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247 Pré Rup

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Ta Nei

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MONUMENTS DU GRAND CIRCUIT

PRÉ RUP (Tourner le corps) Prononcer : Prè Roup

Date : seconde moitié du Xe siècle (961) Roi constructeur : Râjendravarman (nom posthume : Çivaloka) Culte : brahmanique (çivaïte) Dégagement par H. Marchal et G. Trouvé de 1930 à 1935

Situé à 2,3 km à l’est du croisement du Grand et du Petit Circuit (Srah Srang), de suite après le coude à angle droit que fait la route pour remonter vers le nord, et à 500 m au sud de la digue méridionale du Baray oriental marquée par la borne kilométrique 16, le temple de Pré Rup se présente malheureusement avec un recul insuffi sant : il aurait assurément gagné à être laissé solidaire de l’allée de bornes décoratives en grès qui le précédait du côté est. Œuvre de grand style et de proportions impeccables, Pré Rup, construit presque uniquement en matériaux d’un ton chaud (latérite et brique) en un temps où le grès n’était employé qu’avec parcimonie, demande à être vu de bonne heure le matin ou lorsqu’il se dore aux rayons du soleil couchant. Son dégagement, relativement récent, a coûté de longs efforts, les monuments de brique exigeant des précautions spéciales pour être débarrassés de leur gangue de terre et d’éboulis et de l’enchevêtrement des racines. Toute anastylose étant impossible, les travaux de reprise se sont réduits à quelques raccords de briquetage et des consolidations. Postérieur de peu d’années au Mébôn oriental et de style identique, Pré Rup est la dernière réalisation de « templemontagne » ayant précédé l’apparition des galeries continues, qu’annoncent déjà les enfi lades de salles longues ceinturant la base. C’est le « Meru » en tant que pyramide couronnée d’un quinconce de tours dédiées à des personnages divinisés, avec douze petits prasats à lingâ sur l’un des gradins comme à Bakong. L’inscription, après quelques détails sur la généalogie de Râjendravarman, donne la date de fondation (961) et le nom du monument, Râjendrabhadreçvara, qui était celui du lingâ placé dans le sanctuaire central ; puis c’est la désignation des statues placées dans les tours d’angle et dont le culte était lié à celui du roi lui-même (Çiva), d’un de ses ancêtres maternels (Vishnou), de sa tante maternelle (Umâ) et de son demi-frère, le roi Harshavarman (Çiva), fi ls de cette dernière. Le texte précise que l’essence royale ou « moi subtil » du souverain se trouvait incorporée dans son image, érigée de son vivant.

120. Pré Rup, soubassements du sanctuaire central, côté est. Fig. 31. Pré Rup.

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121. Pré Rup, côté sud. 122. Pré Rup, devatâ, façade sud, angle gauche, tour sud-ouest.

