LA SALLE DE LECTURE CO M M E CŒ U R D E L’Œ U V R E ARCHITECTURALE
JACKSSON DEPOLI
Université du Québec à Montréal | École de design
La bibliothèque Georges P. Vanier :
LA SALLE DE LECTURE COMME CŒUR DE L’ŒUVRE ARCHITECTURALE
Travail présenté à Alessandra Mariani DES 7104 Formes et figures de l’architecture moderne
Par Jacksson Depoli Correa de Oliveira DEPJ13068209 DESS Architecture moderne et patrimoine
20 avril 2018
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Contenu 5 INTRODUCTION 6 Introduction 9 DESCRIPTIONS 11 1.1 - Description de l'oeuvre 12 1.2 - Description de l'architecte 14
NOTIONS D'ARCHITECTURE
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2.1 – Typos
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2.2 - Topos
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2.3 - Tectonique
27 PROBLÉMATHIQUE/HYPOTHÈSE 28 3.1 – Problémathique 29
3.2 – Hypothèse
2 CONCLUSION 34 Bibliographie
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INTRODUCTION INTRODUCTION
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Introduction Le projet choisi pour ce travail d’analyse est la Bibliothèque George P. Vanier, située sur le campus Loyola de l’Université Concordia à Montréal. Ce projet a été sélectionné, car il contient des éléments qui font de son architecture un bien remarquable. Ce travail caractérisera l’architecture et apportera une certaine connaissance de la théorie de l’architecture moderne, connaissances enseignées dans le cours « Formes et figure de l’architecture moderne ». Ces notions proposent des raisons pour lesquelles l’architecture est remarquable, pourquoi elle devrait être considérée comme moderne et pourquoi elle doit être conservée en tant que patrimoine local. Pour une meilleure compréhension des qualités de l’architecture présentée, une analyse constructive entre les éléments de la bibliothèque liés aux notions théoriques de l’architecture moderne sera réalisée. Certains points de ces concepts seront présentés, tels que les éléments tectoniques et les quatre éléments exploités par Semper dans les Cabanes des Caraïbes, ainsi que l’importance artistique vue par Kenneth Frampton, alors que certains points seront identifiés par rapport aux points de la forme et figure exploités par Alan Colquhoun.
(prochaine page) Un haut la carte générale de Montréal, avec l'emplacement du campus Loyola. Au milieu, carte de l'ensemble du campus Loyola, Universite Concordia, avec l'emplacement de la bibliothèque. En bas l'emplacement de la bibliothèque parmi les autres du campus. (source: google maps)
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INTRODUCTION
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DESCRIPTIONS D escriptions
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1.1 - Description de l'oeuvre La bibliothèque est l’un des premiers projets de caractéristique non éclectique du plan directeur du campus Loyola. Le projet a été développé par la société Arcop en 1963. La bibliothèque a été nommée en l’honneur de l’illustre major-général et à l’époque gouverneur général du Canada, Georges-Philéas Vanier (1888-1967). La bibliothèque d’environ 52 000 pieds carrés (5 000 mètres carrés) abritait 54 000 livres à l’époque. Le bâtiment de briques de trois étages pouvait accueillir jusqu’à 600 personnes à la fois et contenait une salle remarquable pour des représentations théâtrales et des conférences. Le projet de la bibliothèque a
(page précédente) Photo du détail du mur extérieur de la bibliothèque source: ABC XX, 232 (aout 1965).
[Image 1] Photo de l'escalier principale, avec l'éclairage provenant des puits de lumière. Source: Archives Université Concordia.
