entre l'espace et la satisfaction de vie.

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Partie II : Bonheur et environnement...Quelles liaisons? Tab.1 : les facteurs environnementaux du bien-ĂŞtre ĂŠmotionnel.

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Si nous avons démontré dans le chapitre précédent que l'environnement, bâti et naturel, représente une septième source du bien-être émotionnel distinguée des autres facteurs matériels du bonheur, sa capacité à agir sur notre satisfaction de vie est toujours en cours d'exploration. Pour approcher cette question, nous investiguerons les différents champs d'influence de l'environnement urbain sur la satisfaction de vie personnelle.

1- Espace et satisfaction de vie Plusieurs études se sont intéressées aux déterminants de la satisfaction de vie y compris celles traitant l'impact de l'urbanisation sur le bien-être humain. Les recherches établies dans ce contexte se sont concentrées sur le dualisme urbain/rural en tentant de savoir quel environnement joue un rôle positif quant à la satisfaction de vie. Plus précisément, ces travaux visaient à comprendre si la vie en milieu urbain est susceptible de conduire à un niveau supérieur ou inférieur du bonheur auto-évalué qu'à celui reporté en milieu rural. Quelques études n'ont pas trouvé de liaisons significatives entre la satisfaction de vie et l'urbanisation, d'autres ont associé les zones urbaines avec une satisfaction de vie inférieure à celle des zones rurales (Hayo, 2007, OkuliczKozaryn, 2012, Sørensen, 2014), ce qui a été interprété comme le résultat de la prévalence des déséconomies négatives sur les externalités positives des villes, c'est-à-dire que les villes génèrent plus d'inconvénients que d'avantages au bien-être humain. Cependant ces travaux ne prennent pas en considération les différences de taille entre les villes et aussi la proximité ou pas des campagnes des centres urbains. Pour remédier à ce manque, des chercheurs ont analysé l'effet de différents types d'agglomérations urbaines sur la satisfaction de vie. Shucksmith et al. (2009), Berry OkuliczKozaryn (2011), Rodríguez-Pose et Maslauskaite (2012) et Lenzi et Perucca (2016a) ont classé les villes en fonction de leur population, en supposant que la taille de la ville reflète le nombre des fonctions offertes. Les résultats ont associé

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D'un autre point de vue, même les campagnes présentent divers contrastes et le modèle de vie y incorporé est déterminé en large par sa proximité ou sa distance d'une zone urbaine. Ceci se reflète primordialement par l'inégalité relative à leur capacité à saisir les avantages générés par les villes. Ce constat a guidé des recherches vers des analyses plus filtrées pour ressortir l'impact de ces dissimilitudes. Les résultats ont montré que les personnes vivant dans des milieux ruraux qui sont intégrés dans des régions urbanisées sont plus susceptibles d'être satisfaites que celles vivant dans des milieux urbains de la même région. D'un autre côté, si l'on considère les régions caractérisées par des niveaux d'urbanisation plus faibles, le contraire est vrai : le fait de vivre dans un contexte rural est lié à une satisfaction de vie moindre comparé aux zones urbaines de la même région.

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généralement des niveaux inférieurs de bien-être avec les plus grandes villes, alors qu'il n'en va pas de même pour les zones urbaines intermédiaires.

Ces données suggèrent l'impact indirect et spatialement diversifié des villes/campagnes sur la satisfaction de vie des individus: il ne s'agit pas seulement de savoir si les gens vivent dans des communautés urbaines ou rurales, mais plutôt dans quelle mesure l'accessibilité aux équipements de la ville détermine la satisfaction de vie. Dans ce sens, deux grands constats émanent: - Vivre en ville est associé à une moindre satisfaction de vie et cette relation est renforcée à mesure que la taille de la ville augmente. - La distance par rapport aux villes d'ordre supérieur est négativement liée à la satisfaction de la vie, c'est-à-dire que plus la distance est grande, plus le bien-être subjectif est faible.1 Nous assertons par cette conclusion que la ville comme forme d'établissement humain représente plus d'opportunités de cultiver une satisfaction de vie, mais suite aux inégalités y enracinées ce constat n'est pas toujours valide. Pour mieux comprendre, nous explorerons dans le prochain sous-chapitre les différentes façons avec lesquelles les agglomération urbaines augmentent ou diminuent les niveaux de la satisfaction de vie des citadins, spécifiquement en relation avec les sources du bonheur.

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Camilla Lenzi et Giovanni Perucca, " Urbanization and Life Satisfaction: Evidence from EU Cities", Department of Architecture, Built Environment and Construction Engineering, Politecnico di Milano.

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2- L'espace : médiateur des sources du bonheur Quand nous réfléchissons à la relation entre l'environnement et les sources du bonheur, nous percevons l'environnement comme intermédiaire de deuxième degré quant à la procuration du bien-être subjectif et notamment la satisfaction de vie. Nous reconnaissons que la satisfaction de vie est souvent drainée par les aspects de la vie suivants : 1. la suffisance matérielle pour garantir le confort et la sécurité ; 2. les relations sociales aimantes ; 3. la religion ; 4. la santé physique et mentale ; 5. l'engagement dans un travail significatif ; 6. les activités d'épanouissement émotionnel. De la sorte, penser l'espace comme médiateur des sources du bonheur signifie que les agglomérations humaines, à travers leurs configurations spatiales et les opportunités qu'elles offrent, ont le pouvoir de faciliter ou d'empêcher l'accès à ces sources. Pour tester cette hypothèse, nous analyserons l'effet de l'espace urbain sur chacune des sources du bien-être subjectif. 2.1) La ville et la suffisance matérielle Depuis la préhistoire, les villes formaient des moteurs de création et de redistribution de la richesse. En 2025, 600 villes représenteront près de 65% de la croissance du PIB mondial1. Casablanca, Paris, New-York, Dhaka, Shanghai, et tant d'autres sont toutes des destinations migratoires qui enveloppent en soi l'espoir d'une qualité de vie meilleure. Ceci implique que la vie dans une ville riche promet de meilleurs revenus à sa population, mais est-ce vraiment le cas? A travers cet essai, nous questionnerons l'effet de la vie dans différentes zones urbaines sur la mobilité sociale, ainsi nous expliquerons le rôle de l'urbanisme dans l'accès à l'emploi et la répartition des richesses entre les différentes strates de la société. 1

Conférence "Smart Cities: Challenges, opportunities, and success, Glasgow" , disponible en ligne sur : https://www.ice.org.uk/eventarchive/smart-cities-challenges-opportunities-and-success

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Avant de traiter l'échelle purement urbaine, une vue globale sur les territoires est nécessaire pour comprendre la relation entre la ville et les ressources matérielles. Carte.1 (à gauche): répartition de la pauvreté sur le territoire marocain. Les régions en jaune pâle représentent le moindre taux de pauvreté et les régions en rose représentent le plus haut taux de pauvreté. A part les régions du Sahara, les moindres taux de pauvreté sont relevés autour des grandes villes du royaume : Casablanca, Rabat, Marrakech, Tanger, Agadir, Fès,..

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a) La planification territoriale et la répartition des richesses :

Carte.2 (au dessous) : Répartition des revenus individuel annuels sur le territoire américain. En bleu clair sont indiqués les noyaux avec les plus hauts revenus et en orange sont marquées les régions avec les plus bas revenus. Encore une fois, la concentration des grands revenus se fait dans les villes du plus haut rang : New-York, San Francisco, Atlanta, Seattle, Los Angeles,..etc.

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Sur la première carte, sont réparties les différentes régions du Maroc (pays en voie de développement) selon les taux de pauvreté, et sur la deuxième sont cartographiés les revenus annuels selon les régions des Etats Unis (pays développé ). Ces deux cartes reflètent un fait économique appelé la théorie de la place centrale ("Central-place theory", Christaller, 1933). Cette théorie suggère que la localisation des biens et services est due au degré d'aptitude du consommateur à se déplacer pour acquérir un bien ou un service, plus la valeur de la marchandise augmente plus la personne tolèrera les longs déplacements, le contraire est vrai aussi. S'ensuit à cette réalité une localisation dans le même endroit des services du même rang d'importance. Ce qui résulte en une hiérarchie urbaine, où quelques grandes villes procureront tous types de biens et services lorsque les autres centres urbains abriteront moins en moins d'activités économiques au fur et à mesure que leurs tailles se réduisent1. Ceci générera une disparité frappante quant à la distribution des richesses au niveau territoriale et condamnera certaines régions à une pauvreté continue. Donc un premier facteur qui détermine le niveau de vie d'une communauté et ses chances à une mobilité sociale conséquente est son positionnement au niveau de l'armature urbaine territoriale. Un déséquilibre territorial suggère des avènements de flux migratoires grandioses vers les grands centres urbain et un empirement de leur situation sociale. b) La pauvreté urbaine et la ségrégation économique : Bien que les villes soient attirantes grâce à la dynamique humaine qui les caractérise, elles sont aussi des lieux d'inégalités sociales et économiques frappantes. L'inaccessibilité à l'éducation ou à une bonne formation professionnelle, l'absence d'une structure familiale forte (divorces, maladies chroniques, décès des parents, enfants de rues,..), l'inaccessibilité aux soins médicaux, la marginalisation spatiale et fonctionnelle sont quelques formes d'inégalités vécues par les populations en marge. Pourtant, la pauvreté a existé dans tous les temps et dans tous les contextes, mais un facteur la rend encore pire aujourd'hui qu'avant, on parle ici de la ségrégation économique, le fait que les classes riches, pauvres et moyennes vivent dans des quartiers isolés l'un de l'autre.

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Camilla Lenzi et Giovanni Perucca, op cité.


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La ségrégation économique a différentes conséquences sur la société moderne et surtout sur la persistance des taux de pauvreté urbaine. Pour contempler son effet, faisons un retour en arrière. Jadis, au Maroc, quand riches et pauvres étaient voisins partageant le même espace, des liens de solidarité avaient lieu, l'entraide sociale était présente et les opportunités économiques étaient plus justes. Les enfants des pauvres avaient la même éducation que celle des riches. De ce fait, un enfant pauvre pouvait grâce à ses efforts gagner un revenu meilleur que celui de ses parents en tant qu'adulte et ainsi interrompre le cycle de la pauvreté. Alors qu'aujourd'hui, ceci est devenu très rare. Les enfants qui grandissent dans des quartiers défavorisés ont plus de chance de séjourner en prison que d'acquérir un diplôme certifié ou une opportunité d'emploi décent.

Fig.22 : Le grand boom démographique que connaissent plusieurs villes au monde est dû dans maints cas à l'exode rural, des familles qui quittent la campagne pour chercher des opportunités de travail et un avenir meilleur à leurs enfants. Toutefois, ces familles très pauvres et sans réels moyens de subsistance se réfugient dans les bidons-villes ou dans des quartiers défavorisés où les opportunités de mobilité sociale sont quasiment inexistantes. Ceci génère une pauvreté intergénérationnelle et des noyaux de crime et d'addiction./image d'un bidonville à Casablanca.

Une expérimentation "anti-pauvreté" qui a eu lieu aux Etats Unis au milieu des années 90s appelée "Moving to Opportunity (MTO) " ou "l'opportunité de se déplacer à " a démontré l'effet du quartier de résidence sur les résultats à long-terme des individus.

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L'objet de l'expérimentation était d'étudier l'effet du changement de contexte sur les enfants des familles à bas revenus qui ont déménagé de quartiers à haut degré de pauvreté vers des quartiers à bas degré de pauvreté à l'aide de bons de subvention offerts par l'Etat1. D'après cette expérimentation, plusieurs constats ont été déduits: 1- Les enfants qui avaient moins de treize ans quand leurs familles ont déménagé ont marqué un taux plus haut quand à l'accès aux études supérieures ainsi que des revenus plus élevés. Ils ont pu gagner dans leur mi-vingtaine un revenu annuel supérieur de 3477 $ (31%) en moyenne par rapport au groupe témoin. 2- Ces enfants devenus adultes vivent dans de bons quartiers et sont moins susceptibles de devenir des parents célibataires. 3- Les enfants qui avaient plus que treize ans lorsque leurs parents ont déménagé ont présenté des résultats négatifs au long-terme, ce qui peut être une conséquence des effets perturbateurs de la transition vers un environnement très différent. 4- Les revenus des adultes ne se sont pas élevés ainsi que les taux de travail, mais leurs niveaux de bien-être subjectif, de santé physique et mentale et leur sentiment de sécurité ont connu des améliorations importantes. En bref, cette étude soutient l'hypothèse que le lieu de résidence des enfants a de véritables effets sur leur progrès à long-terme. Ceci est en relation avec leur accès à une meilleure scolarisation et leur exposition à un meilleur environnement social. Dans les quartiers de la classe moyenne, les enfants pauvres ne vivent pas la marginalisation et l'insécurité vécue dans les quartiers pauvres, aussi ils sont moins exposés aux maux de la société. Avoir une société mixte et égalitaire empêche le développement de l'extrémisme et bénéficie de la richesse de la diversité urbaine. Quand des chercheurs ont questionné les caractéristiques des régions à forte mobilité sociale, ils ont trouvé cinq : un taux de ségrégation économique et raciale moindre, des niveaux bas d'inégalité des revenus, de meilleurs établissements scolaires, des niveaux bas des crimes violents et un grand nombre de ménages biparentaux2.

Raj Chetty, Nathaniel Hendren, et Lawrence F. Katz, "The Effects of Exposure to Better Neighborhoods on Children: New Evidence from the Moving to Opportunity Experiment", Harvard University et NBER, 2015. 2 Raj Chetty et Nathaniel Hendren, " The Impacts of Neighborhoods on Intergenerational Mobility Childhood Exposure Effects and County-Level Estimates", Harvard University working paper, 2015. 1

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De même, le lieu de résidence a un effet déterminant sur l’accès à l’emploi. Ce constat a été confirmé par de nombreux travaux qui mettent en avant une grande variété de mécanismes. Selon l’hypothèse de spatial mismatch (mauvais appariement spatial), la distance physique aux opportunités d’emplois explique le chômage des populations les plus fragiles (Kain, 1968). Du fait de cette distance excessive, les coûts de transport deviennent disproportionnés au regard du salaire proposé (Brueckner et Martin, 1997 ; Coulson, Laing et Wang ; 2001) et l’efficacité de la recherche d’emploi se détériore à cause des coûts de prospection induits par la distance aux emplois (Davids et Huff, 1972 ; Rogers, 1997 ; Immergluk, 1998). Par ailleurs, comme les loyers sont plus faibles dans les zones distantes ou mal connectées aux emplois, il y a moins d’incitation à chercher un emploi bien rémunéré (Patacchini et Zenou, 2006). Au-delà de cet effet de distance à l’emploi, un individu résidant dans un quartier défavorisé peut être confronté aux conséquences de la ségrégation résidentielle en étant pénalisé par son réseau social ce qui pénalisera son retour rapide à l’emploi (Selod et Zenou, 2006). Pour Benabou (1993), les zones qui agglomèrent des populations en difficultés freinent l’accumulation en capital humain (via des « effets de pairs ») et freinent in fine la mobilité sociale. Par ailleurs, en référence à la théorie « épidémique » des ghettos de Crane (1991), les problèmes sociaux qui détériorent l’employabilité des individus se transmettent par des interactions de voisinage (O’Reagan, 1993). Cette ségrégation socio-spatiale peut également être à l’origine d’une stigmatisation de certains territoires de la part des employeurs. Boccard et Zenou (2000) utilisent la notion de redlining pour désigner cette pratique qui vise à discriminer sur la base d’un zonage spatial. On parle alors de discrimination territoriale. Un dernier mécanisme tient à la potentielle inadéquation locale entre les qualifications offertes par les demandeurs d’emploi et les compétences demandées par les entreprises (Skill mismatch). Dans ce cas, il devient difficile pour une entreprise de pourvoir un emploi ou pour un demandeur de trouver un emploi, puisque les qualifications offertes et demandées ne correspondent pas localement.1 Quant à la part de l'urbanisme dans cette équation, elle réside surtout dans le zonage et ses lois relatives ainsi que dans l'infrastructure du transport en commun. Ces deux facteurs dictent en fait la manière avec laquelle les gens vivent, se déplacent et interagissent les uns les autres. Ils manipulent ainsi indirectement le transfert de la 1

Yannick L’HORTY et al., "Les effets du lieu de résidence sur l’accès à l’emploi : une expérience contrôlée sur des jeunes qualifiés en Ile-de-France", 2011, <halshs-00745017>, p.4.

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richesse collective au sein de la société. Quand les fils des classes aisées monopolisent le marché laissant peu de places aux enfants des milieux modestes, la richesse stagne dans un seul point et l'amélioration des niveaux de vie des plus démunis stagne aussi. Les urbanistes doivent encourager la mixité sociale à travers les fonctions qu'ils prescrivent aux quartiers mais surtout à travers les projets d'habitat. La classe moyenne, la classe bourgeoise et les pauvres doivent coexister dans un seul espace pour créer un certain équilibre même si cela paraît un peu utopique. Certes la relation entre la ville et la pauvreté n'est pas uniquement liée à la ségrégation spatiale entre riches et pauvres. Cette ségrégation n'est qu'un facteur qui aggrave la situation. Et certes la ségrégation n'est pas uniquement le fruit du zonage mais plutôt le résultat de plusieurs agents à savoir les spéculations foncières, les mouvements de gentrification, les projets de recasement de l'habitat informel,..etc. Donc, comme la pauvreté est plurielle ses solutions le sont aussi, des solutions qui s'apprêtent à des réajustements et de revalorisation de contexte plus qu'autre chose.

Fig.23: Projet Palmitas à Pachuca de Soto au Mexique a transformé les façades moroses d'un quartier pauvre en un fond de toile géante à l'échelle urbaine. Ce projet de street art n'a pas seulement enjolivé le quartier mais a contribué à une diminution de 35% de délinquance depuis son lancement en 2012 (rapporté par une chargée de l'urbanisme ). Roberto Robles Jaimez, 36 ans graffeur se rappelle : "Un enfant m'a dit que depuis qu'on avait peint sa maison, il avait davantage envie d'aller à l'école, parce qu'il était plus heureux".

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" Un réseau social sain ressemble à la masse de racines d'un arbre. Les relations les plus importantes forment le cœur du réseau qui s'étend à travers les racines les plus minces vers des contacts de force et d'intensité différentes. Les réseaux de racines de la plupart des gens se contractent, se referment sur eux-mêmes, s'enveloppant de plus en plus étroitement autour des conjoints, des partenaires, des parents et des enfants. Ceux-ci sont nos relations les plus importantes, mais chaque arboriculteur sait qu'un arbre avec une petite motte est plus susceptible de tomber quand le vent souffle.1" Le plus grand triomphe d'une ville réside dans sa capacité à rapprocher des personnes de cultures et de natures différentes. La ville se définie en premier lieu par sa densité, c'est une concentration de personnes et de ressources matérielles sur un territoire limité. La densité rétrécit les distances entre les gens, de ce fait, plus une ville est dense plus elle procure de meilleures opportunités sociales. Néanmoins, de jour en jour, les taux d'indifférence et d'incohésion sociale entre les citadins, surtout ceux des grandes villes, augmentent. Plus de vulgarité et moins de manières sociales sont présentes. Les gens se sentent plus que jamais seuls et en manque de relations sincères et honnêtes. Vivre parmi des voisins à qui on ne parle pas, travailler avec des personnes en qui on a pas confiance, et avoir des amis qu'on voit très rarement est certainement l'antithèse de ce que la ville devrait offrir en matière de vie sociale. Pourquoi est-on arrivé là ? Est-ce que le design urbain en est responsable ? Et comment peut-on surmonter ce nouveau déficit social à travers une meilleure configuration spatiale?

Partie II : Bonheur et environnement...Quelles liaisons?

2.2) La ville et les relations sociales

a) Villes dispersées, villes antisociales : Certes toutes les villes ne sont pas les mêmes. Nous avons des métropoles, des mégalopoles, des grandes villes, des villes moyennes et de toutes petites villes à peine franchissant le seuil de la densité urbaine. Ces différentes configurations spatiales donnent naissance à des vies sociales aussi diversifiées. Or, notre étude portera exclusivement sur la ville dite dispersée, celle qui représente le modèle urbanistique le plus répandu de nos jours ainsi que celui le plus contraignant à la sociabilisation.

1

Charles Montgomery, op.cité., p.84.

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" Il est impossible de nier que la ville dispersée a modifié les voies et les vitesses avec lesquelles nous nous croisons. Les communautés dispersées peuvent évincer des rencontres fortuites de nos vies en poussant des destinations quotidiennes au-delà de la portée du piéton."1

Fig.24: vue du ciel de la ville de Curitiba au Brésil

Le zonage a fait que les fonctions se dispersent et les distances entre logement, travail et récréation s'agrandissent, se résultant en un mode de vie presque "antisocial". Pour partir au travail, un habitant casablancais à revenu moyen doit passer entre 40 et 180 minutes sur la route ou dans les moyens de transport. Ce temps consacré à la mobilité consomme les moments de qualité qu'une personne peut passer avec sa famille et ses amis, et accentue les niveaux de stress, de l'humeur négative et de l'hostilité qui s'ensuivent des embouteillages ou de l'insuffisance des transports en commun. Arrivée en fin de journée chez elle, dans un lotissement qui se situe en marge de l'activité urbaine, cette personne aura sans doute envie de se refermer chez soi pour profiter d'un moment de bonheur en paix. Vivre ainsi rend difficile le développement des relations de solidarité et de bon voisinage surtout si les quartiers fournissent peu d'opportunités de sociabilisation, ex : jardins publics, mosquées, cafés et marchés urbains. Aussi, au sein même de la cellule familiale, les relations 1

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Charles Montgomery, op.cité., p.87.


Le géographe Steven Farber et ses collègues de l'Université de l'Utah ont tenté de calculer à quel point il est facile ou difficile pour les personnes vivant dans les plus grandes villes américaines de se rencontrer après le travail dans un espace temps d'une heure et demi. Ils se sont basés sur la taille de la ville, de la population, de la géographie, de la forme et de l'occupation du sol pour trouver des centaines de millions d'enveloppes de rencontre spatiales possibles. Le résultat a été appelé le potentiel d'interaction sociale d'une ville. A travers cette analyse, ils ont démontré que le frein le plus puissant au potentiel d'interaction sociale de Farber était la décentralisation: plus une ville s'étale, moins les citoyens avaient accès les uns aux autres.1

Partie II : Bonheur et environnement...Quelles liaisons?

deviennent tendues à cause du peu de temps dont les membres jouissent ensembles. Et sur une autre échelle, même les amitiés souffrent de plus en plus. Une personne peut désormais avoir des amis un peu partout mais ne profitera pas de leur soutien vu qu'elle n'a ni les moyens ni le temps pour les voir. Un simple rendez-vous autour d'une tasse de thé peut devenir une mission impossible.

Plusieurs autres études ont confirmé les effets néfastes de l'étalement urbain sur la vie sociale des citadins. Une menée en Suisse en 2009, sur les navetteurs vers les centres internationaux comme Genève ou Zurich, a trouvé que les longs déplacements créaient un effet dispersif sur le réseau social des gens: plus les déplacements étaient longs, plus les amis avaient tendance à vivre loin l'un de l'autre. Plus précisément, chaque neuf kilomètres de trajet supplémentaire signifiait que les amis vivaient à 2.3km de distance l'un de l'autre ce qui rend logistiquement les rencontres de face à face plus difficiles.2 Une autre étude suédoise, réalisé en 2011 par Erika Sandow, a révélé que les personnes qui subissent plus de quarante-cinq minutes de trajet étaient 40% plus susceptibles de divorcer. Les longs trajets créent des conflits sur le plan familial: lorsqu'un membre d'un couple prend un trajet plus long, son conjoint finit par prendre plus de responsabilités à la maison et est plus susceptible d'accepter des emplois moins

1 2

Charles Montgomery, op.cité., p.88. Ibid., p.90.

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rémunérateurs ou à mi-temps ce qui contribue aux tensions au sein de la famille ( le partenaire faisant le sacrifice est généralement la femme même en Suède).1 On déduit de ces faits, qu'une partie du problème et de la solution au déficit social vécu entre citadins est du ressort du design urbain. Un développement urbain basé sur les longues distances altèrera sans doute la qualité de la vie sociale des milliers de personnes. Encore plus, des quartiers sans équipements socio-éducatifs, de loisirs ou de cohésion sociale entraineront aussi des baisses dans les taux de confiance ressentie entre voisins. b) La verticalité et le sentiment de "la surcharge sociale" : Les résidents des tours témoignent un sentiment bizarre de mélange de solitude et de surpeuplement en même temps et ils sont les seuls qui relatent des niveaux de confiance ressentie plus bas qu'à ceux relatés en zone périurbaine. L'influence de la dimension des immeubles sur les relations de voisinage et le bienêtre des habitants sont l'objet, depuis plusieurs années, de recherche en psychologie. Celles-ci ont montré que les immeubles comprenant un grand nombre de logements favorisent le sentiment d'anonymat et rendent plus difficile le contrôle des interactions sociales. Les habitants sont soumis dans les espaces communs à un plus grand nombre de contacts informels, imprévisibles, susceptibles de provoquer des sentiments d'entassement et un manque d'intimité. Face à une surcharge d'interactions sociales, les habitants adoptent des comportements de repli sur soi, voire d'évitement des contacts qui rendent plus difficiles l'établissement de relations de solidarité. En psychologie environnementale, cette expérience est appelée "surcharge sociale" et décrit l'effet de l'exposition à une quantité d'informations sociales qui dépasse la capacité de gestion cognitive d'une personne. De ce fait, ce n'est pas vraiment la densité en soi qui entraîne des perceptions de surpeuplement et des réponses sociales et affectives négatives mais plutôt c'est ce sentiment de surcharge sociale.

1

Erika Sandow, "Til Work Do Us Part: The Social Fallacy of Long-distance Commuting", Urban Studies, volume 51 (3), pp.526-543, Février 2014.

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On conclut alors qu'une forte densité spatiale n'est pas forcément rejetée, si elle s'accompagne d'une certaine densité d'animation apportée par la richesse des commerces de proximité, la présence de lieux de cultures et de convivialité (cafés, restaurants ...espaces verts et espaces de jeux) favorisant les échanges choisis entre les habitants.1

Fig.25 : L'immeuble "Mountain Dwellings" de Bjarke Ingels, rassemble 80 appartements avec des patios spacieux sur 11 étages surélevés sur un lot de parking de voitures. Le projet redéfini la densité en lui donnant un souffle à l'échelle humaine.

c) La ville connectée et la fortification du lien social : Certes nous vivons une époque où tout le monde est connecté voire même "surconnecté", non pas à une vie sociale réelle mais plutôt virtuelle. Si cette forme de connexion était fructueuse à notre bien-être physiologique et psychologique, nous ne verrons certainement pas s'accroître des pourcentages alarmants de dépression et d'anxiété entre les jeunes générations. Selon les dernières études, il s'avère que les personnes qui passent beaucoup de temps sur les plateformes des réseaux sociaux sont 2.7 fois plus susceptibles de succomber à une forme de dépression2. Aussi, des études ont révélé que notre besoin d'interactions sociales ne peut être satisfait que si on arrive 1 2

Atelier Parisien d'urbanisme, "Quelle forme urbaine pour quelle densité vécue ?", n°10, juin 2003. Lin LY et al., "Association between social media use and depression among U.S young adults" , Depress Anxiety, 2016

Apr;33(4):323-331. doi: 10.1002/da.22466.

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Partie II : Bonheur et environnement...Quelles liaisons?

à toucher les personnes avec lesquelles on interagit1. Malheureusement, aujourd'hui les tendances commencent à s'inverser, la majorité passe plus de temps à interagir virtuellement au lieu de vivre de réels rapports de face à face. Au Maroc, selon une enquête menée en 2012 sur la répartition du temps chez les marocains2, il s'est avéré que la personne moyenne passe uniquement 5 % de son temps en sociabilisation l'équivalent d'environ une heure comparé à 2heures devant un écran télé ou à 4 heures sur internet ( recensée par un autre sondage de Averty Market Research & Intelligence3). Alors que pour que la courbe du bien-être subjectif se rehausse, nous avons besoin d'environ 6 à 7 heures du temps consacré à la sociabilisation par jour4. Que faire donc pour ré-inverser le sort? La clé à ce problème serait la création d'invitations, des invitations à sortir et à s'engager dans des activités communautaires. Les gens s'adaptent vite au changement, il faut donc créer des changements dans leurs contextes pour les inciter à avoir des vies socialement actives. Une première étape serait d'encourager la marche, de réduire les distances en créant des proximités physiques et des zones à usage mixte, "La marche est le début, le point de départ. L'homme a été créé pour marcher, et tous les événements de la vie, grands et petits, se développent lorsque nous marchons parmi les autres. La vie dans toute sa diversité se déploie devant nous quand nous sommes à pied ."5 La création de zones de rencontres, d'activités de groupes et d'intégration sociale dans l'espace public au sein des zones résidentielles est une deuxième forme d'encouragement à la vie sociale. La vie extérieure doit se rivaliser à la vie intime et ceci ne sera possible que si les activités y entretenues soient plus attirantes et attrayantes. D'autres facteurs sont d'une importance égale notamment la protection, la sécurité, l'accessibilité, la présence du mobilier urbain et la qualité visuelle. Finalement un nouveau concept qui gagne d'avantage de terrain en matière d'urbanisme est appelé "Smart growth" ou la croissance intelligente. Ce concept vise à 1

David J.Linden, " Touch: The Science of the Hand, Heart, and Mind", Penguin, 2016. https://www.hcp.ma/file/160331/ 3 http://lavieeco.com/news/economie/un-marocain-sur-deux-passe-plus-de-4-heures-par-jour-sur-internet24141.html 4 http://news.gallup.com/poll/107692/social-time-crucial-daily-emotional-wellbeing.aspx 5 Jan Gehl, "Cities for people", IslandPress, 2010, p.19. 2

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2.3) La ville et la religion

Partie II : Bonheur et environnement...Quelles liaisons?

améliorer la qualité de vie en milieu urbain en limitant l'étalement de la ville. Il est particulièrement intéressant parce qu'il ambitionne sur la création d'une vie urbaine plus conviviale et chaleureuse qui privilégie le piéton. Parmi ses objectifs: l'implantation des activités urbaines (travail, loisir, étude, commerces,..) à proximité des lieux de résidence et la reliure de la ville avec des moyens de transport durables afin de pouvoir donner plus de choix et de liberté personnelle aux individus. Ce concept vise aussi à optimiser l'utilisation du sol et à contrôler la croissance urbaine en préservant les espaces verts et les terres agricoles.1

A travers les âges, les bâtiments iconiques, ceux avec la plus grande hauteur et dont l'architecture est la plus soignée dans la ville, étaient réservés aux institutions puissantes et influentes de la société. Dans les villes médiévales européennes, les grandes places publiques étaient des places cultuelles, dans lesquelles l'Eglise dominait le paysage urbain. Dans les villes musulmanes anciennes, il n'y avait qu'une seule place publique, celle de la grande mosquée. La grande mosquée se positionnait au centre de la ville et abritait diverses fonctions (cultuelle, éducative, législative et sociale). Elle formait le cœur battant de la cité et sous son épaule se répandaient les réseaux de souks. La mosquée servait, à travers sa localisation et son importance fonctionnelle, comme rappel aux valeurs musulmanes et comme outil de censure implicite aux actions malsaines.

Fig.26: Place du Duomo à Milan en Italie est une très grande place où la cathédrale gothique Duomo se démarque avec sa grande splendeur et finesse architecturale.

1

Salma Ziad, "La psychologie de l'espace : Vers une architecture du bonheur", Travail personnel de fin d'études pour l'obtention du diplôme d'architecte, encadré par Pr Jaouad Guennouni, Ecole Nationale d'Architecture, Rabat, 2016, p.61, mutatismutandis.

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Partie II : Bonheur et environnement...Quelles liaisons?

De nos jours et dans plusieurs coins du monde, les institutions qui occupent les bâtiments les plus pesants sont soit des administrations de haut degré présentant l'Etat ou des bâtiments d'entreprises puissantes. Cette mutation reflète un changement de repères sociétaux. Si autrefois, le pouvoir religieux avait le plus de prise sur les gens, aujourd'hui ce sont l'argent et la sécurité territoriale qui représentent les nouveaux dieux. Dans les paragraphes suivants, nous questionnerons le rapport entre l'urbanisation et l'évolution de la religiosité, ainsi que les façons avec lesquelles la religion est présente dans nos villes. a) Modernisation et sécularisation : " Au niveau individuel, on dira qu’une personne se sécularise lorsqu’elle s’inscrit dans une dynamique de sortie du religieux, c’est-à-dire qu’elle attribue une place de moins en moins centrale au référent religieux dans sa vie. Cette baisse de l’importance du religieux peut se traduire sur différents plans : diminution dans la rigueur des pratiques cultuelles, affaiblissement des croyances, minorisation du marqueur religieux dans l’autodéfinition de soi, privatisation plus stricte des comportements religieux, éloignement des cercles de sociabilité religieuse, réduction de l’importance des normes religieuses dans l’éthique personnelle, etc. Par extension, l’identité d’une personne sera dite sécularisée si les identifications et appartenances de celle-ci témoignent d’une distance assumée avec le référent religieux, lui attribuant une place non centrale tant sur le plan de la narration de soi que sur celui du sentiment d’inclusion dans la collectivité humaine."1 De manière générale, ruraux et citadins sont devenus moins religieux qu'avant. Les croyances religieuses commencent à perdre place face au matérialisme et aux sciences modernes. Or, cet effet semble être plus fort en ville qu'en campagne, selon des études récentes aux Etats unis (le pays le plus religieux de l'Ouest) la population rurale montre un niveau supérieure de religiosité par rapport aux citadins et aux habitants des périphéries urbaines.2 En alignement avec ces statistiques, les premiers sociologues français ont décrit la ville comme le tombeau de la religion, « Je suis pour 1

Stéphane Jonlet et Jean-Philippe Schreiber, "Dynamiques individuelles de sécularisation : le cas des personnes de tradition musulmane en Belgique", Centre d'Action Laïque (CAL) et Centre interdisciplinaire d’étude des religions et de la laïcité (CIERL), 2014, pp.39-40. 2 Gallup index of Leading Religious Indicators by community type, 2002, disponible sur : http://news.gallup.com/poll/7756/communities-faith.aspx

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ma part convaincu que, sur cent ruraux s’établissant à Paris, il y en a à peu près 90 qui, au sortir de la gare Montparnasse cessent d’être des pratiquants » (Le Bras, 1956 : 480)1. D'autres supportent l'opposé, ils avancent que les villes sont devenues des lieux de reconstruction religieuse : " Le renouvellement historiographique du fait religieux en ville (McLeod, 1995 et 2000 ; McLeod et Ustorf, 2003) a permis de considérablement nuancer cette hypothèse et a montré comment les villes européennes et nord-américaines constituaient des espaces de prédilection pour l’innovation religieuse. Si la ville industrielle a été indubitablement une scène de crise de la pratique religieuse, elle a également été un formidable terrain pour le renouvellement missionnaire (Encrevé, 1993 ; Winston, 1999) et pour un travail de recomposition des paysages religieux."2 Quelle relation existe donc entre l'urbanisation et la religiosité ? Pour comprendre la liaison, nous étudierons d'abord le concept de la sécularisation et sa liaison avec la modernisation : " La sécularisation désigne le processus visible depuis la fin du Moyen Âge qui voit des activités ou des dimensions de la vie humaine reliées à la sphère religieuse comme l'Art, l'Éthique, la Morale ou la Politique se couper de toute référence au sacré ou à la transcendance. La sécularisation, au sens en usage aujourd'hui définit un processus dans lequel le monde et l'histoire humaine peuvent se comprendre à partir d'eux-mêmes, de manière proprement immanente. [..] En sociologie, La sécularisation correspond à un processus de baisse de l'influence des religions dans la société. 3" "Ce recul du religieux s'opère : - au niveau sociétal, par la perte de contrôle des Églises (ou autres institutions religieuses) sur des secteurs de la société tels que les soins de santé, l’éducation ou les services sociaux ; - au niveau organisationnel, via le déclin des organisations confessionnelles ; - et au niveau individuel, par la diminution des croyances et pratiques religieuses."4 Donc l'objet de la sécularisation consiste en la disparition progressive et définitive des religions de la vie des Hommes. Les processus de la sécularisation remontent à la Renaissance européenne qui est connue pour l'effervescence de l'humanisme, de la 1

Frédéric Dejean et Lucine Endelstein, "Approches spatiales des faits religieux : jalons épistémologiques et orientations contemporaines", Carnets de géographes, n°6, Septembre 2013, p.7. 2 Ibid., p.7. 3 https://fr.wikipedia.org/wiki/S%C3%A9cularisation#En_histoire 4 Stéphane Jonlet et Jean-Philippe Schreiber, op.cité., p.37.

