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Prah Pithu
Kléang sud
Sur un soubassement simplement mouluré, les murs, de 0,90 m d’épaisseur, à base et corniche ornées, sont entièrement en grès, percés sur les deux faces principales de grandes fenêtres carrées à sept balustres. Les porches est et ouest sont à quatre fenêtres, et la toiture en bois et tuiles a complètement disparu. La grande galerie intérieure, d’un seul tenant, s’étend sur 45 m avec, dans l’axe, deux saillants correspondant aux porches : elle était sobrement décorée d’une frise sous corniche. Les deux petites pièces d’extrémité, en contrebas, se terminaient extérieurement par une fausse porte et s’ouvraient latéralement à l’ouest par une fenêtre, à l’est par une petite baie communiquant avec un système de galeries, partiellement au moins en matériaux légers, entourant un préau intérieur rectangulaire d’environ 50 m sur 30, partagé lui-même en deux par une autre galerie nord-sud ; il ne reste à peu près rien de ce dispositif.
Kléang nord
Précédé à l’ouest d’une terrasse cruciforme de basse époque, établie sur le remblai, avec balustrade à nâgas de divers styles, le Kléang nord était de masse plus importante et plus soigné d’exécution. Son soubassement, entièrement sculpté, au profi l d’une pureté classique à doucines opposées et bandeau médian ciselé de rinceaux, est un des plus beaux de l’art khmer ; ses colonnettes à quatre grands nus au lieu de huit au Kléang sud – ce qui les fait antérieures en date – sont plus robustes, et linteaux et frontons à tête de Kâla sur fond de décor végétal à grandes volutes présentent les caractéristiques des Xe -XIe siècles. Les murs sont plus épais (1,50 m), supportant au nu intérieur un faux étage d’attique qui, reposant sur le profond ébrasement des baies où fut employé le déplorable procédé, courant à l’époque, des poutres de bois en doublure soulageant la pierre, n’a pas manqué avec le temps de provoquer des éboulements. Le grès n’était employé qu’en parement extérieur sur blocage en latérite. Au centre, à une époque plus tardive, la longue galerie à toit de tuiles a été coupée par une construction en maçonnerie formant tour, aujourd’hui en grande partie écroulée, qui l’a divisée en salle médiane carrée de 4,50 m de côté, fl anquée de deux autres de 18,70 m sur 4,70 m : on remarquera au passage les poutres en doublure encore en place au-dessus des baies de communication. Dans ces galeries
188 ont été trouvées deux remarquables statuettes de bronze, l’une de Vishnou, l’autre de Lokeçvara. Vers l’est se déroulait le même dispositif à galeries pourtournantes qu’au Kléang sud, mais ici quelques éléments de leur mur extérieur, à corniche et fenêtres gisantes, ont pu être érigés à nouveau après avoir été retrouvés au sol. Le centre de la cour était marqué par un petit sanctuaire cruciforme se rapprochant du style d’Angkor Vat, à soubassement sculpté, dont il ne subsiste que l’étage principal et qui devait être réuni aux galeries par des passages en matériaux légers formant croix. On remarquera, à l’angle nord-est de la base de la cella de 2 m sur 2, ouverte aux quatre axes sur autant de petits porches, un « somasûtra », conduit d’évacuation des eaux lustrales.
Petit monument à l’est du Kléang nord
Immédiatement à l’est, on a mis au jour un petit ensemble formant monument complet, ouvert à l’ouest, et que sa parenté de style avec Bantéay Srei fait un peu antérieur aux Kléang. À l’intérieur d’un mur d’enceinte en latérite formant un carré d’une trentaine de mètres de côté et coupé par un minuscule gopura cruciforme de 1,80 m sur 2 m, devant lequel est encore un des lions marquant l’entrée, se dressent les vestiges d’un prasat sur plan carré de 2,10 m de côté, avec trois fausses portes, et de deux bâtiments du type « bibliothèque ». Les piles d’angle du sanctuaire, dont il ne reste que la base, sont ornées de devatâs dans des niches, un peu plus grandes qu’à Bantéay Srei mais de même type ; des réductions d’édifi ce provenant des angles supérieurs sont déposées à terre à côté du monument. Les frontons des deux « bibliothèques » ont été reconstitués au sol, et l’on a trouvé à l’intérieur de celle du côté sud onze petits lingâs de 0,47 m de hauteur, curieusement alignés sur trois rangs.
PRAH PITHU Prononcer : Pitou
Datedes principaux éléments : première moitié du XIIe siècle Culte : brahmanique, sauf un sanctuaire bouddhique Dégagement par Commaille en 1908 et H. Marchal de 1918 à 1920
On désigne sous le nom de Prah Pithu un ensemble de cinq petits temples et de terrasses situés à l’extrémité nord de la Place Royale du côté est, à peu près en face du
Fig. 23. Prah Pithu.
