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Interview
Festival CinEast : zoom sur la Tchèquie avec Andrea Culkova
Andrea Culkova est l'une des réalisatrices invitées sur CinEast, le festival de cinéma qui a tenu sa treizième édition au Luxembourg en octobre. D'origine tchèque, elle revient pour nous sur le cinéma, son film et l'activisme dans son pays.
Andrea Culkova, vous présentez votre long-métrage, «Grief», qui parle de femmes qui se rebellent face au changement climatique. En République tchèque, les femmes donnent aujourd’hui le ton en matière d’agenda climatique. Mais pourquoi, parmi les défis qui attendent ce pays, avoir choisi celui-ci?
Il n’y a pas de plus gros challenge que le défi climatique! Ce n’est pas qu’une crise écologique, c’est aussi une crise sociale et politique. C’est l’Humanité toute entière qui est en jeu. J’ai toujours été sensible à la nature, mais on est bien au-delà de ça désormais: le sujet s’impose tout seul une fois qu’on a compris qu’on va droit dans le mur si on ne fait rien. En République tchèque, les lobbies des climatssceptiques et de l’énergie fossile ont le pouvoir. À côté de ça, tout ce qui touche à l’activisme est hautement haï, à commencer par le féminisme! Mon film veut soutenir les défenseurs, pas tant les activistes mais simplement
ces femmes réellement motivées à se battre pour l'avenir de leurs enfants.
Quelle réalité recouvre alors celle d’une femme de cinéma en République tchèque?
Ce n'est pas facile, mais je crois comme partout ailleurs! J'ai harcelé le Fonds pour le cinéma et fait des recherches afin que nous puissions vraiment savoir où va l'argent et comment les femmes dans l'industrie cinématographique prospèrent… ou non! Nous devons disposer de faits concrets pour avoir une discussion de qualité sur la question. Malheureusement, cette idée n'a pas encore reçu un soutien massif. Pourquoi? La réponse est complexe, mais il est généralement plus facile de se terrer dans l’immobilisme. Un des patrons de la télévision publique (il n'y a qu'une seule femme dans toute la direction) a déclaré lors d'une discussion sur la nécessité d'avoir plus de femmes dans la prise de décision: «le nombre de postes est limité et nous ne voulons pas céder la nôtre.». Cette réponse a le mérite d’être claire! Mais cela arrive aussi à certaines femmes au pouvoir qui peuvent souffrir du "syndrome de la reine des abeilles" et ne pas être solidaires dans la lutte des femmes. Pourtant, nous voyons tous comment nous, en tant qu'êtres humains, détruisons la nature et comment les problèmes sociaux s’aggravent, le populisme politique se déchaîne. Assez parlé de patriarcat! Il est temps de raconter une histoire différente au monde qui nous entoure. Nous savons qu'en matière de climat, les femmes sont plus sensibles que les hommes. Nous savons également que plus de femmes sont touchées par tous les effets négatifs du changement climatique dans leur lutte quotidienne! Et nous savons aussi que lorsqu'il y a plus de femmes dans les gouvernements et au pouvoir, elles sont plus progressistes en matière de politique environnementale.
Comment en vient-on au cinéma lorsque l’on grandit à l’Est. Quels sont vos souvenirs cinéma d’enfance?
Pour l’anecdote, ma mère détestait le cinéma. Quand elle était jeune, mon père est venu ivre à une séance et l’a terriblement embarrassée devant tout le monde. Vous savez, c’est le genre de chose qui vous suit toute une vie dans une petite ville tchèque! Je ne suis allée qu’une seule et unique fois enfant au cinéma avec mon père, et c’était pour voir le dernier Winnetou. J’ai tellement hurlé et pleuré à la mort du héros que nous avons dû quitter la salle.
Quelles sont les spécificités du cinéma en République tchèque?
En ce moment, ils subissent de plein fouet la crise du Covid et ses restrictions. Nous avons la chance d’avoir encore beaucoup de cinémas d’art et d’essai, mais ils se battent pour survivre. Les multiplexes, eux, suivent les grandes tendances, les grosses productions. Je pense que nous avons tous besoin de variété et de voir autre chose que des films commerciaux. En République tchèque, nous avons la chance d’avoir un grand festival, «One world», dans plus de 35 villes à la fois: il rend les documentaires accessibles à tous, c’est tellement important!
Actualité Du 8 au 25 octobre 2020 Dans les cinémas et en ligne