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rationalisation des sciences et des esprits. Elle marquait la sortie du moyen âge vers un monde plus "lumineux" voire aussi sécularisé. La sécularisation est aussi étroitement liée à la modernisation. A savoir que la Renaissance n'était que le point de départ d'une longue tournure historique, l'apogée de la sécularisation se verra dans l'ère industrielle, moderne puis contemporaine. Ainsi, en architecture et en urbanisme, le mouvement moderne pourrait être décrit comme l'incarnation spatiale de la pratique séculière de part sa théorie et ses applications1. Le modernisme nous a crée des villes machinistes, des villes qui favorisent les voitures et les lieux de production au dépend des lieux de spiritualité. Le déploiement de l'individualisme et la nouvelle mobilité urbaine axée sur les longues distances ont encouragé le recul croissant de la pratique religieuse ainsi que l'orientation des esprits vers le matérialisme. Bien que cette hypothèse paraît plus ou moins évidente, plusieurs soupçons l'entourent encore : 1- L'urbanisme moderne est un urbanisme étatique, c'est une traduction spatiale d'une volonté politique qui voulait substituer le pouvoir étatique au pouvoir religieux et qui a accompagné les actions urbanistiques par des actions politiques, économiques et sociales de sécularisation. 2- Les processus psychosociaux qui influencent le recul religieux au niveau individuel sont complexes et dépendent de variables tant individuelles que contextuelles de telle sorte qu’il est délicat de tenter de les isoler, et extrêmement risqué de leur attribuer une valeur prédictive. En plus, dans plusieurs cas, le contexte sociale prime sur le contexte physique. 3- Enfin la théorie de la sécularisation qui prédit la fin des religions a été profondément remise en question par les chercheurs qui la défendaient, notamment Peter Berger, qui en étudiant la vigueur religieuse aux États-Unis, dans l'hémisphère Sud et dans les anciens pays communistes, l'a considérée comme une erreur de jugement historique, allant jusqu’à parler de "désécularisation": « Le monde d'aujourd'hui est, à quelques exceptions près [...], aussi furieusement religieux que toujours, et par endroits plus qu'il ne l'a jamais été »2. Ainsi le point de vue a changé, au lieu de 1

Malheureusement, les études dédiées aux faits de sécularisation n'ont pas étudié l'effet de l'urbanisme moderne et celui contemporain dans ce sens, du coup cette théorie est une observation personnelle ouverte à toute critique . 2 Peter L. Berger (éd.), "The Desecularization of the World". Resurgent Religion and World Politics, Grand Rapids, Eerdmans, 1999, p. 2.

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Tout compte fait, lier la ville avec toutes ses contradictions au recul religieux s'avère un exercice très difficile du côté théorique aussi bien qu'empirique. Néanmoins, on peut avancer l'hypothèse que la présence permanente de la religion en ville peut conduire à une revivification de l'esprit religieux, alors que son absence du public encourage son effacement de la sphère privée aussi.2 b) La religion dans la ville :

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considérer les cas de vitalité religieuse comme des exceptions à expliquer, les chercheurs ont commencé à considérer la relative sécularisation de l’Europe comme la véritable singularité à expliquer.1

La religion peut être présente dans trois types de paysages urbains : - le paysage visuel : concerne l'architecture et l'emplacement de l'équipement religieux: sa taille, sa centralité, sa connectivité aux zones importantes de la ville et son rôle de repère visuel. A ce niveau, rentrent aussi les événements et les parades religieuses qui ont lieu dans les espaces publics. - le paysage sonore : une religion vivante et pratiquée identifie le paysage sonore de la ville et son rythme urbain à travers l'appel à la prière ( Adhan, cloches, ..) "L'importance d'une religion se mesure aussi dans le paysage sonore qu'elle définit: autour du bassin méditerranéen, l'appel du muezzin signe la présence de l'Islam, comme les sonneries de cloches renvoient à la chrétienté. Alain Corbin a récemment montré que le tintement clérical des cloches a été l'objet d'une longue entreprise de sécularisation: la Révolution a entrepris de lui substituer la sonorité républicaine du tambour, et pas seulement en transformant les cloches en canons."3 - et le paysage fonctionnel : les institutions et équipements religieux ne peuvent être totalement fonctionnels que si ils contribuent positivement à la vie quotidienne des gens. Pour donner de l'importance à une religion, ses monuments doivent être intégrés de manière dynamique dans la vie publique. Cette intégration peut se faire au niveau scolaire, juridique, économique et sociale. La mosquée par exemple doit rester 1

Stéphane Jonlet et Jean-Philippe Schreiber, op.cité., pp.38-39. Ibid., pp.73-77. 3 Jean-Paul BURDY, "La ville désenchantée ? Sécularisation et laïcisation des espaces urbains français (Milieu XIXe‑Milieu XXe s.)", Cahier d'Etudes sur la Méditerranée Orientale et le monde Turco-Iranien [En ligne], 19 | 1995, mis en ligne le 14 mai 2006, consulté le 30 septembre 2016. URL : http:// cemoti.revues.org/1693 2

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ouverte toute la journée et accueillir des fonctions primordiales comme l'éducation des enfants, l'habilitation des jeunes, elle peut jouer le rôle de lieu de formation professionnelle ou de développement personnel en y intégrant des locaux spécialisés. Est-ce que la présence effective de la religion au sein de la ville encouragera les individus à devenir plus religieux? Ceci restera une question ouverte. 2.4) La ville et la santé physique et mentale Notre santé est fortement influencée par notre environnement de vie, cette assertion est sans doute une des évidences scientifiques les moins controversées. En 2012, l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a estimé un nombre de 12.6 millions de décès causés par le fait d’avoir vécu ou travaillé dans un environnement insalubre. Ce chiffre représente presque un quart des taux de décès dans le monde et a été l'objet de recherche d'une étude exhaustive de l'OMS qui a porté sur l’impact des risques environnementaux sur plus de 100 maladies et traumatismes1. " [..] «Il faut investir d’urgence dans des stratégies destinées à réduire les risques environnementaux dans nos villes, nos logements et nos lieux de travail», dit le Dr Maria Neira, Directeur du Département Santé publique, déterminants sociaux et environnementaux de la santé de l’OMS. «Ces investissements peuvent freiner considérablement l’augmentation de la charge des affections cardiovasculaires et respiratoires, des traumatismes et des cancers au niveau mondial et entraîner une baisse immédiate des dépenses de santé», a-t-elle ajouté."2 Suivant cette optique, nous allons explorer deux dimensions de la relation entre la ville et la santé physique et mentale : 1. L'aggravation et peut être l'atteinte de certaines maladies à cause de l'environnement urbain insalubre. 2. L'encouragement des modes de vie sains à travers quelques alternatives d'aménagement.

1

A Prüss-Ustün, J Wolf, C Corvalán, R Bos et M Neira, " Preventing disease through healthy environments : A global assessment of the burden of disease from environmental risks", WHO library Cataloguing-in-Publication Data , 2016. 2 http://www.who.int/mediacentre/news/releases/2016/deaths-attributable-to-unhealthy-environments/fr/

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Quand nous invoquons le mot épidémie une image des populations tropicales nous vient à l'esprit. Nous visualisons les enfants atteints de malaria dans l'un des pays de l'Afrique subsaharienne, ou de Syndrome respiratoire aigu (SRAS) dans une région du sud-est de l'Asie, ou encore des patients affligés par le redoutable virus d'Ebola. Néanmoins, les statistiques dévoilent qu'aujourd'hui les taux les plus élevés de mortalité et de morbidité ne sont pas liés à ces maladies infectieuses, elles sont plutôt dues à de nouveaux facteurs à savoir : les maladies cardio-vasculaires, des types de cancer, les accidents routiers, ..etc. Vu le grand nombre des décès qu'elles causent par an, ces maladies s'apprêtent pour des épidémies malgré leur nature non transmissible et sont qualifiées d'urbaines parce qu'elles se répandent dans les villes plus que dans les milieux ruraux.

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a) Les nouvelles épidémies urbaines :

Dans la liste suivante, sont énumérées les principales causes de décès prématurés liés aux facteurs environnementaux estimés dans les régions de l'OMS en 20121: 1. Accidents vasculaires cérébraux – 2,5 millions de décès par an; 2. Cardiopathies ischémiques – 2,3 millions de décès par an; 3. Traumatismes non intentionnels (p. ex. accidents de la circulation) – 1,7 million de décès par an; 4. Cancers – 1,7 million de décès par an; 5. Affections respiratoires chroniques – 1,4 million de décès par an; 6. Maladies diarrhéiques – 846 000 décès par an; 7. Infections respiratoires – 567 000 décès par an; 8. Affections néonatales – 270 000 décès par an; 9. Paludisme – 259 000 décès par an; 10. Traumatismes volontaires (p. ex. suicides) – 246 000 décès par an. A la vue de ces chiffres nous devrons nous sentir alarmés et commencer dès présent à chercher des alternatives pour prévenir ces maladies et rehausser la qualité de la santé publique. Afin d'atteindre cet objectif, nous allons d'abord chercher les raisons environnementales derrière la propagation de ces maladies.

1

http://www.who.int/mediacentre/news/releases/2016/deaths-attributable-to-unhealthy-environments/fr/

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b) Les causes environnementales derrières les épidémies urbaines : Dans l'étude établie par l'OMS, sont étudiés en particulier les facteurs environnementaux «modifiables», c’est à dire ceux susceptibles d’être modifiés à l’aide des techniques, politiques et mesures préventives et de santé publique disponibles. Ces facteurs environnementaux comprennent les dangers physiques, chimiques et biologiques qui nuisent directement à la santé et qui favorisent des comportements malsains (par exemple, la sédentarité)1. Entre autres, ont été pris en considération : - l'environnement bâti y compris l'habitat, les lieux de travail, les modes d'occupation du sol et les routes, - le changement climatique et des écosystèmes lié aux activités humaines, - les comportements liés à des facteurs environnementaux comme l'accessibilité à l'eau saine pour laver les mains et l'activité physique encouragée par un design urbain amélioré. Comme nous l'apercevons, l'architecture et l'urbanisme sont aussi des facteurs pouvant donner lieu à des risques environnementaux responsables de plusieurs maladies. A titre d'exemple, le cancer du sein qui cause le plus grand nombre de décès chez les femmes (environ un demi million de décès en 2012 selon l'OMS) est dû à 30% à une faible ou inactivité physique 2. D'une autre part, les accidents routiers sont la plus grande raison des morts suite au blessures provoquant 1.25 millions de décès annuels au monde (OMS, 2015d) et se sont révélés liés à 40% à des facteurs environnementaux (ce pourcentage est encore plus haut par rapport aux pays aux revenus bas et moyens)3 . En gros, les risques sanitaires imputables à l'architecture et au design urbain peuvent être catégorisés comme suit : 1)Le transport : Plusieurs risques sont liés au transport public ou individuel, nous en citons : 1

A Prüss-Ustün, J Wolf, C Corvalán, R Bos et M Neira, op.cité, p.X. Ibid., p.48. 3 Ibid, p.73. 2

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La conception de l'environnement bâti participe soit à la croissance ou à la diminution des risques routiers. Plus précisément, la conception des routes, dans laquelle des installations telles que les trottoirs, les voies cyclables et les passages piétons sont manquants, inadéquats ou en mauvais état sont plus dangereuses pour les piétons et les cyclistes (OMS, 2013g). Une conception de route qui ne prend pas en compte la sécurité des différents modes de transport augmente les risques dans une situation de trafic mixte. Il est donc nécessaire de prendre en compte la sécurité de tous les usagers de la route lors de la conception des routes et des voies, des intersections, des passages piétons et de la vitesse de circulation des véhicules1.

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- Les accidents routiers : Près de 50% des morts sur les routes dans le monde sont les usagers les moins protégés : motocyclistes, cyclistes ou piétons (OMS, 2015e).

Fig.27: exemple de route où les précautions de sécurité ne sont pas du tout prises en considération./photo d'une avenue à Mumbai en Inde.

Au-delà des éléments conceptuels de la route elle-même, la planification de l'occupation du sol limitrophe (à des fins commerciales, industrielles, récréatives, de transport, de conservation, agricoles ou mixtes) peut contribuer aux accidents routiers (OMS, 2013a; 2004). En l'absence d'une bonne planification, ces occupations du sol évolueront au hasard, et la circulation routière évoluera de manière similaire pour 1

Ewing, R. et Dumbaugh, E., "The built environment and traffic safety: a review of empirical evidence". J Planning Literature, volume 23, n°11, 2009.

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Partie II : Bonheur et environnement...Quelles liaisons?

répondre aux besoins de ces diverses activités. Ce type de situation est susceptible de produire de forts flux de circulation à travers les zones résidentielles, des véhicules à grande vitesse se mélangeront avec les piétons, et des véhicules commerciaux lourds destinés aux longues distances utiliseront des itinéraires non conçus pour un tel trafic. L'exposition au risque qui en résulte affectera les automobilistes, les piétons, les cyclistes et les utilisateurs de deux-roues motorisés (OMS & La banque mondiale, 2004). En somme, les facteurs de l'occupation du sol qui impactent les risques du trafic routier sont la densité, l'usage mixte du sol et la structure de la ville.1 - Le mode de vie sédentaire : La dépendance aux moyens de transport pour se déplacer spécifiquement des automobiles privées encourage l'adoption d'un mode de vie sédentaire. Or, le manque d’exercice physique est un facteur de risque pour diverses maladies non transmissibles y compris les cardiopathies ischémiques, les cancers du sein, du côlon et du rectum et le diabète sucré. Selon les estimations, on pourrait réduire les niveaux de sédentarité de 31 % dans certaines régions développées comme l’Amérique du Nord en prenant des mesures environnementales : aménagement de zones piétonnières et de pistes cyclables, mise à disposition d’équipements de loisirs ainsi que sur le lieu de travail et l'élaboration de politiques propices à des modes de vie moins sédentaires.2 - Les nuisance sonores 3: Le bruit est un son indésirable qui crée une sorte de gêne et de malaise chez l'auditeur. Le bruit communautaire; appelé aussi bruit ambiant, bruit résidentiel ou bruit domestique; est le bruit émis par toutes les sources, à l'exception du bruit sur le lieu de travail industriel. Les moyens de transport sont la principale source de la pollution sonore environnementale, notamment la circulation routière, le trafic ferroviaire et le trafic aérien. En règle générale, les plus gros véhicules et les plus lourds émettent plus de bruit que les petits et légers véhicules, exception faite des hélicoptères et des véhicules routiers à deux et trois roues. 1

A Prüss-Ustün, J Wolf, C Corvalán, R Bos et M Neira, op.cité, p.73. Ibid., pp.70-72. 3 Birgitta Berglund, Thomas Lindvall, Dietrich H Schwela, "Guidlines For Community Noise", World Health Organization, Genève, 1999, pp.vii-xii. 2

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Divers effets néfastes sur la santé ont été liés à la pollution sonore, nous en comptons : - La perte auditive induite par le bruit : Il est estimé que 120 millions de personnes dans le monde souffrent de difficultés auditives invalidantes. Dans les pays en voie de développement, non seulement le bruit professionnel mais aussi le bruit ambiant constitue un facteur de risque croissant pour l'audition.

Partie II : Bonheur et environnement...Quelles liaisons?

Bien qu'il ait été suggéré que la pollution sonore est un problème de luxe pour les pays développés, on ne peut ignorer que l'exposition est souvent plus élevée dans les pays en voie de développement, en raison d'une mauvaise planification et d'une mauvaise construction des bâtiments.

- Des effets de perturbation du sommeil : Le sommeil ininterrompu est un pré-requis pour un bon fonctionnement physiologique et mental, et les principaux effets de la perturbation du sommeil sont: la difficulté à s'endormir; réveils et altérations des stades de suintement ou de la profondeur; augmentation de la pression artérielle, du rythme cardiaque et de l'amplitude de l'onde de pouls; la vasoconstriction; changements dans la respiration; arythmie cardiaque; et l'augmentation des mouvements du corps. Les effets secondaires, ou les séquelles, le matin ou les jours suivants sont: une qualité de sommeil perçue réduite, une fatigue accrue, une humeur dépressive, un manque de bien-être et une baisse des performances. - Des effets cardiovasculaires et psychophysiologiques : L'exposition au bruit peut avoir un impact important, temporaire ou permanent, sur les fonctions physiologiques. Après une exposition prolongée, les individus sensibles peuvent développer des effets permanents, tels que l'hypertension et les cardiopathies ischémiques associées à une exposition à des niveaux sonores élevés. - La réduction de la performance : Il a été démontré principalement chez les travailleurs et les enfants, que le bruit peut nuire à la performance des tâches cognitives. Bien que l'excitation induite par le bruit puisse produire de meilleures performances dans des tâches simples à court terme, les performances cognitives se détériorent considérablement pour des tâches plus complexes. La lecture, l'attention, la résolution de problèmes et la mémorisation sont parmi les effets cognitifs les plus fortement affectés par le bruit. Le bruit peut également agir comme un stimulus

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Partie II : Bonheur et environnement...Quelles liaisons?

distrayant et des événements de bruit impulsif peuvent produire des effets perturbateurs à la suite de réactions de sursaut. Les enfants des zones plus bruyantes témoignent une augmentation de l'excitation sympathique, comme indiqué par des niveaux accrus d'hormones de stress, et une pression artérielle au repos élevée. Le bruit peut également produire des déficiences et augmenter les erreurs au travail, et certains accidents peuvent être un indicateur de déficits de performance. - Réponses d'agacement, l'interférence avec la communication et les effets sur le comportement social : Un bruit supérieur à 80 dB (A) peut réduire le comportement d'aide et augmenter le comportement agressif. - La pollution de l'air : À mesure que le monde s'urbanise, la pollution de l'air ambiant devient un des principaux risques environnementaux dans les villes, causant 3,7 millions de décès par an. Aussi, plus de 80% des gens vivant dans des zones urbaines où la pollution atmosphérique est surveillée sont exposés à des niveaux de qualité de l’air ne respectant pas les limites fixées par l’OMS. Si toutes les régions du monde sont touchées, les habitants des villes à revenu faible sont ceux qui subissent le plus de conséquences. La diminution de la qualité de l’air en milieu urbain augmente pour les habitants le risque d’accident vasculaire cérébral, de cardiopathie, de cancer du poumon et de maladies respiratoires aiguës, notamment d’asthme. «Il est fondamental que les municipalités et les gouvernements nationaux fassent de la qualité de l’air en milieu urbain une priorité de santé et de développement», déclare le Dr Carlos Dora de l’OMS, «Lorsque la qualité de l’air s’améliore, les coûts sanitaires liés à des maladies dues à la pollution atmosphérique diminuent, la productivité des travailleurs s’accroît et l’espérance de vie augmente. La réduction de la pollution atmosphérique est également une bonne nouvelle pour le climat, et peut donc s’intégrer dans les engagements des pays vis-à-vis du traité sur le climat.».1 La plupart des sources de pollution de l’air extérieur en milieu urbain ne sont pas du ressort des personnes et exigent l’intervention des municipalités, ainsi que des décideurs nationaux et internationaux afin de promouvoir des modes de transport plus écologiques, une production d’énergie plus efficace et une bonne gestion des déchets. Dans une étude élaborée à l'université de Granada en Espagne, des chercheurs ont analysé l'effet de différents changements de transport sur la qualité de l'air dans deux 1

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http://www.who.int/mediacentre/news/releases/2016/air-pollution-rising/fr/


2)Les bâtiments : L'espace intérieur d'un bâtiment joue plusieurs rôles, directs et indirects, dans le maintien ou la détérioration de l'état de santé de ses occupants. Parmi les risques sanitaires liés à l'architecture nous trouvons :

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villes de taille similaire: Grenade (Espagne) et Ljubljana (Slovénie). Plusieurs polluants atmosphériques ont été mesurés sur les deux sites avant et après la mise en œuvre des changements. Les résultats obtenus ont indiqué que la fermeture des rues à la circulation privée, le renouvellement de la flotte d'autobus et la réorganisation des transports publics améliorent considérablement la qualité de l'air, la réduction de la pollution primaire de l'air peut arriver jusqu'à 80%.1

- La perturbation du rythme circadien : Dans les bâtiments modernes, la lumière est souvent fournie par des sources électriques qui peuvent être adéquates pour l'exécution de tâches visuelles, mais qui manquent de la composition spectrale appropriée et de l'intensité requise pour stimuler le système circadien. Au fil du temps, le manque d'exposition à des schémas appropriés de lumière / obscurité peut perturber le système circadien, entraînant des résultats négatifs, notamment un sommeil lent, une vigilance réduite et un risque accru de divers problèmes de santé ( développement de néoplasmes, etc..). Bien que les fabricants d'éclairage aient commencé à commercialiser des produits d'éclairage «à réglage de couleur» conçus pour imiter les changements quotidiens du spectre lumineux produits par l'environnement naturel, rien ne prouve que ces systèmes serviront de substitut efficace et fiable à la lumière du jour. Il faudrait donc insister dans la conception architecturale des bâtiments à ce qu'il y ait une pénétration suffisante de la lumière naturelle par rapport à l'activité intérieure.2 Fig.28 : cartographie de l'efficacité du rythme circadien avec un logiciel : les flèches rouges indiquent les zones où la lumière naturelle atteint le seuil minimal pour 5 jours ou plus durant une semaine pendant une année, alors que les carrés noirs ne sont jamais suffisants pour soutenir les rythmes circadiens.

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G. Titos et al., "Evaluation of the impact of transportation changes on air quality", Atmospheric Environment, Mai 2015. Kyle Konis, " When it comes to design, what is a healthy dose of daylight?", AIA, 13 Juillet 2017.

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- l'obésité, le surpoids et l'inactivité physique dans les bâtiments : Le surpoids se réfère à l'état des personnes ayant un indice de masse corporelle (IMC) compris entre 25 et 30 kg / m3, et l'obésité à une condition où l'IMC est supérieur ou égal à 30 kg / m3. En 2014, 39% des adultes âgés de 20 ans et plus étaient en surpoids et 13% étaient obèses (OMS, 2015i) et 42 millions d'enfants de moins de cinq ans étaient en surpoids ou obèses en 2013. Le surpoids et l'obésité sont des facteurs de risque majeurs de maladies non-transmissibles tels que les maladies cardiovasculaires, le diabète, les troubles musculo-squelettiques et certains cancers. Le surpoids et l'obésité sont causés par une consommation accrue d'aliments à forte densité énergétique, ainsi que par un manque d'activité physique et un mode de vie sédentaire.1 Ici, le rôle de l'architecture rentre quant à la valorisation de l'activité physique en intramuros. « Il y a plusieurs moyens de prévenir l’obésité et les maladies chroniques, mais l’une des grandes stratégies, c’est que les gens adoptent un mode de vie physiquement actif », fait valoir Sophie Paquin, urbaniste à la DSP et professeure associée au Département d’études urbaines et touristiques de l’Université du Québec à Montréal. « Il nous faut des bâtiments qui amènent les gens à faire de l’activité physique sans s’en rendre compte », explique Éric Robitaille, chercheur d’établissement à l’unité Habitudes de vie de l’INSPQ.2 Dans leur livre "Nudge : Improving Decisions About Health, Wealth, and Happiness", les auteurs américains Richard H.Thaler et Cass R. Sunstein débattent qu'un design quel quelle soit sa nature, n'est jamais neutre. L'architecte comme concepteur de l'espace, peut à travers de simples gestes architecturaux, influencer les décisions prises au sein de son bâtiment. A titre d'exemple, notre décision concernant notre mode de déplacement entre les niveaux se joue primordialement par rapport à la mise en valeur des escaliers vis-à-vis des ascenseurs. L'idée ici, est que les humains, adultes et enfants, sont influençables par des petits changements de contexte. Suivant ce mode de pensée, l'architecte ne conçoit pas uniquement les espaces mais les choix aussi. Il peut donc orienter les usagers vers des choix qui bénéficieront leur santé. C'est ainsi qu'un nouveau concept a vu le jour appelé " le design actif " dont l'objectif est d'encourager

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A Prüss-Ustün, J Wolf, C Corvalán, R Bos et M Neira, op.cité, p.70. https://www.oaq.com/esquisses/design_actif/dossier/sante_publique.html


Partie II : Bonheur et environnement...Quelles liaisons?

les gens à adopter des modes de vie plus actifs et moins sédentaires grâce à des interventions architecturales et urbaines.

Fig.29 : Dans une initiative dans le cadre du design actif, la Concordia's Business School a transformé la cage d'escalier du bâtiment John Molson en une réelle exhibition artistique afin d'encourager l'usage des escaliers et le rendre beaucoup plus passionnant et jovial.

- Les nuisances sonores : Les principales sources du bruit à l'intérieur des bâtiments sont les systèmes de ventilation, les machines de bureau, les appareils électroménagers et les voisins. Une bonne isolation acoustique et une priorisation de la ventilation naturelle à la place de celle électrique procureront un bien-être meilleur au sein des lieux de travail et de l'habitation. - La pollution de l'air ambiant : Nous avons tendance à penser que l'air intérieur est plus propre que celui extérieur alors que les études dévoilent que la pollution intérieure peut être cinq à sept fois plus grave que celle environnementale et qu'elle a des répercussions sur la santé probablement tout aussi sérieuses.1 La gamme des polluants qui entre en jeux est très diversifiées contenant en large partie des émissions produites par les matériaux de construction, à savoir: Les composés organiques volatiles (COV), la poussière, le monoxyde de carbone, les moisissures, le

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www.oqai.fr

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Partie II : Bonheur et environnement...Quelles liaisons?

radon, les plastifiants..etc. Certains polluants plus que d'autres, ont des effets très nuisibles à la santé des occupants, notamment le formaldéhyde et l'amiante. Les concentrations de polluants peuvent varier d’un milieu à l'autre. Elles sont induites par divers facteurs, comme les types et la quantité de matériaux, le type d’implantation (structure, isolation), l’âge du bâtiment (ancien, neuf, rénové), l’étanchéité et le taux de changement d’air, le type de chauffage (bois, mazout, électricité), les activités anthropiques (cuisine, fumée de cigarette, produits de nettoyage, etc.), l’emplacement géographique (ville, proximité d’une industrie ou d’une autoroute), l’humidité relative, la température, les conditions météorologiques (saison, vent, pluie). - Les troubles affectifs et mentaux : liés aux conditions de surpeuplement, d'incohésion sociale et des formes rigides et sombres de l'architecture (voir partie II, Chapitre B. pp 74-84). 3)L'infrastructure sanitaire: Un pilier d'une bonne santé publique en ville est un système d'alimentation et de drainage des eaux proportionnel à la densité urbaine. Outre l'infrastructure de circulation et de transport, l'inaccessibilité aux facilités sanitaires (évacuation des eaux vannes et usées, alimentation en eau potable) est une cause primordiale du décès prématuré et de la perte d'années en bonne santé. Les risques liés à ce domaine sont relatifs aux maladies diarrhéiques. En 2014, 19 % des contaminations étaient liées à l'assainissement, 34% à la pollution de l'eau potable et 20 % au non lavage des mains. Au total, il est estimé qu'environ 58% (34-72%) de tous les cas de diarrhée dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, soit 57% dans le monde, sont attribuables à l'environnement, ce qui entraîne 842 000 décès par an1. 4)L'espace public : Les espaces publics offrent des opportunités de restauration, de renouvellement de l'énergie et de récréation. Ils ont la capacité de fortifier notre lien avec la nature et procurent des lieux propices aux rassemblements humains. Ils servent aussi à l'amélioration de la qualité de l'air en ville, encouragent l'activité physique, et sont une opportunité pour développer l'agriculture urbaine. A travers les marchés urbains, 1

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A Prüss-Ustün, J Wolf, C Corvalán, R Bos et M Neira, op.cité, pp.16-17.


c) L'architecture et l'urbanisme pour une meilleure santé publique : Il s'agit maintenant de définir quelques stratégies pour limiter les conséquences sanitaires liées au cadre bâti, à l'infrastructure et aux modes de vie contemporains. Il s'agit effectivement de limiter et non pas d'arrêter parce que certaines pratiques sont difficilement changeables, du moins pour le moment. L'interdiction totale des véhicules à combustibles des villes en est un exemple. Cependant, quelques interventions sont abordables et largement acceptées par les décideurs et les citoyens. En voici une liste qui récapitule les principales :

Partie II : Bonheur et environnement...Quelles liaisons?

la provision de la nourriture fraîche est assurée ainsi qu'une bonne liaison entre la ville et son arrière-pays.

Pour une bonne qualité de l'air et une circulation sécurisée, il faut : - Surveiller la qualité de l'air : Parmi les villes faisant l’objet d’une surveillance, plus de la moitié dans les pays à revenu élevé et plus du tiers dans les pays à revenu faible ou intermédiaire ont réduit leurs niveaux de pollution atmosphérique de plus de 5% en 5 ans. - S'orienter vers des constructions à faibles émissions de carbone. - Piétonniser les centres-villes - Instaurer une circulation équitable et sécurisée pour les différents usagers de la route: piétons, cyclistes, personnes à mobilité réduite et automobilistes. - Restreindre la circulation des véhicules dans les zones résidentielles, - Privilégier les transports en commun rapides et écologiques. Pour une activité physique suffisante, il faut opter pour : - une densité moyenne à grande, une proximité physique des destinations importantes (travail, école, commerces, transport public) et une occupation du sol à usage mixte, - une bonne connectivité, - des installations et équipements sportifs accessibles à tout le monde, - des espaces verts et des espaces ouverts, - des interfaces entre le bâtiment et l'espace public qui favorisent la promenade. - l'encouragement de l'utilisation des escaliers chez les personnes valides en fournissant des escaliers idéalement situés pour un usage quotidien, en affichant des enseignes de motivation , en concevant des escaliers visibles, attrayants et confortables;

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Partie II : Bonheur et environnement...Quelles liaisons?

- décentralisation des fonctions du bâtiment pour encourager de courtes promenades dans les espaces partagés tels que les salles de courrier et de repas, fournir des itinéraires de marche attrayants et favorables dans les bâtiments; - des installations qui permettent de faire de l'exercice à l'intérieur des bâtiments, comme des espaces d'activité physique visibles au centre, des douches, des vestiaires, un local à vélos sécurisé et des fontaines d'eau potable; - des expériences attractives le long des voies de circulation (vues, art, lumière du jour, verdure). Pour une bonne hygiène, une bonne nourriture et un rythme circadien régulé, il faut: - Développer l'accès à l'eau potable et à des installations suffisantes d'assainissement. - Rendre accessible la nourriture fraîche : marché urbains, agriculture urbaine. - Analyser l'apport de la lumière naturelle dans les bâtiments lors de la conception. 2.5) La ville et la satisfaction au travail Avoir un travail est une condition de base pour la satisfaction de vie. Les statistiques montrent que les personnes avec un emploi ont une satisfaction de vie supérieure de 0.6 sur une échelle de 1 à 10 comparés aux personnes sans emploi et que ces derniers expérimentent 30% de plus d'affects négatifs que les premiers. Ceci est valide dans tous les coins du monde autant pour les hommes que pour les femmes. 1 Quant à la satisfaction au travail, plusieurs paramètres entrent en jeux notamment: la nature du travail, le sentiment d'engagement, les relations entre les collègues, le niveau de revenu, l'équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle ..etc. En rapport avec l'urbanisme, nous étudierons l'impact de la proximité physique et des modes de navette sur la satisfaction au travail. A ce propos, une recherche a été réalisée par University of the West of England pour étudier l'effet de navette sur la satisfaction au travail ainsi que sur la satisfaction de vie générale2. Pour ce faire, elle s'est basée sur un échantillon de plus de 26 000 employés en Angleterre sur une période de cinq ans. Les résultats les plus éminents de cette recherche sont les suivants : 1

Helliwell,J., Layar, R.et Sachs, J, op.cité., p.146. Chatterjee, K., Clark, B., Martin, A. & Davis, A. "The Commuting and Wellbeing Study: Understanding the Impact of Commuting on People’s Lives", UWE Bristol, UK, 2017, pp.17-18.

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2. Les personnes qui se déplacent à pied ou en vélo vers leurs lieux de travail rapportent une satisfaction meilleure quant à leurs travaux et à leurs loisirs en comparaison avec ceux qui font la navette en train ou en bus. 3. L'impact négatif sur la satisfaction au travail avec des trajets plus longs au travail s'applique plus fortement aux femmes qu'aux hommes. L'effet le plus important pour les femmes est susceptible d'être lié à de plus grandes responsabilités familiales qui leur imposent plus de temps à la maison.

Partie II : Bonheur et environnement...Quelles liaisons?

1. Chaque minute qui s'ajoute au temps de la navette se manifeste par une baisse de la satisfaction au travail. En gros, l'ajout de 20 minutes de trajet par jour a le même effet négatif sur la satisfaction au travail que de recevoir une réduction de salaire de 19%.

4. Les déplacements de longue durée ont un effet négatif plus fort sur la satisfaction au travail pour ceux qui vivent dans une zone métropolitaine en dehors de Londres. Cela implique que les conditions de voyage peuvent être particulièrement difficiles dans les régions métropolitaines anglaises à l'extérieur de Londres. 5. Les jeunes travailleurs âgés de 16 à 29 ans éprouvent moins de satisfaction au travail que les travailleurs plus âgés, mais ne sont pas sensibles aux trajets plus longs. Une explication plausible est que les jeunes travailleurs acceptent le fait de devoir faire des trajets plus longs au début de leur carrière. Encore une fois, la proximité physique de l'habitat des activités humaines essentielles : travail, loisir, équipements et infrastructure s'avère un gage d'une satisfaction de vie meilleure.

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Partie II : Bonheur et environnement...Quelles liaisons?

2.6) La ville et les opportunités récréatives Pour se divertir, une personne peut lire, jouer (sport, jeux vidéos, jeux d'échecs, ..), pratiquer de l'art (peinture, dessin, sculpture, chant, musique), se promener, passer du temps dans la nature, converser avec ses proches,..etc. Une myriade de pratiques existent que la vie dans des environnements denses permet de découvrir, les unes se passent individuellement, d'autres ont besoin de se développer au sein de la communauté. La ville a pour devoir de créer des noyaux de forces qui drainent et cultivent les talents. Il est tout à fait juste de dire que les villes axées uniquement sur les fonctions brutes élémentaires sont des villes mortes. Elles sont ennuyeuses, moroses et vieillissent rapidement. Au Maroc, par exemple, ceci est le cas de la plus part des villes moyennes, elles sont plus ou moins fonctionnelles mais ne remplissent pas leur rôle culturel et civilisationnel. Elles sont comme un corps qui respire mais qui est privé d'âme. Alors que les grandes ville présentent un large éventail d'opportunités de récréation, de développement des talents, d'éveil culturel et de réceptacle d'ambitions, ce qui les rend toujours plus attractives malgré la multitude de contraintes qu'elles entrainent.

Fig.30: Les métiers d'artisanat peuvent servir d'un passe-temps productif pour les jeunes. Ils leur permettront d'entrer dans un état de Flow et d'apprendre un savoir-faire ancestral.

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Enfin, les aspects récréatif et créatif d'une ville aident à son propre épanouissement aussi bien que celui de ses citadins, à travers la création d'un capital humain novateur et productif. 2.7) Conclusion

Partie II : Bonheur et environnement...Quelles liaisons?

Dans un deuxième temps, une ville doit non seulement créer des espaces de récréation mais faciliter leur accès aussi. A ce sujet, des centres communautaires locaux devraient être intégrés dans la planification des quartiers nouveaux ou dans les projets de régénération urbaine pour que chacun, riche ou pauvre aie accès à une forme de récréation.

La ville est une estrade de conflits d'intérêts. De part ses avantages et ses inconvénients, elle est à la fois attirante et trompeuse. Pour influencer positivement la satisfaction de vie individuelle, une ville devrait garantir : - une mixité socio-économique, - une bonne connectivité, - une proximité physique et une mixité fonctionnelle, - des moyens de transport en commun à la fois rapides et écologiques, - la" marchabilité"(walkability) et la sécurité des cyclistes, - des équipements de cohésion sociale à l'échelle du quartier, - la sécurité, - des activités extérieures attrayantes, - la qualité visuelle du cadre bâti - des espaces publics bien équipés en mobilier urbain, - une croissance intelligente (en opposition avec un étalement démesuré), - une accessibilité facile aux équipements cultuels et un rayonnage des pratiques religieuses, - des lieux conçus sous les principes du design actif, - des systèmes sanitaires appropriés à la taille de l'agglomération, ..etc.

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Partie II : Bonheur et environnement...Quelles liaisons?