été achevé en juillet 1963 et sa construction a commencé en octobre de la même année. La fin des travaux a eu lieu un an plus tard, lorsque la cérémonie d’ouverture a été tenue par le gouverneur général du Canada, Georges P. Vanier1. Selon l’architecte Lebensold, cette architecture cherchait à avoir une caractéristique contemporaine, en même temps de créer une relation avec les quelques bâtiments plus anciens existant déjà dans ses environs. La structure principale comprend des poutres et des piliers en béton moulés en place. Dans leur portion extérieure, la brique a été définie comme élément principal, avec le verre et le béton ondulé. Dans leur portion intérieure, comme à l’extérieur, on voit les briques qui ont été partagées entre des cloisons faites avec des lattes en bois, contenant également une cloison de verre. Tous les conduits de ventilation, de chauffage et d’électricité ont été répartis dans les quatre tours, deux à chaque extrémité du bâtiment, ce qui a permis de libérer complètement l’espace intérieur de ces contraintes techniques. Le hall d’accès a permis de créer une séparation claire, avec d’un côté la zone dédiée aux salles administratives de la bibliothèque et de l’autre côté la zone réservée aux usagers du bâtiment , contenant des livres et des salles de lecture. Le demi sous-sol abritait des salles spécialement dédiées à la communauté, une salle de projection, des rangements de livres et des étagères. La disposition des piliers à l’intérieur déterminait la circulation. 1
Loyola News, 30 octobre 1964.
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[Image 2] Photo de l'escalier principale. Source: Archives Université Concordia.
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1.2 - Description de l'architecte
[Image 3] Centre national des Arts. 1969. Source: s.n., Ottawa, n.d. Architecture 49.
[Image 4] Salle Wilfrid-Pelletier. Place des Arts. 1963 Source: s.n., Montréal, 1963. Architecture 49.
Le bâtiment a été conçu par Arcop (Architectes en copartenariat), actuellement sous le nom d’Architecture 49 (A49). La bibliothèque avait comme chargé de projet l’illustre architecte Fred David Lebensold2(1917-1985). D’origine polonaise, il s’est établi au Canada en 1949, où il a commencé sa carrière comme professeur à l’Université McGill. Le partenariat avec d’autres membres d’Arcop a commencé en 1953, dans le but de participer à des concours. Les projets du groupe ont toujours été parmi les trois premiers dans les sélections des compétitions auxquelles ils ont participé. Le groupe a obtenu le premier prix au concours du projet du théâtre Queen Elizabeth à Vancouver. Après quelques années, ces architectes sont devenus une société. La société était partagée avec Hazen Sise, Guy Desbarats, Dimitri Dimakopolus et Ray Affleck. Lebensold a été reconnu parmi ses partenaires pour avoir une connaissance profonde dans les projets d’auditoriums et de théâtres. Les projets auxquels Lebensold a participé et où il a remporté la médaille Massey Canada étaient : Queen Elizabeth Theatre à Vancouver (1958), édifice commémoratif des Pères de la Confédération, Charlottetown (1964), Place des Arts, Montréal (1968) et Centre national des Arts, Ottawa (1970). Lebensold a également participé à des projets de restauration tels que le Vieux Montréal. 2
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Loyola College Press Realese, 22 octobre, 1964.
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« Je pense que la bibliothèque donne des preuves concluantes de la capacité à combiner un bon design contemporain avec l’architecture du passé. » (Fred Lebensold: Loyola College Press Realese, 22 octobre, 1964.)
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[Image 5] Hôtel de ville Saynatsalo. 1952. Source: Architecture in a 20th Century. Vol1.
[Image 6] Bibliothèque Van Pelt Philadelphie. 1962. Source: en ligne (http://www. thedp.com/article/2016/02/man-with-knife-at-van-pelt)
En haut, schéma des étages de la bibliothèque avec ses circulations. (rouge:principal, bleu:verticale, jaune: secondaire) En bas, coupe à la part de la salle de lecture avec ses puits de lumière. Connexions visuelles internes, vide interne.
