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LA PAROLE AUX CORPORATIONS

La Corporation des maîtres électriciens du Québec (CMEQ) et la Corporation des maîtres mécaniciens en tuyauterie du Québec (CMMTQ) figurent parmi les plus importants regroupements d’entrepreneurs spécialisés de la province. Les grands enjeux auxquels elles sont confrontées sont aussi ceux de l’industrie de la construction.

Créées il y a plus de 70 ans, la CMMTQ et la CMEQ ont été fondées par des lois qui définissent leur rôle et leur mission. Garantes de la sécurité et de la protection du public, elles délivrent les licences requises pour la réalisation de travaux dans leurs domaines respectifs, tout en s’assurant du professionnalisme et de la compétence de leurs membres. Ces deux corporations représentent plus de 6 500 entrepreneurs spécialisés en plomberie, chauffage ou électricité qui font face à de nombreux défis, souvent communs aux métiers de la construction.

La formation, un chantier continu Lancée en avril 2022, la formation continue obligatoire a été mise en place conjointement par la CMEQ, la CMMTQ et la Régie du bâtiment du Québec (RBQ). Elle concerne plus de 27 000 entrepreneurs généraux et spécialisés. « Chacun de ces entrepreneurs doit effectuer de 16 heures à 32 heures de formation, en fonction des spécialités pour lesquelles il agit comme répon dant en exécution de travaux », précise Denis Beauchamp, président de la CMMTQ. La période de référence pour s’y conformer étant de deux ans, les entrepreneurs ont jusqu’au 31 mars 2024 pour boucler leurs programmes de formation et actualiser leurs compétences. « Les codes et les produits changent, les méthodes d’installation aussi. Quelqu’un qui ne se met pas à jour est forcément amené à commettre des fautes », soutient M. Beauchamp.

Les différents acteurs se sont donc attelés à la création d’un système de formation structuré, permettant la mise à jour constante et obligatoire des compétences. Répondant à un besoin criant et exprimé de longue date, ce dispositif pourrait un jour être étendu à la main­d’œuvre de l’industrie. C’est en tout cas le souhait de la CMEQ : « La prochaine étape, c’est la formation continue de nos travailleurs, électriciens et électriciennes. Alors que nous visons à moderniser l’industrie et à augmenter la productivité, nous aurons besoin d’une main­d’œuvre qualifiée et formée aux nouvelles technologies pour y arriver », explique la directrice générale de la CMEQ, Julie Senécal.

Des défis technologiques et environnementaux

L’un des objectifs de la formation continue est de répondre aux grands enjeux liés aux nouvelles technologies et au développement durable. L’industrie de la construction s’apprête à prendre un important virage avec l’implantation du BIM (Building Information Modeling), un système basé sur la numérisation des plans et des maquettes de bâtiments pour une meilleure collaboration sur les chantiers.

« On sait que c’est le futur, mais peu d’entreprises ont actuellement les moyens d’amorcer ce virage, souligne le président de la CMMTQ. On manque par exemple de dessinateurs 3D. C’est un point sur lequel il y a beaucoup de travail à faire. »

L’aspect écologique est lui aussi porteur de changements profonds dans l’industrie. Avec l’émergence de sources d’énergie de rechange et la nécessité de soulager le réseau hydroélectrique, les métiers de l’électricité semblent concernés au premier chef. Nancy Olivier, présidente de la CMEQ, estime que les membres de sa corporation auront un rôle essentiel à jouer : « Nous sommes seulement au début de cette évolution, beaucoup de choses vont bouger dans les prochaines années.

Il y a de nouvelles technologies et spécifications à intégrer et c’est un travail qui va pouvoir être fait par les professionnels que sont les maîtres électriciens », dit­elle.

Pallier le manque de main-d’œuvre Devant ces défis majeurs, les entreprises spécialisées ne peuvent pas toujours compter sur des effectifs suffisamment fournis. « Quand on soumissionne des projets, il faut être prudent et s’assurer qu’on va avoir assez de main­d’œuvre pour exécuter les travaux. On n’avait pas cette préoccupation il y a quelques années », note Nancy Olivier. À la CMEQ comme ailleurs, le recours à du personnel féminin figure parmi les solutions envisagées. « Nous avons mis en place un comité pour identifier des mesures susceptibles d’attirer et de retenir les femmes dans l’industrie », indique la directrice générale Julie Senécal, qui fait mention de dispositifs permettant d’appuyer des cohortes d’étudiantes ou de faciliter leur embauche au sein des entreprises.