Parmi tous les objets de notre monde physique, l'enveloppe spatiale à la fois architecturale et urbaine est la plus influente sur le cours de nos vies, notre état émotionnel et même à des degrés différents sur notre satisfaction de vie. Pour ce, notre problématique de départ sur ce qu'est un environnement heureux peut trouver une réponse dans deux dimensions d'influence spatiale: 1- La capacité de l'environnement de vie à générer le bien-être émotionnel de l'individu. 2- Le rôle du design urbain dans la facilitation de l'accès aux sources du bonheur.

Ainsi, un espace architectural heureux est un espace qui procure un bon niveau de bien-être émotionnel. C'est un environnement harmonieux, diversifié, dynamique, naturalisé, à l'échelle humaine et appropriable. D'une autre part, une ville heureuse est une ville égalitaire qui garantie le confort matériel et la dignité de ses habitants, sociable qui aide à forger des relations de solidarité et d'union, sanitaire qui facilite un mode de vie actif et hygiénique et religieuse qui enrichi la spiritualité des croyants, facilite la pratique religieuse et crée une ambiance de tolérance. C'est aussi une ville compacte, à l'échelle humaine soudée par des moyens de transport écologiques et doux facilitant la mobilité des employés et employeurs. Finalement c'est une ville créative qui représente une scène de polissement des talents et un lieu de jouissance et d'épanouissement. Comment est-ce une ville pourrait devenir ainsi? Existe-il des cas de villes heureuses ou est-ce un projet en cours de réflexion ?

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III


-


1- Le concept du "Placemaking"

Le design urbain du bonheur : Principes et outils Partie III :

La ville est en premier lieu un projet humain dont l'organisation devrait servir le bien-être des habitants et des usagers. D'après les exemples suivants nous essayerons d'explorer différentes méthodes par lesquelles les établissements urbains pourront être au service de l'Homme, nous étudierons les différentes problématiques urbaines liées aux modes de la planification moderne et nous présenterons des études de cas où le triomphe a été aux côtés de la raison sociale et du bien-être des usagers.

1.1) Présentation du concept : Le placemaking est à la fois un processus et un courant de pensées volontaristes. Il adresse la fabrication de l'espace public (rues, places, jardins, squares, terrains de jeux/sports, marchés urbains, fronts de mer, façades, parkings,..etc.) sur la base des principes de la fortification de la fabrique sociale d'une communauté et du développement économique local. Ce concept qui littéralement signifie "la fabrication du lieu" capitalise sur les atouts, l'inspiration et le potentiel d'une communauté locale pour aboutir à la création d'espaces publics de qualité contribuant à la santé, au bonheur et au bien-être des usagers. Selon les partisans de ce mouvement, bâtir des villes inclusives, salubres, fonctionnelles et productives est le plus grand défi de notre ère, cependant, une partie clé du puzzle se trouve dans l'espace public. "Lorsque les municipalités ont des difficultés économiques, l'investissement dans les espaces publics peut être considéré comme une réponse facultative. Dans les pays du Sud, l'établissement des conditions minimales pour un espace public approprié - sécurité et propreté - peut être un défi particulier. Mais la vérité est que même un petit investissement dans un espace public de qualité fournit des retours multiples aux villes avec

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Le design urbain du bonheur : Principes et outils Partie III :

la prévoyance de voir sa valeur. En renforçant le tissu social, en offrant des opportunités économiques et en stimulant le bien-être des citoyens, l'espace public peut faire progresser les ressources limitées et enrichir la communauté sur les plans social et financier."1 1.2) Origines du concept : Le terme "placemaking" a vu le jour vers la moitié des années 90s ; dans le cadre des travaux de l'organisation "Projects for Public Spaces (PPS)" basée aux Etats Unis ; afin de décrire une approche qui se sert du capital humain local dans le façonnement d'espaces publics pour tous. Cette organisation dont les travaux ont commencé en 1975 plaide le droit de rétablir les méthodes organiques ancestrales de la création des villes et des établissements urbains notamment celles communautaires contraires aux méthodes modernes qui se servent d'un urbanisme orienté du haut en bas (up-bottom). Leur conviction que seules les communautés locales savent exactement définir leurs besoins et réussir les projets suivent les philosophies de leurs mentors à savoir : la journaliste Jane Jacobs et l'urbaniste William. H Whyte dont les travaux aux années 60s promettaient un design urbain qui va à la rencontre du bien-être de l'Homme et de la communauté. Jacobs encourageait les citoyens à s'approprier leurs rues à travers l'idée devenue aujourd'hui célèbre "yeux sur la rue" (en anglais "eyes on the street"), alors que Whyte décrivit les éléments clés pour créer une vie sociale dynamique dans les espaces publics dans ses fameux livre et court-métrage intitulés : "The social life of small urban spaces". S'appuyant sur la sagesse de ces pionniers urbains (et autres), PPS a progressivement développé une approche globale du placemaking.2 1.3) La problématique traitée : La problématique particulière que soulève le placemaking concerne les méthodes de la planification et de la gestion urbaines actuelles. Selon les travaux menés dans ce contexte, quatre orientations du design urbain ont été recensées3 : 1- Le design urbain articulé autour du projet (en anglais "project-driven"): Cette orientation urbanistique donne place à des espaces qui suivent un protocole général sans aucune considération aux besoins et aux désirs locaux. Ces espaces émergent d'un 1

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Project for public spaces, Inc. et UN-HABIBTAT, "Placemaking and the future of cities", p.1.

2

https://www.pps.org/reference/what_is_placemaking/

3

"Placemaking: what if we build our cities around places ?", une brochure composée par Projects for Public Spaces, p.20-21.


2- Le design urbain articulé autour de la discipline (en anglais "discilpine-led"): Les projets guidés par la discipline peuvent être de grande valeur et plus photogéniques, mais leur dépendance sur la vision singulière des architectes et urbanistes ainsi que d'autres corps de métiers isolés souvent donne lieu à des espaces qui ne fonctionnent pas très bien comme lieux de rassemblement public.

Partie III :

3-Le design urbain articulé autour de la sensibilité de l'espace (en anglais "placesensitive") : cette nouvelle approche des projets urbains tend de recueillir l'apport de la communauté. Néanmoins ce processus est toujours mené de manière individuelle par des designers urbains et des architectes. 4- Le design urbain orienté vers une approche de place (en anglais "place-led"): Une réelle approche de

place ne dépend pas seulement des apports de la communauté, mais se concentre aussi sur les caractéristiques d'un lieu fondé sur l'engagement communautaire. Un processus guidé par une approche de place rend la proximité un objectif et la planification et le management de l'espace public partagé une activité de groupe qui construit un capital social et des valeurs communes. Les participants locaux à ce processus se sentent investis dans l'espace public résultant et sont plus susceptibles de s'engager comme volontaires à sa maintenance.

Le design urbain du bonheur : Principes et outils

système de conception vertical orienté du haut en bas et d'un pilotage bureaucratique qui place au dessus de tout le respect des délais et du budget.

Fig.31 : Schéma des orientations du design urbain

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A savoir que la fin du processus du placemaking est la création de places de qualité, nous sommes interpelés à comprendre ce que ça signifie et ce qui diffère ces places des autres espaces ordinaires. Chaque place est un espace, mais pas chaque espace peut être considéré comme une place. Un simple espace ne peut devenir une place que s'il est doté d'un esprit du lieu et auquel ses usagers se sentent attachés. Ce type d'espace est désigné sous l'appellation "Places de qualité". Les places de qualité sont des espaces à usages mixtes où plusieurs fonctions et attractions s'entremêlent pour créer des destinations dignes d'intérêt. Ce sont des lieux où les gens ordinaires et les business préfèrent être. Elles sont attrayantes, dynamiques et appréhendent l'art public et les activités créatives1.

Partie III :

Le design urbain du bonheur : Principes et outils

1.4) Les places de qualité comme finalité du placemaking

Fig 32: "The Place Diagram " un outil pratique de l'évaluation de la qualité des espaces publics par leurs usagers . 1

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Mark A. Wyckoff, "Definition of placemaking : Four Different Types", MSU Land Policy Institute, p.2.


Le tableau suivant inventorie les éléments clés des places de qualité et leurs caractéristiques clés qui sont le résultat d'une bonne forme: Les éléments clés des places de qualité  Usages mixtes  Présence d'espaces publics de qualité  Accès haut débit  Multiples options de transport  Options de logement diversifiées  Préservation des structures historiques  Patrimoine communautaire

Caractéristiques formelles  Masse, densité et échelle appropriées au site d'implantation  L'échelle humaine  La marchabilité ou "walkability": circulation orientée autour des piétons et des cyclistes ou autres modes de circulation douce.

Les caractéristiques clés des places de qualité

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1- Elles sont accessibles et bien connectés aux destinations importantes de la zone. 2- Elles sont confortables et projettent une bonne image. 3- Elles attirent les gens à prendre part à des activités in-situ. 4- Elles présentent des environnements sociables où les gens aiment se réunir et revenir constamment.

Partie III :

La majorité des places réussies, à grande comme à petite échelle, partagent quatre caractéristiques clés:

 La sécurité  La connectivité  L'accueil  Des expériences authentiques  L'accessibilité : Facilité à circuler dans et entre les lieux publics.  Le confort  La quiétude (sauf si le contraire est souhaitable)

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Le design urbain du bonheur : Principes et outils Partie III :

 L'art, la culture et la créativité  Loisirs et récréation  Espaces verts

 La promotion et la facilitation de l'engagement civique.

Tab 2: Composantes et caractéristiques des places de qualités

La recette des places de qualité peut être résumée comme suit: une forme physique adéquate mêlée à un usage mixte approprié du sol et des fonctions, plus un mélange optimal d'opportunités sociales donnent naissance à des activités de qualité dans des places de qualité avec un fort esprit du lieu. 1.5) Le processus du placemaking: "Quand le processus du placemaking est mené avec transparence et bonne foi et orienté du bas en haut, il aboutit à un lieu appropriable par une communauté engagée et où la forme sert la fonction. Ici, les besoins humains seront satisfaits et accomplis, pour le bien de tous."1 Les 11 principes du placemaking :

Fig 33: Schéma représentant les principes du placemaking

1

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 La sociabilité

Project for public spaces, Inc. et UN-HABIBTAT,op.cité., p.4.


"Lorsque des personnes de tous les âges, les capacités et les milieux socio-économiques peuvent non seulement accéder et se réjouir d'une place, mais aussi jouer un rôle pertinent dans son identité, sa création et sa maintenance, c'est là que nous pouvons voir le placemaking authentique en action." 2 Cette approche est basée sur la conviction qu'il ne suffit pas de développer simplement des idées du design urbain et des éléments conceptuels physiques pour revitaliser un espace public. Un processus de participation du public qui définit et répond dès le départ aux conditions et aux besoins de la communauté est l'un des facteurs les plus critiques dans la conception d'un espace public réussi. Le placemaking inspire les gens à ré-imaginer collectivement et à réinventer les espaces publics en tant que cœur de chaque communauté.

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1) La communauté est l'expert:

Partie III :

L'organisation PPS a défini 11 principes clés pour transformer des espaces publics sous-performants à des espaces communautaires vibrants1.

En outre, chaque place, chaque culture, est unique. Les questions des normes sociétales, du climat et des traditions doivent être toutes prises en compte. Ce qui fonctionne pour une ville nord-européenne peut être complètement inadéquat pour une ville du sud-est de l'Asie. Par conséquent, chaque culture a besoin de trouver les outils et les approches qui lui sont appropriés. 2) Créer un lieu, pas un design : L'objectif de ce principe est de créer un lieu qui est doté à la fois d'un esprit communautaire fort et d'une image confortable, ainsi qu'un cadre, des activités et usages dont la réunion constitue une valeur qui dépasse la somme de ses simples parties. Des changements du genre de réaménagements paysagers, d'introduction d'éléments physiques qui garantissent le confort (ex.des sièges pour s'assoir), d'un changement dans le "management" de la circulation piétonne au sein de l'espace et la création de liaisons entre les commerces de détail environnants et les activités en cours in-situ, peuvent aider à revitaliser un espace public sous-performant en créant un sentiment de bienvenue et de confort chez les gens. 1 2

https://www.pps.org/reference/11steps/ https://www.pps.org/reference/what_is_placemaking/

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Le design urbain du bonheur : Principes et outils Partie III :

3) Chercher des partenaires : Les partenaires sont essentiels au succès et à l'image futurs d'un projet de mise à niveau de l'espace public. Il est possible de les contacter au début du processus ou de mener des réflexions et des brainstormings avec plusieurs susceptibles de participer à l'avenir. Ils peuvent faire l'objet d'institutions locales, de musées, d'écoles et autres. Ces collaborations sont inestimables pour fournir le soutien nécessaire au lancement et à l'exécution du projet. 4) Ils disent toujours "ça ne peut pas être fait": La création de bons espaces publics est inévitablement confrontée à des obstacles, car personne ni dans le secteur public ni dans celui privé n'a la tâche ni la responsabilité de "créer des lieux/places". Chaque professionnel des acteurs de la ville a une définition restreinte de son devoir ce qui empêche l'interaction entre les différents domaines et ainsi la création des places de qualité. Néanmoins, commencer par des améliorations communautaires à petite échelle peut démontrer l'importance des "places de qualité" et surmonter les obstacles. 5) Avoir une vision : La vision doit émaner de chaque communauté individuellement. Cependant, pour avoir une vision de tout espace public, il est essentiel de savoir quels types d'activités pourraient se dérouler dans l'espace et de le visionner comme un espace confortable qui représente un endroit que les gens perçoivent positivement et aiment passer leur temps dedans. Il devrait susciter un sentiment de fierté chez les gens qui vivent et travaillent aux alentours. 6) Vous pouvez voir beaucoup juste en observant : Nous pouvons apprendre beaucoup des succès et des échecs des autres. En regardant comment les gens utilisent les espaces publics et en découvrant ce qu'ils aiment et ce qu'ils n'aiment pas, il est possible d'évaluer les éléments de réussite d'un espace. Grâce à ces observations, les activités manquantes se manifestent ainsi que ce que pourrait être incorporé. Quand les espaces sont mis en service, continuer à les observer nous en apprendra davantage sur leur évolution et leur gestion au fil du temps.

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8) Trianguler : "La triangulation est le processus par lequel un stimulus externe fournit un lien entre les gens et incite les étrangers à se parler comme s'ils se connaissaient déjà.", (Holly Whyte). Dans un espace public, le choix et la disposition des différents éléments les uns par rapport aux autres peuvent mettre en mouvement (ou non) le processus de la triangulation. Par exemple, si un banc, une corbeille et un post wifi sont placés sans liaison les uns aux autres, chacun recevra une utilisation très limitée, par contre s'ils sont disposés ensemble en addition avec d'autres équipements tel qu'un chariot à café, ils amèneront naturellement les gens ensemble(ou trianguler!). À plus grande échelle, si une salle de lecture pour enfants dans une nouvelle bibliothèque est située pour qu'elle soit proche d'une aire de jeux pour enfants et qu'un kiosque alimentaire soit ajouté, il y aura plus d'activités que si ces installations étaient situées séparément.

Le design urbain du bonheur : Principes et outils

La contribution de la communauté et des partenaires potentiels, la compréhension du fonctionnement des autres espaces, l'expérimentation, le surmontement des obstacles et des opposants fournissent tous le concept de l'espace. Bien que le design soit important, ce sont ces autres facteurs qui indiquent la «forme» dont on a besoin pour accomplir la vision future de l'espace.

Partie III :

7) La forme suit la fonction:

9) Expérimenter : Plus léger, Plus rapide, Moins cher1 " Plus léger, Plus rapide, Moins cher " est une phrase empruntée à Eric Reynolds pour décrire les solutions simples, à court terme et à faible coût qui ont des impacts remarquables sur la formation des quartiers et des villes. Bien que de nombreux défis auxquels sont confrontées les villes d'aujourd'hui vont bien au-delà de la portée de ces interventions individuelles ainsi que plusieurs types de projets (par exemple, pour de grands projets d'infrastructure comme la construction d'un pont), elles restent créatives et forment collectivement une preuve que des changements progressifs et orientés vers une approche de place sont possibles, même au milieu d'obstacles sociaux, économiques et politiques persistants.

1

En anglais "Lighter, Quicker, Cheaper (LQC)"

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Le design urbain du bonheur : Principes et outils Partie III :

Les avantages de "Plus léger, Plus rapide, Moins cher": La complexité des espaces publics est telle qu'on ne peut pas s'attendre à tout faire correctement du premier coup. Les meilleurs espaces expérimentent des améliorations à court terme qui peuvent être testées et affinées pendant de nombreuses années. Des éléments tels que les sièges, les terrasses de cafés en plein air, l'art public, le rayage des carrefours et passages piétons, les jardins communautaires et les peintures murales sont des exemples d'améliorations qui peuvent être réalisées en peu de temps. En apportant des avantages multiples et variés aux communautés, la mise en œuvre des projets " Plus léger, Plus rapide, Moins cher " peut aider à: • Amener la vie et les commodités à des espaces publics mornes auparavant, • Réduire la résistance au changement, tout en autonomisant les communautés vulnérables ou négligées qui peuvent avoir perdu la foi même dans la possibilité du changement, • Générer l'intérêt des investisseurs potentiels : publics et privés, • Établir (ou rétablir) le sens de la communauté d'un quartier ou d'une région, • Savoir les meilleures pratiques pour les efforts de planification ultérieurs, • Encourager l'adhésion de la collectivité (en démontrant, par exemple, comment un nouveau tracé de rue affecterait les flux de circulation non seulement pour les voitures, mais aussi pour les piétons, les cyclistes et le transport en commun), • Rassembler diverses parties prenantes pour générer des solutions et une vision collectives, • Favoriser le sentiment de fierté et d'appartenance de la communauté à l'égard de ses espaces publics. 10) L'argent n'est pas le souci majeur Cette assertion peut s'appliquer de plusieurs manières. Par exemple, une fois que l'infrastructure de base sera installée, les éléments qui seront ajoutés et qui feront que l'espace fleurisse (par exemple : les vendeurs, les cafés, les fleurs et les sièges) ne coûteront pas chers. De plus, si la communauté et les autres partenaires participent à la programmation et à d'autres activités, cela peut également réduire les coûts. Plus important encore, en suivant ces étapes, les gens auront tellement d'enthousiasme pour le projet que le coût est considéré d'un point de vue plus large, et par conséquent, non significatif comparé aux avantages multiples.

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Partie III :

Par nature, les bons espaces publics qui répondent aux besoins, aux opinions et aux changements en cours dans la communauté, nécessitent une attention particulière. Les équipements s'usent, les besoins changent, ainsi que des multitudes de transformations se produisent dans un environnement urbain. Être ouvert au besoin de changement et avoir la flexibilité managériale pour appliquer ce changement est le facteur qui contribue à la création d'espaces publics réussis et des villes merveilleuses.

Le design urbain du bonheur : Principes et outils

11) Vous n'êtes jamais finis :

Fig.34: Schéma représentant les étapes principales du placemaking

1.6) L'espace public comme objet du placemaking L'espace public est l'interface qui connecte nos maisons, nos lieux de travail, nos institutions et le vaste monde. L'espace public, c'est le chemin que nous empruntons pour partir au travail, l'espace dans lequel nous faisons nos courses et le parcours que nous engageons pour rentrer chez nous. L'espace public est l'endroit où près de la moitié des crimes violents se produisent et aussi où les services de police assurent la

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Le design urbain du bonheur : Principes et outils

sécurité de certains mais pas d'autres. C'est le milieu naturel des activités commerciales, des rencontres, des jeux d'enfants et des bousculades. C'est aussi la plateforme que nous utilisons pour exprimer notre indignation collective et nos plus hautes aspirations, où nous déployons notre créativité, nos modes d'expression et d'expérimentation.

Partie III :

De ce fait, les dix domaines sur lesquels les pratiquants du placemaking croient avoir le plus grand impact sont: l'équité et l'inclusion; les rues en tant que lieux/places; l'architecture de place; les centres d'innovation; les marchés urbains; la gouvernance urbaine; la durabilité et la résilience; les communautés rurales; la création de lieux créatifs; et la santé. Ces formes d'impact ont été transformées en dix stratégies pour améliorer l'expérience de la ville1 :

De par sa nature, L'espace public est intrinsèquement multidimensionnel. Des espaces publics réussis et authentiques sont utilisés par de nombreuses personnes à des fins différentes et à différents moments de la journée et de l'année. Et parce qu'ils abritent tants d'usages et d'usagers -ou ne le font pas- les espaces publics représentent un carrefour atterrant où des questions locales et globales convergent comme l'équité, l'inclusion, le progrès économique, la gouvernance, la durabilité, la créativité ...etc.

1. Améliorer les rues en tant que destinations publiques : les rues et les avenues doivent être appréhendées comme des destinations attrayantes et sécurisées articulées autour des piétons et des cyclistes. Elargir la capacité d'accueil des automobiles et faciliter leur flux n'a jamais été un résultat inévitable de la croissance démographique, c'est un choix libre que les acteurs de la ville et les industriels favorisent pour nous habituer à l'idée de la voiture privée. Nous pouvons par contre choisir d'orienter nos villes vers des modes de déplacements plus communautaires, plus sains et plus rentables. Les solutions dans ce sens sont multiples et plus avantageuses aux populations.

1

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https://www.pps.org/references/ten-strategies-for-transforming-cities-through-placemaking-public-spaces/


Le design urbain du bonheur : Principes et outils

2. Créer des places, des squares, des parcs et jardins en tant que destinations à usages multiples: ce genre d'espaces a été réduit dans le cadre des aménagements urbains à des formes figées et précises, cependant, une vision holistique de leurs usages peut drainer différents intérêts et générer des retours financiers et sociaux importants aux municipalités et aux citoyens. En intégrant les communautés dans les processus d'urbanisme, nos décisions sur ce qui fait des espaces publics des destinations attrayantes deviennent plus crédibles. Est-ce un agrément? Un espace de performance? Un lieu pour les jeunes? Un marché pour les produits locaux? Habituellement, la réponse ne porte pas sur un seul élément, c'est plutôt un mélange qui dépend des usagers futurs de l'espace.

Partie III :

Fig.35: les avenues peuvent devenir des destinations au lieu de simples espaces de transit si on les conçoit autour de l'Homme et non autour des automobiles./photo de Nyhaven une avenue représentant une destination des plus populaires à Copenhague au Danemark.

Fig.36: La place de Jamaâ Lefna à Marrakech, Maroc, forme un cadre vibrant de récréation aux résidents comme aux touristes grâce à son caractère spécial qui mixe différentes attractions : "street food", performances "helqa", commerces..etc.

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Le design urbain du bonheur : Principes et outils Partie III :

3. Construire des économies locales à travers les marchés: Les marchés urbains ont toujours constitué le cœur battant des villes d'une manière beaucoup plus humaine et naturelle que les centres commerciaux modernes. Ils sont des lieux de rassemblement organiques des personnes de différents contextes culturels et socioéconomiques. Il permettent aux plus démunis-hommes et femmes- d'investir avec un capital minimal et de soutenir leurs familles en toute dignité. En outre ils encouragent la préservation des terres agricoles autour des villes, ainsi que le réinvestissement de l'argent dans l'économie rurale et le renforcement des liens entre les zones urbaines et rurales. Les marchés fortifient les quartiers environnants et donnent accès à de la nourriture fraîche et à d'autres nécessités de la vie.

Fig.37: Marché de Chtaïba à Settat, Maroc, repère urbain et cœur battant de la ville.

Néanmoins, la majorité des marchés qui prospèrent dans les villes le font de manière informelle, chaotique et insalubre. Ils bloquent la circulation, créent une compétition injuste avec les commerces formels, et limitent les chances d'évolution des éléments marginalisés de la société. Les marchés peuvent toutefois fournir une structure et un cadre réglementaires qui aident les petites entreprises à se développer, à préserver la salubrité des aliments et à en faire une destination plus attrayante pour les consommateurs. 4. Concevoir des bâtiments pour soutenir les places : L'architecture doit refléter l'identité et la culture des communautés locales et participer à la création de "places". "L'architecture iconique n'a pas besoin de s'isoler du tissu urbain, par contre elle peut parfaitement exister et contribuer à un dialogue constant avec les gens et les places tout autour."1 1

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https://www.pps.org/references/ten-strategies-for-transforming-cities-through-placemaking-public-spaces/


Le design urbain du bonheur : Principes et outils Partie III :

"L'architecture de place" est perméable au niveau des rez-de-chaussée et connectée au tissu urbain avoisinant. Elle est toujours conçue sur les principes de l'échelle humaine et contribue à la dynamique et la vivacité des quartiers limitrophes. Cette exigence est de plus en plus critique pour les bâtiments des équipements publics tels les musées, les écoles, les bibliothèques..etc., qui doivent servir d'interface communicante entre l'extérieur et l'intérieur et rendre visible leur animation intérieure aux passagers. Avec leurs programmes diversifiés, les équipements peuvent aussi servir de destinations multi-usages et de point d'ancrage de plusieurs activités civiques.

Fig.38 et 39: Le bâtiment de la mairie "City Hall 2" à Melbourne en Australie représente l'exemple de l'architecture responsable environnementale et communicante au niveau de son RDC. La place aménagée devant le bâtiment est devenue un lieu de rencontre et de sociabilisation. /Photos prises par Fred Kent

5. Lier un programme de santé publique à un programme d'espace public: Une ville sanitaire est une ville dans laquelle les citoyens ont accès à des infrastructures de base telles que l'eau potable, des installations d'ablution et un système d'assainissement et de traitement des déchets. C'est aussi un endroit où l'on trouve de la nourriture saine, où les femmes et les enfants peuvent marcher dans la rue sans crainte et où les gens peuvent profiter des parcs, des places et d'autres espaces publics en toute sécurité et confort. Il est tout aussi possible d'allier un programme de santé publique à celui d'un espace public à travers des événements de sensibilisation

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Le design urbain du bonheur : Principes et outils Partie III :

aux bonnes pratiques sanitaires. Les centres de santé peuvent servir comme des centres communautaires. Les institutions culturelles telles que les bibliothèques peuvent fournir une éducation et des services de santé. Des marchés publics bien gérés sont une source d'aliments frais, abordables et nutritifs. Les systèmes de transport peuvent encourager la marche et réduire la circulation automobile et la pollution de l'air. Ironiquement, le monde développé est confronté à une épidémie majeure d'obésité et de diabète, alimentée en partie par le manque d'endroits sûrs pour marcher et les aliments malsains disponibles dans les rayons des supermarchés modernes. Peut-être encore plus important est l'effet psychologique global que des espaces publics bien conçus et gérés peuvent avoir sur qualité de santé dans une ville. Les parcs publics où toutes les personnes se sentent en sécurité pour jouer et se détendre peuvent soulager le stress, surtout lorsque les gens vivent dans des établissements informels surpeuplés. Les taux de criminalité et l'activité des gangs diminuent lorsque plus de gens sont dans la rue et connaissent leurs voisins. Si les institutions civiques sont logées dans des bâtiments accessibles, les gens se sentent encouragés à participer aux programmes de santé publique. 6. Réinventer la planification communautaire: (voir le paragraphe 1.5)

Fig.40: Une séance de planification communautaire à Nairobi au Kenya.

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Le design urbain du bonheur : Principes et outils Partie III :

7. Puissance de 10+ : Pour prospérer, les villes ont besoin de destinations qui donnent une identité et une image à leurs communautés et qui aident à attirer de nouveaux résidents, des entreprises et des investissements. Une destination peut être une place du centre-ville, une rue principale, un front de mer, un parc ou un musée. Les villes de toutes tailles devraient avoir au moins 10 destinations où les gens veulent être. Ce qui rend chaque destination réussie, c'est qu'elle a plusieurs places à l'intérieur. Par exemple, une place a besoin d'au moins 10 espaces/fonctions: un café, une aire de jeux pour enfants, un endroit pour lire le journal ou boire une tasse de café, un endroit pour s'asseoir, un endroit pour rencontrer des amis, etc. , il devrait y avoir au moins 10 choses à faire. Cumulativement, ces activités, lieux et destinations sont ce qui fait d' une ville agréable. Cette idée est appelée la "puissance de 10+".

Fig.41: Visualisation de la puissance 10+ à travers la ville de New-York et le parc Bryant

8. Créer un programme d'espace public complet : Les projets d'espaces publics doivent être menés en suivant des politiques intégrales comprenant à la fois des initiatives émergeant de la société et d'autres appliquées d'une direction de planification supérieure. La coexistence des deux modes d'interventions (du haut en bas et du bas vers le haut) contribuera à la formation de villes plus cohérentes et qui répondent au mieux aux demandes et aux exigences des citoyens à la fois sur les petits et les grands niveaux. Les projets peuvent aussi avoir une vision à l'échelle du pays. Au

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9. L'expérience du plus léger, plus rapide, moins cher :(voir paragraphe 1.5)

Partie III :

Le design urbain du bonheur : Principes et outils

Brésil, par exemple, une initiative ambitieuse a été prise pour créer 800 jardins publics dans les quartiers en difficulté à travers le pays sur une période de trois ans.

Fig.42: Des étudiants de l'université Waseda à Tokyo ont ré-imaginé un espace public en utilisant un pavillon d'assises. Ils ont travaillé avec du contre-plaqué pour assurer une structure abordable.

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Le placemaking qu'on vient de définir et d'expliquer constitue la version standard du concept. Parallèlement à cela, d'autres types du placemaking existent dont les objectifs et les priorités sont plus spécifiques. Nous en énumérons trois1:  Le placemaking stratégique : tend à créer des espaces de qualités qui inciteront spécifiquement des personnes talentueuses à s'installer dans un quartier donné, et ainsi créer les conditions favorables à une création substantielle d'emplois et une croissance des revenus en attirant les entreprises qui recherchent des concentrations de travailleurs doués. Généralement ce genre de travailleurs sont des "knowledge-workers" qui ont la possibilité de s'installer là où il leur plait au monde et tendent à choisir des places de qualité qui offrent plusieurs services et où se rassemblent d'autres travailleurs.

Le design urbain du bonheur : Principes et outils

1.7) Les autres types du placemaking:

Partie III :

10. Restructurer le gouvernement pour soutenir les espaces publics : Malheureusement, les gouvernements ne croient pas aux processus du genre du placemaking et ne priorisent pas le besoin en espaces publics. Parfois, les procédures administratives elles-mêmes forment un obstacle à la réussite des espaces publics. Les départements de transport voient leur mission dans la fluidification du trafic routier, les services des parcs restreignent leur rôle dans la gestion des espaces verts, Les organismes de développement communautaire se concentrent sur le développement de projets, et non sur l'espace entre eux. Il faudrait donc mener des campagnes de sensibilisation au droit de participation dans le façonnement des espaces partagés.

 Le placemaking créatif : a été inventé par Ann Markusen et Anne Gadwa et le définissent ainsi : " Dans le placemaking créatif, les partenaires des secteurs public, privé, nonlucratif et la communauté forment stratégiquement le caractère physique et social d'un quartier, d'une ville ou d'une région autour de l'art et des activités culturelles. Le placemaking créatif anime les espaces publics et privés, rajeunit les structures et les paysages de rue, améliore la viabilité des entreprises locales et de la sécurité publique et rassemble diverses personnes ensemble pour célébrer, inspirer et s'inspirer." Il comprend des projets tels : des installations d'art public, des stations de transit avec des thèmes artistiques, des structures de travail exclusives pour les personnes créatives, des musées et des opéras, ..etc. 1

Mark A. Wyckoff, op.cité., pp.3-7.

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Le design urbain du bonheur : Principes et outils Partie III :

 Le placemaking tactique : est le résultat du rapprochement de deux méthodes d'intervention urbaine : "l'urbanisme tactique" introduit par Mike Lydon et Anthony Garcia dans leur ouvrage de deux volumes "Tactical urbanism : short-term action for longterm change" et l'approche de "plus léger, plus rapide et moins cher" introduite par PPS (voir paragraphe 1.4). Il utilise donc une approche délibérée, souvent en phase de changement, qui commence par un engagement à court terme et des attentes réalistes qui peuvent commencer rapidement (et souvent à faible coût). Il cible les espaces publics, est à faible risque, avec éventuellement des retours élevés. Il peut être utilisé de manière continue dans les quartiers avec un nombre de parties prenantes. Il comprend un mélange de petits projets et d'activités à court terme. Sur une longue période de temps, les projets du placemaking tactique peuvent transformer toute une zone à moindre coût, lentement mais surement.

Fig.43: Les intersections entre les différents types du placemaking

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Malgré leur situation au bords de l'une des gares routières et ferroviaires les plus fréquentées à Santiago, Chili, la place Las Condes et ses galeries commerciales étaient devenues un lieu de transit rapide favorable aux agressions. Après leur construction aux années 1980, les galeries commerciales ont vite perdu leurs clients au profit des centres commerciaux de la ville et se sont désertées - un problème qui a été aggravé par une surabondance d'entrées qui ont rendu la place plus attrayante aux agresseurs. Marcello Corbo et Rodrigo Jullian, co-fondateurs de Urban Development, ont vu dans cet espace bien situé une opportunité majeure pour la ville et leur entreprise. Le projet qu'ils ont lancé pour revitaliser le commerce de détail en améliorant l'espace public a été exceptionnellement collaboratif. La municipalité de Las Condes a créé de nouvelles places et arrêts de taxis; le ministère des Transports a modifié la conception de la rue et a créé de nouveaux arrêts d'autobus; le métro a loué les galeries à Urban Development; et Urban Development a trouvé les vendeurs, loué les stands, réduit et amélioré les points d'accès, et créé une équipe privée pour gérer le site.

Le design urbain du bonheur : Principes et outils

a) Place Las Condes, Santiago, Chili1 :

Partie III :

1.8) Etudes de cas :

Fig.44 et 45 : La place Las Condes après le projet d'amélioration.

En 2005, M. Corbo a invité PPS à Santiago pour organiser un atelier avec l'équipe de conception et les partenaires de la ville. PPS a élaboré une série de recommandations et de principes de conception et de gestion qui incluaient plus de lumière pour rendre les passages plus sécuritaires et plus accueillants, transformant les 1

Project for public spaces, Inc. et UN-HABIBTAT, op.cité., pp.18-19.

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Une grande partie du succès du projet n'a cependant pas grand chose à voir avec la rénovation physique, mais plutôt avec la façon dont le processus de développement urbain a développé sa relation avec la communauté, d'abord pendant la phase de la planification puis par des stratégies créatives depuis l'ouverture des galeries. b) Quartier Kibera, Nairobi, Kenya1:

Partie III :

Le design urbain du bonheur : Principes et outils

plans verts en surfaces minérales pour promouvoir d'avantage d'usages et remplacer les cloisons entre les entreprises et ainsi créer un sentiment de continuité et d'ouverture. L'effet qui en résulte s'apparente à un marché à l'ancienne, brouillant la distinction entre l'intérieur et l'extérieur, et entre le privé et le public.

Fig.46 : la célébration de l'ouverture de la zone amélioré de la rivière à Kibera, Nairobi.

Kounkuey Design Initiative (KDI) est un partenariat international innovant spécialisé en architecture, en architecture du paysage, en ingénierie et en planification urbaine. Sa mission est l'amélioration des conditions de vie des communautés appauvries en collaborant avec les habitants pour créer des environnements bâtis à faible coût et à fort impact (espaces publics productifs). KDI estime que la planification et la 1

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Project for public spaces, Inc. et UN-HABIBTAT, op.cité., p.24.


Le design urbain du bonheur : Principes et outils

Un des projets d'espaces publics qu'ils ont lancé en 2011 à Nairobi, Kenya, était à Kibera, le plus grand établissement informel de Nairobi. Le site se trouve le long d'une rivière qui traverse la colonie. Les deux grandes berges inondent pendant la saison des pluies, et le site est utilisé pour l'élimination des déchets tout au long de l'année. Un mauvais drainage le long des routes d'accès diminue considérablement l'accès piétonnier des résidents à leur domicile, bien que les deux rives soient reliées par un pont. Malgré la pollution, la rivière est actuellement utilisée comme une aire de jeux pour les enfants, des buanderies pour les familles et un lieu de rassemblement pour les résidents à proximité.

Partie III :

conception participatives sont la clé du développement durable. En collaborant avec les résidents locaux, de la conception jusqu'à l'exécution, ils s'appuient sur leurs idées, les enrichissent de connaissances techniques et d'innovation, et permettent aux communautés de défendre leurs intérêts et de relever les principaux défis physiques, sociaux et économiques auxquels elles sont confrontées.

