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PARLONS DE CONSTRUCTION ÉCORESPONSABLE

Par Johanne Landry, journaliste

La construction écoresponsable se fonde sur le choix des matériaux, bien entendu, mais elle concerne aussi un changement des comportements, des habitudes et des attentes. L’architecte André Bourassa nous en parle.

« Il es t régulièrement question de construction écoresponsable dans les colloques et dans différents événements. Mais on parle davantage qu’on agit », déplore André Bourassa, architecte, consultant, formateur et ancien président de l’Ordre des architectes du Québec, qui s’implique activement afin de conscientiser ses collègues et l’industrie à l’urgence d’agir dans le bon sens.

À la base, les matériaux écoresponsables sont ceux qui réduisent les effets négatifs de l’immeuble sur l’environnement de même que son empreinte carbone ; qui augmentent la qualité et la résilience du bâtiment ; qui produisent le moins de rebuts possible à l’étape de la fabrication et qui seront réutilisables en fin de vie de l’immeuble. « Mon beau ­ père, propriétaire d’une

Le chaume, l’adobe, les blocs porteurs

Pour parler des matériaux porteurs de changements, André Bourassa cite l’exposition TerraFibra architectures, présentée à Paris, et qu’il aimerait bien inviter ici. Au total, 300 équipes de 62 pays y ont participé, ce qui confirme que de bonnes pratiques existent à travers le monde et dans différents contextes.

Les projets présentés ont utilisé la terre coulée, la bauge, l’adobe, le torchis ; les murs ont été isolés en bottes de paille ou en terre­chanvre, les charpentes sont en bambou et les couvertures en roseau. Contrairement aux idées reçues, les maisons en pisé, c’est­à­dire construites à base de terre crue banchée parfois mélangée à du foin ou à de la paille (bauge ou torchis) et soutenues par une charpente en bois, sont solides et résistantes, comme en témoignent de nombreuses constructions de ce type toujours debout après plusieurs années. « O ui, nous sommes rendus là, insiste l’architecte. Si nous ne changeons pas nos façons de faire, nous allons recevoir, de la part de la nature et de la planète, de gros coups de pied au bon endroit ! »

Des exemples de bonnes pratiques ? Des gratte­ciel érigés avec des échafauds en bambou à Hong Kong, une technique chinoise ancestrale adaptée aux particularités de cette région qui ne s’exporte pas nécessairement à grande échelle, mais qui démontre que des savoir­faire parfois étonnants existent. « À Saint­Jeansur­Richelieu, rapporte l’architecte, nous avons isolé les murs de pierre d’une ancienne église avec du béton de chanvre projeté. » Rappelons que le béton de chanvre est un matériau biosourcé qui capture plus de gaz à effet de serre qu’il n’en faut pour le produire, le transformer, le transporter, le mettre en place, le défaire et le recycler.

Pour exemple des avantages du toit de chaume, André Bourassa parle d’une maison qu’il a conçue à Saint­Sauveur à laquelle, par la suite, le propriétaire a ajouté un agrandissement recouvert d’un toit en bardeaux… qui n’a duré que huit ans, alors que le toit de chaume, maintenant âgé de 30 ans, est toujours en bon état.

André Bourassa mentionne également des formations offertes aux architectes pour les familiariser avec les techniques de construction en blocs porteurs : « Avec cette méthode, l’immeuble peut s’ériger rapidement avec des mesures antisismiques appropriées et une masse thermique qui le rendent plus résilient que les grandes boîtes de verre que je dénonce comme étant une pratique à changer parce qu’elles sont très énergivores, donc antiécologiques. Ce ne sont pas des bâtiments résilients parce que si la climatisation fait défaut, ils deviennent rapidement des fours. Même avec du verre énergétique, le mur sera quatre fois moins performant qu’un mur en brique. La géothermie n’est pas une solution non plus, car une bonne enveloppe du bâtiment nécessitera trois puits de géothermie au lieu de 23. »

La préfabrication constitue une autre bonne pratique, selon l’architecte, car l’assemblage est mieux contrôlé et génère moins de rebuts. Par ailleurs, l’utilisation des rebuts à d’autres usages présente une belle économie de ressources. Pour exemple, il parle d’un plafond fait de lamelles courbes fabriquées avec des rebuts de placage provenant d’usines de la région de Victoriaville. Car un matériau écoresponsable est aussi celui qui voyage peu.