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2.1 – Notions d'architecture - Typos Les notions d’architecture vues dans le cours sont explorées ici dans les relations de typos, topos et tectonique. Premièrement, entre la forme et la fonction (typos) nous observons dans le bâtiment de la bibliothèque la forme austère et symétrique d’une lecture et compréhension facile. La bibliothèque est marquée par une caractéristique introspective où les fenêtres enveloppantes présentent une proportion plus verticale fournissant peu de lumière naturelle3, contrairement à la lumière naturelle abondante provenant des puits de lumière, valorisant l’intérieur de la salle de lecture et la circulation verticale. Ces caractéristiques, qui privilégient l’utilisation du bâtiment, démontrent de manière satisfaisante la qualité entre forme et fonction. La conception de cette architecture est basée sur la dialectique fondamentale de l’architecture moderne qui, selon Alan Colquhoun, n’est pas entre la forme et la fonction, mais entre la forme et une autre entité, qu’il appelle la figure. Par forme, on comprend une configuration censée avoir un sens naturel. Par figure, on comprend une configuration dont le sens est donné par la culture, ce qu’il suppose être la nature qui lui donne son fondement définitif4. Partageant cette idée, Lebensold a créé un bâtiment qui partage certaines des caractéristiques formelles observées dans d’autres bibliothèques, comme la bibliothèque Van Pelt (1962) à Philadelphie aux États-Unis et l’Hôtel de Ville à Saynatsalo de Alvar Aalto (1952), bâtiments avec une fonction de stockage et de consultation de matériaux historiques, générant une architecture introspective par illumination indirecte. 3 ABC (Architecture Batiment construite) XX, 232 (aout 1965). 30-34 4 Colquhoun Alan, « Forme et figure x, Recueil d’essais critiques. Architecture moderne et changement historique, Bruxelles, Mardaga, 1985, p. 198-199
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2.2 – Notions d'architecture - Topos Le deuxième élément à analyser est la relation entre la forme et le contexte (topos). L’emplacement révèle la dimension topographique qui contribue à montrer le rôle joué par le corps/être dans l’expérimentation de l’architecture5. L’emplacement de la bibliothèque a été dirigé vers le plan directeur du campus, où le site de la bibliothèque était situé au nord d’un axe majeur d’accès au campus. Tel que placé par Lebensold, le bâtiment devait créer une relation avec les bâtiments plus anciens dans son voisinage, sans réclamer d’attention.
(prochaine page) Schéma de l'échelle provenait du bâtiment central du campus Loyola et les matériaux qui sont appliqués à la bibliothèque.
En bas schéma de la relation entre les deux bâtiments: édifice central campus et la bibliothèque.
Cet exercice de création d’une relation avec les bâtiments existants a fini par appuyer le choix des matériaux qui seraient utilisés à la fois à l’extérieur et à l’intérieur de la bibliothèque, comme le bois, le béton et la brique. L’architecte responsable du projet explique que ces matériaux évoquent une atmosphère accueillante, favorisant l’étude à l’intérieur6. L’échelle du bâtiment était l’un des point principaux du parti, car Lebensold semble avoir recueilli des informations d’échelle et de hauteur du bâtiment historique sur l’ axe principal du campus Loyola, décrit sur le campus comme édifice central, ce bâtiment se trouve parallèle à la bibliothèque, en respectant la hauteur des trois premiers niveaux de ce bâtiment. Ainsi, à partir de cette relation avec la fonction du bâtiment, l’utilisation de lignes droites et austères a été décidée, pour ne pas contraster avec les autres. Ces préoccupations soulevées par le créateur du projet, avant même de le lancer, et l’analyse subséquente de l’œuvre insérée dans le lieu font de cet objet un point qualitatif important de son architecture. 5 Frampton, Kenneth, « La tectonique revisitée », Jean-Pierre Chupin et Cyrille Simonet (directeurs), Le projet tectonique, Gollion, Infolio, 2005, p. 17. 6 Loyola College Press Realese, 22 octobre, 1964
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En haut, la relation entre la Cabane de Caraïbe analyse par Semper e la façade de la bibliothèque. En bas, les axes structurels de la bibliothèque par rapport la Cabane de Caraïbe.