Déplorant quant à lui le manque de considération accordée aux diplômes d’études professionnelles, Denis Beauchamp souhaite que les parcours menant aux métiers de la construction soient davantage valorisés. Il se montre également favorable à l’alternance travail­études, qui permettrait selon lui d’accélérer l’intégration de nouvelles recrues : « Jusqu’à présent, les candidats intéressés étaient obligés d’avoir un parcours scolaire intégral. Nous n’avions pas la possibilité de les accueillir en entreprise pour qu’ils puissent valider leur choix de carrière et bonifier leur intérêt envers le métier, rappelle­t­il. C’était un frein, notamment pour les personnes en reconversion professionnelle. » Récemment mise en place dans certains centres de formation, l’alternance devrait progressivement être étendue.

Les retards de paiement et les difficultés financières Les retards de paiement sont un autre dossier incontournable pour les corporations et les associations d’entrepreneurs spécialisés. Avec un impact économique négatif estimé à plus d’un milliard de dollars annuellement au Québec, ces retards constituent une problématique majeure au sein de l’industrie. « Ça concerne particulièrement les entrepreneurs spécialisés, affirme Julie Senécal. Ce sont eux qui exécutent les travaux, paient la maind’œuvre et achètent les matériaux. Ils se retrouvent à financer les projets. » Il est donc fréquent que les chantiers démarrent et

16 articles du Code ont été expliqués

Pour tous les détails, consulter le bsdq.org/fr/centre-apprentissage se terminent sans que les sous­traitants aient été payés. « Il y a là comme une aberration », ajoute Nancy Olivier

Le travail de représentation effectué pendant près de 10 ans par la Coalition contre les retards de paiement dans l’industrie de la construction, qui regroupe une vingtaine d’associations d’entrepreneurs généraux et spécialisés, commence toutefois à porter ses fruits. Adopté au printemps 2022, le projet de loi n°12 instaurera un calendrier de paiement obligatoire et un mécanisme de règlement des différends dans le secteur public. « C’est un grand pas en avant, mais on ne parle là que de certains donneurs d’ouvrage publics. Il reste tous les autres comme les sociétés d’État, les municipalités ainsi que l’ensemble du secteur privé », énumère Denis Beauchamp. L’objectif est de voir un jour l’ensemble des contrats assujettis à de telles conditions, comme c’est le cas notamment en Ontario.

Une inspection renforcée pour des travaux de qualité

Les frais d’assurance, dont les montants atteignent des sommets dans certains corps de métier, représentent une charge supplémentaire. Les maîtres mécaniciens en tuyauterie semblent particulièrement touchés. Selon Denis Beauchamp, cette situation est un facteur de stress pour les entrepreneurs : ceux­ci doivent en effet composer avec des hausses toujours plus importantes, susceptibles de mettre en péril leur activité. La CMMTQ a donc décidé d’agir, avec la création d’un comité permanent sur cette question. « Nous formons nos membres pour qu’ils soient plus aptes à gérer efficacement leurs dossiers d’assurance. Nous allons aussi mettre en place un programme de contrôle qualité afin de nous rendre plus attrayants auprès des assureurs », explique le président de la corporation.

En matière de qualité, un projet d’envergure porté par la RBQ, en collaboration avec la CMMTQ et la CMEQ, est en cours. Il s’agit de la refonte du système d’inspection, amorcée en 2021. Une première étude commandée par la CMEQ en 2018 pointait une insuffisance des inspections électriques au Québec, comparativement à d’autres provinces au Canada. « L es inspections sont nécessaires pour s’assurer de la qualité des travaux de construction, déclare Julie Senécal. […] La CMEQ a longtemps revendiqué une réforme du système d’inspection et c’est avec satisfaction qu’elle a vu les autorités gouvernementales confier ce mandat à la RBQ. »

Quel que soit le corps de métier considéré, la profession d’entrepreneur spécialisé est donc amenée à connaître de profondes transformations. Attendues par les entreprises et leurs organismes représentatifs, ces évolutions pourraient bénéficier à l’ensemble du secteur de la construction.

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