Tep Pranam : disposés sans qu’apparaisse un parti général d’implantation, ils sont malheureusement très ruinés, mais leurs hauts soubassements et ce qui reste de leur étage principal – les superstructures ayant disparu – révèlent l’excellente qualité de leur ornementation et les classent dans la meilleure période de l’art classique, celle d’Angkor Vat (première moitié du XIIe siècle). De la route, on accède au premier temple par une élégante terrasse cruciforme à deux niveaux dont les parties en encorbellement sont portées par des colonnes au fût cannelé et surmontées de balustrades à nâgas d’un galbe très pur : on peut la comparer à celle qui précède le monument de Prah Palilay. À la suite, le mur d’enceinte en grès, enfermant un enclos de 45 m sur 40, et dont le chaperon est curieusement traité en imitation de voûte de galerie, est interrompu à l’est et à l’ouest par de petits gopuras à corps central et deux ailes, restés en épannelage. Le sanctuaire, haut perché sur trois soubassements ornés à tore médian dont le total atteint 6 m, est à quatre escaliers d’axe avec un seul palier au niveau du premier gradin. Il comporte une cella centrale carrée de 3 m de côté, ouverte aux quatre faces par autant de vestibules à deux fenêtres et qui contenait un grand lingâ d’un mètre sur son piédestal. Les murs sont tronqués à hauteur du sommet de niches à devatâs qui sont fort avenantes malgré leurs pieds représentés de profi l, et entourées de bandes de décor rehaussées de fi gurines dansantes. Il est à remarquer que leurs jupes sont ornées de fl eurettes, habitude qui se généralisera dans le style du Bayon. Le linteau de la baie occidentale représentait la scène du Barattement de l’Océan, très stylisée. Les colonnettes sont à seize pans, ce qui leur donne un aspect presque cylindrique, et d’une mouluration particulièrement touffue. Le second temple, placé sur le même axe que le premier, était à l’intérieur d’un rectangle de 35 m sur 28 : le mur en grès, construit sur soubassement mouluré, n’avait pas de gopuras, mais de simples portes encadrées de pilastres restés en épannelage. Le sanctuaire, présentant les mêmes caractéristiques de plan que le premier, mais de dimensions plus réduites, n’avait qu’une cella de 2 m, les murs étaient entièrement sculptés, les devatâs, de petite taille et les pieds de face, remplacées par des dvârapâlas de part et d’autre des entrées, et de petites scènes à personnages étaient sculptées sous arcatures à la base des pilastres, selon une coutume fréquente à l’époque d’Angkor Vat. Les colonnettes sont restées inachevées, ainsi que le linteau sud, représentant Krishna debout sur une tête de Kâla ; le linteau nord était consacré au Barattement de l’Océan, et celui de l’ouest montrait, toujours sur une tête de Kâla, la « Trimûrti » brahmanique : Çiva dansant, à bras multiples, entre Vishnou et Brahmâ. Traversant un ancien bassin-fossé, on parvient au troisième temple, situé en arrière des deux autres et désaxé d’une trentaine de mètres vers le nord. Conçu toujours
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selon le même plan, il se trouve juché sur une terrasse d’une quarantaine de mètres de côté pour quatre mètres de hauteur, aux murs de soutènement moulurés coupés par des perrons garnis de lions. Le sanctuaire, à double étage de soubassement mouluré, est très simple, sans aucun décor, avec de fausses fenêtres à balustres : resté inachevé, il semble plus tardif et fut utilisé pour le culte bouddhique. À l’intérieur de sa cella de 2,20 m court une double frise de Bouddhas de basse époque, à « usnisha » fl ammée, et sur son linteau oriental sont sculptées trois autres représentations du Sage entouré d’adorateurs, le tout probablement postérieur à l’architecture. Des fragments de frontons de bien meilleure qualité – dont une remarquable « Coupe des cheveux » qui se trouve au Dépôt de sculptures du Bayon – ont été trouvés alentour. Continuant vers l’est, on peut, après avoir longé le mur de latérite mouluré d’une terrasse bouddhique entourée de stèles ou « semas », délimitant l’emplacement sacré et bordée de quelques vestiges d’une balustrade à nâgas, jeter un coup d’œil sur un ancien « srah » (bassin) où l’on descendait par un perron gardé par deux petits éléphants en ronde-bosse. Revenant sur ses pas, on trouve au nord du second un quatrième temple qui se distingue des autres par l’absence de toute enceinte et l’existence, à l’est, d’un double vestibule qui en accuse la véritable orientation. La cella carrée, beaucoup plus importante (3,80 m de côté), était sur socle et double soubassement sculpté et abritait un grand lingâ de 1,50 m dont on a retrouvé la pierre à dépôts à seize alvéoles. Bien que le décor ne soit qu’amorcé sur la face extérieure des murs, on reconnaît les caractéristiques principales de l’époque d’Angkor Vat, et l’ornementation des pilastres, aux éléments en forme de lyre, appartient à ce style. Toujours plus au nord enfi n, son socle reposant sur une simple levée de terre, s’élève un cinquième temple qui, très différent des précédents, paraît pouvoir se situer dans le temps entre Angkor Vat et le Bayon. Il se compose de deux corps de bâtiments réunis par un vestibule, le sanctuaire, à l’ouest, étant fermé de ce côté par une fausse porte. Les pilastres sont à rinceaux se terminant en têtes d’oiseau, et la cella, de 3 m sur 3,50 m, à trois nefs fi ctives, renfermait un lingâ de 0,95 m de haut. La salle principale, en grande partie écroulée, faisait 7 m sur 8, et sur sa face occidentale on voit encore les deux demi-frontons qui fl anquaient le vestibule de jonction : au nord, la victoire de Krishna monté sur Garuda sur l’asura Bâna, au sud, les « Trois pas de Vishnou ». La destination de ce temple, qui rappelle par certains côtés les bâtiments d’abri de pèlerins se trouvant à l’entrée de divers monuments, reste énigmatique. On regagnera la route vers l’ouest en longeant au nord un charmant petit étang toujours rempli d’eau qui rappelle certains paysages de France, puis une terrasse cruciforme bordée, comme celle de l’arrivée, de colonnes de soutien.
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