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2.3 – Notions d'architecture - Tectonique Le troisième élément, qui nécessite le plus d’explications dans cette analyse, est la relation entre la forme et la technique (tectonique). Selon Frampton, lorsqu’on parle du type d’architecture, on comprend comment la forme institutionnelle évolue invariablement dans le temps, selon une interaction constante entre la tradition et l’innovation. Par la tectonique, nous comprenons plus que la simple manifestation de la technique de construction, mais surtout un moyen d’expression potentiel. Par conséquent, la construction est plus que de la scénographie ; elle est à la fois tactile et visuelle. L’architecture est plus que la représentation ; c’est une expérience quotidienne7. Frampton cite Stanford Anderson dans la définition de la tectonique — ce n’est pas seulement l’activité de faire une construction matérielle appropriée, mais une activité qui élève la construction au niveau d’une forme artistique. Ainsi, Frampton voit la dimension poétique de la construction8. Dans une entrevue avec des étudiants, Guy Desbarats, collègue de Lebensold et partenaire d’Arcop, avoue que l’architecture de son entreprise a été fortement influencée par l’art, les principes et les techniques du célèbre architecte Alvar Aalto9 et l’architecture scandinave. Pour Arcop, l’architecture ne devrait pas être un domaine de tests de puissance, mais plutôt une expérimentation poétique10. En complément des idées explorées par Colquhoun, citées dans la première partie de cette section pour la relation entre forme et fonction (typos), on peut citer Gottfried Semper et sa lecture plus anthropologique de l’architecture, basée sur son interprétation de la cabane des Caraïbes, interprétation qu’il avait vue après l’exposition internationale de Londres de 185111. Pour lui, la cabane primitive se compose de quatre éléments qui reprennent les quatre éléments de l’art de la construction : la fondation, 7 Frampton, Kenneth, « La tectonique revisitée », Jean-Pierre Chupin et Cyrille Simonet (directeurs), Le projet tectonique, Gollion, Infolio, 2005, p. 15. 8 Legault, Réjean, « La trajectoire tectonique », Jean-Pierre Chupin et Cyrille Simonet (directeurs), Le projet tectonique, Gollion, Infolio, 2005, p. 27. 9 Guy Desbarats, entrevue des diplômés à l’école d’architecture de l’université McGill. 11 novembre 1998. En ligne (http ://www.mcgill.ca/architecture/aluminterviews/desbarats), consulter 15 mars 2018. 10 Idem. 11 Legault, Réjean, « La trajectoire tectonique », Jean-Pierre Chupin et Cyrille Simonet (directeurs), Le projet tectonique, Gollion, Infolio, 2005, p. 28. N otions d ' architecture
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le cœur (noyau), la structure du toit et la membrane qui forme les murs. La division formulée par Semper entre l’aspect technique et l’aspect symbolique des structures fournit à Frampton le point de départ pour l’introduction de la distinction entre la dimension ontologique et la dimension représentative des formes tectoniques. Dès lors, Frampton établit une opposition entre la peau qui « représente » et le cœur du bâtiment qui est la structure et la substance12. Dans la bibliothèque Vanier, on peut observer les notions défendues par Semper et Frampton. Le sous-sol a été conçu comme une grande pièce de béton avec de petites déchirures verticales, permettant un éclairage interne. Cet élément peut être lié à la notion de fondation de la cabane primitive analysée par Semper. Le cœur de la cabane, vu comme le point principal de l’objet bâti, site destiné à un long séjour, est présenté dans la conception de la bibliothèque comme une salle de lecture. C’est le point le plus permanent et le plus important du bâtiment; c’est l’endroit où l’objectif d’une bibliothèque se concrétise : l’apprentissage. Comme dans la cabane, c’est l’endroit où les utilisateurs interagissent et transmettent leurs expériences aux autres. La salle de lecture est située presqu’au centre du bâtiment. Lebensold a mis l’accent sur ce lieu d’une grande importance dans le parti, sur la conception d’un plafond à double hauteur et d’un puits de lumière inséré qui occupent la même zone que la salle de lecture. La structure du toit de la bibliothèque a également été conçue avec le même raisonnement que celle de la hutte primitive de Semper. La structure est symétrique et organisée de sorte qu’elle n’intervient pas dans la circulation et les espaces de permanence du bâtiment. Comme dans la hutte, la structure est entièrement visible et se distingue des autres. Le quatrième élément de l’architecture est la paroi (die Wand), recouverte comme un tissu qui recouvre la structure. Le rapport entre le revêtement intérieur en briques et les piliers en béton présente une dialectique ouverte entre la structure de base et l’enveloppe, qui, selon Frampton, est particulièrement lisible dans la reconstruction du système, ce qui permet de comprendre facilement les interactions qui s’entrelacent à différents niveaux13. Les structures 12 13 22
Idem. 28-29. Frampton, Kenneth, « La tectonique revisitée », Jean-Pierre Chupin et Cyrille L a salle de lecture comme cœur de l ’ œuvre architecturale
En haut, la représentation du vide par rapport le coeur de l'oeuvre analyse par Semper à la Cabane de Caraïbe. En bas la structure de la bibliothèque par rapport la structure du toit de la cabane.