Axé sur le Mébôn oriental et dominant la vaste plaine de cultures qu’irriguait le Baray, Pré Rup était certainement le centre d’une importante agglomération – cette « Ville de l’Est » dont parle M. Philippe Stern et qui s’est développée au moment du retour de Koh Ker où avait émigré la capitale de 921 à 944. Cela n’implique nullement d’ailleurs que Râjendravarman en ait fait la Cité royale au détriment de l’ancienne « Yaçodharapura » centrée sur le Phnom Bakheng. On ne sait trop pourquoi les Cambodgiens ont toujours attribué à ce temple un caractère funéraire : le nom même de Pré Rup (« tourner le corps ») rappelle un des rites de l’incinération, où la silhouette du corps du défunt, esquissée avec ses cendres, est successivement représentée selon des orientations différentes. Une grande cuve appareillée située à la base de l’escalier est de la pyramide passe aux yeux de certains pour avoir servi aux crémations, et la légende fait se dérouler dans ce cadre les cérémonies des funérailles du Roi imprudent que sa passion pour les concombres sucrés fi t périr sous la lance de son jardinier. Au point de vue architectural, Pré Rup se compose de deux enceintes à quatre gopuras et d’une pyramide à trois gradins étroits conçue comme simple piédestal des cinq tours de la plateforme supérieure. La partie orientale de la dernière enceinte est occupée de façon tout à fait inhabituelle par deux groupes de trois tours alignées symétriquement par rapport à l’axe sur un soubassement commun : l’une d’elles – la première au nord de l’entrée – n’a pas été construite bien que sa plateforme de base eût été préparée, à moins que ses briques n’aient été réemployées ailleurs après démolition. Chaque groupe de trois a sa tour médiane prédominante et beaucoup plus développée que de coutume, avec une cella de 5 m de côté et des étages à très faible retrait, particulièrement élevés : leurs dimensions colossales n’ont pas manqué de provoquer par endroits la chute des parties hautes et l’apparition de larges fi ssures. La brique est de fort calibre – 30 16 8,5 cm – et posée comme partout sans mortier, avec interposition d’un liant d’origine végétale dans les joints horizontaux après rodage des matériaux. Ces tours, dont il n’est point fait mention dans l’inscription, lui sont d’autant plus vraisemblablement postérieures qu’aucune d’elles n’a été terminée : les fausses portes en grès surmontées de leurs linteaux sont restées en épannelage avec seulement quelques bribes de décor ébauchées. Le linteau le plus complet est celui de la face est de la tour sud, représentant Vishnou dans son avatar de lion déchirant de ses griffes le roi des Asuras qui avait réclamé

250 les mêmes honneurs que le dieu ; les colonnettes, octogonales à quatre nus, dégagent une réelle impression de force. Venant de la route, le gopura d’accès, précédé d’un petit lion du style du Bayon apporté de quelque autre monument, se présente comme très démoli : son corps central en brique entre deux vestibules de grès se compose de trois salles parallèles fl anquées de deux passages indépendants, et le mur d’enceinte, de 120 m sur 130, est en latérite. La cour pourtournante n’a gardé que quelques vestiges de longues salles de repos accessibles aux pèlerins : faites de piliers de grès dans la moitié orientale et de murs de latérite aux fenêtres à balustres diversement disposées dans l’autre, elles étaient couvertes en bois et en tuiles. L’enceinte suivante en latérite est coupée par de petits gopuras à une seule salle aux murs de brique précédée d’un vestibule en grès, accompagnés de deux portes latérales percées dans le mur. De longues galeries, réservées aux desservants du temple et ne se différenciant que par leur mode d’éclairage ou d’aération, l’accompagnaient sur tout le pourtour : leurs parois en latérite et les porches à piliers de grès sont restés généralement debout, et de nombreux débris de tuiles ont été trouvés dans les déblais ainsi que des tuiles d’about très décoratives. À l’angle nord-est, un curieux petit édifi ce de plan carré, fait de grands blocs de latérite, a été entièrement restauré : du type habituel des abris de stèles, il était ouvert aux quatre axes et voûté en « bonnet de prêtre », avec au sol une sorte de cuve à ablutions à écoulement d’eau. La stèle de fondation du temple, à deux grandes faces inscrites, a été retrouvée dans un élément de galerie voisin spécialement aménagé. De part et d’autre de l’entrée axiale est, deux bâtiments ouverts à l’ouest, du type « bibliothèque », étaient traités en tours élevées, à étages rectangulaires en retrait : ils abritaient respectivement une « pierre des neuf planètes » et une « pierre des sept ascètes ». Au centre, entre deux rangées de frêles piliers en grès à tenon, se trouvait la cuve parementée mentionnée plus haut, mesurant 3 m sur 1,90 m : nullement étanche et rainée au bord supérieur, il semble qu’elle ait dû servir de socle à quelque pavillon léger ou statue de Nandin, le taureau sacré monture de Çiva, plutôt que de sarcophage comme le voudrait la légende. Au pied de cette cuve ont été trouvés des fragments de piédestal et de pierre à dépôt sacré avec un grand lingâ, le tout pouvant provenir du sanctuaire central. La pyramide à trois gradins, de plus de 12 m de haut, 50 m de côté à la base et 35 au sommet, a grande allure. Chaque axe est marqué par un escalier à largeur constante tandis que

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