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Les Miroirs du Prince Collection dirigée par Nicolas Domenach Nicolas Domenach, Sarkozy au fond des yeux, 2004 Daniel Bernard, Madame Royal, août 2005 Marc Fauchoux et Christophe Forcari, Le Pen, Le dernier combat, 2007
Cet ouvrage s’inscrit dans la collection Les Miroirs du Prince. Au XIVe siècle, en Italie et en France, les temps de crise ont nécessité des réflexions sur le pouvoir politique. Ce genre littéraire n’a rien perdu de son actualité.
© Éditions Jacob-Duvernet, Paris, 2008
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CORINNE LAURENT
Mister KOUCHNER
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Sommaire
Introduction
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1. Les espérances révolutionnaires 2. Le missionnaire 3. Le hors-la-loi 4. Le showman 5. Ratages et déceptions 6. La consécration 7. L’alibi
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Notes
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À mon fils Théo et à mon grand-père Ernesto Bon
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« Il n’y a plus d’après » chante Juliette Gréco… Y aura-t-il un « après-demain » pour Bernard Kouchner quand il ne sera plus le ministre des Affaires étrangères et européennes de Nicolas Sarkozy ? Ou seul compte « aujourd’hui » ? En mai 2007, lorsque le French doctor rallie le nouveau président de la République, il provoque l’incompréhension et court le risque d’une disqualification. Symbole éclatant de l’ouverture à gauche, l’ancien socialiste semble avoir honoré le pacte conclu avec le chef de l’Etat qui l’a confirmé dans ses fonctions, lors du remaniement ministériel de mars 2008. En entrant sous les ors du Quai d’Orsay, Bernard Kouchner réalise l’un de ses plus beaux rêves, pendant que Nicolas Sarkozy siphonne la popularité de sa prise de guerre. Malgré son entrée au sein d’une équipe de droite, vécue par ses anciens amis du Parti socialiste comme une trahison, les engagements humanitaires passés de 9
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l’ex-membre des gouvernements de François Mitterrand suscitent toujours le respect de l’opinion publique et lui permettent de conserver un matelas de popularité. Certes sa cote est en baisse comme celle de l’ensemble de l’exécutif, mais il demeure le ministre le plus apprécié des Français. Ceux-ci estiment l’homme de cœur, mais le connaissent-ils vraiment ? Derrière une image consensuelle, Bernard Kouchner soulève de nombreuses passions, à la hauteur de la colère que son transfert a réveillée au sein du PS. Estil un traître en quête perpétuelle de reconnaissance ? Ou un indomptable rebelle en recherche permanente d’accomplissement ? Le personnage ne laisse personne indifférent parmi ceux qui l’ont approché. Les uns l’aiment, les autres le détestent. On le protège, on le défend aveuglément, ou on le condamne en bloc. Encensé comme un chef d’avant-garde ou jugé comme un renégat, Bernard Kouchner apparaît attachant ou agaçant, authentiquement généreux ou trop orgueilleux, passionné toujours ou simplement cynique. Qu’ils soient ses laudateurs les plus zélés ou ses plus proches ennemis, ceux qui ont croisé sa route décrivent une personnalité très duale. Étrangement, cet homme ultra-médiatique, considéré comme un grand communicant, reste énigmatique et complexe. Son parcours réunit plusieurs vies en une, passant du rêve à l’action, de l’aventure collective à l’individualisme le plus exacerbé. Jeune étudiant communiste, engagé dans le combat antifasciste, mobilisé contre la guerre d’Algérie, Bernard Kouchner appartient à une génération qui sublime les modèles 10
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Introduction
révolutionnaires des années 60. La trousse plutôt que les armes. Il choisit d’être médecin, mais aussi journaliste et scénariste, et de temps en temps tout à la fois. Il a même envisagé un temps d’être chanteur. En 1968, sa révolte à lui c’est le Biafra. Le silence imposé par la Croix-Rouge, le désir de crier, Bernard Kouchner va, au fil des ans, chercher et trouver des réponses : les aventuriers de Médecins sans frontières, les hors-la-loi de Médecins du monde, l’ingérence érigée en devoir. Il traverse les décennies en parcourant la planète, en enjambant des frontières, souvent illégalement, en affrétant des bateaux et des avions pour venir en aide à des populations affamées et sinistrées. Il finira même par imposer le devoir d’ingérence comme un droit. Insatiable, Bernard Kouchner se sent l’étoffe d’un homme politique. Mais il est rétif à la vie des états-majors et malheureux à l’épreuve du suffrage universel, les étiquettes partisanes l’assomment. Il se glisse dans les appareils, d’abord chez les radicaux de gauche puis au PS. Et chaque fois, la greffe ne prend pas, les rancœurs s’ajoutent aux rendezvous manqués. Pourtant, il est secrétaire d’Etat et ministre, régulièrement depuis vingt ans. Il joue à l’ouverture à deux reprises, caution de la société civile sous François Mitterrand, alibi de la rupture dans l’équipe Sarkozy. Dans le même temps qu’il avance en politique, il ne cesse de songer à de grandes missions internationales et l’ONU le consacre « proconsul » du Kosovo. People avant l’heure, il évolue aussi tel un caméléon au sein de bandes de copains et de réseaux 11
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très éclectiques. Dans son carnet d’adresses, se côtoient des noms d’intellectuels de Saint-Germaindes-Prés, de patrons et d’avocats, de moudjahidin ou de chefs d’Etat africains. Agitateur d’idées et d’opinion, il a toujours su utiliser la télévision avec tapage pour faire avancer ses combats. Electron libre, il ne condamne pas l’intervention américaine en Irak au nom de la lutte contre la dictature de Saddam Hussein. Il dénonce le manque d’imagination de la gauche et prône une alliance avec les centristes. Il croit à un destin présidentiel. Homme aux multiples facettes, Bernard Kouchner est difficile à cerner. Est-il l’un de ces révoltés de Mai 68 incapables de lâcher une once de pouvoir à leurs enfants ? Un ambitieux ivre de sa propre image ou l’auteur d’un modèle de communication efficace parce que spectaculaire ? Un homme au-dessus du droit ou un précurseur qui a inspiré les nouvelles règles du monde ? Taillé pour la politique, Bernard Kouchner en a-t-il accepté tous les codes ? A la tête de son « ministère des urgences », il tente aujourd’hui d’inscrire sa marque sur la politique étrangère dans le périmètre qui lui est concédé par le président de la République. Cantonné à un emploi secondaire quand toute la gestion politique est aspirée par l’Elysée, il affronte certains dossiers avec embarras. Est-il en train de perdre son âme ? Des colères, des blessures et des ambitions déçues, sa trajectoire est atypique, ses combats ont fait son succès, mais cette fois, ne s’est-il pas égaré ?
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