L'équipe de KDI Kenya a organisé de nombreux ateliers communautaires avec les résidents et les partenaires locaux afin de hiérarchiser les besoins, de créer des solutions et d'explorer les possibilités de micro-entreprises sur le site. La conception du projet qui en résulte comprend: une ferme avicole, un canal de drainage amélioré, un contrôle des inondations, un centre communautaire pour abriter une école et un dispensaire, des kiosques et une aire de jeux en bois et en métal recyclés. c) Le marché de Warwick Junction, Durban, Afrique du sud 1: Le marché de la médecine traditionnelle et des herbes dans le quartier de Warwick Junction à Durban, en Afrique du Sud, était autrefois un endroit délabré et dangereux. Les vendeurs devaient vendre leurs marchandises à l'air libre sur le pavé, et dormir sur les trottoirs sous une autoroute en se servant de leurs marchandises pour se protéger des voleurs. Les eaux usées provenant de la préparation de la délicatesse locale des têtes de bovins ont été drainées dans le réseau d'eaux pluviales municipal, attirant la vermine et bouchant les conduites. Un réaménagement a changé tout cela. La municipalité locale a développé une approche globale pour améliorer l'infrastructure locale, et le marché était l'un de ses 1

Project for public spaces, Inc. et UN-HABIBTAT, op.cité., p.20.

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Le design urbain du bonheur : Principes et outils Partie III :

principaux projets. Les employés du gouvernement se sont rendus chez les commerçants et ont découvert ce dont ils avaient besoin et ce qu'ils voulaient, puis ont réorienté des espaces vides dans le voisinage du marché pour créer des stands fermés pour les vendeurs et des espaces de rangement verrouillés. Les passages pour piétons ont été élargis, ce qui a facilité les déplacements pour les clients. Les vendeurs préparant les têtes de bovins sont maintenant équipés d'installations de cuisson sanitaire. Le résultat de toutes ces améliorations, éclairé par les personnes mêmes qui devaient les utiliser, a été une floraison économique, un marché plus sûr et une augmentation spectaculaire des opportunités d'emploi et d'entrepreneuriat.

Fig.47: Le marché Warwick Junction à Durban, Afrique du sud./Photo prise par Dennis Gilbert

d) Exemples d'interventions de " plus léger, plus rapide, moins cher "

Fig.48 et 49 : "Think Micro", Izmir, Turquie, est un projet de structure de bord de mer conçu et réalisé par des designer de Iyiofis à Izmir avec l'aide de Izmir University of Economics. Ce sont des petites surfaces flottantes modulaires qui offrent des usages diversifiés. Une longue jetée, par exemple, servirait les pêcheurs alors qu'un petit dock serait parfait pour des rencontres au bord de mer.

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Le design urbain du bonheur : Principes et outils

Fig.51: "Intersection Repair", Portland, Oregon, USA, est un projet d'une organisation communautaire nommée City Repair Project qui transforme des intersections ordinaires à des espaces publics vibrants. Ils travaillent avec des communautés et des volontaires pour peindre des murales géantes sur les croisements d'avenues afin de transformer ces avenues orientées vers le trafic automobile à des places agréables, communautaires et partagées par tous les utilisateurs.

Partie III :

Fig.50 : "Rua-cubed", São Paulo, Brésil, est un conteneur qui a été transformé par l'équipe de placemaking Bella Rua en une destination multifonctionnelle. Ils l'ont modifié de sorte à ce qu'il se décortique et se referme pour ainsi permettre différents usages. Le jour, déballé, il sert de place de conte pour enfants, de table de jeu de dames géantes, de plateforme de peinture et la nuit, fermé, il sert de lieu de projection de films et de stockage.

Fig.52: "Kibebe Tsehay", Addis Ababa, Éthiopie, est une petite aire de jeux construite à l'extérieur d'un orphelinat suite à une collaboration entre le groupe de design Basurama, l'université d'Addis Ababa, des acteurs sociaux espagnoles et des étudiants de l'institut Cervantes. Pendant 10 jours le groupe de travail en plus de 30 volontaires ont réalisé à partir de matériaux collectés aux environs une structure de jeux pour les enfants de l'orphelinat. Fig.53: "Rus" à Lima, Pérou, est un parc de jeux qui a été crée en 2010 sur la base d'un chemin de fer surélevé inachevé. Il a été le fruit d'une collaboration entre différents groupes d'artistes, d'activistes sociaux et d'étudiants en architecture espagnoles et limés. Le projet a été exécuté en 2 semaines, avec un coût de 5000$ et du matériel recyclé. Malheureusement, il a été démonté après deux semaines seulement parce que les travaux du chemin de fer ont été repris après 25 ans de report. Mais il a servi d'inspiration pour d'autres projets comme le parc "Parques Autoarmable".

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Le design urbain du bonheur : Principes et outils Partie III :

2- Le concept de la ville heureuse : "Happy city" 2.1) Présentation du concept : Le concept de la ville heureuse a été présenté formellement en 2013 dans le livre "Happy city : Transforming our lives through urban design" de Charles Montgomery, un journaliste canadien intéressé par les problématiques urbaines. Peu après la sortie de son livre, Charles a fondé un groupe de consultation du nom Happy City au Canada dont l'objectif est d'implanter les leçons induises dans le livre sur le terrain et ce à travers des workshops et des expérimentations en partenariat avec d'autres entités telles : le musée Guggenheim, Futurewise, le Laboratorio para la Ciudad, etc. L'essence du concept de la ville heureuse est de créer un éveil collectif chez les populations urbaines afin qu'elles revendiquent un aménagement urbain centré sur l'Homme. En plus, il fournit aux planificateurs, aux urbanistes et aux architectes des lignes directrices sur lesquelles ils peuvent se baser pour aménager des espaces qui serviront le bien-être des citadins. "Le système de Happy City aide les urbanistes à prendre en compte l'influence des différents domaines du design sur les éléments clés du bonheur, ce qui peut contribuer à assurer que le design urbain, dans tous les contextes possibles, soit orienté vers le bien-être public. Ces domaines du design incluent les bâtiments, les systèmes de mobilité, l'espace public, l'occupation du sol, l'esthétique, l'expression culturelle et la nature."1 L'approche de la ville heureuse n'est pas hédonique consistant seulement à déterminer la manière dont la ville affecte notre humeur pour stimuler les bonnes choses et éradiquer les mauvaises. Il s'agit d'identifier les éléments du bien-être physique et psychologique, ensuite de considérer comment le design urbain, l'architecture, la planification et les systèmes peuvent influencer ces éléments. Le concept de la ville heureuse relie les éléments clés du bien-être psychologique, du bonheur et de la satisfaction de vie, ainsi que les défis que l'accomplissement de ces objectifs implique pour les villes.2

1

Rapport du "Happy City workshop " réalisé dans le cadre du 23ème Congrès du Nouveau Urbanisme, Dallas, Texas, Mai 2015, p.8. 2 Ibid., p.6.

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Enrique Peñalosa est un des pionniers du concept de la ville heureuse. Dans ses discours présentés lors des congrès internationaux, il ne réclamait jamais l'importance d'une croissance économique sans précédant pour le développement de son pays. Il voyait dans cette concurrence injuste entre les pays du sud et ceux du nord une course sans fin dans laquelle les colombiens seraient toujours perdants face aux américains et aux européens. Ce qu'il revendiquait par contre, c'était une croissance de la richesse psychologique des habitants, un bien-être émotionnel et une satisfaction de vie qui peuvent être acquis même par les sociétés les plus démunies. Quand à ce sujet, il apercevait que les systèmes incorporés dans les villes telles qu'elles sont actuellement rendaient les gens malades, en mauvaise humeur, moins sociables et moins égalitaires quant à l'accès à leur droits aux services primordiaux. L'air étant pollué par les échappements des voitures qui envahissent les avenues et rendent les déplacements frustrants et non-sécurisants, l'absence d'appropriation de l'espace public par les citadins, le malaise général causé par les rythmes urbains inhumains, et l'absence de l'équité ressentie, rendaient la vie urbaine infernale. Selon Peñalosa, les métropoles les plus riches au monde sont aussi celles qui sont les plus pauvres en matière du bonheur2 des habitants. La solution qu'il suggérait était de réaménager les villes afin de créer des échappatoires pour les citadins, des opportunités de sociabilisation et une meilleure répartition des biens publics.

Le design urbain du bonheur : Principes et outils

En 2004, Charles Montgomery était à Mexico pour compléter la dernière édition de son livre, "The Last Heathen", quand il a été saisi par des questions sur les raisons pour lesquelles certaines villes fonctionnent et d'autres pas. Une rencontre avec Enrique Peñalosa, l'ex-maire de Bogotá, Colombie, a transformé ces questionnements en une réelle quête du bonheur urbain. 1

Partie III :

2.2) Origines du concept :

La réunion de Charles Montgomery avec Enrique Peñalosa marqua le début d'un projet ambitieux qui allait rayonner sur l'échelle internationale à travers les efforts de l'organisation Happy City et ses collaborations avec des villes du monde entier pour créer des cadres de vie qui contribuent au bonheur et non au malheur de leurs habitants. 1

https://www.theglobeandmail.com/news/politics/charles-montgomery-how-to-make-cities-that-make-peoplehappy/article17587009/#dashboard/follows/ 2 Le bonheur dont parle E. Peñalosa est tel qu'on a défini dans la première partie de ce travail.

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Le design urbain du bonheur : Principes et outils Partie III :

2.3) La problématique traitée : Le concept de la ville heureuse est dans son essence une prise de position contre l'urbanisme moderne qui a fait que les villes s'étalent horizontalement vers l'infini, qu'un zonage sépare l'habitat du travail et que le temps des navettes organise et modèle notre rythme de vie au point qu'un repas de famille devienne un luxe au 21ème siècle. C'est aussi une révolution contre les formes de l'injustice sociale et une incitation en soi pour établir une équité urbaine et servir à travers les lois de la planification et la conception urbaine les classes sociales les plus démunies. Le concept de la ville heureuse encourage les citadins à remettre en question leur conception d'une bonne vie, à chercher les vrais moteurs du bonheur et à instaurer un activisme urbanistique au sein de chaque ménage. "Les vrais héros de Happy City sont des citoyens ordinaires qui en ont marre d'attendre que d'autres personnes réparent leurs villes".1 Sur les bases des recherches de Happy City et des expérimentations menées dans plusieurs villes au monde, un nouveau urbanisme est en train d'émerger permettant aux habitants d'influencer la conception de leurs villes et de les ajuster à leurs réels besoins. Ces villes seront axées autour de l'Homme, de la sociabilité et de la richesse psychologique. 2.4) Les éléments du bonheur urbain: "La ville n'est pas simplement un dépôt de plaisirs. C'est la scène sur laquelle nous menons nos batailles, où nous jouons le drame de nos propres vies. La ville peut améliorer ou altérer notre capacité à faire face aux challenges quotidiens. Elle peut nous démunir de notre autonomie ou nous offrir la liberté de prospérer. Elle peut être un environnement facilement navigable, ou un environnement chargé de défis impossibles qui nous épuisent petit à petit tous les jours. Les messages codés dans l'architecture et les systèmes urbains peuvent favoriser un sentiment de maîtrise ou d'impuissance. La bonne ville devrait être mesurée non seulement par ses distractions et ses agréments, mais aussi par la façon dont elle affecte ce drame quotidien de survie, de travail et de signification."2

1 2

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Citation de Charles Montgomery parue dans un article du magazine Power and influence, été 2015, p.10. Charles Montgomery, op.cité., pp.55-56.


Le design urbain du bonheur : Principes et outils

- " s'efforcer de maximiser la joie et de minimiser les difficultés, - nous conduire vers la santé plutôt que vers la maladie, - nous offrir une réelle liberté: la liberté de déplacement et de mener les vies que nous souhaitons, - renforcer notre résilience face aux chocs économiques ou environnementaux, - être équitable dans la façon dont l'espace, les services, la mobilité, les joies, les difficultés et les coûts sont répartis entre les citadins, - Et par-dessus tout, nous permettre de construire et de renforcer nos liens avec nos amis, nos familles et même avec les étrangers, ce qui donnent un sens à la vie, des liens qui représentent la plus grande réussite et opportunité de la ville. La ville qui reconnaît et célèbre notre destin commun, qui ouvre les portes de l'empathie et de la coopération, nous aidera à relever les grands défis de ce siècle."1

Partie III :

Qu'est-ce qu'une ville devrait accomplir après avoir satisfait nos besoins élémentaires en nourriture, abri et sécurité? Ceci est la vraie question à laquelle Charles Montgomery à travers son livre et l'organisation Happy City essaie de répondre. Selon Charles, une ville devrait :

Ces objectifs ont été traduits en neuf éléments du bonheur urbain2: a) b) c) d) e) f) g) h) i)

les besoins fondamentaux, les liens sociaux, la santé, la prospérité + l'équité, la signification + l'appartenance, la maîtrise, la liberté, la joie versus la peine, la soutenabilité.

1

Charles Montgomery, op.cité, p.64. Rapport du "Happy City workshop " réalisé dans le cadre du 23ème Congrès du Nouveau Urbanisme, Dallas, Texas, May 2015, pp.7-8.

2

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Le design urbain du bonheur : Principes et outils Partie III :

Fig.54: Diagramme des éléments du bonheur selon Happy City.

a) Les besoins fondamentaux: Les villes doivent subvenir aux besoins essentiels des habitants en matière de nourriture, d'abri et de sécurité en tant que fondations du bonheur. Cependant, il est important de considérer que l'infrastructure des services essentiels tels que l'alimentation en eau potable, l'évacuation des eaux usées, l'électricité et les soins de santé peut également être conçue de manière à contribuer à d'autres éléments du bonheur. b) Les liens sociaux : Une fois les besoins fondamentaux satisfaits, les relations sociales sont le moteur le plus puissant de la santé et du bien-être de l'Homme. Les personnes ayant des relations solides et positives avec leurs familles et amis sont plus heureuses, en meilleure santé et vivent plus longtemps que les personnes socialement isolées. Les villes et les

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d) La prospérité + l'équité : Il vaut mieux être riche que d'être pauvre. Cela dit, des sociétés plus égales sont à la fois plus heureuses et plus saines que les sociétés moins égalitaires. Le design urbain peut être utilisé pour s'assurer que les avantages de la vie en ville sont partagés équitablement entre tous les habitants, et que tous sont inclus, respectés et traités équitablement.

Le design urbain du bonheur : Principes et outils

c) La santé : Être en bonne santé et, plus important encore, se sentir en bonne santé, est un élément essentiel du bien-être. Les villes influencent directement notre état de santé à travers les degrés d'exposition aux risques et aux polluants qu'elles facilitent. Mais elles le font aussi en encourageant les gens à adopter des formes de mobilité plus actives ou passives, et en agissant sur la fréquence de nos rapports sociaux qui nous maintiennent forts. Malheureusement, la conception de la ville moderne a contribué aux épidémies d'obésité, de diabète et d'autres maladies de la vie sédentaire.

Partie III :

sociétés dans lesquelles les gens expriment un haut niveau de confiance envers les voisins et les étrangers sont à la fois plus heureuses et plus productives. Les formes urbaines peuvent nous rapprocher ou nous éloigner l'un de l'autre.

e) La signification + l'appartenance : Les personnes qui éprouvent un sentiment de signification et d'appartenance dans leur vie sont en meilleure santé, plus productives et vivent plus longtemps. Le plus souvent, la signification vient de nos relations avec les autres et les lieux qui nous intéressent. En même temps, les psychologues ont trouvé de fortes corrélations entre le bonheur, la confiance sociale et le sentiment d'appartenance à un lieu ou à une communauté. f) La maîtrise : Les personnes qui se sentent capables de naviguer et de prospérer dans le monde sont plus heureuses et plus résistantes aux maladies. Les messages codés dans les systèmes de la ville et de l'architecture peuvent favoriser un sentiment de maîtrise ou d'impuissance. La ville peut améliorer ou corroder cette capacité à faire face aux défis de tous les jours en rendant les déplacements, la socialisation, le travail et la survie faciles ou difficiles.

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Le design urbain du bonheur : Principes et outils Partie III :

g) La liberté : Le sentiment de liberté - se sentir capable de choisir comment vivre et comment se déplacer - contribue à la condition de la maîtrise. Il est particulièrement important dans les villes où la mobilité est limitée par la congestion et les lois de zonage qui ne permettent qu'une gamme limitée de logements et d'environnements à usage mixte. Nous sommes tous motivés par un désir de liberté et influencés par notre perception de notre propre liberté. h) La joie versus la peine : Nous expérimentons la vie comme une série de moments, rapidement convertis en souvenirs. Une approche utilitaire pour construire le bonheur humain implique de maximiser le potentiel de joie et de minimiser le potentiel de souffrance dans le design urbain. Les interventions peuvent aller de la réduction du stress des banlieusards à l'aménagement de l'espace public avec des caractéristiques qui encouragent le jeu et les liens sociaux. i) La soutenabilité : Dans un monde interconnecté, le bonheur authentique exige de considérer le bien-être de toutes les personnes touchées par nos actions, aujourd'hui et au futur. Cela signifie qu'il faut tenir compte de la rareté des ressources, de la dégradation de l'environnement, des émissions de gaz à effet de serre et de l'impact social, c'est-à-dire considérer les effets globaux et générationnels du design et des comportements. 2.5) Etude de cas : Selon la problématique urbaine locale la plus saillante, l'approche de la ville heureuse peut être mise en application suivant différentes méthodes. Néanmoins, les facteurs de la sociabilité, l'engagement communautaire et la planification collaborative qui réuni les acteurs institutionnels et les citoyens sont d'une importance suprême. L'exemple suivant nous éclairera une méthode de conception participative où les principes de la ville heureuse ont été pris en considération.

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Partie III :

En 2016, la société de développement immobilier British Pacific Properties a entamé la première phase du projet d'aménagement d'un village à usage mixte sur un site forestier de 141ha situé à flanc de montagne, à l'ouest de la ville de West Vancouver. Cette phase, décrite comme phase de "pré-application", consistait à sortir avec trois options d'aménagement du village.

Le design urbain du bonheur : Principes et outils

Cypress Village, West Vancouver, Canada 1:

Fig.55: Une vue aérienne du site de Cypress Village.

Fig.56 : A gauche se trouve le site de Cypress Village encerclé en ligne discontinue, à droite se trouvent les six parcelles de la région de Rodgers Creek du district de West Vancouver.

En mettant l'engagement public en amont des priorités du projet, la constitution de la vision du village s'est basée sur un échange constructif entre les membres de la communauté de West Vancouver, résidents et parties prenantes, et l'équipe de conception. Ce va-et-vient s'est déroulé en trois étapes qui ont abouti à trois options d'aménagement du village : 1

http://cypressvillage.com/

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Le design urbain du bonheur : Principes et outils Partie III :

1. La première étape de consultation intitulée "Comprendre" qui a eu lieu en mai 2016, a fait office d'une présentation générale du site exposant ses potentiels et la vision de British Pacific Properties de la façon dont les habitants pourront vivre, travailler, s'amuser et profiter de la nature qui engloutit le village. Ces présentations sous-forme de panneaux ont servi de point de départ pour les discussions dans lesquelles les habitants ont décrit leurs propres aspirations relatives au projet. A partir de ce brainstorming collectif, cinq thèmes ont émergé afin de guider les phases postérieures de conception. Nous en citons : - Fusion : une place dans la nature , - Inclusif : intergénérationnel et diversifié , - Accueillant et connecté , - Social et local , - Communauté complète. 2. La deuxième étape déroulée en juin 2016 et intitulée "Tester les idées", a pris la forme d'une intervention interactive avec Charles Montgomery suivie d'un workshop intensif où les participants ont essayé d'élaborer des principes d'un bonheur urbain de haut niveau approprié à Cypress Village. A la base des idées élaborées durant l'atelier, le groupe de consultation Happy City a établi les principes du bonheur pour Cypress Village de manière plus affinée afin d'en déduire trois visions pour le village.

Fig.57: Photo prise lors de l'atelier Happy City.

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Le design urbain du bonheur : Principes et outils Partie III :

Fig.58: les principes de bonheur pour Cypress Village élaborées pendant l'atelier de Happy City.

Par la même occasion, des sessions de consultation se sont succédées pendant lesquelles British Pacific Properties a recueilli le feedback des personnes participantes sur des modèles d'aménagement présentés pendant cette phase. Les options discutées ont porté sur : - la programmation des priorités pour les usages et les équipements civiques, - l'échelle et les caractères possibles des quartiers, - les populations cibles et les options de densité résultantes, - les services commerciaux soutenables basés sur l'orientation de la population et du marché, - la connectivité des sentiers et des lieux de loisirs, - les options de transport et de transit, - les options de récréation et les avantages communautaires tirés d'un "Upper Campus".

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Le design urbain du bonheur : Principes et outils

3. Durant la troisième étape intitulée "Concevoir des alternatives", septembre 2016, trois alternatives de plans pour Cypress Village intitulées “The Village Main”, “The High Street” et “The Pedestrian Stroll” ont été présentées. Ces différentes options donnent trois variantes de densités possibles, trois variantes de surfaces commerciales et trois variantes de typologies du noyau à usage mixte du village. L'équipe de planification a réuni encore une fois les avis des participants afin de les transcrire sur le plan final du village. En addition à cela, les trois visions définies pour Cypress village ont été annoncées, elles sont comme suit :

Partie III :

La planification municipale subséquente comprendrait un examen des options proposées par le personnel en plus d'un groupe de travail composé de citoyens, suivi d'une évaluation et d'une ratification régulières par la municipalité.

- Des places pour tout le monde, des places où vous aimeriez être, - Immersion dans la nature, - Une connectivité continue avec la montagne.

Fig.59 : Les trois options d'aménagement de Cypress village présentées pendant la troisième étape de la première phase.

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La revalorisation architecturale et urbaine est un concept développé dans le cadre des travaux de l'atelier d'architecture de 5ème année portant le même nom et encadré par le professeur Larbi Bouayad à l'Ecole Nationale d'Architecture de Rabat. Ayant le bien-être de l'Homme comme finalité de conception, la revalorisation architecturale et urbaine consiste à introduire une valeur qualitative, émanant des principes fondateurs de l'espace musulman, dans la conception spatiale contemporaine. "Les critères de choix et de conception spatiale sont d’abord des critères sociaux où les effets spatiaux sont certes recherchés mais pas au détriment de la raison sociale."1 Ce concept vise à répondre aux exigences d'actualité en suivant une méthode de conception cumulative qui commence par l'identification des impératifs (principes fondateurs), puis les besoins qui se traduisent en fonctions. Le cumul des deux donne naissance à la forme et à l'esthétique qui sont des compléments de l'architecture et de l'urbanisme.

1.Principes /impératifs 2.Fonction

Le design urbain du bonheur : Principes et outils

3.1) Présentation du concept :

Partie III :

3- Le concept de la revalorisation architecturale et urbaine

Fig.60: Succession cumulative des étapes de la revalorisation architecturale et urbaine.

3.Forme

Il est important de noter que la fonction et la forme ne sont que des variables qui peuvent être ajustées et appropriées selon le contexte, alors que les principes sont intrinsèques et constants. Ceci est reflété dans la richesse architecturale des cités musulmanes à travers le monde. "Les cités musulmanes ont été bâties sur cette même approche c’est-à-dire que sur toutes les terres musulmanes de l’Extrême-Maghreb à l’Extrême-Orient, l’espace citadin reflète les mêmes principes de l’Islam malgré la diversité des formes urbaines et 1

http://htapmp.blogspot.com/2010/04/conception-tridimensionnelle.html

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Le design urbain du bonheur : Principes et outils Partie III :

typologies architecturales qui se différencient selon les apports culturels, ethniques ou géoclimatiques. Aucune ville ne ressemble à l’autre en termes de formes urbaines, de typologies architecturales, de techniques de construction et d’esthétique mais toutes ont en commun la centralité du lieu de culte et la primauté de l’interaction et la cohésion sociale."1 3.2) La problématique traitée La revalorisation architecturale et urbaine soulève une problématique dont la portée dépasse les simples tendances urbanistiques actuelles à celle d'une crise civilisationnelle. La civilisation musulmane a cessé d'innover, de chercher et de se référer à ses principes fondateurs pour créer un espace approprié à la Oumma, ce groupement humain musulman communautaire. Elle n'est plus à la tête de la ligue du changement positif, et malheureusement se positionne dans le rang du suivisme identitaire et culturel. Cet état des choses est en premier lieu le résultat d'une décadence des musulmans qui se sont désintéressés à la culture et à la science puis celui de l'influence de l'impérialisme occidental. Ce dernier a semé les graines de l'humanisme et du modernisme au sein des sociétés musulmanes colonisées les transformant en sociétés consommatrices statiques et en leur idéalisant les progrès industriels de l'ouest. "La société industrielle s'atteigne à transformer L'Homme en le dévitalisant de sa nature innée, l'attitude individualiste en est le chemin propice dans le domaine de la planification, l'individualisme empêchant toute approche participative permet la construction d'une élite concevant l'espace fonctionnaliste et formaliste dans un cadre urbain de machinisme illimité et hors échelle humaine, la matière en est le départ et l'aboutissement, en tant que référence et repère dont la finalité sont l'utilité et la forme ".2 Cette mutation dans les fondements des sociétés musulmanes a renversé les modes de conception spatiales, passant d'un mode communautaire et participatif se basant sur les recommandations divines et ayant la raison sociale comme finalité vers un mode formaliste régi par les pouvoirs politique et techniciste dont le souci majeur est le maintien de l'ordre et du contrôle.

1

Mehdi Diouri, "Vers un aménagement humain des agglomérations :Cas de Casablanca", travail personnel de fin d'études pour l'obtention du diplôme d'architecte, encadré par Pr. Larbi Bouayad, Ecole Nationale d'Architecture, Rabat, 2012, p.39. 2 Pr Larbi Bouayad, cours HTA 4, Ecole Nationale d'Architecture, Novembre 2013

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3.3) Le modèle de la médina comme référence spatiale du concept : Au Maroc et dans d'autres pays de culture arabo-musulmane, les médinas représentaient le cadre de la vie urbaine des groupements humains. Elles étaient conçues suivant les principes fondateurs de l'espace musulman et se référenciaient à Médine, la ville du prophète Muhamed (Que le salut d'Allah et sa paix soient sur lui). Jusqu'à nos jours, les médinas témoignent d'un savoir-faire architectural et urbanistique original. A travers leur étude, il est possible de bâtir de nouvelles approches analytiques et conceptuelles.

Le design urbain du bonheur : Principes et outils

"La crise doit être considérée comme une opportunité à saisir pour inventer une nouvelle culture urbaine, issue du peuple où l'architecte doit en être un accoucheur privilégié. L’utilisateur propriétaire devrait être responsable et décideur de son activité constructive ; la multiplication d’intervenants ignorants de la réalité du problème, mais paradoxalement décideurs, est évitée. Il faudrait donc mettre en place des institutions qui proviennent de la société et qui en sont proches en veillant à simplifier les procédures au maximum."1

Partie III :

Au niveau du contexte marocain local, la crise s'avère grave. Entre une société ne voulant se détacher de son référentiel Islamique et une conception contemporaine loin de répondre à ses attentes, les paysages urbains et ruraux se noient dans l'absurdité de la forme et la régression de la qualité architecturale. La revalorisation architecturale et urbaine tend à trouver les solutions adéquates à cette crise multidimensionnelle.

"L'étude d'une "médina" laisse apparaître les implications détaillées de la Charia2 dans la production de l'espace et dans la dynamique urbaine : c’est un espace omranique3. La production de l'architecture musulmane jusque dans ses moindres détails, est belle et bien le résultat d'une civilisation.[...]Cependant, Il ne s'agit pas de reproduire les formes urbaines mais les effets émotionnels et sensibles qu'elles génèrent. Nous sommes appelés à concevoir rationnellement des dispositifs spatiaux urbanistiques et architectoniques inédits afin de retrouver les effets physiques et mentaux générés par les espaces traditionnels."4

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http://htapmp.blogspot.com/2008/05/mutations-des-fondements-de-lespace.html Ensemble des lois divines qui règlent la vie en Islam. 3 La conception de l'espace musulman au niveau urbanistique. 4 http://htapmp.blogspot.com/2008/05/mutations-des-fondements-de-lespace.html 2

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Le design urbain du bonheur : Principes et outils Partie III :

Fig.61 : La médina de Fès, la plus ancienne au Maroc, vue d'en haut à 360° a l'air d'un labyrinthe mystérieux, cependant sa conception suit une hiérarchie principielle très précise et délicate tirée des principes de la vie communautaire en Islam.

Les principes derrière la conception de l'espace musulman visent à produire un espace à l'échelle humaine qui ne se limite pas à la dimension corporelle de l'Homme, mais entend plutôt le sens entier englobant toutes ses dimensions matérielles et immatérielles: corporelle, rationnelle, spirituelle..etc. Ces principes sont: "Al Horma", "Hosn al jiwar", "Nafie-darar" , "Al Qasd", "Nafie At-taraf" et "Al bassata". a) Le respect de l’intimité « Al Horma »: désigne l'obligation de la sauvegarde du caractère privatif de la maison et de l’assurance d’intimité entre maisons d’un côté, quartiers résidentiels et espaces commerciaux d’un autre.Le principe de Al-Horma n’implique pas, par conséquent, la fermeture absolue au niveau de la sociabilité, mais permet, au contraire, d’établir un juste équilibre entre le public et le privé. 1 b) Le bon voisinage « Hosn al jiwar » : La cohérente fraternité se traduit dans la cité musulmane par le principe du bon voisinage. Ce principe est lié à la conviction et à

1

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http://htapmp.blogspot.com/2008/04/histoire-et-conception-de-lespace_1855.html


d) Le principe de la résolution « Al Qasd » : Ce principe établit l’une des fins de l’édification de l’espace omranique et notamment pour ce qui concerne les voies et les espaces de circulation à l’intérieur des enceintes. En principe, il n’existe pas de place qui ne possède pas de fonction principale à laquelle adjoindre d’autres fonctions (exemple des cours des mosquées, des bazars, des fondouks, etc.). e) La proscription du superflu et du luxe « Nafie At-taraf » :Ce principe consiste à éliminer tout chose matérielle qui interférait à l'accomplissement de Al Ibada2 et qui éloignerait le croyant de son créateur.

Le design urbain du bonheur : Principes et outils

c) La suppression des nuisances « Nafie-darar » : ce principe exige que toutes sortes de méfaits devraient être évités entre voisins et entre membres de la communauté: physiques tels la fumée, le bruit, les odeurs, la pollution... ou liés au respect de principes tel Al-Horma.

Partie III :

la bienséance envers les parents et les proches. L'application de cette recommandation est à l'origine de la nature des tissus urbains des cités musulmanes.1

f) La préconisation de la sobriété, de la simplicité et du strict nécessaire « Al bassata »:La nudité des façades, la sobriété et le faible relief des saillies se justifient par le respect de ce principe. Vues de l'extérieur, les maisons ne doivent pas refléter la classe socio-économique des familles. Les différentes demeures se compactent pour ne former qu'une seule entité tel un corps homogène. 3.4) Le processus de la revalorisation architecturale et urbaine : La revalorisation architecturale et urbaine cherche à concilier l'authenticité musulmane aux exigences contemporaines dans les domaines urbanistique et architectural. Pour en parvenir, il va falloir réfléchir :  Aux nécessités d'une communauté de manière à ce qu'elles s'alignent avec les principes fondateurs de l'espace musulman;  Aux besoins qui doivent s'inscrire dans le schéma du développement durable (social, environnemental et économique).

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http://htapmp.blogspot.com/2009/12/histoire-et-conception-de-lespace_658.html Adoration de Dieu.

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Le design urbain du bonheur : Principes et outils Partie III :

a) Les impératifs - les besoins - les compléments : 1-les nécessités/impératifs : Les impératifs désignent les obligations et interdictions liées à l'espace. Ils sont déduits des principes fondateurs de l'espace musulman, lesquels sont porteurs et préservateurs des valeurs de la vie communautaire musulmane. Dans le cadre des travaux de l'atelier, quatre nécessités ont été mises au point : l'équité, la dignité, la solidarité et la quiétude. 2-Les besoins : Les besoins sont définis à travers les critères du développement durable : social, environnemental et économique. A titre d'exemple, il n'est pas suffisant de constater qu'on a besoin d'activités génératrices d'emploi mais il est important qu'elles respectent les valeurs environnementales et qu'elles soient au service de la population la plus démunie. 3-Les compléments (la forme et l'esthétique): la forme et l'esthétique sont toujours en liaison avec les deux premières phases de réflexion. Tout choix doit dépendre des impératifs de la conception et de la fonctionnalité du bâtiment (quelle décoration mettre à la façade ?, quel jeu de volumes composer ?, quels matériaux utiliser ?, quels symboles représenter? ..etc. ).

Fig.62: Schémas représentatifs des besoins ancrés dans le développement durable et des impératifs de la conception urbaine et architecturale.

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1) La trame viaire : - Le mail central: est un élément structurant de toute une entité urbaine et sert à commercialiser les biens produits localement et à unifier tous les quartiers de l’entité. Une ligne de tramway desservant l’ensemble pourrait passer par ce mail. Sa largeur est marquée par un rétrécissement et un élargissement événementiels. Elle varie ainsi entre 20m et 30m de large où la largeur de 30m marque les zones de commercialisation. - L'artère principale : représente une forme de centralité linéaire d'un quartier où se situent tous ses équipements structurants. - Les seuils de quartier : sont les aboutissements et les embouchures de l’artère principale. Ils comportent des équipements seuils introductifs de l’espace urbain de chaque quartier.

Le design urbain du bonheur : Principes et outils

Spatialement, les éléments de la composition urbanistique se présentent sous l'une de ces trois catégories : la trame viaire, les équipements ou l'habitat.1

Partie III :

b) Eléments conceptuels d'un aménagement urbain revalorisé :

- La voie carrossable périphérique : le tracé périphérique de cette voie ne permet pas aux voitures d’accéder au sein du quartier, chose qui permet de valoriser uniquement le piéton et le cycliste à l’intérieur de l’ensemble. - Les parking en tête de pipe : Ces parkings viennent renforcer la séparation automobilepiéton, et permettent de desservir les unités de voisinage et les équipements structurant longeant l’artère principale. - Les pénétrantes carrossables : Ces pénétrantes se situent entre les quartiers et permettent une circulation automobile en boucle. - Les parkings satellites : Ces parking se situent entre les quartiers en sous-sol et sont caractérisés par une grande capacité d’accueil.

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Cahier de l'atelier Revalorisation Architecturale et Urbaine, Ecole Nationale d'Architecture-Rabat, 2016.

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Le design urbain du bonheur : Principes et outils Partie III :

2) Les équipements : - Les équipements structurants : sont conçus de manière à avoir des éléments unificateurs (croûte commerciale continue, galerie commune, etc.) pour compléter leur rôle social commun « mis en façade » en priorité et enrichir l’artère principale par une diversité accomplie des fonctions. Le nombre et le type de ces équipements est défini selon la grille normative des équipements au Maroc en fonction du nombre des habitants dans chaque quartier. Ce nombre d'habitants dépend de la densité définie dans le cahier de charge de l’entité (exemple : 400hab/hectare).. - Les centres de groupement : formés par une juxtaposition fonctionnelle d'équipements qui desservent une partie des unités de voisinage, leur nombre est défini en fonction du nombre des habitants et des unités de voisinage. - Les centres de cohésion : regroupent les équipements de proximité : petite mosquée, crèche, hammam, poste de police..etc. 3) L'habitat : - Les unités de voisinage : chaque quartier est divisé en unités de voisinage dont la superficie ne doit pas dépasser les 10ha. Chaque unité de voisinage a un centre de cohésion. Ces composants urbains s’organisent sous une forme hiérarchique qui préserve l’intimité des espaces d’habitat et qui met en valeur visuellement les équipements publics.

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Le design urbain du bonheur : Principes et outils Partie III : Fig.63: Schématisation des éléments de la composition urbaine revalorisée.

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a) Situation du projet : Le projet d'aménagement du plateau Sidi Hmida s'inscrit dans le grand projet d'aménagement de la vallée de Bourgreg à Rabat-Salé. Le site du projet se trouve sur la cinquième séquence de la vallée: El Menzeh El Kebir et s'étale sur une superficie urbanisable de 680ha soit 11.33% de la vallée entière.

Partie III :

Le design urbain du bonheur : Principes et outils

3.5) Etude de cas : Entité Sidi Hmida, Sala El Jadida, Maroc

Carte.3: En vert foncé est représentée la superficie urbanisable de l'entité Sidi-Hmida.

b) Caractéristiques de la population cible : Partant des postulats que l'architecture et l'urbanisme sont les reflets crédibles d'une société dans l'espace comme l'histoire est son reflet dans le temps et que c'est la société qui change l'architecture et non pas le contraire, " le projet à proposer au sein de cet Atelier devrait être un des reflets de notre société ; laquelle devrait avoir toutes les caractéristiques nécessaires pour se refléter dans cet espace ; en ce sens que ce projet s’adresse à une société consciente de la valeur civilisationnelle de sa pratique spatiale. Le projet doit être

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c) Méthode de travail : La conception de l'entité de Sidi Hmida a durée une période de 6 ans dans laquelle chaque promotion de l'atelier "Revalorisation Architecturale et Urbaine" travailla sur l'aménagement d'un quartier de l'entité sur les deux échelles urbaine et architecturale et ce suivant les orientations principielles élaborées par la première promotion. 1- La vision du projet : La première étape de la conception résidait dans le choix d'une vocation à l'entité qui constituera la vision du projet urbain. Ceci s'est fait sur la base des critères de complémentarité, d'originalité et d'attractivité. La vocation choisie devrait répondre aux besoins de la population de la capitale et des villes avoisinantes de manière complémentaire et non concurrentielle à celles de Rabat (administrative et universitaire) ou de Technopolis (technologie et communication) et permettre en même temps la distinction de l'entité sur le plan régional et voire même national. Les autres critères de choix étaient l'exploitation des potentialités de la région Rabat-Salé tout en préservant son identité/esprit.

