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FRÉDÉRIC ADAM
LA VERVE DE L’EAU
La verve de l’eau ne doute de rien C’est dans ses bouillons qu’elle interroge Sur ses pianos qu’elle cuisine Les confessions d’une terre assoiffée
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Sa fougue aussi dans le grain brusque Dans le luxe des saucées Sous l’onde ample des emphases Qu’elle emplit de ses allants, de ses averses
Elle est à la glaise Ce que le fil est à l’ourlet Sans ses points nul pli ne tient Sans ses avances aucune écuelle ne se façonne
Quand elle ergote Elle fait feu de tout bois Et se déverse dans les sécheries Des lèvres closes, des non-dits indociles
Et si elle s’ombrage C’est que le manque la recrache Oubliant torrents et ruisseaux Où il s’abreuvait autrefois
Giboulées et bourrasques À verse dans ses orages Bruine et brume À même son désarroi
Elle est l’eau de son propre moulin Le vin de ses abondances L’endiguer c’est fuir son verbe La réduire, en exalter à la fois et le goût et l’aridité.
FRÉDÉRIC ADAM L’EAU DE L’ONDE
Je démêle l’eau de l’onde, le cours du fluide. Pourtant le collet qui les attelle, se coule sous d’autres lacs, d’autres figures. Il esquive mes prises, mes tirailleries en se glissant dans l’attentatoire, le renversé. Chaque butée est un vortex ou une loupe, chaque trouée un fil rompu ou une coque vide. Les fortunes de mer font que parier sur l’un ou sur l’autre, c’est jeter ses dés à la baille. Je connais les ruses du hasard. Il œuvre en sous-marin et guette le moment propice, alcyonien pour porter ses coups bas, piper ses carottes. Il en fait son bois flotté. Ses faire-part n’ont rien d’étanches, ils invitent en s’enfuyant, récitant un acier trempé à l’ancre des rafiots, balançant la veine comme un bout à quai. L’imprévu écrit aux haubans de la chance se lit aléatoirement. Ce que l’à-vau-l’eau bouchonne, les grèves le choient. Le bord a la peau douce des rêves oints. J’y fais mes vendanges, les mains pleines de ce raisin de mer qui est le fruit du bon sort et des aléas. Mon vin est fait de ces grappes. Il en a la pruine et la genèse saline. Je m’enivre, bercé par le flot des desseins inécrits, une soif juste deviné pour seule boussole. Elle est mon amure, le nœud coulant autour de ces eaux vives où je pèche par excès d’arabesques. C’est de cette vigie que je carde, débrouille les loteries des baquets du beau pétrin des eaux entremêlées.
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LA MER EN EAU
De l’eau à foison Dans la convoitise du vortex
La spirale est l’eau De mes minoteries foncières
Le cadastre de mes voies d’eau atteste De la témérité de mes barcasses
Les coquilles de noix dont je me sers pour écoper l’eau De mes poèmes n’ont d’encrier que sec de toute lisière Au bord de l’eau Je touche le lointain
L’ailleurs se perche dans le vague Comme un oiseau dans l’eau Le flot, au guichet des jetées Prend l’eau pour argent comptant Sur le champ, le temps punaisé Je jette l’eau à la baille La mer, en eau En bave
L’écume se mousse du col Son tirant d’eau au plus haut-fond Le bref, en coucou dans l’outrance Fait ses grands airs de ces eaux-là Avec la même quantité j’équilibre Le fil de l’eau à son pendant de bris et de mots Un verbe pour gueuze Je leste la griserie d’eau lourde Mes graves affinées à l’extrême et lancées dans le vertige Ricochent, l’eau à la bouche Le bec dans l’eau, je bois l’hallali Pour me maintenir à flot.