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de paroi légères de la cabane peuvent être liées, d’abord, à la fermeture de l’enveloppe du bâtiment, caractérisée par les cadres de brique et de verre apparents. Le matériau utilisé ici est différent de celui de la structure, ce qui renforce sa compréhension observé dans le soin afin que les murs et les cloisons ne soient pas confondus avec la structure.
(page précédant) Photo de la façade de la bibliothèque actuelle, avec ses volumes en briques par rapport sa légèreté comme . Source : Jacksson Depoli.
Frampton décrit la tectonique comme un concept clé dans la dialectique entre technique et spatialité. La préoccupation de Frampton n’est donc pas liée à la scénographie ou à la représentation de l’architecture, mais à la relation de l’emplacement physique et phénoménologique du bâtiment avec l’endroit, le terrain et le paysage14. L’expérience de l’usager apparaît comme essentielle et la contemplation de l’espace devient l’objectif principal du parti architectural. Cela peut être observé dans la conception de la bibliothèque Vanier, parce que l’architecte a créé un axe horizontal de circulation libre et un vide interne pour permettre l’appréhension rapide de l’environnement, en plus de la perméabilité visuelle entre les environnements. L’expérience de l’utilisateur a certainement été prise en compte pour ces directives de conception. Frampton se place de plus en plus contre le culte du bâtiment en tant qu’objet isolé, sculptural et minimaliste, une opinion défendue par Guy Desbarats15. Donner la primauté au « terrassement » (structure lourde ancrée sur le sol), c’est prendre position contre la réduction de l’architecture à une pratique essentiellement Beaux-Arts. Le volume de la bibliothèque transmet la légèreté si l’on observe au premier plan les prismes qui se détachent dans la façade. Malgré l’horizontalité accentuée, la création des volumes en porte à faux permet une lecture verticale de ces prismes, qui ne touchent pas le sol, ce qui évite de donner une sensation de lourdeur.
Simonet (directeurs), Le projet tectonique, Gollion, Infolio, 2005, p. 22. 14 Idem, p.38 15 Guy Desbarats, entrevue des diplômés à l’école d’architecture de l’université McGill. 11 novembre 1998. En ligne (http ://www.mcgill.ca/architecture/aluminterviews/desbarats) consulté 15 mars 2018.
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3.1 – Problématique Selon Lebensold, la conception originale de la bibliothèque prévoyait déjà une extension : « … l’espace a été laissé disponible et des ajouts peuvent être faits sans perturber le fonctionnement complet des installations existantes. » L’architecte complète : « Je pense que la bibliothèque donne des preuves concluantes de combiner un bon design contemporain avec l’architecture du passé.16 » Malgré les déclarations faites par Lebensold, le projet original ne fournit pas une définition claire de la façon dont ces ajouts devraient se produire. Cette fragilité met en danger l’un des points principaux qui caractérisent cette architecture comme une architecture moderne. Le vide, manifesté par l’interruption de la dalle du premier étage, ainsi que la fonction de salle de lecture et son éclairage naturel par des puits de lumière, crée une atmosphère particulière et centralisatrice dans cette architecture. La conception des lignes austères présentes et le caractère introspectif de sa façade attirent l’attention des utilisateurs sur ce vide éclairé qui, selon Semper dans sa vision de la cabane des Caraïbes, est le cœur de l’œuvre. Est-ce que l’espace centralisateur, le cœur selon Semper, est le point principal de cette architecture ? Conjointement avec les autres notions explorées au cours de ce travail comme les topos, les typos et la tectonique, cette architecture estelle une œuvre d’intérêt de préservation et présente-t-elle les caractéristiques de l’architecture moderne du Québec, Canada ? 16 28
Loyola College Press Realese, 22 octobre, 1964.
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3.2 – Hypothése L’espace centralisateur au sein de cette architecture introspective est le point le plus important, avec son éclairage naturel à partir des puits de lumière, l’utilisation des matériaux, sa relation avec l’environnement et sa relation entre structure et espaces. Toutes ces caractéristiques font de cette architecture une architecture moderne du Québec, Canada et potentialisent une future catégorisation de cette oeuvre comme un travail d’intérêt de préservation.