Le design urbain du bonheur : Principes et outils

La conception de cette entité vise alors une communauté simulée qui valorise ses principes et les met en œuvre.

Partie III :

réalisable, mais il s’adresse, pour le moment, à une société qui n’est pas réellement au niveau de ce qu’il permet comme pratiques sociales."1

A cet effet, l'entité a eu la vocation de technopole agroalimentaire partant du fait que l'agriculture est l'activité principale du pays et Rabat, étant sa capitale devrait la revaloriser. Cette revalorisation pourrait être mise en œuvre à travers l'amélioration du processus de production par l’intégration de la recherche scientifique relative à ce domaine (des laboratoires de recherche, des fermes expérimentales, des établissements d’enseignement supérieur en relation avec l’agro-alimentaire). La technopole assurera aussi une commercialisation des produits locaux à échelle nationale (marchés, centres commerciaux, coopératives, boites de marketing et de commercialisation…) et internationale (organisation et participation dans des salons et forums internationaux…).

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Cahier de l'atelier Revalorisation Architecturale et Urbaine, Ecole Nationale d'Architecture-Rabat, 2016.

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Le design urbain du bonheur : Principes et outils Partie III :

Fig.64: La vocation choisie pour l'entité Sidi-Hmida.

2- Le programme : Dans le cadre de la vocation agroalimentaire, quatre pôles ont été programmés pour l'entité Sidi-Hmida : 1-Pôle de recherche et d'enseignement : 50ha 2- Pôle de production : 40ha 3- Pôle de commercialisation et d'exposition : 50ha 4- Pôle d'habitat-équipements structurants et de proximité : 450ha

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Le design urbain du bonheur : Principes et outils Partie III : Carte.4: Schéma directeur de l'aménagement urbain de l'entité.

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Elaboré par la première promotion et contient le découpage des quartiers, l'emplacement du mail central et les différents pôles de l'entité.

Partie III :

Le design urbain du bonheur : Principes et outils

3-Le plan sectoriel de l'entité :

Fig.65: Plan sectoriel de l'entité Sidi Hmida

4- Les plans d'aménagement des quartiers [Q1,Q9] : •Avant d'entamer les esquisses d'aménagement, une visite de l’ancienne médina de Fès était une première opportunité où les étudiants de chaque promotion ont pu analyser les principes fondateurs orientant la conception de l’espace urbain musulman et expérimenter de près leurs incidences spatiales. • La deuxième étape, la visite de l'entité Sidi Hmida qui a permis la découverte des potentialités et des contraintes du site. • Troisièmement, les étudiant étaient amenés à élaborer des esquisses variantes de l'aménagement d'un quartier de l'entité qu'ils ont choisi. Ces esquisses variantes sont composées à partir de l’organisation globale des relations interéquipements, la trame viaire et la répartition des unités de voisinage. Les relations inter-équipements et celle des unités de voisinages reflétaient les types des relations sociales prévues. La variété des esquisses permettent la libre expression de

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3. La répartition des équipements en 3 catégories : équipements structurants, équipements des centres de groupement, équipements des centres de cohésion. 4. Elaboration des variantes d’aménagement pour chaque quartier (le nombre des variantes dépend du nombre des groupes de travail, chaque groupe devrait élaborer 3 esquisses variantes au minimum) : chaque variante propose un emplacement distinct de l’artère principale et des seuils, une répartition distincte des équipements le long de l’artère, une subdivision différentes des unités de voisinage et un emplacement différent des centres de groupement. Le mail central, étant élément unificateur de l'entité, reste fixe dans toutes les variantes.

Le design urbain du bonheur : Principes et outils

1. Le calcul du nombre des habitants pour chaque quartier à aménager en fonction de la densité choisie (320 hab/ha) et de la superficie globale du quartier. 2. La définition de l’ensemble des équipements à projeter dans les quartiers en fonction du nombre des habitants (selon la grille normative relative aux équipements au Maroc).

Partie III :

l’imagination, depuis la naissance de l’idée conceptuelle urbanistique à sa matérialisation au niveau des plans sectoriels du quartier en passant par les esquisses synthèses. L'étape des esquisses variantes et des esquisses synthèses passe par des sousétapes importantes :

5. Evaluation de chaque variante à travers un tableau représentant les avantages et les inconvénients de chaque proposition. 6. Elaboration d’une synthèse pour chaque 3 variantes d’aménagement, regroupant les points forts des propositions, et évitant les inconvénients définis dans les tableaux d’évaluation. 7. Evaluation des synthèses obtenues des variantes. 8. Elaboration de la synthèse des synthèses. 9. Elaboration du plan d’aménagement à partir de la synthèse des synthèses. Le plan d’aménagement précise davantage le schéma de synthèse en détaillant: -Les superficies et lotissements des équipements, -Les emprises réelles caractérisant la trame viaire,

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Le design urbain du bonheur : Principes et outils Partie III : 180

-Les barres d’habitation tracée en fonction de la règle du prospect. Ces barres sont répartie en des immeubles allant du R+9 jusqu’à R+1. Le tout est élaboré de façon à avoir une morphologie d’habitat descendante depuis le mail jusqu’à la voie périphérique carrossable, -La superficie des parkings en fonction du nombre des habitants et des usagers. Les pré-rendus et les rendus finaux se présentaient devant un jury composé des membres de l'agence d'aménagement de la vallée de Bouregreg ainsi que d'autres architectes praticiens afin d'en apporter les changements nécessaires et de les juger par rapport au cahier de charge de l'entité.


Le design urbain du bonheur : Principes et outils Partie III : Fig.66: Exemple de la méthode des esquisses variantes et des synthèses élaborées pour les quartiers Q8, Q1 et Q2 par la promotion 20152016

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Le design urbain du bonheur : Principes et outils Partie III :

Fig.67: Plans d'aménagement des quartiers Q1, Q2 et Q8 réalisés à partir de la synthèse des synthèses.

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Le design urbain du bonheur : Principes et outils Partie III : Fig.68 : Plans masse simulés des quartiers de l'entité Sidi Hmida élaborés de 2011 à 2017

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Le design urbain du bonheur : Principes et outils Partie III :

Fig.69 : Coupes schématiques des principes d'aménagement de l'entité Sidi Hmida.

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Fig.70: Simulation 3D de l'amĂŠnagement du quartier 7

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Partie III :

Le design urbain du bonheur : Principes et outils


Le design urbain du bonheur : Principes et outils Partie III :

4- Conclusion : Les enseignements tirés des trois concepts " Les bonnes nouvelles: la ville heureuse, la ville prospère et la ville verte sont un même endroit. Construisons-le ensemble."1 Lorsque notre souci majeur est la création d'établissements humains qui priorisent le bien-être subjectif des populations, on ne manque pas d'alternatives. L'hostilité de l'urbanisme moderne a fait que plusieurs architectes et urbanistes se sont efforcés de trouver l'équilibre perdu. Commençant dès le 19ème siècle avec des concepts comme Garden Cities, City Beautiful jusqu'au 21ème siècle avec les concepts Green Cities, thriving cities et Future Cities, qui sont apparus comme alternatives aux modèles urbains contemporains. Pourtant, au milieu de cette myriade de concepts, quelques uns seulement traitent réellement le fond de la problématique urbaine de notre ère (si on ne considère qu'une). Ce type de concepts, étudiés ensembles, partagent les mêmes soucis et aussi les mêmes principes, et comme énoncent Charles Montgomery, il ne représentent qu'un seul endroit dans leur essence. Pour ce, notre choix de traiter le placemaking, la ville heureuse et la revalorisation architecturale et urbaine s'est basé sur ce dernier critère. La valeur ajoutée de ce sous-chapitre serait d'en dériver les principes d'un design urbain au service de l'Homme et une méthode de conception préconisée. 4.1) Analyse des trois concepts Si les trois concepts présentés œuvrent tous pour créer des espaces dédiés au bienêtre des citadins et partagent des valeurs communes, ils divergent quant à la portée de leurs actions et leurs points de départ. Revalorisation architecturale et urbaine

Happy City

Approche théorique

Approche pratique Fig.71 : Orientations des trois concepts

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https://thehappycity.com/

Placemaking


Le design urbain du bonheur : Principes et outils

La ville heureuse ou happy city se positionne au milieu entre la pratique et la théorie. Ses racines se nourrissent de l'histoire des villes et de l'architecture, de la science du bonheur, de la philosophie et des neurosciences alors que ses actions prennent place au niveau de la définition des visions de projets futurs, de l'audit des espaces existants et des laboratoires d'expérimentations urbaines. Ses atouts résident dans sa tentative de sensibiliser les acteurs de la ville et les populations urbaines à la relation entre le design urbain et les éléments du bonheur et dans l'éclaircissement qu'il apporte sur la liaison entre l'urbanisme moderne et les déficits sociaux contemporains. Finalement, le champs d'étude de Happy City n'est pas focalisé uniquement sur l'espace public mais traite la ville de manière intégrale incluant toutes ses facettes : logement, mobilité, espaces publics, équipements, infrastructure,..etc., en plus il apporte de nouveaux concepts relatifs à l'espace urbain comme : la maîtrise, la liberté et la joie versus la peine .

Partie III :

Le placemaking, concept à tendance pratique et expérimentale plus que théorique, trouve sa force dans son approche profondément ancrée dans le terrain. Il déploie une maîtrise des nécessités des espaces publics et des méthodes et outils efficaces d'intervention. En outre, son processus est caractérisé par son aspect évolutif qui encourage la créativité et l'innovation. Finalement, si on loue le placemaking pour une chose ça serait la réussite de ses projets grâce à son approche participative qu'il plaide depuis son tout début.

La revalorisation architecturale et urbaine tend vers la théorie plus que la pratique. Certes elle apporte des alternatives concernant les modes de la planification urbaine et de la configuration spatiale des entités, mais ses efforts se limitent au domaine de la recherche et n'ont pas encore vu une réelle implantation sur le terrain. Ceci est sans doute lié au postulat qu'encadre cette approche qui dit que l'architecture ne peut changer la société, et vu que la société contemporaine est loin d'atteindre l'idéal présenté par la revalorisation architecturale et urbaine, ses projets n'existent que sur papier. Néanmoins, la force du concept n'est pas à reprocher. Basé sur les principes de l'Islam et ayant une référence spatiale qui a défi les ténèbres du temps, le concept de la revalorisation architecturale et urbaine a des avantages multiples. Premièrement, ses interventions traitent la problématique urbaine au Maroc, ses alternatives sont donc ajustées au contexte local de ce mémoire. Deuxièmement, il donne un ancrage théorique approfondi de la situation urbaine actuelle. Finalement, ses éléments de

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In fine, une meilleure évaluation des trois concepts serait d'en tirer leurs impacts sur les sources du bonheur. Le tableau suivant résume leurs différents apports:

Partie III :

Le design urbain du bonheur : Principes et outils

composition urbanistique sont opératoires et respectent l'échelle humaine dans toutes ses dimensions.

Tab.3: Synthèse de l'analyse des concepts du placemaking, la ville heureuse et la revalorisation architecturale et urbaine

4.2) Les principes partagées par les trois concepts Le placemaking, la ville heureuse et la revalorisation architecturale et urbaine partagent des principes et des valeurs communes, nous en énumérons : 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7.

l'équité : sociale et économique + la dignité , l'engagement communautaire + le sentiment d'appartenance+ la solidarité , la sociabilité et la confiance ressentie, l'échelle humaine, la santé publique, la soutenabilité, La forme comme un aboutissement de la conception et non un départ.

Nous avons aussi pu tiré des sous-concepts qui influencent la réussite des espaces urbains : 1. la puissance 10+ , 2. les places de qualité, 3. l'architecture de place,

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A travers l'étude de ces trois concepts, nous déduisons que la participation de la communauté locale dans la planification, la conception, l'exécution et la maintenance d'un espace est un gage de réussite de tout projet qu'il soit urbain ou architectural. Quand il s'agit de définir les besoins et de prospecter les usages possibles d'un lieu, il n'y a pas mieux que l'usager futur pour accomplir cette tâche. C'est pourquoi, un projet ne peut réussir que s'il met l'engagement public en amont de ses priorités. Dans un second temps, chaque projet doit avoir d'une vision qui elle même émane des principes qui encadrent et orientent les choix du projet en plus des besoins déjà recensés. En outre, la vision doit se traduire en actions opérationnelles et évolutives. Penser en alternatives ou variantes d'aménagement sera d'un grand aide à la résolution de problèmes de façon créative. Finalement, chaque projet doit rester engagé dans un processus d'amélioration continue qui prend en charge les changements des besoins de la société et des circonstances externes.

Le design urbain du bonheur : Principes et outils

4.3) La méthode de conception préconisée :

Partie III :

4. la maîtrise et la liberté, 5. la joie vs la peine, 6. les principes de l'espace musulman : l'intimité, la résolution, le bon voisinage, la sobriété,..

En bref, une bonne méthode de conception spatiale passera par ces sept étapes : 1. Engager la communauté locale et les différents acteurs institutionnels et parties prenantes. 2. Commencer par des principes, 3. Définir les besoins, 4. Choisir une vision, 5. Traduire la vision en actions opératoires, 6. Réfléchir en options ou variantes d'aménagement, 7. S'engager dans un processus d'amélioration continue.

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Le design urbain du bonheur : Principes et outils Partie III :

Un design urbain du bonheur est un design pour et avec l'Homme. Il se base sur les principes de l'équité, la sociabilité (solidarité), la centralité de la religion, la promotion de la santé publique, les activités récréatives et l'architecture du bien-être émotionnel. Nous spécifierons les caractéristiques de chaque principe tout en indiquant ses outils de mise en œuvre. 1- L'équité : concerne l'égalité des chances d'accès au ressources matérielles (biens et services) et à l'emploi. Une ville équitable est une ville qui intègre tout le monde, qui répartie équitablement ses richesses et qui offrent des opportunités de mobilité sociale pour les pauvres. Pour se faire une ville doit : - subvenir aux nécessités/besoins essentiels de survie de toute la population : nourriture, alimentation en eau potable, système d'évacuation des eaux usés, habitat décent et sécurité. - être planifiée autour de la proximité physique (un urbanisme de courtes distances), l'usage mixte du sol et la mixité sociale de l'habitat. - envisager une croissance intelligente en définissant un périmètre urbain à ne pas dépasser. - développer une infrastructure de transport en commun intelligente. - partager les avenues équitablement entre tous les usagers de la route. 2- La sociabilité : la ville doit être un milieu propice aux opportunités sociales, aux rencontres et aux échanges entre groupes et individus. Ceci peut être achevé grâce à: - une densité résidentielle qui respecte l'échelle humaine (RDC animés, espaces de sociabilité communs..).

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- aux activités communautaires locales : événements artistiques, initiatives de placemaking, événements sportifs, ..etc. - la mixité sociale et fonctionnelle. 3- La centralité de la religion : la ville doit encourager ses habitants à développer une vie spirituelle prospère en : - centralisant le lieu de culte tant sur le plan sensoriel que sur le plan fonctionnel : les activités dans les lieux cultuels doivent rayonner dans toute la ville et toucher positivement la vie quotidienne publique.

Le design urbain du bonheur : Principes et outils

- l'élément naturel qui diminue les tensions et reflète une bonne image des quartiers (diminution des taux de crimes et augmentation des niveaux de confiance et de cohésion sociale vécue).

Partie III :

- une implantation des centres de cohésion au sein des quartiers : équipements de proximité à l'échelle humaine, centres socioculturels, équipements sportifs, marché urbain structuré, espaces publics revalorisés,..

- implantant des rappels religieux sonores et visuels (Adhan, cloches, minarets, panneaux muraux, exhibitions, ..). - créant des espaces propices à la méditation : jardins, esplanades surélevées, .. 4- La promotion de la santé publique : une ville heureuse est une ville qui investit positivement dans la santé publique de ses citadins. Au lieu d'être un lieu de nuisances, une ville peut être un environnement de vie sain si : - elle opte pour des constructions écologiques, un urbanisme vert et des modes de transport actifs. - elle encourage ses usagers à entreprendre des modes de vie sains à travers le design actif, l'urbanisme de courtes distances et encore une fois la mixité d'usage. - elle régule la circulation automobile de façon à respecter les indicateurs de la qualité de l'air surveillée. - elle met à disposition des espaces de pratique de sport accessibles.

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Le design urbain du bonheur : Principes et outils Partie III :

- elle met en disposition la nourriture fraîche. - elle offre des liens avec la nature (réels ou virtuels). - elle opte pour la diversité architecturale, l'échelle humaine, ..etc. pour un bien-être émotionnel meilleur et une santé mentale optimale. - elle met à disposition une bonne infrastructure sanitaire (alimentation en eau, drainages, ..) et hospitalière appropriée à la densité urbaine. 5- Les activités récréatives: ce principe s'inspire du concept "la puissance 10+" du placemaking et du concept "la joie versus la peine" de Happy city qui mettent en lumière le rôle de la ville quant à la procuration d'opportunités de ressourcement spirituel et de restauration mentale en plus d'alternatives récréatives aux stresses quotidiens. Ces alternatives peuvent prendre la forme de : -parcs d'attractions accessibles via les moyens de transport commun, -jeux en plein air, -centres de formation artistique, -centres culturels : musées, galeries d'art, centres cinématographiques, théâtres, bibliothèques, médiathèques,..etc. - rues commerciales, - terrains de sports ou complexes sportifs, - espaces verts, - cafés et restaurants, ..etc. 6- L'architecture du bien-être émotionnel : ce principe concerne le cadre bâti de la ville qui doit permettre un bien-être émotionnel des habitants : sensations de joie, de tranquillité et quiétude, de sécurité, de curiosité ou d'admiration. L'architecture peut atteindre cet objectif à travers plusieurs outils : - les formes courbées, - l'échelle humaine, - l'effet mystère, - l'animation des RDCs des bâtiments, - les façades communicantes des établissement publics, - l'introduction de l'élément naturel : végétation, eaux, soleil, sons des oiseaux,..etc.,

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Le design urbain du bonheur : Principes et outils

Les effets de l'application de ces différents principes se chevauchent et dépassent le rayonnement étroit d'une catégorie. Par exemple, la densité urbaine et la mixité sociale ont des effets qui dépassent de loin la sphère sociale pour influencer celle économique, sanitaire et même émotionnelle (donc la classification utilisée n'a d'utilité que sur le plan organisationnel ).

Partie III :

- les couleurs et les matériaux, - la qualité visuel, l'esthétique et la créativité artistique,..etc.

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Lorsque nous nous engageons dans la conception d'un espace, qu'il soit à l'échelle urbaine ou architecturale, nous sommes en réalité en train de concevoir des choix de vie dont l'effet se répand assez loin pour atteindre le bien-être subjectif d'une population entière. Vivre au centre-ville ou en périphérie urbaine, résider dans un habitat collectif ou une maison individuelle, passer une heure de trajet ou 15 minutes pour arriver au lieu de travail, marcher, utiliser le vélo, un moyen de transport en commun ou une voiture personnelle, s'approvisionner d'un marché local ou se déplacer vers un centre commercial,..etc., sont tous des exemples de la multitude de choix que les urbanistes et architectes influencent sans qu'ils ne soient complètement conscients. Dire que les gens sont libres de vivre la vie qu'ils veulent apparaît plus un mythe qu'une réalité. Une personne choisit en dépendance de ce que lui est offert selon son niveau financier, académique, ses caractéristiques personnologiques, son contexte social, culturel et politique. De même, l'environnement de vie a un grand impact sur chacune de ces dimensions. Ainsi, pour qu'un architecte remplisse dignement sa mission, il doit se soucier du bien-être subjectif des futurs usagers de ses projets et d'être conscient des répercussions psychologiques, sociales, économiques et même politiques de ses conceptions spatiales. A cet effet une compréhension des éléments qui définissent le bonheur de manière générale et leur relation avec le cadre bâti est d'une importance magistrale. Il est tout aussi important de mentionner que les indicateurs du bonheur sont de plus en plus pris en considération quant à l'évaluation des progrès nationaux et des politiques de développement, surtout que les indicateurs purement économiques sont tombés en désuétude. De la sorte, le travail de recherche que nous avons mené s'est efforcé à investiguer tous les liens possibles qui étayent la relation entre le bonheur et l'environnement socio-spatial, en commençant par la question qu'est-ce que le bonheur? et en débouchant vers les méthodes de la conception urbaine au service de l'Homme. Afin de boucler cette recherche, nous allons citer les constats les plus intéressants que nous avons trouvé :

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1- Le bonheur peut être interprété comme un bien-être subjectif qui accepte des définitions variées mais qui convergent vers l'un de ses deux aspects à savoir le bienêtre émotionnel relatif à la balance des affects positifs et négatifs vécus et la satisfaction de vie qui est le jugement porté au progrès personnel dans la vie (réussites, échecs, ambitions, ...). 2- Les sources du bonheur sont multiples mais quelques unes ont le plus grand effet notamment : la suffisance matérielle, la religion, la santé, les relations sociales, un travail significatif et les activités d'épanouissement émotionnel. 3- L'espace influence le bien-être subjectif de deux manières : • Une directe qui agit sur le bien-être émotionnel à travers des caractéristiques environnementales capables de produire des affects positifs ou négatifs comme l'identification à l'espace de vie; l'appropriation de l'espace; la stimulation sensorielle, la capacité restaurative de l'espace, la cohésion sociale vécue et la capacité de l'espace à générer l'admiration. • Une indirecte relative à la capacité du contexte global (urbain ou rural) à faciliter ou empêcher l'accès aux sources du bonheur. 4- D'après les trois premiers constats, il était possible de sortir avec une définition théorique de ce qu'est un environnement heureux : "Un espace architectural heureux est un espace qui procure un bon niveau de bien-être émotionnel. C'est un environnement harmonieux, diversifié, dynamique, naturalisé, à l'échelle humaine et appropriable. D'une autre part, une ville heureuse est une ville égalitaire qui garantie le confort matériel et la dignité de ses habitants, sociable qui aide à forger des relations de solidarité et d'union, sanitaire qui facilite un mode de vie actif et hygiénique et religieuse qui enrichi la spiritualité des croyants, facilite la pratique religieuse et crée une ambiance de tolérance. C'est aussi une ville compacte, à l'échelle humaine soudée par des moyens de transport écologiques et doux facilitant la mobilité des employés et employeurs. Finalement c'est une ville créative qui représente une scène de polissement des talents et un lieu de jouissance et d'épanouissement." 5- Le pilier principal sur lequel se fondent les méthodes de l'aménagement urbain centré sur l'Homme est la conception participative où les communautés locales contribuent activement aux projets qui les concernent. Aussi, pour que ces projets réussissent, ils doivent être dotés d'une vision, d'un ensemble de principes qui forment

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le départ de la conception, ainsi la forme n'est que l'aboutissement d'une myriade de contraintes et de choix. 6- Finalement, un design urbain du bonheur doit avoir une vision qui se base sur des principes comme l'équité, la solidarité et la sociabilité, la centralité de la religion, la promotion de la santé publique, les activités récréatives et l'architecture du bienêtre émotionnel.

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IV Projet p.1/2 : Analyse de Settat Maroc



Partie IV :

Projet p.1/2 : Analyse de Settat, Maroc

A. Le Maroc sur la carte du bonheur mondial Selon le rapport du bonheur mondial de 2018 établi par l’ONU et qui étudie les niveaux de la satisfaction de vie des populations dans plus d’une centaine de pays à travers le globe, le Maroc s’est trouvé avec une moyenne de satisfaction de vie de 5.254 le positionnant juste en dessous de l’Algérie et au dessus de la Chine. Le rapport se base sur les mesures de l’évaluation de vie dans lesquelles les répondants évaluent leurs vies sur une échelle de 0 à 10 se basant sur leurs propres définitions d’une bonne vie. S’ajoute aussi à l’équation, leurs témoignages sur leurs expériences des affects négatifs et positifs et le degré de signification dans leurs vies et ce afin de traiter tous les aspects possibles du bonheur. Ainsi, Il paraît que les marocains se perçoivent en mi-chemin sur la route du bonheur, leur qualité de vie n’est pas la meilleure possible non plus la pire. Quant à l’évolution du niveau du bonheur au Maroc, notre pays se classe huitième sur 141 pays avec une hausse de 0.87 points entre les périodes 2008-2010 et 2015-2017. Dans une autre enquête menée par l’Observatoire Marocain du Bonheur en 2015, il s’est avéré que la santé, le culte et la famille sont par ordre d’importance les trois principales sources du bonheur pour les marocains. Pour 96% des personnes interrogées, la santé est sans conteste la condition de base pour accéder au bonheur. La religion pointe en 2ème position chez 80% des répondants. La famille se place au troisième niveau de la pyramide du bonheur pour 70% des marocains. L’argent est aussi un élément nécessaire au bonheur des marocains mais pas une condition sinequa-non.*

* http://www.omb.ma/quest-ce-qui-rend-les-marocains-heureux/ 200


Projet p.1/2 : Analyse de Settat, Maroc Partie IV : Le classement du Maroc sur la carte du bonheur mondial/ Source : World Happiness Report, 2018. W 201


Partie IV :

Projet p.1/2 : Analyse de Settat, Maroc

B. Pourquoi intervenir sur Settat ? La thématique du bonheur urbain tel qu’on l’a abordée nous permet deux types de projets: 1- Une conception d’un modèle de ville nouvelle qui se base sur les principes du design urbain du bonheur et qui met en œuvre ses outils. 2- L’intervention sur un tissu urbain déjà existant en s’inspirant des projets étudiés et des recommandations des principes du design urbain du bonheur. Pour choisir, nous avons dressé les avantages et inconvénients de chacune des options : Projet de ville nouvelle Avantages

Inconvénients

Avantages

Inconvénients

1- La liberté de choix de la situation géographique : plus de chances pour maximiser les externalités de la ville.

1- Ce type de projet nécessite un fond budgétaire important et un espace temps énorme.

1- la complexité des problèmes urbains,

2- l’incertitude des résultats vu la complexité des paramètres à mettre en jeu.

1- L’intervention se basera sur les caractéristiques d’une communauté déjà existante et non stimulée, donc les spécificités culturelles, démographiques, ..etc., aideront à restreindre le temps de réflexion.

3- La conception doit être multidisciplinaire, un projet de ville nouvelle basé sur une seule vision a plus de chances d’échec que de réussite.

2- Une ville existante a son répertoire de ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas et permet de classer les interventions possibles par ordre de priorité.

2- La liberté de la conception vu que le projet servira de laboratoire urbain.

202

Intervention sur l’existant

2- la difficulté de l’exécution sur le terrain.


En fait, l’intérêt alloué aux grandes villes freine le développement des villes de tailles inférieures alors que ces dernières peuvent jouer un rôle central dans la résolution de plusieurs problèmes comme la congestion, la spéculation foncière, l’habitat insalubre..etc. Ainsi en réanimant ces centres négligés, et en y instaurant des politiques qui se focalisent sur le bien-être subjectif, nous aurons des pôles d’attraction des talents et des investisseurs qui serviront à équilibrer l’armature urbaine nationale en inversant les flux migratoires et en offrant de nouveaux marchés d’innovation. En se basant sur ce raisonnement nous avons décidé de travailler sur la ville de Settat, une ville moyenne qui se situe au dos de Casablanca et dont l’évolution souffre de la domination de la capitale économique. Ce choix spécifique est en partie relatif à la disponibilité d’une documentation abondante et à d’autres conditions d’ordre personnel ( ville natale, parfaite connaissance des conditions de vie, des défaillances et des potentiels de la ville). Ainsi, dans la présente analyse, nous allons évaluer à quelle mesure les principes du design urbain du bonheur sont incorporés dans l’architecture, les espaces et systèmes urbains de Settat.

Projet p.1/2 : Analyse de Settat, Maroc

Conjugué au territoire marocain, ces avantages et inconvénients nous incitent à prendre le deuxième chemin plutôt que le premier, il nous reste donc à choisir la ville qui sera le socle du projet. En effet, le Maroc dispose d’une centaine de villes réparties sur 12 régions. La comparaison entre les villes du royaume montre des disparités socioéconomiques qui s’accentuent au fur et à mesure que la différence de la taille entre les villes s’agrandit. Les grandes villes au nombre d’une douzaine à peu près jouissent des infrastructures importantes, du marché le plus vaste et le plus diversifié, et d’une réserve de main-d’œuvre abondante et relativement qualifiée. Ces mêmes villes représentent les moindres taux de pauvreté et de chômage ainsi que des niveaux élevés d’alphabétisme. Néanmoins, en ce qui concerne le bien-être subjectif, les évaluations des habitants des grandes villes sont souvent négatives en comparaison avec les habitants des villes moyennes. Ce qui nous oriente à penser que la résolution des problèmes complexes des grandes villes peut se trouver en dehors de leurs périmètres urbains.

Partie IV :

Place de la Kasbah ismaélite, Settat./photo prise par l’étudiante.

203


C. Settat sur la carte du Maroc

Partie IV :

Projet p.1/2 : Analyse de Settat, Maroc

1- Présentation Générale

Situation de Settat sur la carte du Maroc./source: Google maps.

Périmètre Urbain de la ville./ source: Google maps.

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Settat est une ville moyenne qui se situe à 62 km au Sud-est de Casablanca. Elle compte une population d’environ 224 762 habitants dont 51549 ménages*. Son périmètre urbain enclave une superficie de 6046ha. Cette ville reconnue à l’échelle locale, est née à l’époque de Moulay Ismaïl au 17ème siècle grâce à l’édification de la kasbah, une œuvre architecturale de protection qui abritait le logement du harem du sultan pendant ses voyages de Fès à Marrakech ; en plus d’une mosquée et des silos à grains. La Kasbah fut le noyau de la ville, autour duquel allait se former l’agglomération actuelle. Le choix de son site a été influencé par la présence de deux sources d’eau: Ain Zettat et Ain Nezagh. Des légendes avancent même que le début de l’agglomération remonte aux premiers siècles de l’hégire avec l’avènement de Sidi Ghelimi, porte-étendard de Moulay Idriss II qui s’est installé au bord de la source Aïn Zettat. Cependant aucune trace architecturale ne témoigne l’édification d’une vraie agglomération à son époque. L’importance de la ville était allouée essentiellement à son rôle de carrefour entre le Nord et le Sud, chose qui est toujours d’actualité vu la proximité de Settat des grandes villes du Maroc notamment Casablanca, Marrakech et Rabat. * “Le Maroc en chiffres version 2017”, élaboré par la Banque Marocaine du Commerce Extérieur.


 1684 : Edification de la Kasbah Ismaïlia constituant le premier noyau structurant de la ville autour duquel les quartiers de noualas ont continué à s’élargir.  Fin du 18ème siècle et début du 19ème siècle: Installation des familles issues des tribus des Chaouias, Chtoukas et Tadlas autour de la Kasbah, sous l’autorité du Caïd El Ghazi Ben Madani El M’zamzi qui commandait au nom du Sultan Alaouite Moulay Soulaymane.

Partie IV :

 17eme siècle : Formation des premiers groupements de noualas tout autour de la source de Settat.

Projet p.1/2 : Analyse de Settat, Maroc

2- Historique

 De la moitié du 19ème siècle jusqu’au protectorat: Extension de la ville avec l’édification du Mellah où s’installèrent les commerçants et artisans juifs venus en flux massifs, et l’enceinte extérieure de la ville et ses portes ainsi que des murailles qui bordaient un grand jardin étendu le long du Oued Bomoussa au Nord (dont quelques vestiges sont visibles aujourd’hui). Des boutiques se sont aussi développées le long de la route qui mène à Casablanca.

Source de l’historique et des images : Rapport sur le quartier de la Kasbah, agence urbaine de Settat, 2005. 205


Projet p.1/2 : Analyse de Settat, Maroc Partie IV :

Vue du ciel du quartier de la Kasbah au début du 20ème siècle./ Source:Rapport sur le quartier de la Kasbah, agence urbaine de Settat, 2005.

 1908-1913 : Arrivée de l’armée française et la construction du quartier européen au centre-ville.  1913-1956 : Durant le protectorat, la ville continuait à s’agrandir. Elle y connut son premier plan de zonage englobant 450ha qui a privilégié l’aménagement des places publiques, des jardins, des rues et l’élargissement des grandes avenues au centre-ville. Néanmoins, la dilatation du tissu urbain vers l’Est et l’Ouest a vu naître les premiers bidonvilles. La voie ferrée Casablanca-Marrakech a été mise en exploitation durant cette même période. La population de Settat est passée de 4800 habitants au début du siècle à 30 000 habitants vers la fin du protectorat.

206

 1956-90s: Au lendemain de l’indépendance, la ville de Settat a connu une expansion très rapide, sa population a dépassé les 90.000 habitants. Plusieurs quartiers résidentiels, administratif et industriel ont vu le jour ainsi que la construction d’équipements socioculturels et sportifs.


La morphologie du centre-ville a connu plusieurs transformations consécutives qui ont abouti à sa forme actuelle.

Partie IV :

Projet p.1/2 : Analyse de Settat, Maroc

 2000-aujourd’hui : Le développement de la ville s’est continué à se faire en suivant des plans de lotissement vers l’Est et l’Ouest, de rares équipements socioculturels ou sportifs ont été ajoutés et la population de la ville n’a cessé de s’accroitre.

Schéma du développement historique de la ville./Travail de l’étudiante. 207


D. Analyse urbaine

Partie IV :

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1.Rappel des principes du design urbain du bonheur

la sociabilitÉ

la ville comme milieu propice aux opportunités sociales, aux rencontres et aux échanges entre groupes et individus

l’ÉquitÉ

l'égalité des chances d'accès au ressources matérielles (biens et services) et à l'emploi.

la spiritualitÉ

l’encouragement des habitants à développer une vie spirituelle prospère.

le bonheur urbain

l’architecture du bien-Être Émotionnel Un cadre bâti qui génère des émotions positives : joie, tranquillité et quiétude, sécurité, curiosité ou admiration

la santÉ publique

La ville comme environnement de vie sain.

les activitÉs rÉcrÉatives

La procuration d’opportunités d’épanouissement émotionnel et de restauration mentale.

Nous nous référerons en ce qui concerne l’analyse urbaine à une grille d’analyse relevante des principes du design urbain du bonheur.

208


Partie IV :

Projet p.1/2 : Analyse de Settat, Maroc

2.Grille d’analyse de référence

209


Partie IV :

Projet p.1/2 : Analyse de Settat, Maroc

3.Composition de l’espace urbanisé de Settat

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L’espace urbanisé de la ville de Settat, qui s’étale sur une superficie de près de 3000 ha, est composé de plusieurs zones résidentielles reliées entre elles à travers un centre-ville unique et linéaire. La ville est aussi dotée d’un campus universitaire et d’un parc indutriel.


Visages de Settat/ Photos prises par l’étudiante Données générales : - La population de Settat est relativemment jeune. La tranche d’âge allant de 15 à 59 ans est de l’ordre de 63,8% et les moins de 25 ans représentent 47,9 % de la population Settati ( rapport de la Stratégie du développement urbain de la ville de Settat, agence urbaine de settat, 2008). -La part des migrants est importante quant à la formation du capital démographique de la ville. Selon l’enquête ménage ( 2010, BET Begdouri), les nés en dehors de Settat représentent 29,5 % des chefs de ménages. - Le taux d’analphabétisme dans la ville est de l’ordre de 41,4% (RGPH 2004). - Le taux d’activité (43,2%) à Settat est proche de la moyenne nationale (41,7%) - Le taux de chômage ( 17,5%) est supérieur au taux national global (12,4%) Les indices de pauvreté : Settat est une ville plutôt inégalitaire et pauvre ( 35.9% marqué dans l’indice d’inégalité et 11.2% de la population est vulnérable en 2007). Selon l’enquête ménage établie dans le contexte du plan d’aménagement de la ville en 2010, 54,6% ont un revenu mensuel inférieur à 2000 dhs qui veut dire que plus de la moitié des ménages ont un revenu mensuel inférieur au SMIG. Ces données confèrent à Settat un profil social bas mais promet un certain espoir grâce à sa population jeune.

Partie IV :

Projet p.1/2 : Analyse de Settat, Maroc

4) La population de la ville

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Partie IV :

Projet p.1/2 : Analyse de Settat, Maroc

5) Les activités économique

Avec sa proximité de l’aéroport Mohammed V et du port Jorf Alasfar, et en tant que carrefour d’importants axes routiers et ferroviaires, la ville de Settat bénéficie d’une situation géographique très favorable pour les investissements industriels. Or, celà ne se reflète pas dans la performance de son parc industriel qui connaît une baisse atterrante (60% des établissements industriels implantés dans la ville sont en situation de remise en question). L’implantation d’unités industrielles n’a pas réussi à constituer un véritable tournant dans la vie économique de Settat (seulement 2780 employés en 2008), ce qui a poussé la ville à compter avant tout sur les activités tertiaires. Settat est donc une ville de salariés où les services représentent la première activité génératrice d’emplois. Les services publics forment le plus grand pourvoyeur de la ville en emplois avec un pourcentage de 27% suivis des services privés qui offrent 12,3% des postes d’emploi permanents. La majorité des autres emplois se classent dans la case du commerce dans ses deux formes formelle et informelle. Ainsi, Settat est une ville dont les bases économiques restent à consolider pour acquérir le profil socioéconomique d’une ville de sa taille. 212


6) L’habitat

Partie IV :

A Settat, le parc d’habitat se développe à travers les opérations de lotissement. Il y a une forte demande sur les parcelles privatives du coup le modèle d’habitat dominant est celui de l’habitat individuel (habitat marocain, villas de superficies moyennes et grandes). Cette configuration spatiale se résulte en une densité moyenne à faible. De manière générale, plus on s’éloigne du centre-ville, plus la densité s’affaiblit et plus la mixité sociale s’absente du paysage. Ce développement urbain par juxtaposition de lotissements crée différents problèmes : 1- L’absence d’une vision d’ensemble de la ville ce qui donne un caractère décousu et peu harmonieux aux tissus urbains. 2- Un manque flagrant d’équipements de cohésion au sein des quartiers surtout ceux sportifs, ludiques ou socio-éducatifs. Ce manque est intense dans les nouveaux quartiers et les zones à faible densité notamment les zones villas. 3- Un grand manque en espaces verts et en arbres plantés. 4- Une distorsion de la ville dans tous les sens et l’allongement des distances entre le centre et la périphérie --> une connectivité en voie de défaillance . 5- L’échelle humaine est présente dans le cadre bâti mais la qualité visuelle représente une vraie lacune. 6- Dans la majorité des quartiers la mixité sociale n’est pas très présente, les couches sociales habitant un même quartier ont généralement des rangs sociaux très proches ce qui fait que la ségrégation économique reste l’aspect le plus dominant. Néanmoins, les distances entre les quartiers de strates différentes sont minimales ce qui ne bloque pas une comunication et des échanges fructifs entres les différentes classes. D’autres problèmes d’habitats figurent sur la liste comme la persistance de poches de l’habitat insalubre et la dégradation architecturale des vieilles habitations .

Projet p.1/2 : Analyse de Settat, Maroc

Constats généraux:

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Partie IV :

Projet p.1/2 : Analyse de Settat, Maroc

La répartition de la densité résidentielle

densité élevée 214

Densité moyenne

densité faible


4-Quartier PAM

Quartier Les abbatoires

7-Quartier Smaâla

7-Quartier Smaâla

Quartier Les abbatoires

Partie IV :

7-Quartier Smaâla

Projet p.1/2 : Analyse de Settat, Maroc

Les quartiers à forte densité urbaine

Quartier Les abbatoires

Les quartiers denses sont en majorité les anciens quartiers de la ville et sont au nombre d’une dizaine à peu près. Ils occupent le centre-ville et ses alentours et sont caractérisés par une forte dynamique humaine et sociale. Les hauts taux de sociabilité entre voisins sont témoignés dans ces quartiers habités essentiellement par des familles aux revenus limités. A cause du niveau scolaire bas de la majorité des enfants ainsi que les taux élevés d’analphabétisme et de pauvreté chez les parents, certains de ces quartiers sont très mal réputés en matière de sécurité, de trafic de drogue et de délinquence des jeunes. Les détenus juvéniles sont généralement issues de ces quartiers. Concernant les équipements de proximité, les quartiers denses se trouvent bien équipés quant à la quantité mais à cause de la configuration spatiale qui ne prend pas en considération la quiétude des habitations, les nuisances sonores sont insupportables aux résidents et l’intimité est moins respectée. 215


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1- Quartier El kamal

Partie IV :

Les quartiers à densité moyenne

1- Quartier El kamal

1- Quartier El kamal

8- Quartier Assalam

6-Quartier El Kheir

Quartier Moujamaâ El Kheir

Ce type de quartiers contient des options d’habitat diversifiées : immeubles commerciaux R+3, maisons marocaines R+1 et des villas en bande et est habité en premier lieu par les rangs de la classe moyenne (de la basse classe moyenne à la haute). Ils sont conçus de manière à concentrer les commerces et services dans des axes principaux (zones dynamiques)et derrières ces axes sont implantées les maisons marocaines et les zones villas qui profitent d’une certaine quiétude grâce à l’hiérarchisation établie. Les habitants sont bien desservis en équipements de proximité et leurs relations sociales sont équilibrées ce qui aide à procurer un environnement de bon voisinage tout en respectant la privacité de l’un et de l’autre. L’échelle humaine est donc très présente dans ses dimensions matérielles et immatérielles reste le cadre physique: la qualité architecturale, le revêtement des voies et l’absence totale d’espaces naturalisés qui pose les défis au bien-être. 216


3-Quartier Alouan

5-Quartier Bassatin El Kheir

2-Quartier Al Amani

3-Quartier Alouan

Partie IV :

Quartier Gnanet

Projet p.1/2 : Analyse de Settat, Maroc

Les quartiers à densité faible

1-Quartiers Kamal II et Farah II

Les quartiers à faible densité sont des zones villas où les habitants majoritaires sont des bourgeois ou faisant partie de la haute classe moyenne. Ces quartiers témoignent le niveau de sociabilité le plus bas et une absence totale de la mixité sociale. Les équipements de proximité sont quasiment absents de ces quartiers à l’exception de la mosquée. Généralement, ils représentent un environnement très calme à tel point que les ruelles peuvent sentir un peu d’insécurité. En plus de leur faible dynamique humaine, ces quartiers se développent en périphérie ce qui entravent leur connectivité aux zones importantes de la ville, l’acquisition d’une voiture individuelle se transforme en besoin plutôt qu’un luxe avec le manque des transports en commun.

217


Recommandations

Partie IV :

Projet p.1/2 : Analyse de Settat, Maroc

- Aménagement de centres de cohésion au

centre des quartiers tout en intégrant les habitants dans le processus. - Création d’espaces verts et plantation d’arbres sous-forme de canopée, ajout d’installations de sport et des aires de jeux pour enfants. - Réaménagement des grandes avenues au sein des quartiers en rétrécissant les largeurs des voies automobiles et en ajoutant des servitudes pour les arbres et les bicyclettes. - Aménagement de parkings aux entrées et sorties des quartiers. - Opérations de ravalement des façades tout en introduisant des couleurs vives avec variation de traitement. - Hiérarchiser le passage entre zone commerciale et zone de logement dans les quartiers à forte dynamique humaine en limitant les autorisations des commerces et services aux axes principaux. - Lier les quartiers péripériques au centre-ville par des lignes de transport en commun écologique. - Limiter l’étalement urbain en projettant des zones à densité élevée et à usages mixtes au périmètre de la ville.

Exemple d’hiérarchisation des centralités au sein des quartiers résidentiels/ méthode de la revalorisation architecturale et urbaine. 218

Inspirations :

Végétalisation des trottoirs et des pistes cyclables./image : rue Garibaldi à Lyon, France

Exemple de projet de centre de cohésion fait par Oumaima Maryia Hijazi (ENA-At.Revalorsation architecturale et urbaine.

Projet de végétalisation et d’apaisement de la circulation à la rue Gambetta à Haute-Garonne, France.


7) Les équipements

Les besoins basiques sont plus ou moins satisfaits quantitativement (la qualité reste à discuter) mais les besoins en espaces ludiques, socio-culturels ou sportifs sont encore pressants. Les loisirs occupent une place très minimale dans la ville qui ne présente que peu de choix de divertissement et desopportunités d’épanouissement des talents. Les associations civiles concernées par la jeunesse et la famille restent le seul refuge de la population stattie.

Partie IV :

La ville de Settat dispose des équipements de base mais manque d’équiepements pour les loisirs et la culture. Les équipements existants sont : - des équipements scolaires : écoles, collèges, lycées ainsi qu’une université et des centres de formation professionnelle. - des équipements de santé : centres de santé, cliniques, hôpital multidisciplinaire et cabinets de consultation médicale. -des équipements cultuels qui sont principalement des mosquées réparties sur les différents quartiers, -des équipements commerciaux : supermarché et souks. - des équipements administratifs. - une zone industrielle

Projet p.1/2 : Analyse de Settat, Maroc

Constats généraux :

Tableau de l’occupation du sol/ BET Begdouri 219


Partie IV :

Projet p.1/2 : Analyse de Settat, Maroc

Carte de l’occupation du sol/BET Begdouri

Recommandations - Création d’équipements ludiques et sportifs. - Projection d’équiepements socio-culurels. -Réhabilitation des équipements existants. - Mise en valeur des espaces publics de la ville.

220


8) La mobilité

Partie IV :

• 75% des stattis se déplacent à pied. La marche est aisée à partir des quartiers du centre mais devient plus difficile à raison qu’on s’en éloigne surtout pour les habitants des nouveaux quartiers périphériques où les pentes rigides s’ajoutent à la contrainte des longues distances. • 6.4% seulement utilisent des voitures individuelles alors que ces dernières occupent le plus grand volume de l’espace public. • 5.18 % se servent des petits taxis. Il y a plus de 200 petits taxis à Settat et il sont très présents au niveau du paysage urbain. Les frais des petits taxis sont fixes ( 7dhs le jour/10 dhs la nuit avec 1 ou 2 dhs de plus pour plus d’une personne à la fois), ce qui fait qu’ils sont abordables pour une bonne part de la population mais pas toutes. En gros ils arrivent à combler le déficit des transports en commun mais au détriment de l’écologie urbaine. • 3.16% empruntent les bus, le seul moyen de transport en commun disponible. Il est à noter que les bus à Settat sont peu performants et engendrent un taux élevé de pollution atmosphérique à cause de l’anciénneté des véhicules et du manque de maintenance. • 2.72% utilisent les deux roux (bicyclettes ou motos). La topographie de Settat (ensemble de collines qui entourent le centre-ville) rend difficiles les déplacements par bicyclettes chose qui s’accentue du côté ouest de la ville à cause des dangers présentés par les passages souterrains mis en place pour remédier à la coupure engendrée par la voie ferrée. • D’autres moyens de transport précaires sont encore visibles dans la ville comme les charettes et les calèches. Les triporteurs sont aussi très présents surtout après leur distribution par l’initiative nationale du développement humain.

Projet p.1/2 : Analyse de Settat, Maroc

Constats généraux:

221


Projet p.1/2 : Analyse de Settat, Maroc Partie IV :

L’allongement des distances de marche à cause de l’étalement urbain

Difficulté du cyclisme à cause de la topographie 222


Projet p.1/2 : Analyse de Settat, Maroc Partie IV :

Divers sont les usagers des routes mais aucune séparation n’est envisagée pour garantir un certain ordre ou sécurité. / Photo prise au rond-point contenant la statue du cheval emblème de la ville.

Photo prise au centre-ville

Photo prise dans un quartier périphérique

L’envahissement de l’avenue Hassan II aussi la route nationale 9 par les gros camions constitue un réel danger aux différents usagers de la route ainsi qu’une nuisance notoire : pollution de l’air, nuisances sonores et visuelles.

Le passage de la voie ferrée au milieu de la ville crée une coupure entre les quartiers Est et Ouest. Les deux passages souterrains existants pour relier les deux parties sont devenus insuffisants surtout avec l’étalement dans tous les sens que connaît la ville. 223


Partie IV :

Projet p.1/2 : Analyse de Settat, Maroc

Paysages de rue

224

Zoom sur le secteur central


Partie IV :

Les parkings représentent un autre déficit de la mobilté urbaine à Settat. La majorité des véhicules stationnent sur les bords de rues ce qui nuit visiblement au paysage urbain et aux piétons. Même les automobilistes sont contraints parfois à laisser leurs voitures dans des espaces non-sécurisés.

Projet p.1/2 : Analyse de Settat, Maroc

Le réseau viaire : Le réseau viaire de Settat s’articule, pour l’essentiel, autour de la colonne vertébrale que constitue l’avenue Hassan II, qui était à l’origine la partie urbaine de la RN n° 9 reliant Marrakech à Casablanca (en rouge). Cet axe au tracé longitudinal ( Nord – Sud ) assure la connexion entre les différentes parties de la ville, et sert de moyen d’articulation pour les principales artères de la ville. On note que l’accessibilité au secteur nordique qui abrite le campus universitaire représente n vrai défit avec la sous-performance du transport en commun et l’inadéquation du trajet à la marche (bruits des voitures roulant à grande vitesse, insécurité et manque d’animation le long de la voie).

Carte de la trame viaire par secteurs / carte prise du la note de présentation du PA de Settat 2011

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Partie IV :

Projet p.1/2 : Analyse de Settat, Maroc

Recommandations => Settat a besoin d’un système de transport multimodal répondant quantitativement et qualitativement à toutes les couches sociales afin de créer une ambiance d’aisance et d’un sentiment de maîtrise de l’espace chez les habitants et contribuer à la redynamisation économique de la ville. Suite aux besoins recensés, nous recommandons la mise en place de 3 lignes d’une option de transport en commun écologique comme: le tramway, le trolleybus, le gyrobus ou des voies dédiées aux bus électriques. La proposition de trois lignes est résultante de la séparation Est-Ouest et

Exemple de revêtement sol non-agressif: le porphyre

Exemple de projet de parking aérien. 226

Proposition des axes des lignes rapides du transport en commun. Nord-Sud, une ligne longitudinale sera donc dédiée à l’axe Nord-Sud qui liera le campus universitaire au parc industriel, et deux autres transversales qui lieront les quartiers périphériques Est et Ouest. - Deuxièmement, il faut rendre les rues égalitaires pour tous les usagers en y aménageant des voies pour les utilisateurs des deux roues et des trottoirs larges, sécurisés et ombragés. - Concevoir des parkings aériens à étages pour combler le manque existant. - Imposer aux camions navetteurs de suivre le détournement de la route existant au lieu de passer par l’axe principal du centre-ville. - Prévoir de nouvelles liaisons piétonnes et automobiles de part et d’autre de la voie ferrée. - Soigner les rues et les zones piétonnes par des revêtements confortables et robustes et ajouter des couleurs vives, des plantations aux différentes allées.


9) L’infrastructure sanitaire :

La gestion de déchets : - L’assainissement des déchets liquides couvre la majorité des quartiers. - Les déchets solides sont malheureusement jetés dans une décharge non contrôlée située à l’ouest de la ville ce qui détériorie la qualité de l’air et du sol. - La prolifération de dépotoirs d’ordures sauvages aux extrémités de la ville et dans la vallée de l’oued Ben Moussa à raison d’une insuffisance du système de collecte d’ordures ménagères.[Les rejets solides atteignent 150 tonnes / jour. Cependant la collecte de ces déchets ne couvre que 80% des quartiers de la ville.] - Quelques unités industrielles versent leurs déchets liquides dans le passage du oued boumoussa qui est en partie découvert et elles se répandent aussi non loin du forage alimentant Settat en eau potable. De ce fait, Settat est classée par le SRAT comme une ville à forts facteurs pollueurs industriels. - La pollution causée par les marchés informels et l’écoulement des déchets liquides à partir de Souk Chtaiba constituent un autre facteur de la pollution.

Partie IV :

Réseaux d’approvisionement d’eau et d’électricité : -Settat dispose de réseaux d’approvisionnement en eau potable et en électricité qui couvrent l’essentiel de l’espace urbain cependant quelques ménages résidant dans des conditions précaires ne sont pas encore raccordés au réseau de distribution de l’eau potable ( 1862 résidents), et au réseau d’électricité ( 1324 résidents) (enquête ménage de 2010 par le BET Begdouri) et ceci risque de prendre de l’ampleur au cas où les mesures nécessaires ne sont pas prises en compte.

Projet p.1/2 : Analyse de Settat, Maroc

Constats généraux:

La qualité de l’air est surveillée au niveau du centre mais nous ne savons pas si les données qu’elle génère sont prises en compte ou pas.

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Partie IV :

Projet p.1/2 : Analyse de Settat, Maroc

Illustrations

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Dépotoir d’ordures au centre-ville

Pollution engendrée par le marché de Chtaïba

Rejets des déchets dans la vallée du Oued Boumoussa

Dépotoir d’ordures à la marge Est de la ville

Recommandations => Les besoins de la ville, en matière de collecte, de stockage et de traitement des ordures urbaines exigent le renforcement du matériel nécessaire et l’aménagement d’une décharge publique conforme aux normes de protection de l’environnement. Ainsi, nous recommandons de : -Garantir la couverture totale de l’espace urbain par des systèmes d’alimentation et d’évacuation de l’eau. -Adopter des méthodes de gestion des déchets intelligentes. - Création d’entreprises semi-publiques de recyclage. - Etablir un contrôle des déchets industriels. - Traiter le passage du Oued Boumoussa pour le doter d’un usage propre et le rendre un élément fort de la ville. - Intervenir sur les marchés urbains afin de les doter de systèmes de traitement des déchets écologiques.


10) L’espace public

Au niveau des quartiers résidentiels, les espaces publics sont quasiment inexistants ou très dégradés le cas contraire.

Partie IV :

- Le noyau central est suffisamment aéré d’espaces verts et de places publiques qui ont été récemment réaménagés. - Deux jardins de superficies importantes se situent au Nord. Les bords de l’avenue Hassan II sont aménagés de manière à faciliter la promenade et l’accès à ces deux jardins. - La partie Sud semble marginalisée, aucun jardin ni aménagement ne s’y trouve. Sur cette même zone se situe la partie découverte du Oued Boumoussa dégageant des odeurs désagréables. - Autour du centre-ville, les parcelles qui couvrent le passage du Oued sont laissées à l’abandon se transformant en dépotoirs de déchets. - Des boisements s’allongent au Nord de la ville et se trouvent dans un état dégradé.

Projet p.1/2 : Analyse de Settat, Maroc

Constats généraux:

Recommandations - Adopter une approche globale des espaces publics. - Appliquer les règles de 10+ du placemaking : 10 destinations ou plus valables dans la ville et 10 attractions ou plus dans chaque espace. - Doter les espaces publics d’aires de jeux pour enfants. - Doter les quartiers d’espaces verts. - Créer des coulées vertes le long des parcours piétons dans la ville.

229


230

Partie IV :

Projet p.1/2 : Analyse de Settat, Maroc


E. Settat vue par ses habitants

1-Le profil des participants à l’enquête Pendant une semaine, nous avons pu collecter 209 réponses dont 203 sont résidents ou ont déjà habité une période de leur vie à Settat. La durée moyenne de résidence de ces participants est estimée à 24ans avec une période minimale d’un an et maximale de 53ans. Pour le reste de l’étude nous avons éliminé les six réponses des participants n’ayant jamais habités à la ville. L’échantillon des répondants a un profil jeune, instruit et féminin : - 69% des personnes qui ont répondu au questionnaire sont des jeunes en dessous de 40 ans, - 63.2% sont de femmes, - 73.8% ont atteint un niveau d’enseignement supérieur. - 47% sont des natives de la ville.

Partie IV :

Afin d’engager la population, même à titre passif, dans la définition des besoins et la proposition des solutions aux carences de la ville, nous avons lancé une enquête sur le bien-être subjectif des habitants de Settat et sa relation avec la ville. Les questionnaires en langues arabe et française ont été diffusés à travers les plateformes des réseaux sociaux.

Projet p.1/2 : Analyse de Settat, Maroc

Regard subjectif sur la ville

2- Le niveau de la satisfaction de vie à Settat : Une première question était de mesurer la moyenne de la satisfaction de vie relatée sur l’échelle de Cantril, une échelle de 0 à 10 où 0 représente la pire vie qu’une personne peut s’y imaginer et 10 représente la meilleure vie qu’elle peut avoir selon ses propres critères. La moyenne calculée d’après les 203 réponses rassemblées était de 5.891, un peu plus haute que la moyenne nationale présentée par le rapport du bonheur mondial (5.245). Les habitants de Settat ont donc une satisfaction de vie moyenne quitte à être rehaussée. 231


Partie IV :

Projet p.1/2 : Analyse de Settat, Maroc

3- Comment les habitants de Settat perçoivent leur ville :

- Ce qu’ils aiment dans la ville : Le calme (52.7%), le climat (48.4%) et la nature (39.25%) sont par ordre d’importance les trois caractéristiques qu’aiment les stattis à propos de leur ville suivies par la facilité de déplacement (32.65%), le niveau de vie (30%) et la vie sociale (26.5%). - Le sentiment d’attachement à la ville : • 75% des répondants disent être attachés à Settat, les raisons les plus éminentes sont : l’appartenance généalogique à la ville ( parmi 114 réponses à la question pourquoi, 45 ont cité le fait que Settat est leur ville natale ce qui forme 39% des réponses), présence de la famille et des amis (23%), la mémoire des lieux (souvenirs d’enfance ou de la période des études: 13%) , puis des raisons moins fréquentes comme: l’habituation, la proximité des grandes villes, le calme, le climat et l’amour de la ville. • Pour les 25% qui ne se sentent pas attachés à Settat, les raisons qu’ils invoquent sont en liaison avec le manque des opportunités qu’offre la ville en matière de travail, de loisirs et d’animation (relaté par 13 personnes sur 28 qui ont justifié leur réponse), une deuxième raison est le niveau culturel et intellectuel bas de la population, puis s’ensuivent les aspects ruraux toujours perceptibles dans la ville.

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Projet p.1/2 : Analyse de Settat, Maroc Partie IV :

- Quand on a demandé aux participants de noter sur une échelle de 1à5 leur satisfaction par rapport à des aspects de la ville de Settat qui sont en même temps les sources du bonheur étudiées dans notre travail, avec 1 représentant l’insatisfaction complète et 5 la complète satisfaction, nous avons trouvé que les aspects qui ont marqué les scores les plus bas sont : 1- les activités de récréations et de divertissement (1.68/5) 2- l’équité entre les membres de la société : accès au travail, accès à une bonne scolarisation, habitat décent ( 2.25/5) Alors que les scores les plus élevés ont été marqués par : 1- La santé ou l’encouragement à adopter un mode de vie sain (3.36/5). 2- la sociabilité : la facilité de faire et d’entretenir de bonnes relations sociales (3.34/5). 3- et la centralité de la religion : la présence effective de la mosquée dans la vie quotidienne des quartiers (3.21).

4- L’impact de la ville sur la satisfaction de vie :

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Partie IV :

Projet p.1/2 : Analyse de Settat, Maroc

Les deux tiers des personnes questionnées sentent que la ville a un impact sur leur satisfaction de vie, 32% voient cet impact positif alors que 30% le voient négatif. • Les premiers lient cette influence à des aspects déjà cités comme la présence de la famille et d’un bon réseau social ou parce qu’elle leur a offert des opportunités de succès, d’autres ont cité son ambiance calme non stressante et la sécurité. 95% de ces personnes ont dit qu’ils se sentent attachées à la ville et leur moyenne de la satisfaction de vie est de 6.328 .

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• Pour les personnes qui perçoivent l’impact de Settat négatif sur leur satisfaction de vie, les raisons qu’elles avancent sont: l’insatisfaction de leurs besoins en matière de loisirs (42%), la faiblesse des offres d’emploi et la culture sociétale qui règne. Cette catégorie a une moyenne de satisfaction de vie de 5.245 et 47% ne se sentent pas attachés à la ville. • 38% des répondants ne pensent pas qu’il y ait une intersection entre leur satisfaction de vie et leur ville parce qu’ils voient que c’est un fait interne propre aux qualités personnologiques et à la volonté personnelle. Il faut noter que 25% de ces réponses ont mal compris la question et cela se reflète au niveau des justifications qui sont plus adéquates à la deuxième option qu’est: “oui, Settat influence négativement ma satisfaction de vie”. La moyenne de la satisfaction de vie de cette catégorie est de 6.038. Il paraît que les personnes qui sentent que la ville a un impact négatif sur leur satisfaction de vie témoignent le niveau de satisfaction de vie le plus bas et une part de leur insatisfaction réside dans le manque des opportunités de travail et de loisirs offertes au niveau de la ville.

5- L’impact de la ville sur le bien-être émotionnel:


Partie IV :

6- Les propositions de changement ou d’amélioration

Projet p.1/2 : Analyse de Settat, Maroc

Ici les réponses sont presque divisées en deux catégories : - 47% pensent que la ville n’a pas d’impact sur leur bien-être émotionnel et ce pour les mêmes raisons citées quant à la satisfaction de vie. - 53% pensent que la ville a un impact sur leur bien-être émotionnel, parmi ces 53%, 20% perçoivent l’influence de Settat comme positive et 33% la voient négative. Pour ces derniers, leur perception est justifiée par l’incohérence du bâti, la faible qualité architecturale et esthétique, l’absence d’une identité particulière à la ville, le manque de propreté et les nuisances sonores dans les zones commerciales ainsi que la vétusté des constructions.

Pour 92% des personnes interrogées la ville de Settat manque d’espaces de divertissement et de loisirs, 70.65% ressentent un manque en parcs et jardins, 67% voient que la ville est en manque d’équipements publics et 63% témoignent un manque de commerces. L’habitat et le transport ne sont perçus manquants que par 40% des répondants. Quand on a demandé aux participants de suggérer des projets ou des changements à mettre en place, plusieurs (57%) ont convergé vers des projets de récréation et de loisirs sportifs, ludiques et culturels, des projets de développement personnel, des espaces verts,..D’autres ont mis le point sur les centres commerciaux de grandes surfaces et quelques uns ont cité les équipements de santé, l’habitat,le transport en commun et le parc industriel.

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F. Bilan :

Partie IV :

Projet p.1/2 : Analyse de Settat, Maroc

1. Impact de Settat sur le bien-être subjectif de ses habitants Santé : Les modes de transport à Settat, ses procédés de gestion de déchets, la prolifération de marchés informels et les dépotoires des rejets ménagers, l’insalubrité d’une portion du parc d’habitat et la dégradation du cadre bâti spécialement dans les quartiers centraux sont des facteurs nuisibles à la santé publique qu’il faut absolument régler. La santé mentale n’est pas en reste: au niveau du centre à cause de la surstimulation sensorielle et à cause de l’ennui au niveau de toute la ville. Relations sociales : La culture dominante à Settat favorise les échanges sociaux et l’ouverture sur l’autre, néanmoins les nouveaux quartiers résidentiels sont privés d’espaces publics ouvrant le chemin aux relations de bon voisinage. Les quartiers à forte et moyenne densité sont par contre des terrains fertiles de sociabilité mais restent en manque d’espace publics ouverts de qualité où les femmes peuvent se rencontrer et les enfants jouer en toute sécurité. Fleurissement économique et équité: Les taux de pauvreté à Settat, les indices de chômage et la croissance économique témoignent d’une faible activité économique. Certes la ville connaît une dynamique humaine intéressante mais son champ d’innovation et d’investissement est très limité. En plus la ville est stratifiée en classes socioéconomiques séparées par les opérations de lotissement ce qui accentue les inconvénients de la pauvreté. Religion: Les mosquées sont très présentes physiquement mais le sont moins sur le plan fonctionnel. Leur juste fonction d’espace de prière et dans quelques cas de lieu des cours d’alphabétisme et d’apprentissage du Coran ne remplissent pas le besoin d’une réelle intégration de la religion dans la vie de tous les jours. Epanouissement et récréation : Si les besoins primordiaux des stattis sont à une certaine mesure remplis par les équipements existants, les besoins en activités de récréation et de développement des talents restent insatisfaits. La ville marque une grande carence en équipements culturels, sportifs, ludiques et sociaux. Bien-être émotionnel Settat est une ville très calme, les nuisances sonores y sont limitées et relatives à des moments précis de la journée. Son cadre bâti est à l’échelle humaine ce qui évite à la population des sentiments d’anxiété et de surcharge sociale mais son aspect architectural est terne, ennuyeux et morose. L’élément naturel est peu ou mal présent sur les rues et les avenues et les quelques jardins et places publiques animées existants se trouvent au centre-ville.

236

Ainsi, et comme une grande part des villes moyennes du Maroc, Settat n’est pas dotée des caractéristiques urbaines pouvant aider les gens à s’épanouir et être satisfaits de leurs vies. Ses potentialités sont énormes mais l’absence d’une approche efficace pour les revaloriser, est responsable de sa situation de ville « terne ».


“ Settat, une ville où les habitants jouissent d’une satisfaction de vie et d’un bien-être émotionnel élevés en étant : - Un hub de créativité et d’innovation, - Un cadre de vie sanitaire et écologique, - Une scène propice des pratiques religieuses, - Un espace de sociabilité.” L’investissement dans ces quatre catégories rendera Settat une ville attractive qui projette l’image d’un cadre de vie agréable. Ceci aidera à ramener des investisseurs et des jeunes talents qui pourront à travers des projets novateurs créer de la richesse matérielle et imatérielle et élever le rang de la ville au niveau national.

hub de crÉativitÉ

01 02

pratique religieuse aisÉe

Partie IV :

Cette vision devrait être appliquée sur toutes les échelles pour garantir son efficacité. Dans notre projet, nous allons essayé de la traduire au niveau du centre-ville.

Projet p.1/2 : Analyse de Settat, Maroc

2. Vision du projet

espace de vie saine

03 04

sociabilitÉ prospÈre

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Projet p.1/2 : Analyse de Settat, Maroc

Nous avons délimité le centre-ville au Nord par la bibliothèque municipale, au Sud par les gares routière et ferroviaire, à l’Ouest par l’avenue Zerktouni et à l’Est par l’avenue des FAR, prenant en compte les usages et la concentration d’activités ainsi que les vocations des quartiers du secteur central. Comme il apparaît sur la carte ci-contre, le centre-ville de Settat se développe de manière linéaire suivant l’avenue Hassan II/route nationale 9 qui forme la colonne vertébrale de la ville.

Partie IV :

G. Zoom sur le centre-ville

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240

Projet p.1/2 : Analyse de Settat, Maroc

1.Usages et fonctions

Partie IV :


Salle omnisports

Partie IV :

Magasins

Projet p.1/2 : Analyse de Settat, Maroc

Bâtiments à usage mixte (bureaux, commerces, habitat,..etc)

Bâtiments résidentiels au niveau du centre

Le palais de la municipalité

Marché de Chtaïba

- Les constructions au centre-ville sont réparties entre équipements administratifs, commerces et services, quelques équipements socioculturels et sportifs et des habitations individuelles et collectives. - Le zonage le plus affirmé est celui du quartier administratif et les équipements sportifs au Nord, les autres fonctions s’entremêlent dans des tissus presque compacts. 241


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Projet p.1/2 : Analyse de Settat, Maroc

2.Opportunités récréatives

Partie IV :


Exemple d’un café d’hommes

Partie IV :

Club Payant

Projet p.1/2 : Analyse de Settat, Maroc

Ambiance nocturne d’une place publique au centre-ville

Rue Marchande piétonne

Une Kissaria et sa place publique

Photo du festival annuel de l’orphelin organisé par une association locale.

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2.Opportunités récréatives

Projet p.1/2 : Analyse de Settat, Maroc Partie IV :

Pour une ville monocentrale, le divertissement représente une fonction primaire du centre-ville. Or, les opportunités de récréation et de divertissement offertes par la ville en général et particulièrement au niveau du centre-ville, sont très limitées. Les centres d’intérêts des habitants se réduisent aux : - Lignées commerciales et centres commerciaux sous forme de Kissarias (6), marchés (2) et supermarché (1). - Cafés : monopolisés à plus que 90% par les hommes. - Restaurants : d’un nombre d’une demi-douzaine à une dizaine pour une population de plus de 200 000 habitants. - Snacks : plus fréquents que les restaurants et beaucoup plus sollicités. - Clubs payants avec services de restauration et de sport au nombre de 3 dont un est en arrêt de service. - Activités sociales, éducatives et culturelles offertes par un foyer féminin, deux maisons de jeunesse, l’association des jeux de boules et la bibliothèque municipale. Les bénéficiaires de ces activités sont très limités suite au conditions d’adhésion et la capacité d’accueil de ces structures. - Terrains de foot au nombre de deux dédiés surtout aux jeunes des quartiers avoisinants. - Un terrain de foot couvert réservé au club de “Nahda Settatia”. - Une salle omnisport. - Places et jardins offrant un cadre de jeux pour les enfants et de rassemblement pour les femmes, les jeunes et les personnes de troisième âge. - Evènementiels : des installations de jeux d’enfants temporaires, expositions de peintures, festivals, expositions d’artisanat ou de livres organisées par les associations locales. En gros, une personne ordinaire à Settat voulant changer d’air, aurait comme choix de se balader entre les rues marchandes, de s’assoir sur un banc de jardin ou d’une place publique ou de se mettre sur une terrasse de café (option valable surtout pour les hommes). Espaces de loisirs aux sorties de la ville : Aux sorties Nord et Sud de la ville, des cafés équipés d’installations de jeux pour enfants existent présentant des opportunités de socialisation et de divertissement aux familles. Malheureusement, ces espaces restent inaccessibles ou très difficilement accessibles pour les personnes ne disposant pas d’une voiture personnelle. A la sortie Nord de la ville se trouvent une forêt et un parc avec un lac artificiel. Néanmoins les travaux sur le parc n’ont pas été achevés et la forêt n’est pas sécurisée.

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245

Partie IV :

Projet p.1/2 : Analyse de Settat, Maroc


246

Projet p.1/2 : Analyse de Settat, Maroc

3.Dynamique humaine

Partie IV :

3

1

2


- Zone 2 : l’extrémité Sud où l’ambiance est relativement calme. Cette partie se caractérise par l’existence de quartiers résidentiels qui contiennent des commerces et services de proximité. Elle témoigne une activité modérée du côté Est de la gare routière suite à la présence de grillades et de marchands de légumes et fruits ambulants.

Partie IV :

- Zone 1 : le noyau central où un grand flux de piétons se concentre dans un rayon de 500m à partir du marché “Chtaïba” jusqu’aux voisinages de la municipalité. Ce taux de fréquentation élevé s’explique par la concentration des centres d’intérêts qu’offre la ville dans ce même périmètre.

Projet p.1/2 : Analyse de Settat, Maroc

Cartographier les taux de fréquentation nous a permis de distinguer 3 zones du centre-ville caractérisées par des dynamiques humaines et des contraintes spatio-fonctionnelles différentes:

-Zone 3 : l’extrémité Nord du centre-ville caractérisée par une ambiance très calme, qualité intrinsèque du quartier administratif et des équipements sportifs isolés. La seule dynamique que cette région connaît d’habitude est au niveau du jardin de la bibliothèque où les familles, enfants, voisines et amis se rassemblent les après-midis. Les rues de cette partie sont presque tout le temps désertes et insécurisantes. 247




Partie IV :

Projet p.1/2 : Analyse de Settat, Maroc

5.Analyse psychogéographique du noyau central

La promenade dans la zone du noyau central est agressive aux sens. La présence du commerce informel crée des ambiances de surcharge sensorielle à la fois visuelle et auditive. Traverser ces rues stimule une vraie sensation de malaise. Et pour une grande majorité des Stattis, cette présence excessive des marchands ambulants, des charettes et des animaux de bétail confère à la ville un aspect rural plutôt qu’urbain ce qui altère son image projetée. D’autre part, l’incohérence et la dégradation du cadre architectural nuisent à l’oeil et à l’esprit et stimulent des sensations de gêne et de dégoût. Certains ont même décrit la ville de fade et dépressante. Même si la forme et l’esthétique sont des compléments, parfois, lorsqu’il n’y a rien de beau à voir (ni bâti ni naturel), elles deviennent des besoins. 250


Projet p.1/2 : Analyse de Settat, Maroc Partie IV :

Les bâtiments qui occupent le noyau central sont en majorité dans un état délabré et nécessitent des opérations de rénovation ou de transformation complète.

L’occupation informelle des rues par les marchands ambulants perturbe la circulation puisqu’ils s’approprient 75% de la largeur de la rue. Les passants se trouvent entrain de se bousculer et expriment un soulagement une fois qu’ils dépassent ces rues.

En plus des problèmes de circulation, ces activités polluent énormément l’espace en y jetant les déchêts des légumes et autres types d’ordures. 251


1

Partie IV :

Projet p.1/2 : Analyse de Settat, Maroc

Parcours inintéressant et ennuyeux au piéton.