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CONCLUSION CONCLUSION
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Conclusion Le Statut d’Eindhoven a été créé en 1992 pour enregistrer les bâtiments modernes les plus importants du monde17. Notre travail suit les paramètres du « Registre International » et présente des informations historiques et une description de l’œuvre architecturale, ainsi que des informations sur son statut (canonique ou ordinaire au niveau local, national ou international) et d’autres critères techniques et esthétiques que nous avons utilisés pour faciliter la sélection du bâtiment en considérant sa valeur exceptionnelle. La bibliothèque Vanier peut être qualifiée d’œuvre ordinaire de valeur nationale puisqu’elle a été conçue par un bureau d’architecture reconnu d’une grande importance pour le pays. Les productions de ce bureau ont montré leur pertinence grâce aux cinq projets récompensés par la Médaille Massey et à d’autres projets qui ont obtenu de la première à la troisième place, ainsi que des mentions honorables. Après notre étude analytique de la bibliothèque Vanier, nous pouvons affirmer qu’elle possède plusieurs propriétés liées aux notions qui supportent une architecture tant de qualité poétique que technique. Nous avons observé les rapports entre forme/ fonction (typographies), entre forme/contexte (topos) et entre forme/technique (tectonique). Une des caractéristiques les plus remarquables du parti architecturale de la bibliothèque est la définition de sa forme. De façon nette, Lebensold a pris des éléments formels et des matériaux de l’ancien édifice, situé dans l’axe central du campus Loyola, comme référence pour son projet. Il a fait de celui-ci une sorte de base de données pour la création 17 Le statut d’Eindhoven est la pierre angulaire du Docomomo et définit les principaux objectifs de l’organisation. Conservation of Modern Architecture edited by Susan Macdonald, Kyle C. Normandin, Bob Kindred. P. 154. 32
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du bâtiment principal; cette solution se rapportant à la notion de topos. Comme dans les grandes oeuvres d’architecture moderne, il met en valeur la tectonique du bâtiment. Les choix de Lebensold sont très clairs; il exprime sa volonté en faisant des matériaux et de la structure les vrais acteurs du bâtiment. Le point le plus important, selon notre analyse, est l’espace de la salle de lecture. Cet élément se détache des autres solutions projectives; c’est pour cette raison qu’il est devenu le titre de ce travail. La relation entre la façade plus fermée et cet espace vide éclairé se pose comme une oasis dans la bibliothèque.
En haut, photo de l'espace vide comme coeur de l'oeuvre. La photo montre la statue de Davide, une réplique de l'original de Michellangelo à Florence. Source: Archives Université Concordia.
La bibliothèque Vanier est un acte poétique de l’architecture moderne québécoise, qui dialogue avec l’ancienne architecture du campus et qui enrichit la production architecturale canadienne du milieu du XXe siècle. CONCLUSION
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Bibliographie ABC (Architecture Batiment construite) XX, 232 (aout 1965). 30-34 Colquhoun Alan, « Forme et figure x, Recueil d’essais critiques. Architecture moderne et changement historique, Bruxelles, Mardaga, 1985. Frampton, Kenneth, “La tectonique revisitée”, Jean-Pierre Chupin et Cyrille Simonet (directeurs), Le projet tectonique, Gollion, Infolio, 2005. Legault, Réjean, “La trajectoire tectonique”, Jean-Pierre Chupin et Cyrille Simonet (directeurs), le projet tectonique, Gollion, Infolio, 2005. LeMoyne et Associés Architectes et Urbanistes. Archives Concordia University. Vanier Library Extension. 903 P-35. 15 mai 1985. Ceremony programme, Ready Reference File, 9 may 1989. Loyola News, 30 octobre 1964. Loyola College Press Realese, 22 octobre, 1964. Guy Desbarats, entrevue des diplômés à l’école d’architecture de l’université McGill. 11 novembre 1998. Conservation of Modern Architecture edited by Susan Macdonald, Kyle C. Normandin, Bob Kindred. P. 154. En ligne (http ://www.mcgill.ca/architecture/aluminterviews/desbarats) consulté 15 mars 2018.
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