252

2

Les problèmes de circulation au noyau central se divisent suivant 4 catégories : 1- Parcours fades et monotones [en jaune], ces rues et avenues manquent d’animation et d’intérêt: on y passe rapidement et parfois on les évite carrément. 2- La capacité d’accueil de la voie est disproportionnée à l’usage interne ce qui invite les grands véhicules destinés aux longues distances à l’emprunter, en plus d’une inégalité du tracé routier (absence de voie cyclable et trottoir très étroit du côté gauche) [en mauve]. 3- L’occupation informelle des voiries par les marchands ambulants, ce qui les a rendues des rues semi-piétonnes, mais le désordre et l’encombrement est surstimulant [en rouge]. 4- Le conflit d’usage entre les différents utilisateurs de la route à cause de l’absence d’une séparation visuelle [en bleu].

Inégalité du tracé routier, passage des grands véhicules.

3 Désordre et surcharge sensorielle

4 Conflit d’usage entre automobilistes, charettes, piétons, cyclistes ..etc.


2

3

5

Partie IV :

4

Projet p.1/2 : Analyse de Settat, Maroc

1

• Les friches 1, 4 et 5 sont des friches vertes. Les surfaces qu’elles occupent servent de couverture au passage du Oued Boumoussa et malheureusement la ville n’en profite pas pour en faire des espaces publics de qualité. Récemment des projets de réaménagement ont commencé dans les friches 1 et 5, mais malgré cela, l’esprit de friche est toujours présent, les interventions menées jusque là n’étaient pas fructueuses.

• Les friches 2,3 et 6 représentent des cas de chantiers inachevés depuis plus de deux décennies. Ces espaces engendrent différents inconvénients à la ville et au bien-être émotionnel des citadins. Ils créent à la fois des effets d’ennui et d’anxiété qui perturbent les usagers de la ville implicitement. Ils sont aussi des centres de pollution et de pratiques malsaines.

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254

Carte de Synthèse

Projet p.1/2 : Analyse de Settat, Maroc

(noyau central)

Partie IV :


255

Partie IV :

Projet p.1/2 : Analyse de Settat, Maroc

Proposition d’interventions


V


Partie V

Projet p.2/2: Centre d’épanouissement personnel et communautaire à Settat


A.Genèse du projet

Partie V :

Projet p.2/2 : Centre d’épanouissement pesonnel et communautaire à Settat

Pourquoi un centre d’épanouissement personnel et communautaire à Settat?

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Selon l’analyse urbaine de Settat et l’enquête des avis de ses habitants, on a ressorti un grand besoin en espaces de récréation. Si les autres nécessités d’une vie de qualité et de bonheur sont peu performantes, celui de l’épanouissement des talents l’est encore plus, voire le moins satisfaisant entre tous. Pour cela, le projet proposé à la population Settatie est un centre d’épanouissement personnel et communautaire où jeunes et adultes trouveront une échappatoire de la vie quotidienne, une opportunité pour développer de nouveaux savoir-faire et hobbies et un lieu propice aux rencontres et à la sociabilisation. Le parti du projet est de bâtir en harmonie avec la nature tout en créant une architecture qui plaît aux sens et à l’âme. Le choix du site du projet : Afin de rendre le projet accessible à toute la population de la ville, nous avons choisi de l’implanter au centre-ville. Comme nous démontre l’analyse urbaine effectuée, le centre-ville ne suit pas la croissance urbaine relatée et sa dynamique humaine se concentre dans un noyau central, ce qui le fragmente en 3 zones distinctes (nordique, centrale et sud ), chacune présentant ses propres points de force et de faiblesse ainsi des besoins particuliers. Quant à ce projet, nous avons opté de l’implanter dans la zone du sud pour les raisons suivantes: 1- C’est la zone du centre-ville qui ne possède aucune destination intéressante. 2- Cette zone représente l’entrée Sud de la ville qui doit projeter une bonne image de la ville aux passagers venant de Marrakech. 3- Après sa régénération, la zone du sud peut devenir une partie intégrante du noyau central. Précisément, le projet se situera à l’emplacement de la gare routière actuel et son voisinage, le tout prévu comme zone de rénovation urbaine selon le PA de 2011. Cet emplacement est stratégique vu qu’il se trouve sur l’axe de la gare ferroviaire et est accessible à travers différents parcours à partir du noyau central. Le présent bâtiment de la gare va être délocalisé vers la périphérie de la ville ce qui nous libèrera un site doté d’une forte valeur urbaine et d’une grande superficie.


Partie V :

Projet p.2/2 : Centre d’épanouissement pesonnel et communautaire à Settat

La zone d’implantation du projet

Repère urbain

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Partie V :

Projet p.2/2 : Centre d’épanouissement pesonnel et communautaire à Settat

B.Description du site

Coupe

La superficie totale du site est de 3.6 ha dont 6000m² est prise par le passage du Oued. Le niveau du Oued est à -2.00m du niveau de la chaussée .

Coupe schématique sur le terrain

260


Voie automobile utilisée comme station des grands taxis.

Commerces et grillades devant le bâtiment de la gare (côté Est)

Passage du Oued non traité générant pollution et insécurité.

Commerces et agences de voyage sur la façade Ouest de la gare

Etendue de l’autre côté du Oued servant de parking aux grands engins.

Partie V :

Bâtiment de la gare routière en R+1

Projet p.2/2 : Centre d’épanouissement pesonnel et communautaire à Settat

Occupation acuelle

261


C. Programme de l’entité

Partie V :

Projet p.2/2 : Centre d’épanouissement pesonnel et communautaire à Settat

Méthodologie :

262

Le programme de l’entité est l’aboutissement d’une réflexion basée sur les besoins de la population conjugués aux enjeux du design urbain du bonheur (équité, sociabilité, centralité de la religion, santé publique, récréation et architecture du bien-être émotionnel). Déduits de la phase de l’analyse urbaine, les besoins exprimés par les habitants de la ville ont été traduits en activités/fonctions puis en espaces pouvant les accueillir. Ainsi, nous nous sommes trouvés avec quatre pôles : -Pôle de récréation : procurant des activités qui orientent les enfants, adolescents et adultes à découvrir leurs différentes passions. - Pôle de rencontre et sociabilisation : comprend un ensemble d’espaces qui favorisent la communication et le rassemblement entre les individus. - Pôle de ressourcement spirituel : fourni un espace de prière et un rappel religieux à la fois visuel à travers l’architecture et sonore grâce à l’Adhan et la récitation du Coran. -Pôle d’intégration fonctionnelle : intègre les fonctions existantes pour absorber les besoins en matière d’opportunités d’emploi et assurer l’intégration fonctionnelle du projet dans son environnement.


Pôle de récréation

Pôle de rencontre et de socialisation

Surface

Centre de loisirs et de culture Aire de jeux pour enfants

2600 m² 2875 m²

Espace de pique-nique. Théâtre de verdure Jardin sensoriel +Espace de travail en plein air.

4800 m² 6351 m²

Mosquée

4273 m²

3030 m²

Partie V :

Pôle de ressourcement spirituel

Equipemet / aménagement

Projet p.2/2 : Centre d’épanouissement pesonnel et communautaire à Settat

Pôle

Pôle d’intégration fonctionnelle

Souk urbain couvert

4316 m²

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D. Le processus conceptuel

1-Elimination de la voie automobile divisant l’îlot en deux.

2- Soulignement de l’existant à travers la revalorisation du potentiel paysager du Oued Boumoussa.

Partie V :

Projet p.2/2 : Centre d’épanouissement pesonnel et communautaire à Settat

1.Etapes de la restructuration du site

3- Repérage des points de convergence à travers 4- Implantation des éléments du programme la simulation des parcours possibles depuis les selon les exigences principielles et fonctionpoints d’accès. nelles. 264


4- Mouvement fluide

2- Fusion dans la nature

3- Effet mystère

5- Diversité et couleurs vives

L’effet mystère et le mouvement fluide ont été incorporés dans le traçage des différents parcours reliant les pôles du projet. Le mouvement fluide se voit aussi dans les formes courbes utilisées dans la conception architecturale (le centre des loisirs et culture, la couverture du souk urbain, les clôtures de l’aire de jeu et celle de la mosquée). L’échelle humaine est respectée quant aux hauteurs des bâtiments et des clôtures et la conception des parcours qui s’est basée sur une simulation des vues à hauteur humaine au lieu d’un dessin en 2D tourné en 3D. La fusion dans la nature est à la fois directe et indirecte, à travers la présence dominante de la végétation, de l’eau et l’importance de la lumière naturelle dans la conception architecturale, en plus du mimisme des formes organiques dans les tracés du sol et les volumes architecturaux. La diversité et les couleurs vives viennent animer les parcours et les ambiances intérieures sous forme de peinture, de mobilier et de plantes vivaces.

Partie V :

1- L’échelle humaine

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2.Principes de l’aménagement paysager

265


Partie V :

Projet p.2/2 : Centre d’épanouissement pesonnel et communautaire à Settat

3.La notion du parcours scénographique

L’élément essentiel sur lequel s’est articulée la conception paysagère est la notion du parcours scénographique. Le projet se veut une promenade en soi, c’est un espace dont le but est d’offrir un sentiment de liberté et de fraîcheur tout en introduisant une envie de découverte et de fascination. Le changement de couleurs, de tons de lumière, d’effets d’ombre, les lignes sinueuses des parcours et les différents points de départ et d’aboutissement avec leurs ambiances relativement contrastées servent à satisfaire une curiosité innée pour le nouveau et incorporer à l’espace une qualité d’auto-régénération. Les diverses espèces végétales choisies servent aussi à créer le sentiment du nouveau avec chaque changement de saison.

4.Eléments de la composition paysagère

Motifs colorés au sol : don-

nent une identité particulière au parcours qui lie l’aire de jeux, le centre des loisirs et de culture et les espaces de pique-nique. La diversité des couleurs reflète l’aspect jovial intrinsèque à ce parcours.

Clôture de l’aire de jeu avec effet ondulé : le

volume ondulé créé à partir d’une jonction particulière entre les différentes lames de bois et la ligne courbe que suit la clôture elle-même mettent en action le principe du mouvement fluide et permettent aux passagers de recueillir un avant-goût de l’ambiance dynamique dans l’aire de jeux.

Clôture avec une transcription d’un verset Coranique : le verset

coranique choisi transmet une sensation de quiétude qu’est avec l’évocation d’Allah se tranquillisent les cœurs. Ce parcours est sobre et minimaliste,son effet se veut spirituel, apaisant et tranquillisant.

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E. Le projet

Le plan de masse généré est aéré, l’architecture et la nature s’y mêlent pour former un tout cohérent. Le traçage des parcours suit des lignes courbes reproduites dans les formes du bâti de façon à sentir une continuité, une fluidité de mouvement et une union entre les différentes parties du projet.

Partie V :

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1.Le plan de masse

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2-Les aménagements paysagers

Partie V :

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2.1) l’aire de jeux

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Cet espace a été conçu en -2m par rapport au zéro du projet dans le but de l’encercler et le cloisonner tout en évitant la sensation d’emprisonnement. Ceci étant possible à travers l’ouverture de l’aire de jeux sur le ciel, ce qui lui offre un aspect double à la fois ouvert et fermé. Nous avons rajouté une clôture semi-opaque d’une hauteur de 2.4m sur les bords de l’espace pour protéger les passants mais aussi pour amplifier les sensations de sécurité et d’intériorité et garantir un bien-être aux parents. Quant à l’aménagement paysager, nous avons opté pour un traçage au sol organique, procurant 4 zones de jeux, vastes et ombragées grâces aux arbres plantées au milieu. les sièges de repos des parents s’alignent sur le contour de l’aire de jeux, adoptant une forme de demi-cercle, leur permettant de recueillir chacun un arbre dans son creux pour assurer ombre et fraîcheur. L’aire de jeux a trois accès possibles. On peut la joindre à travers deux rampes opposées, une du

côté Ouest de la voirie et une du côté Est en face de l’entrée du centre des loisirs et de culture. L’accès à l’aire de jeu à travers les rampes crée une sensation d’excitation et d’anticipation en plus d’une opportunité de course pour les enfants, ainsi cette entrée théâtrale peut devenir en elle-même une source de joie, en plus du rôle fonctionnel qu’elle joue pour les personnes à mobilité réduite. Le troisième accès à l’aire de jeux peut se faire à partir de larges escaliers (11m pour l’emmarchement) situés sur l’axe du pont déjà existant reliant les deux rives du projet. L’aire de jeux est aussi dotée de toilettes publiques et le traitement de ses cloisons est fait en bardage de pierre naturelle afin de lui conférer une ambiance rurale voire vernaculaire.


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Partie V :

Projet p.2/2 : Centre d’épanouissement pesonnel et communautaire à Settat


Partie V :

Projet p.2/2 : Centre d’épanouissement pesonnel et communautaire à Settat

2.2) Le théâtre de verdure

Le passage du Oued BouMoussa est à la fois un point de force et une contrainte au projet. Son état actuel génère plusieurs problèmes comme les mauvaises odeurs, l’empilement des déchets ménagers, la prolifération des plantes sauvages en plus de l’image de friche que projette un tel espace dans la ville surtout avec le fait qu’il est devenu entièrement sec. Donc, avant toute intervention paysagère, il a fallut traiter ces différents défauts. Pour ce, la démolition des murs de soutènements existants suivie d’une opération de nettoyage mécanique devraient avoir lieu afin de pouvoir remodeler l’espace. Rendu à un état naturel, les bords et le lit du oued vont être transformés en un théâtre de verdure. Des gradins gazonnés vont être aménagés des deux rives du oued et des pistes de sport/jeu colorées au milieu du lit. Pour rappeler l’élément aquatique, des fontaines sèches vont être plantées le long de quelques pistes. Le jour, le théâtre de verdure aura un esprit calme et quiet, la nuit, voyant synchroniser la musique, les jeux de lumière et les jets d’eau, l’ambiance vécue serait d’une toute autre dimension.

2.3) Le jardin sensoriel Le jardin sensoriel est avant tout un espace de repos, de méditation et d’émerveillement. C’est un refuge aux petits comme au grands sans oublier les personnes du troisième âge. Divertir et apaiser les sens des visiteurs, que ça soit l’odorat, la vue ou le toucher, le jardin sensoriel est une escapade romantique de la vie acharnée de tout les jours, c’est une teinte rose offerte à la ville. Ses parcours sont sinueux, leur traitement en bois leur confèrent une atmosphère chaleureuse, 270


Partie V :

Projet p.2/2 : Centre d’épanouissement pesonnel et communautaire à Settat

le mobilier choisi est d’une mode nostalgique des beaux temps et l’éclairage opté n’est ni flambant ni atténué, procurant une lumière douce et satisfaisante. L’enjeu est d’avoir un jardin avec une atmosphère zen et tranquille ce que cherrera toute âme sensible.

271


Partie V :

Projet p.2/2 : Centre d’épanouissement pesonnel et communautaire à Settat

2.4) L’espace de travail en plein air

272

En plein centre du jardin sensoriel, nous avons placé un espace de travail en plein air recueillant un mobilier spécialement conçu pour qu’une personne puisse ramener son ordinateur portable ou sa tablette et jouir du beau temps. L’espace est aussi doté d’une connexion wifi et des prises de courant électrique. Afin de marquer les limites entre le jardin sensoriel et l’espace de travail en plein air, nous avons projeté un cours d’eau fermé qui encercle l’espace et lui donne plus de quiétude grâce au son de l’eau.


3- Simulation 3D du souk urbain et de la mosquée

Partie V :

Le souk urbain se caractérise par sa couverture de forme organique. Cette forme courbe de la couverture vient harmoniser la façade urbaine du projet et est le fruit de la jonction de 6 rangées qui suivent la même ligne courbe en coupe mais ont des périmètres différents. La forme générale obtenue ressemble un peu le poisson Dasyatis americana et renforce le parti de la fusion dans la nature. La structure est métallique, la couverture repose sur des poteaux arborescents se positionnant entre deux pannes triangulaires qui marquent la liaison entre les 6 parties de la toiture. La surface du souk permet la réception de 90 stands de 9m². Les sens définis par les pannes longitudinales définissent les parcours du marché. A travers un traitement particulier de chaque plafond (relatif à chaque rangée), nous obtiendrons une diversité ravissante, identitaire et fonctionnelle au lieu surtout quand on attribut chaque traitement à une catégorie de marchandise. La situation du marché à l’extrémité du site du projet est faite dans le but de le rendre facilement accessible par la voie automobile et ainsi faciliter l’approvisionnement de la marchandise et aussi pour ne pas effacer complètement la mémoire du lieu sur lequel se plantaient les marchands de légumes et de fruits ainsi que d’autres types de vendeurs autrefois.

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3.1) Le souk urbain

273


Partie V :

Projet p.2/2 : Centre d’épanouissement pesonnel et communautaire à Settat

3.2) La mosquée

274

La moquée se positionne au centre du projet. Son inclusion au programme de l’entité sert deux nécessités, une relative au besoin pressant d’une mosquée dans le quartier recevant le projet. L’autre relève de la valeur authentique d’un espace de culte dans le cadre d’un projet d’épanouissement personnel et communautaire. Nous ne pouvons imaginer un tel espace sans la présence d’une source d’apport spirituel. L’architecture suggérée se distingue des habitudes/ règles de conception des mosquées au Maroc. Nous avons voulu que cet équipement en plus du centre des loisirs et de culture et le souk urbain élève l’architecture de Settat vers un niveau plus contemporain et satisfaisant aux nouvelles générations. Sa couverture imaginée est de forme courbe et son minaret se raffine en s’élongeant vers le ciel. Les parcours menant et définissant les limites de la mosquée sont sobres et se caractérisent par la transcription d’un verset coranique qui rappelle l’effet de l’évocation du Créateur sur la quiétude des cœurs.


4- Conception architecturale du centre des loisirs et de culture

Partie V :

Le centre des loisirs et de culture vient combler le manque en matière d’activités artistiques, d’événements culturels, d’espace de lecture ou de galerie d’exposition offerts au grand public. C’est un espace qui permet la découverte de soi, la rencontre avec des personnes qui partagent les mêmes centres d’intérêt et l’exploration des nouvelles tendances technologiques et artistiques. Le programme élaboré tient en considération les nouvelles passions qui connaissent une popularité particulière chez les jeunes d’aujourd’hui comme la création du contenu vidéographique et/ou multimédia.

Projet p.2/2 : Centre d’épanouissement pesonnel et communautaire à Settat

4.1) Le Programme détaillé:

275


4.2) La répartition spatio-fonctionnelle

Partie V :

Projet p.2/2 : Centre d’épanouissement pesonnel et communautaire à Settat

Les différentes espaces/fonctions contenus dans le projet ont des nécessités différentes concernant les sons, les espaces de dégagement et la lumière naturelle. Pour cela, nous avons réparti les espaces en hauteur allant du moins calme et avec le plus de flux de personnes au rez-de-chaussée au plus calme et moins dynamique en haut.

276

4.3) Le parti architectural La forme architecturale choisie s’inspire de la suite de Fibonacci ou le nombre d’or connue pour sa proportionnalité et sa grande attraction esthétique. En plan comme en élévation, les espaces s’articulent autour d’un point central qui a été le départ de la conception. Le bâtiment s’affine d’étage en étage et sa hauteur ne dépasse pas 15m. La conception de la volumétrie et celle des plans étaient simultanées (en va et vient) afin de garder l’essence de la suite mathématique et de générer un espace défini par ses courbes et qui soit fonctionnel et optimal. Quant au traitement des façades, nous avons opté pour les textures brutes du béton lissé, du vitre et des lames de bois dont la composition souligne d’avantage le mouvement élégant du bâtiment.


2,49

REGIE0,20

4,47 0,15

15,22

3,24

Nord

9,70

8,48

RECEPTION

0,07

JARDIN INTERIEUR

LOBBY : EXPOSITION / ATTENTE

SALLE MULTIMEDIA/POST PRODUCTION

,51 15

23 2 2 21 20 19 18 17 16 15 14 13 12 11 10 9 8 7 6 5 4 3 2 1

,02 14

STUDIO MUSIQUE

6,13

17,93

,42 18

19,74

0 0,2

STUDIO CHOREGRAPHIE 6 ,7 11

m 0,27

8 ,9 17

21,68

0,30 5,23 0,20 11,00

2,01 7,86 1,99

0,21

0,20

0,20

VESTIAIRE. H

2 5,2

VESTIAIRE. F

5,88

1,11

0,20

0,90

0,95

0,95

0,05

0,05

SANITAIRE. H

0,10

0,80

SANITAIRE.5,25 F

0 0,3

Projet p.2/2 : Centre d’épanouissement pesonnel et communautaire à Settat

20

0,15

7,28

2,25

Partie V :

10

35,46

3,29

DEGAGEMENT DE L'AMPHI

STUDIO VERT

,92 10

GSPublisherVersion 0.0.100.100

4,03

AUDITORIUM

15,40

0,15

0,20

0,20

8mx 23 x 0,1

0 1 2 3 4 5

4,90

1,20 0,15

0,30

0,15

A

1,60

L VIDE SUR SOUS-SO

3,85 24,1 3

1,05 0,05

0,15

0,81

4,06 3,59 3,22

34,36

3,48

0,17

9 ,5 46

2,26 2,04

0,05

0,05

1,81

0,30

0,30

0,30

12,78

Plan RDC

A

4.4) Plans, coupe et façades :

0,81

277


A

0 1 2 3 4 5

Plan 1er étage

10

20 Nord

ATELIER DE COUTURE

6 8,0

0,32

SERRE ATELIER DE JARDINAGE

8,45

ATELIER IMPRESSION 8,03 3D

23 2 2 21 20 19 18 17 16 15 14 13 12 11 10 9 8 7 6 5 4 3 2 1

0,15

4,3

7 STOCKAGE A.J

0,15

69 20,

6,44 ESPACE DE PRIERE

ATELIER DES ACTIVITES MANUELLES

9,8 4

Projet p.2/2 : Centre d’épanouissement pesonnel et communautaire à Settat

0,15 3 ,10 3,96

278 8mx 23 x 0,1

0 0,3

PLATEAU DE GESTION

SANITAIRE. F

0,15

SANITAIRE. H

6,15

10,35

Partie V :

,02 10

m 0,27

0,30

A


A

0 1 2 3 4 5

Partie V :

10 Nord

0,41

2,30

2,1 3 0,38 3,42 0,38

1,5 3 1,48

0,48

16,63 VERS BIBLIOTERRASSE THEQ DE UE

1,23

0,10

BIBLIOTHEQUE

16,6 2

LA

1 4,6SANITAIRE .H

GESTION DE LA BIBLIOTHEQUE

5 0,1

0,24

SANITAIRE .F

Projet p.2/2 : Centre d’épanouissement pesonnel et communautaire à Settat

20

0,30

23 2 2 21 20 19 18 17 16 15 14 13 12 11 10 9 8 7 6 5 4 3 2 1

0,4 8

5,96

13 ,00

Plan 2ème étage

x 0,2 8m 0,1 7m

20 x

5,34

4,2 1 20 19 18 17 16 15 14 13 12

0,3 0 11 10 9 8 7 6 5 4 3 2 1

GSPublisherVersion 0.0.100.100

3,5 6

7,59

279

5,23

0,05

A


A

0 1 2 3 4 5

Plan Terrasse

10

Partie V :

20 Nord

Projet p.2/2 : Centre d’épanouissement pesonnel et communautaire à Settat

11 10 9 8 7 6 5 4 3 2 1 20 19 18 17 16 15 14 13 12

280 7 5,1 5 0,0

A


A1 A

0,18

0,10 ARRIERE SCENE

0 1 2 3 4 5

6,52

4,06

VESTIAIRE .H

4,98

Partie V :

10

0,10

0,10

0,10

1,99

2,92

0,20

Nord

VESTIAIRE .F

0,92

20

0,10

Projet p.2/2 : Centre d’épanouissement pesonnel et communautaire à Settat

1,97

Plan sous-sol (-2.3m)

GSPublisherVersion 0.0.100.100

15,22

0,81

281

A1 A


282

Coupe A-A

Partie V :

Projet p.2/2 : Centre d’épanouissement pesonnel et communautaire à Settat


Façade Ouest

Façade Est Projet p.2/2 : Centre d’épanouissement pesonnel et communautaire à Settat

Façade Nord

Partie V :

Façade Sud

283


Partie V :

Projet p.2/2 : Centre d’épanouissement pesonnel et communautaire à Settat

4.5) Vues d’ambiances

284


Livres et articles par ordre de parution dans le mémoire :  Antoine Roumanos. (2006). "Psychologie des émotions et sentiments",1–169.  Martin E.P. Seligman. (2002). "Authentic Happiness: Using the New Positive Psychology to Realize Your Potential for Lasting Fulfillment".  Ed Diener et Robert Biswas-Diener.(2008). "Happiness : Unlocking the Mysteries of Psychological Wealth". Blackwell Publihing.  Fabien Bacro et Agnès Florin. (2014). « La qualité de vie ». Presses universitaires de Rennes. www.pur-editions.fr.  Ghozlane Fleury-Bahi. (2010). "Psychologie et environnement : des concepts aux applications". Collection Le Point Sur Psychologie. Edition de Boeck.  Daniel Kahneman et Angus Deaton."High income improves evaluation of life but not emotional well-being". Center for Health and Well-being. Princeton University, Princeton.  Charles Montgomery. (2013)." Happy city : Transforming our lives through Urban Design". DOUBLEDAY CANADA.  Harker LeeAnne, et Dacher Keltner. (2001). "Expressions of positive emotion in women’s college yearbook pictures and their relationship to personality and life outcomes across adulthood", Journal of Personality and Social Psychology. Vol° 80. pp.112–24.  Richard J. Davidson. (2005)." Emotion regulation, happiness, and the neuroplasticity of the brain". Advances in Mind-Body Medicine. Volume 21, pp.25–58.  Sharif kaf Al-Ghazal, S.(2013) " Medical Miracles of the Qur'an". Kube Publishing Ltd.  Doufesh H, Faisal T, Lim KS, Ibrahim F.(2012)."EEG spectral analysis on Muslim prayers".  Neal Krause. (2006)."Church-based social support and mortality", Journals of Gerontology, ser. b: Psychological Sciences and Social Sciences, volume 61, B:S140– S146.  Deborah D. Danner, David A. Snowdon, et Wallace V. Friesen. (2001) "Positive Emotions in Early Life and Longevity: Findings from the Nun Study", Journal of Personality and Social Psychology, Volume. 80, No. 5, pp.804-813

285


 Helliwell, J., Layar, R.et Sachs, J. (2017)." World Happiness Report 2017". New York: Sustainable Development Solutions Network. 

‫ ﻣﺠﻠﺔ ﻛﻠﻴﺔ ﺍﻟﻌﻠﻮﻡ‬، ‫ﺩﺭﺍﺳﺔ ﺩﻻﻟﻴﺔ‬: ‫ ‘‘ ﺍﻟﺴﻜﻴﻨﺔ ﻭﺍﻟﻄﻤﺄﻧﻴﻨﺔ ﻓﻲ ﺍﻟﻘﺮﺁﻥ ﺍﻟﻜﺮﻳﻢ‬2012،‫ﺻﻼﺡ ﺍﻟﺪﻳﻦ ﺳﻠﻴﻢ ﻣﺤﻤﺪ‬. ‫ﻡ‬. ‫ﻡ‬ ‫ ﺍﻟﻌﺪﺩ ﺍﻟﺜﺎﻧﻲ ﻋﺸﺮ‬،‫ ﺍﻟﻤﺠﻠﺪ ﺍﻟﺴﺎﺩﺱ‬، ‘‘‫ﺍﻹﺳﻼﻣﻴﺔ‬

‫بَﺎﺏ ﺍﻟﻄﻤﺄﻧﻴﻨﺔ‬59 ، ‫ ﻣﻨﺎﺯﻝ ﺍﻟﺴﺎئﺮﻳﻦ‬،‫ﻋبﺪ هللا ﺍألﻧصﺎﺭي ﺍﻟهﺮﻭي‬

 Gabriel Moser. (1992). "Les stress urbains". Paris : Presses Universitaires de France.  Kahana, E., Lovegreen, L., Kahana, B., Kahana, M. (2003). "Person, environnement, and person-environnement fit as influences on residential satisfaction of elders", Environment and behavior.  Saegert, S., et Winkel, G. H. (1990)."Environnemental psychology", Annual Review of Psychology, volume 41.  Marco Lalli, "Urban related identity: theory, measurement and empirical findings", Journal of Environmental Psychology, volume 12, pp.285-303.  Merlin Coverly, (2006). "Psychogeography". Pocket Essentials, passim.  Colin Ellard. (2015)." Places of the heart: the psychogeography of everyday life", New York: Bellevue Literary Press.  Setha M. Low. (1992)." Symbolic ties: place attachment in the plaza ". New York: Plenum Press.  David Berlyne. (1960)." Conflict, Arousal and Curiosity". McGraw-Hill, NewYork.  Jan Gehl , Lotte Johansen Kaefer et Solvejg Reigstad. (2006). “Close Encounters with Buildings,” Urban Design International. Volume 11, pp. 29–47.  Stéphanie Pornin et Cécile Peeters, "Psychologie environnementale, Design et Bien être", www.cityzenweb.fr  James Danchert et Colleen Merrifield. (2014). “Characterising the Psychophysiological Signature of Boredom”. Experimental Brain Research.Volume 232, pp.481–491.  Annie Britton et Martin Shipley. (2010). “Bored to Death?” . International Journal of Epidemiology. Volume 39, pp.370–371.

286


 Aisling Mulligan et al. (2013). “Home Environment: Association with Hyperactivity/Impulsivity in Children with ADHD and their Non-ADHD Siblings”. Child: Care, Health and Development. Volume 39, pp.202–212.  Daniel Goleman. (1995). "L'intelligence émotionnelle". Bantam Books. NewYork.  Judith Allardyce et Jane Boydell. (2006). “The Wider Social Environment and Schizophrenia,” Schizophrenia Bulletin. Volume 32, pp.592–598.  Karen McKenzie, Aja Murray et Tom Booth. (2013). “Do Urban Environments Increase the Risk of Anxiety, Depression and Psychosis? An epidemiological study”. Journal of Affective Disorders, Volume 150, pp.1019–1024.  Florian Lederbogen et al., (2011). “City living and urban upbringing affect neural social stress processing in humans”. Nature. Volume 474, pp.498–501.  Stanley Milgram. (1965)."The Lost-Letter Technique: A Tool of Social Research". Public Opinion Quarterly. Volume 29, pp.437–438.  Melanie Rudd, Jennifer Aaker et Kathleen Vohs. (2012). “Awe Expands People’s Perception of Time, Alters Decision Making, and Enhances WellBeing”. Psychological Science. Volume 23. pp.1130–1136.  Rachel et Stephen Kaplan. (1989)."The Experience of Nature: A Psychological Perspective". Cambridge University Press, Cambridge, UK.  Rogers Ulrich. (1984).“View Through a Window May Influence Recovery from Surgery,” Science. Volume 224, pp.420–421.  Frances Kuo et William Sullivan. (2001). “Environment and Crime in the Inner City: Does Vegetation Reduce Crime?”. Environment and Behavior. Volume 33, pp. 343–367.  White et Al. (2013). "Feelings of restoration from recent nature visits", Journal of Environmental Psychology. Volume 35. pp.40-51.  Orians, G. H. et Heerwagen, J. H. (1992). "Evolved responses to landscapes", paru dans le livre d J. H. Barkow, L. Cosmides, & J. Tooby (Eds.), "The adapted mind: Evolutionary psychology and the generation of culture ". New York: Oxford University Press., pp. 555-579.

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 EPA . ( Mai 2015)."Estemating greenspace exposure and benefits for cumulative risk assessment applications". www.epa.gov/research.  Camilla Lenzi et Giovanni Perucca, " Urbanization and Life Satisfaction: Evidence from EU Cities". Department of Architecture, Built Environment and Construction Engineering, Politecnico di Milano.  Raj Chetty, Nathaniel Hendren, et Lawrence F. Katz. (2015). "The Effects of Exposure to Better Neighborhoods on Children: New Evidence from the Moving to Opportunity Experiment". Harvard University et NBER.  Raj Chetty et Nathaniel Hendren. (2015). " The Impacts of Neighborhoods on Intergenerational Mobility Childhood Exposure Effects and County-Level Estimates". Harvard University working paper.  Yannick L’HORTY et al. (2011). "Les effets du lieu de résidence sur l’accès à l’emploi : une expérience contrôlée sur des jeunes qualifiés en Ile-de-France". <halshs00745017>.  Erika Sandow. (2014)."Til Work Do Us Part: The Social Fallacy of Long-distance Commuting". Urban Studies. Volume 51 (3), pp.526-543.  Atelier Parisien d'urbanisme. (juin 2003) "Quelle forme urbaine pour quelle densité vécue ?", n°10.  Lin LY et al. (2016)."Association between social media use and depression among U.S young adults". Depress Anxiety, 33(4):323-331. doi: 10.1002/da.22466.  David J.Linden. (2016)." Touch: The Science of the Hand, Heart, and Mind", Penguin.  Jan Gehl. (2010)."Cities for people". IslandPress.  Stéphane Jonlet et Jean-Philippe Schreiber. (2014). "Dynamiques individuelles de sécularisation : le cas des personnes de tradition musulmane en Belgique", Centre d'Action Laïque (CAL) et Centre interdisciplinaire d’étude des religions et de la laïcité (CIERL).  Frédéric Dejean et Lucine Endelstein. (Septembre 2013). "Approches spatiales des faits religieux : jalons épistémologiques et orientations contemporaines", Carnets de géographes, n°6.

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 Peter L. Berger (éd.). (1999)."The Desecularization of the World". Resurgent Religion and World Politics, Grand Rapids, Eerdmans.  Jean-Paul BURDY. (1995)."La ville désenchantée ? Sécularisation et laïcisation des espaces urbains français (Milieu XIXe‑Milieu XXe s.)", Cahier d'Etudes sur la Méditerranée Orientale et le monde Turco-Iranien : URL : http:// cemoti.revues.org/1693  A Prüss-Ustün, J Wolf, C Corvalán, R Bos et M Neira. (2016). " Preventing disease through healthy environments : A global assessment of the burden of disease from environmental risks", WHO library Cataloguing-in-Publication Data.  Ewing, R. et Dumbaugh, E., (2009). "The built environment and traffic safety: a review of empirical evidence." J Planning Literature, volume 23, n°11.  Birgitta Berglund, Thomas Lindvall, Dietrich H Schwela. (1999). "Guidlines For Community Noise". World Health Organization, Genève.  G. Titos et al. (Mai 2015)."Evaluation of the impact of transportation changes on air quality", Atmospheric Environment.  Kyle Konis. (13 Juillet 2017). " When it comes to design, what is a healthy dose of daylight?", AIA.  Chatterjee, K., Clark, B., Martin, A. & Davis, A. (2017)."The Commuting and Wellbeing Study: Understanding the Impact of Commuting on People’s Lives", UWE Bristol, UK.  Project for public spaces, Inc. et UN-HABIBTAT, "Placemaking and the future of cities".  "Placemaking: what if we build our cities around places ?", une brochure composée par Projects for Public Spaces.Inc  Mark A. Wyckoff, "Definition of placemaking : Four Different Types", MSU Land Policy Institute.  Rapport du "Happy City workshop " réalisé dans le cadre du 23ème Congrès du Nouveau Urbanisme, Dallas, Texas, Mai 2015.

289


TPFEs , cours et travaux d'ateliers de l'ENA :  Salma Ziad. (2016). "La psychologie de l'espace : Vers une architecture du bonheur", travail personnel de fin d'études pour l'obtention du diplôme d'architecte encadré par Pr.Jaouad Guennouni, Ecole Nationale d'Architecture, Rabat.  Mehdi Diouri. (2012). "Vers un aménagement humain des agglomérations :Cas de Casablanca", travail personnel de fin d'études pour l'obtention du diplôme d'architecte encadré par Pr. Larbi Bouayad, Ecole Nationale d'Architecture, Rabat.  Pr Larbi Bouayad, cours HTA 4, Ecole Nationale d'Architecture, Novembre 2013  Cahier de l'atelier Revalorisation Architecturale et Urbaine, Ecole Nationale d'Architecture-Rabat, 2016. Articles Web :  www.Globeco.fr  http://www.oib-france.com/lindice-du-bonheur-mondial-pierre-leroy/  http://www.nabulsi.com/blue/ar/art.php?art=5779&id=44&sid=46&ssid=4 8&sssid=49  http://www.bmwguggenheimlab.org/testing-testing-mumbai  https://www.hcp.ma/file/160331/  http://lavieeco.com/news/economie/un-marocain-sur-deux-passe-plus-de-4heures-par-jour-sur-internet-24141.html  http://news.gallup.com/poll/107692/social-time-crucial-daily-emotionalwellbeing.aspx  http://news.gallup.com/poll/7756/communities-faith.aspx  https://fr.wikipedia.org/wiki/S%C3%A9cularisation#En_histoire  http://www.who.int/mediacentre/news/releases/2016/deaths-attributableto-unhealthy-environments/fr/  http://www.who.int/mediacentre/news/releases/2016/deaths-attributableto-unhealthy-environments/fr/  http://www.who.int/mediacentre/news/releases/2016/air-pollutionrising/fr/  https://www.oaq.com/esquisses/design_actif/dossier/sante_publique.html

290


    

     

https://www.pps.org/reference/what_is_placemaking/ https://www.pps.org/reference/11steps/ https://www.pps.org/reference/what_is_placemaking/ https://www.pps.org/references/ten-strategies-for-transforming-citiesthrough-placemaking-public-spaces/ https://www.theglobeandmail.com/news/politics/charles-montgomery-howto-make-cities-that-make-peoplehappy/article17587009/#dashboard/follows/ http://cypressvillage.com/ http://htapmp.blogspot.com/2010/04/conception-tridimensionnelle.html http://htapmp.blogspot.com/2008/05/mutations-des-fondements-delespace.html http://htapmp.blogspot.com/2008/04/histoire-et-conception-delespace_1855.html http://htapmp.blogspot.com/2009/12/histoire-et-conception-delespace_658.html https://thehappycity.com/ Conférences en ligne:

 https://www.ted.com/talks/robert_waldinger_what_makes_a_good_life_les sons_from_the_longest_study_on_happiness  https://www.ice.org.uk/eventarchive/smart-cities-challenges-opportunitiesand-success

291


1- Figures :  Fig.1 : https://hpba.pl/en/hormony-szczescia/  Fig.2: https://carljungdepthpsychologysite.blog/2016/03/09/carl-jung-onhis-interest-in-architecture-2/  Fig.3: https://pixabay.com/fr/sentier-for%C3%AAt-nature-paysage2347138/  Fig.4 : https://www.tripadvisor.fr/LocationPhotoDirectLink-g188108d246811-i90029328-Casino_de_Montreux-Montreux_Canton_of_Vaud.html  Fig.5: Photo de Pablo Pecora, http://www.vanupied.com/marrakech/autourmarrakech/visiter-fes-au-maroc-mini-guide-tres-illustre.html  Fig.6: http://www.businessinsider.fr/us/first-shopping-mall-us-southdalecenter-history-photos-2017-8/  Fig.7: http://www.lespepitesduvoyage.info/spa-etressourcement/2012/7/17/le-maroc-vert-des-doukkalas.html  Fig.8:http://www.leguido.com/?page=archives&BDDQRY[Titre_fr]?2=le+q uartier+industriel+%3A+Une+nouvelle+vie%3F  Fig.9: Capture d' écran de Youtube.  Fig.10: http://www.bmwguggenheimlab.org/testing-testing-mumbai  Fig.11: http://www.esprent.com/archives/923  Fig.12: travaux d'étudiant, S2, ENA  Fig.13: http://www.demainlaville.com/hongkong-vivre-avec-densite/  Fig.14: http://www.archiexpo.fr/prod/josef-gartner/product-58213994469.html  Fig.15: https://www.theguardian.com/science/2017/jun/28/bright-nightsscientists-explain  Fig.16: http://afrotourism.com/attraction/ali-ben-youssef-madrasa/  Fig.17: http://www.visages-trekking.com/voyage-trekking/maroc/dunes-demerzouga-casbahs-et-oasis  Fig.18: https://www.theodysseyonline.com/7-beautiful-examples-fibonaccisequence-nature

292


                 

  

Fig.19: http://www.telegraph.co.uk/travel/destinations/asia/maldives/ Fig.20: https://zooatlanta.org/activity/kidzone-playground/ Fig.21: https://www.pinterest.com/pin/711076228635865396/ Fig.22: http://fr.le360.ma/societe/bidonvilles-de-casablanca-la-wilayasinsurge-contre-la-diffusion-de-videos-contenant-des-contre-98213 Fig.23: http://m.culturebox.franceetvinfo.fr/amp/arts/street-art/aumexique-un-quartier-de-20-000m2-repeint-par-des-street-artists-224987 Fig.24 : https://urb3.wordpress.com/2013/03/28/curubita-brésil/ Fig.25:https://www.mimoa.eu/projects/Denmark/Copenhagen/Mountain% 20Dwellings/ Fig.26: https://www.milanocard.it/fr/project/le-duomo-de-mila Fig.27:https://www.gettyimages.com/videos/india?sort=mostpopular&offlin econtent=include&phrase=india Fig.28: https://www.aia.org/articles/138651-when-it-comes-to-design-whatis-a-healthy-d:31 Fig. 29: http://www.concordia.ca/cunews/main/stories/2014/01/29/howconcordia-s-businessschoolbecameanartgallery.html Fig.30: https://m.libe.ma/Formation-par-aprentissage-dans-le-domaine-de-lartisanat_a82393.html Fig.31: "Placemaking: what if we build our cities around places ?", une brochure composée par Projects for Public Spaces, p.21, mutatis-mutantis. Fig.32: https://www.pps.org/reference/what_is_placemaking/ Fig.33: travaux d'étudiant basé sur la brochure " Placemaking: what if we build our cities around places ?" Fig.34: " Placemaking: what if we build our cities around places ?", p.18, mutadis-mutandis. Fig.35: https://www.pps.org/reference/8-principles-streets-as-places/ Fig.36:http://www.maglor.fr/maglor/index.php?option=com_k2&view=ite m&id=5956:le-reamenagement-de-la-place-jemaa-el-fna-de-marrakechsuscite-les-polemiques Fig.37: travaux d'étudiant. Fig.38: Project for public spaces, Inc. et UN-HABIBTAT," Placemaking and the future of cities, p.21. Fig.39: Project for public spaces, Inc. et UN-HABIBTAT," Placemaking and the future of cities, p.21.

293


 Fig.40: https://www.pps.org/reference/ten-strategies-for-transformingcities-through-placemaking-public-spaces/  Fig.41: https://www.pps.org/reference/the-power-of-10/  Fig.42: https://www.pinterest.com/pin/375628425152984846/  Fig.43: Mark A. Wyckoff, "DEFINITION OF PLACEMAKING: Four Different Types", MSU Land Policy Institute, p.3, mutatis-mutantis.  Fig.44: https://www.pps.org/reference/ten-strategies-for-transformingcities-through-placemaking-public-spaces/  Fig.45: Project for public spaces, Inc. et UN-HABIBTAT," Placemaking and the future of cities, p.19.  Fig.46: https://www.pps.org/reference/ten-strategies-for-transformingcities-through-placemaking-public-spaces/  Fig.47: https://www.pps.org/reference/ten-strategies-for-transformingcities-through-placemaking-public-spaces/  Fig.48: https://www.pps.org/places/think-micro  Fig.49: https://www.pps.org/places/think-micro  Fig.50: https://www.pps.org/places/the-cube  Fig.51: https://www.pps.org/places/intersection-repair  Fig.52: https://www.pps.org/places/kibebe-tsehay-playground  Fig.53: https://www.pps.org/places/rus-playground  Fig.54: traduit de l'anglais à partir de Rapport du "Happy City workshop " réalisé dans le cadre du 23ème Congrès du Nouveau Urbanisme, Dallas, Texas, May 2015, p.6.  Fig.55: http://cypressvillage.com/wp-content/uploads/2016/07/CypressVillage-Week-1-Consultation-Board.pdf  Fig.56: http://dailyhive.com/vancouver/cypress-village-developmentmountain-west-british-properties  Fig.57: https://thehappycity.com/project/happy-cypress-village/  Fig.58: Schéma adapté à partir de: http://cypressvillage.com/wpcontent/uploads/2016/10/week-3-pres-v2.pdf  Fig.59: http://cypressvillage.com/wp-content/uploads/2016/10/week-3pres-v2.pdf  Fig.60: travaux d'étudiant

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 Fig.61: http://visitefes.com/actualites-fes/  Fig.62: Travaux de l'atelier "Revalorisation architecturale et urbaine", Ecole Nationale d'Architecture-Rabat.  Fig.63: Travaux de l'atelier "Revalorisation architecturale et urbaine", Ecole Nationale d'Architecture-Rabat.  Fig.64: Travaux de l'atelier "Revalorisation architecturale et urbaine", Ecole Nationale d'Architecture-Rabat.  Fig.65: Travaux de l'atelier "Revalorisation architecturale et urbaine", Ecole Nationale d'Architecture-Rabat.  Fig.66: Cahier de l'atelier Revalorisation Architecturale et Urbaine, Ecole Nationale d'Architecture-Rabat, 2016.  Fig.67: Cahier de l'atelier Revalorisation Architecturale et Urbaine, Ecole Nationale d'Architecture-Rabat, 2016.  Fig.68: Travaux de l'atelier "Revalorisation architecturale et urbaine", Ecole Nationale d'Architecture-Rabat.  Fig.69: Travaux de l'atelier "Revalorisation architecturale et urbaine", Ecole Nationale d'Architecture-Rabat.  Fig.70: Travaux de l'atelier "Revalorisation architecturale et urbaine", Ecole Nationale d'Architecture-Rabat.  Fig.71: Travaux d'étudiant. 2- Tableaux:  Tab.1: travaux d'étudiant.  Tab.2: travaux d'étudiant inspiré de "DEFINITION OF PLACEMAKING: Four Different Types", Mark A. Wyckoff, MSU Land Policy Institute, p.2-3.  Tab.3: travaux d'étudiant. 3- Cartes :  Carte.1: Haut-Commissariat au Plan, 2014  Carte.2: http://www.businessinsider.fr/us/wealth-cities-maps-rural-us-20183  Carte.3: Travaux de l'atelier "Revalorisation architecturale et urbaine", Ecole Nationale d'Architecture-Rabat.  Carte.4: Cahier de l'atelier Revalorisation Architecturale et Urbaine, Ecole Nationale d'Architecture-Rabat, 2016.

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Annexes


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Enquête sur le bien-être subjectif des habitants de Settat

Enquête sur le bien-être subjectif des habitants de Settat Dans le cadre de mon travail personnel de fin d'études pour l'obtention du diplôme d'architecte intitulé "En quête du bonheur : le design urbain au service de l'Homme", j'étudie l'impact du cadre de vie de Settat sur le bien-être émotionnel et la satisfaction de vie des habitants de la ville. En remplissant ce questionnaire vous m'aiderez énormément dans l'élaboration d'un projet adéquat aux besoins de la population Stattie. * Required

Etes-vous satisfait de votre vie? 1. Voici une échelle de 0 à 10 qui représente l’échelle de la vie. Supposons que le sommet de l’échelle (10) représente la vie la meilleure pour vous, et le bas de l’échelle (0) la vie la pire pour vous. Où vous situez-vous personnellement sur cette échelle en ce moment ? (choisissez une valeur entre 0 et 10) * Mark only one oval. 0

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

Quelques informations sur vous et votre relation à Settat 2. Vous êtes : * Mark only one oval. Femme Homme 3. âgé entre : * Mark only one oval. 10 - 15 16- 20 21-25 26-30 31-40 41-50 51-60 61-70 plus que 70

https://docs.google.com/forms/d/1WC3VnqCIz9sZOO9lkubJlWRFwUFjKkpLTB_40br00v0/edit

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12/06/2018

Enquête sur le bien-être subjectif des habitants de Settat

4. Votre niveau d'études * Mark only one oval. Primaire Brevet Baccalauréat Formation professionnelle Education supérieure 5. Avez-vous déjà habité à Settat ? * Mark only one oval. Oui Non 6. Quelle était votre durée de résidence ?

7. Raison d'habitat à Settat (plusieurs cases peuvent être cochées) Check all that apply. ville natale travail mariage études famille Other:

Comment percevez-vous la ville de Settat ? 8. Qu'est-ce que vous aimez à Settat ? * Check all that apply. la nature le climat le calme la vie sociale la culture le niveau de vie le confort la facilité des déplacements l'architecture Other:

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12/06/2018

Enquête sur le bien-être subjectif des habitants de Settat

9. Est-ce que vous vous sentez attaché à Settat? Mark only one oval. Oui Non Other: 10. Pourquoi ?

Sur une échelle de 1 à 5 veuillez noter les aspects suivants concernant la ville de Settat : 11. l'équité entre les membres de la société ( accès au travail, accès à une bonne scolarisation, habitat décent, ..) * Mark only one oval. 1

2

3

4

5

je ne perçois aucune équité

je vois que les chances sont équitablement réparties

12. La sociabilité : la facilité de faire et d'entretenir de bonnes relations sociales * Mark only one oval. 1

2

3

4

5 C'est très aisé de faire des amis et d'avoir des relations sociales prospères à Settat

c'est très difficile de se faire des amis à Settat

13. la centralité de la religion : quel rôle joue la mosquée dans la vie quotidienne de votre quartier ? * Mark only one oval. 1 Notre mosquée de quartier est absente de notre vie quotidienne

2

3

4

5 Notre mosquée de quartier est très présente dans différents aspects de notre vie quotidienne

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Enquête sur le bien-être subjectif des habitants de Settat

14. La santé : à quel point Settat représente un environnement adéquat pour bénéficier d'une bonne santé ? * Mark only one oval. 1

2

3

4

5 La vie à Settat m'aide à entretenir un mode de vie sain

la vie à Settat ne m'aide pas à entretenir un mode de vie sain

15. La satisfaction au travail : à quel point sentez-vous que Settat impacte votre satisfaction (ou pas ) au travail ? Mark only one oval. 1

2

3

4

5 Ma vie à Settat a un grand impact sur ma satisaction au travail

Ma vie à Settat n'a aucun impact sur ma satisfaction au travail

16. Comment évaluez-vous les activités de récréation et de divertissement * Mark only one oval. 1

2

3

4

5

je ne suis absolument pas satisfait des opportunités de récréation offertes par la ville

je suis très satisfait des opportunités de récréation offertes par la ville

L'influence de Settat sur votre bonheur 17. Si vous habitez toujours à Settat, pensez vous que la ville influence positivement ou négativement votre satisfaction de vie ( c-à-d votre évaluation de votre parcours dans la vie)? * Mark only one oval. Oui , Settat influence positivement ma satisfaction de vie Oui, Settat influence négativement ma satisfaction de vie Non, je ne pense pas que la ville a une influence sur ma satisfaction de vie 18. Pourquoi ?

300 https://docs.google.com/forms/d/1WC3VnqCIz9sZOO9lkubJlWRFwUFjKkpLTB_40br00v0/edit

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Enquête sur le bien-être subjectif des habitants de Settat

19. Pensez vous que le cadre bâti de Settat influence positivement ou négativement votre bien-être émotionnel ( c.-à-d. la balance de vos émotions positives et négatives) ? * Mark only one oval. Oui, le cadre bâti à Settat influence positivement mon bien-être émotionnel Oui, le cadre bâti à Settat influence négativement mon bien-être émotionnel Non, je ne pense pas que le cadre bâti a une influence sur mon bien-être émotionnel 20. Pourquoi ?

Que souhaitez vous changer ou améliorer ? 21. A votre avis, qu'est-ce qui manque à la ville ? * Check all that apply. Options de logement diversifiées Moyens de transport Equipements parcs et jardins commerces divertissement et loisirs 22. Si on vous donne le choix de modifier ou d'ajouter un élément nouveau à la ville , quel serait cet élément ? (veuillez spécifier la raison de votre choix )

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‫دراﺳﺔ ﺣول ﺳﻌﺎدة ﺳﺎﻛﻧﺔ ﻣدﯾﻧﺔ ﺳطﺎت‬

‫ھل ﺳﺑﻖ ﻟك أن ﺳﻛﻧت ﺑﺳطﺎت ؟ *‬ ‫‪.Mark only one oval‬‬

‫‪2/06/2018‬‬

‫‪5.‬‬

‫ﻧﻌم‬ ‫ﻻ‬ ‫ﻛم ﻛﺎﻧت ﻣدة إﻗﺎﻣﺗك ؟ *‬

‫أﺳﺑﺎب ﺳﻛﻧك ﺑﺳطﺎت )ﯾﻣﻛﻧك اﺧﺗﯾﺎر أﻛﺛر ﻣن ﺧﺎﻧﺔ( *‬ ‫‪.Check all that apply‬‬

‫‪6.‬‬

‫‪7.‬‬

‫ﻣﻛﺎن اﻻزدﯾﺎد‬ ‫ﻋﻣل‬ ‫زواج‬ ‫دراﺳﺔ‬ ‫ﻋﺎﺋﻠﺔ‬ ‫‪:Other‬‬

‫ﻛﯾف ﺗرى)ﯾن( ﻣدﯾﻧﺔ ﺳطﺎت ؟‬ ‫ﻣﺎذا اﻟذي ﺗﺣب)ﯾن(ه ﺑﺳطﺎت ؟ *‬ ‫‪.Check all that apply‬‬

‫‪8.‬‬

‫اﻟطﺑﯾﻌﺔ‬ ‫اﻟﻣﻧﺎخ‬ ‫اﻟﮭدوء‬ ‫اﻟﺣﯾﺎة اﻻﺟﺗﻣﺎﻋﯾﺔ‬ ‫اﻟﺛﻘﺎﻓﺔ‬ ‫ﻣﺳﺗوى اﻟﻌﯾش‬ ‫اﻟراﺣﺔ‬ ‫اﻟﻣﻌﻣﺎر‬ ‫‪:Other‬‬ ‫ھل ﺗﺷﻌر)ﯾن( ﺑﺗﻌﻠﻖ ﻋﺎطﻔﻲ ﺗﺟﺎه ﻣدﯾﻧﺔ ﺳطﺎت ؟ *‬ ‫‪.Mark only one oval‬‬

‫‪9.‬‬

‫ﻧﻌم‬ ‫ﻻ‬ ‫ﻟﻣﺎذا ؟‬

‫‪10.‬‬

‫ﻋﻠﻰ ﺳﻠم ﻣن ‪ 1‬إﻟﻰ ‪ ، 5‬ﻗم)ي( ﺑﺗﻧﻘﯾط اﻟﻣظﺎھر اﻟﺗﺎﻟﯾﺔ اﻟﻣﺗﻌﻠﻘﺔ ﺑﻣدﯾﻧﺔ ﺳطﺎت‬ ‫‪2/5‬‬

‫‪302‬‬

‫‪tps://docs.google.com/forms/d/1tSi1Xs3ioP_9QYDMR30Kd1lPcjeqj1P6JY3GFZTjl_0/edit‬‬


‫‪12/06/2018‬‬

‫دراﺳﺔ ﺣول ﺳﻌﺎدة ﺳﺎﻛﻧﺔ ﻣدﯾﻧﺔ ﺳطﺎت‬

‫دراﺳﺔ ﺣول ﺳﻌﺎدة ﺳﺎﻛﻧﺔ ﻣدﯾﻧﺔ ﺳطﺎت‬ ‫ﻓﻲ إطﺎر اﻟﻌﻣل ﻋﻠﻰ ﻣﺷروع ﺗﺧرﺟﻲ ﻣن اﻟﻣدرﺳﺔ اﻟوطﻧﯾﺔ ﻟﻠﮭﻧدﺳﺔ اﻟﻣﻌﻣﺎرﯾﺔ اﻟﻣﻌﻧون"اﻟﺑﺣث ﻋن اﻟﺳﻌﺎدة ‪ :‬اﻟﺗﺻﻣﯾم اﻟﻌﻣراﻧﻲ ﻓﻲ ﺧدﻣﺔ‬ ‫اﻹﻧﺳﺎن" ‪ ،‬أﻗوم ﺑدراﺳﺔ ﺗﺄﺛﯾر ﻓﺿﺎء ﻣدﯾﻧﺔ ﺳطﺎت ﻋﻠﻰ ﺳﻌﺎدة ﺳﺎﻛﻧﺗﮭﺎ‪ .‬ﻣن ﺧﻼل إﺟﺎﺑﺎﺗﻛم ﻋﻠﻰ ھذا اﻟﺗﺳﺂل ﺳﺗﺳﺎﻋدوﻧﻧﻲ ﻋﻠﻰ اﻗﺗراح ﺣﻠول‬ ‫ﺗﺗواﻓﻖ و ﺣﺎﺟﯾﺎت اﻟﺳﺎﻛﻧﺔ‪.‬‬ ‫‪* Required‬‬

‫ھل أﻧت راض ﻋن ﺣﯾﺎﺗك ؟‬ ‫إذا ﻛﺎن ھﻧﺎﻟك ﺳﻠم ﻣن ‪ 0‬إﻟﻰ ‪ 10‬ﯾﻣﺛل ﺳﻠم اﻟﺣﯾﺎة ‪ .‬ﺑﺎﻋﺗﺑﺎر أن أﻋﻠﻰ اﻟﺳﻠم أي ‪ 10‬ﯾﻣﺛل أﺣﺳن ﺣﯾﺎة ﻣﻣﻛﻧﺔ ﻟﻛم و أن أﺳﻔل اﻟﺳﻠم أي ‪1. 0‬‬ ‫ﯾﻣﺛل أﺳوأ ﺣﯾﺎة ﻣﻣﻛﻧﺔ ﻟﻛم ‪ ،‬أﯾن ﺗﻣوﺿﻌون أﻧﻔﺳﻛم ﻋل ھذا اﻟﺳﻠم ﺣﺎﻟﯾﺎ ؟ )اﻟﻣرﺟو اﺧﺗﯾﺎر ﻗﯾﻣﺔ ﻣن ‪ 0‬إﻟﻰ ‪* .( 10‬‬ ‫‪.Mark only one oval‬‬ ‫‪1‬‬

‫‪0‬‬

‫‪2‬‬

‫‪3‬‬

‫‪4‬‬

‫‪5‬‬

‫‪6‬‬

‫‪7‬‬

‫‪8‬‬

‫‪9‬‬

‫‪10‬‬

‫ﺑﻌض اﻟﻣﻌﻠوﻣﺎت ﻋﻧك و ﻋن ﻋﻼﻗﺗك ﺑﻣدﯾﻧﺔ ﺳطﺎت‬ ‫ھل أﻧت ؟ *‬ ‫‪.Mark only one oval‬‬

‫‪2.‬‬

‫اﻣرأة‬ ‫رﺟل‬ ‫ﻋﻣرك ﻣﺎ ﺑﯾن *‬ ‫‪.Mark only one oval‬‬

‫‪3.‬‬

‫‪10-15‬‬ ‫‪16-20‬‬ ‫‪21-25‬‬ ‫‪26-30‬‬ ‫‪31-40‬‬ ‫‪41-50‬‬ ‫‪51-60‬‬ ‫‪61-70‬‬ ‫ﻓوق ‪70‬‬ ‫ﻣﺳﺗواك اﻟدراﺳﻲ *‬ ‫‪.Mark only one oval‬‬

‫‪4.‬‬

‫اﻻﺑﺗداﺋﻲ‬ ‫اﻹﻋدادي‬ ‫اﻟﺛﺎﻧوي‬ ‫اﻟﺗﻛوﯾن اﻟﻣﮭﻧﻲ‬ ‫اﻟدراﺳﺎت اﻟﻌﻠﯾﺎ‬

‫‪1/5‬‬ ‫‪303‬‬

‫‪https://docs.google.com/forms/d/1tSi1Xs3ioP_9QYDMR30Kd1lPcjeqj1P6JY3GFZTjl_0/edit‬‬


‫دراﺳﺔ ﺣول ﺳﻌﺎدة ﺳﺎﻛﻧﺔ ﻣدﯾﻧﺔ ﺳطﺎت‬

‫إذا ﻛﻧت ﻻ ﺗزال)ﯾن( ﺗﻌﯾش)ن( ﺑﺳطﺎت ‪ ،‬ﻓﮭل ﺗﻌﺗﻘد)ﯾن( أن اﻟﻣدﯾﻧﺔ ﺗؤﺛر إﯾﺟﺎﺑًﺎ أو ﺳﻠﺑًﺎ ﻋﻠﻰ رﺿﺎك ﺑﺣﯾﺎﺗك )أي ﻣدى رﺿﺎك ﺑﻣﺳﺎر‬ ‫ﺣﯾﺎﺗك و إﻧﺟﺎزاﺗك(؟ *‬ ‫‪.Mark only one oval‬‬

‫‪12/06/2018‬‬

‫‪17.‬‬

‫ﻧﻌم ‪ ،‬ﺗؤﺛر ﺳطﺎت إﯾﺟﺎﺑﯾﺎ ً ﻋﻠﻰ رﺿﺎي اﻟﺣﯾﺎﺗﻲ‬ ‫ﻧﻌم ‪ ،‬ﺗؤﺛر ﺳطﺎت ﺳﻠﺑﺎ ً ﻋﻠﻰ رﺿﺎي اﻟﺣﯾﺎﺗﻲ‬ ‫ﻻ ‪ ،‬ﻻ أﻋﺗﻘد أن اﻟﻣدﯾﻧﺔ ﻟﮭﺎ ﺗﺄﺛﯾر ﻋﻠﻰ رﺿﺎي اﻟﺣﯾﺎﺗﻲ‬ ‫ﻟﻣﺎذا ؟‬

‫‪18.‬‬

‫ھل ﺗﻌﺗﻘد أن اﻟﻣﻌﻣﺎر ﺑﺳطﺎت ﯾؤﺛر إﯾﺟﺎﺑًﺎ أو ﺳﻠﺑًﺎ ﻋﻠﻰ ﺳﻌﺎدﺗك اﻟﻌﺎطﻔﯾﺔ )أي ﺗوازن ﻣﺷﺎﻋرك اﻹﯾﺟﺎﺑﯾﺔ واﻟﺳﻠﺑﯾﺔ(‪* :‬‬ ‫‪.Mark only one oval‬‬

‫‪19.‬‬

‫ﻧﻌم ‪ ،‬ﺗؤﺛر اﻟﺑﯾﺋﺔ اﻟﻣﺑﻧﯾﺔ ﻓﻲ ﺳطﺎت إﯾﺟﺎﺑﯾﺎ ً ﻋﻠﻰ ﻋواطﻔﻲ‬ ‫ﻧﻌم ‪ ،‬اﻟﺑﯾﺋﺔ اﻟﻣﺑﻧﯾﺔ ﻓﻲ ﺳطﺎت ﺗؤﺛر ﺳﻠﺑًﺎ ﻋﻠﻰ ﻋواطﻔﻲ‬ ‫ﻻ ‪ ،‬ﻻ أﻋﺗﻘد أن اﻟﺑﯾﺋﺔ اﻟﻣﺑﻧﯾﺔ ﺗؤﺛر ﻋﻠﻰ ﺳﻌﺎدﺗﻲ اﻟﻌﺎطﻔﯾﺔ‬ ‫ﻟﻣﺎذا ؟‬

‫‪20.‬‬

‫ﻣﺎ اﻟذي ﺗرﻏب ﻓﻲ ﺗﺣﺳﯾﻧﮫ أو ﺗﻐﯾﯾره ؟‬ ‫ﻣﺎذا ﯾﻧﻘص اﻟﻣدﯾﻧﺔ ﺑرأﯾك ؟ *‬ ‫‪.Check all that apply‬‬

‫‪21.‬‬

‫ﺧﯾﺎرات أوﺳﻊ ﻟﻠﺳﻛن‬ ‫ﻣراﻓﻖ ﻋﻣوﻣﯾﺔ‬ ‫وﺳﺎﺋل اﻟﻧﻘل‬ ‫ﺣداﺋﻖ و ﻣﺗﻧزھﺎت‬ ‫أﻣﺎﻛن ﻟﻠﺗرﻓﯾﮫ‬ ‫ﻣراﻓﻖ ﺗﺟﺎرﯾﺔ‬ ‫‪:Other‬‬

‫‪4/5‬‬

‫‪https://docs.google.com/forms/d/1tSi1Xs3ioP_9QYDMR30Kd1lPcjeqj1P6JY3GFZTjl_0/edit‬‬

‫‪304‬‬


‫‪12/06/2018‬‬

‫دراﺳﺔ ﺣول ﺳﻌﺎدة ﺳﺎﻛﻧﺔ ﻣدﯾﻧﺔ ﺳطﺎت‬

‫اﻹﻧﺻﺎف ﺑﯾن أﻓراد اﻟﻣﺟﺗﻣﻊ )ﺗﺳﺎوي ﻓرص اﻟوﻟوج إﻟﻰ ﺳوق اﻟﺷﻐل ‪ ،‬اﻟﺣﺻول ﻋﻠﻰ ﺗﻌﻠﯾم ﺟﯾد ‪ ،‬اﻟﺳﻛن اﻟﻼﺋﻖ ‪* (.. ،‬‬ ‫‪.Mark only one oval‬‬ ‫‪2‬‬

‫‪1‬‬

‫‪4‬‬

‫‪3‬‬

‫‪5‬‬

‫ﻻ أﺣس ﺑوﺟود إﻧﺻﺎف أو ﻣﺳﺎواة ﺑﯾن أﻓراد‬ ‫اﻟﻣﺟﺗﻣﻊ‬

‫أﺣس ﺑﺄن أﻓراد اﻟﻣﺟﺗﻣﻊ‬ ‫ﻣﺗﺳﺎوي اﻟﻔرص‬

‫اﻟﺣﯾﺎة اﻻﺟﺗﻣﺎﻋﯾﺔ‪ :‬ﺳﮭوﻟﺔ ﺻﻧﻊ واﻟﺣﻔﺎظ ﻋﻠﻰ اﻟﻌﻼﻗﺎت اﻻﺟﺗﻣﺎﻋﯾﺔ اﻟﺟﯾدة *‬ ‫‪.Mark only one oval‬‬ ‫‪1‬‬

‫‪2‬‬

‫‪12.‬‬

‫‪3‬‬

‫‪5‬‬

‫‪4‬‬

‫ﻣن اﻟﺳﮭل ﺗﻛوﯾن ﺻداﻗﺎت و‬ ‫ﺗﻌﻣﯾﻖ ﻋﻼﻗﺎﺗﻲ اﻻﺟﺗﻣﺎﻋﯾﺔ‬ ‫ﺑﺳطﺎت‬

‫ﻣن اﻟﺻﻌب ﺗﻛوﯾن ﺻداﻗﺎت و ﺗﻌﻣﯾﻖ ﻋﻼﻗﺎﺗﻲ‬ ‫اﻻﺟﺗﻣﺎﻋﯾﺔ ﺑﺳطﺎت‬ ‫ﻣرﻛزﯾﺔ اﻟدﯾن‪:‬ﻛﯾف ﺗﻘﯾم دور اﻟﻣﺳﺟد ﻓﻲ اﻟﺣﯾﺎة اﻟﯾوﻣﯾﺔ ﻟﻣﻧطﻘﺗك؟ *‬ ‫‪.Mark only one oval‬‬ ‫‪1‬‬

‫‪2‬‬

‫‪13.‬‬

‫‪3‬‬

‫‪4‬‬

‫‪5‬‬

‫ﻟﯾس ﻟﻣﺳﺟد ﺣﯾﻧﺎ أي دور ﻓﻲ اﻟﺣﯾﺎة اﻟﯾوﻣﯾﺔ‬ ‫ﺑﻣﻧطﻘﺔ ﺳﻛﻧﻲ‬

‫ﻟﻣﺳﺟد ﺣﯾﻧﺎ دور ﺟد ھﺎم ﻓﻲ‬ ‫اﻟﺣﯾﺎة اﻟﯾوﻣﯾﺔ ﺑﻣﻧطﻘﺔ ﺳﻛﻧﻲ‬

‫اﻟﺻﺣﺔ‪:‬ﻛﯾف ﺗﻘﯾم ﺗﺄﺛﯾر ﺑﯾﺋﺔ ﺳطﺎت ﻋﻠﻰ ﺣﻔﺎظك ﻋﻠﻰ ﺻﺣﺔ ﺟﯾدة ؟ *‬ ‫‪.Mark only one oval‬‬ ‫‪1‬‬

‫‪2‬‬

‫‪14.‬‬

‫‪3‬‬

‫‪4‬‬

‫‪5‬‬

‫ﻻ ﺗﺷﺟﻌﻧﻲ ﻣدﯾﻧﺔ ﺳطﺎت ﻋﻠﻰ اﺧﺗﯾﺎر ﻧظﺎم‬ ‫ﺣﯾﺎة ﺻﺣﻲ‬

‫ﺗﺷﺟﻌﻧﻲ ﻣدﯾﻧﺔ ﺳطﺎت ﻋﻠﻰ‬ ‫اﺧﺗﯾﺎر ﻧظﺎم ﺣﯾﺎة ﺻﺣﻲ‬

‫اﻟرﺿﺎ اﻟوظﯾﻔﻲ‪ :‬إﻟﻰ أي ﻣدى ﯾؤﺛر ﺳﻛﻧك ﺑﺳطﺎت ﻋﻠﻰ رﺿﺎك أو ﻋدﻣﮫ ﻋن وظﯾﻔﺗك ؟ *‬ ‫‪.Mark only one oval‬‬ ‫‪1‬‬

‫‪2‬‬

‫‪3‬‬

‫‪4‬‬

‫‪15.‬‬

‫‪5‬‬

‫ﻻﯾؤﺛر أﺑدا‬

‫ﯾؤﺛر ﻛﺛﯾرا‬

‫ﻣﺎ ﺗﻘﯾﯾﻣك ﻟﻔرص اﻟﺗرﻓﯾﮫ اﻟﺗﻲ ﺗوﻓرھﺎ ﻣدﯾﻧﺔ ﺳطﺎت ؟ *‬ ‫‪.Mark only one oval‬‬ ‫‪1‬‬ ‫أﻧﺎ ﻏﯾر راض ﺑﺗﺎﺗﺎ ﻋن أﻧﺷطﺔ اﻟﺗرﻓﯾﮫ‬ ‫ﺑﻣدﯾﻧﺔ ﺳطﺎت‬

‫‪11.‬‬

‫‪16.‬‬

‫‪2‬‬

‫‪3‬‬

‫‪4‬‬

‫‪5‬‬ ‫أﻧﺎ ﺟد راض ﻋن أﻧﺷطﺔ اﻟﺗرﻓﯾﮫ‬ ‫ﺑﻣدﯾﻧﺔ ﺳطﺎت‬

‫ﺗﺄﺛﯾرﻣدﯾﻧﺔ ﺳطﺎت ﻋﻠﻰ ﺳﻌﺎدﺗك‬

‫‪305‬‬

‫‪3/5‬‬

‫‪https://docs.google.com/forms/d/1tSi1Xs3ioP_9QYDMR30Kd1lPcjeqj1P6JY3GFZTjl_0/edit‬‬



‫دراﺳﺔ ﺣول ﺳﻌﺎدة ﺳﺎﻛﻧﺔ ﻣدﯾﻧﺔ ﺳطﺎت‬

‫إذا ﺗم ﻣﻧﺣك إﻣﻛﺎﻧﯾﺔ ﺗﻌدﯾل أو إﺿﺎﻓﺔ ﻋﻧﺻر ﺟدﯾد ﻟﻠﻣدﯾﻧﺔ ‪ ،‬ﻓﻣﺎذا ﺳﯾﻛون ھذا اﻟﻌﻧﺻر؟)ﯾرﺟﻰ ﺗﺣدﯾد ﺳﺑب اﺧﺗﯾﺎرك(‪* :‬‬

‫‪12/06/2018‬‬

‫‪22.‬‬

‫‪Powered by‬‬

‫‪307‬‬ ‫‪5/5‬‬

‫‪https://docs.google.com/forms/d/1tSi1Xs3ioP_9QYDMR30Kd1lPcjeqj1P6JY3GFZTjl_0/edit‬‬


Résumé: Depuis l'ère industrielle, la ville est devenue synonyme de stress et de misère. Malgré les avantages multiples qu'elle présente en matière de services et d'opportunités, son apport en bien-être subjectif est très limité. Des nombres ascendants de citadins souffrent des troubles de dépression et d'anxiété et une grande part des habitants des grandes villes se sentent insatisfaits de leurs vies en général. Une première piste pour résoudre ce phénomène épidémique était de changer la perspective commune de la psychologie qui s'est jusqu'ici concentrée sur les psychopathologies et de chercher plutôt ce qui rend les gens heureux et résilients face aux adversités de la vie. Afin de relier ce problème aux environnements urbains, plusieurs études ont été menées pour extrapoler les effets de l'environnement bâti sur le bien-être émotionnel et pour comprendre comment les villes peuvent devenir des lieux de satisfaction de la vie. En outre, certaines initiatives urbaines se sont concentrées sur l'échelle humaine des projets urbains et ont essayé, à la fois en théorie et en pratique, de montrer comment un design urbain centré sur l'Homme peut bénéficier les individus et les communautés. Ces types de projets reposent sur des principes tels que l'équité, la solidarité, la joie versus la douleur, la santé publique, la prospérité spirituelle, etc.


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