« Nous sommes rendus à sortir du cadre pour innover, pour adopter des démarches particulières adaptées aux circonstances. Mais, c’est mon constat, le bâtiment est un secteur conservateur qui évolue très lentement à cause des risques et des responsabilités majeures et coûteuses qui y sont liées ainsi qu’à toutes les réglementations. »

– André Bourassa

Les risques, un frein à l’évolution

« Nous sommes rendus à sortir du cadre pour innover, pour adopter des démarches particulières adaptées aux circonstances, souligne le consultant. Mais, c’est mon constat, le bâtiment est un secteur conservateur qui évolue très lentement à cause des risques et des responsabilités majeures et coûteuses qui y sont liées ainsi qu’à toutes les réglementations. En cuisine, si nous tentons une recette puis que nous ne l’aimons pas, elle ira au compost et constituera une perte plutôt légère. Dans le domaine de la mode, si un fabricant produit un vêtement dont la coupe s’avère finalement décevante, sa perte sera limitée au nombre de pièces fabriquées. Dans le cas du bâtiment, l’expérimentation coûte extrêmement cher, ce qui limite le cadre et les initiatives. »

Par ailleurs, parmi les mauvaises tendances qui constituent des péchés graves, André Bourassa mentionne le recouvrement du toit avec le même fini que les murs, un toit en membrane, par exemple, qu’on revêt de planches afin d’en assortir l’apparence à celle des murs. « On va mettre un matériau sur le toit qui n’est pas conçu pour cet usage et qui va pourrir rapidement et inutilement », dit­il.

Au-delà des matériaux, des comportements à revoir La construction responsable va plus loin que l’usage des matériaux. Penser à l’avenir de la planète englobe une réflexion sur l’efficacité, la réduction du gaspillage et la modification de certaines attentes.

La crise du logement, par exemple, appelle au changement. « On veut loger davantage de gens dans des unités qui ne coûtent pas un million. Pour ça, il faut faire plus avec moins. Le réemploi de matériaux présente une avenue intéressante, comme les fenêtres usagées. Bien entendu, il y a des défis d’entreposage et de garantie qui excluent de le faire sur de grands chantiers, mais il y a des endroits où c’est possible », estime André Bourassa.

« Pour faire plus avec moins, il faut utiliser nos ressources à bon escient et penser en dehors de la boîte », croit l’architecte qui souligne les avantages de densifier en construisant intra ­ u rbain plutôt que d’étaler. Lui qui, en projet de fin d’études, a présenté une unité d’habitation accessoire (UHA) à cette époque où ses collègues planchaient davantage sur des tours ou sur des aéroports, se réjouit aujourd’hui que Victoriaville, où il habite, ait adopté

« Pour faire plus avec moins, il faut utiliser nos ressources à bon escient et penser en dehors de la boîte. »

– André Bourassa

un règlement qui permet les UHA. L’ajout d’étages, fait­il valoir, est un autre excellent moyen d’éviter l’étalement qui gruge les terres cultivables qui ne représentent que 5 % de la superficie de la province, selon les données gouvernementales.

Comme autre piste de solution à la crise du logement en favorisant le réemploi de ressources existantes, André Bourassa préconise la transformation d’immeubles de bureaux d’un certain âge et qui ont besoin de rénovation en édifices à logements, en cette ère où le télétravail réduit le besoin en locaux pour bureaux. Une avenue étudiée et testée à Calgary, Paris, Bruxelles, Berne et Genève, entre autres. « Ce n’est plus justifié de revenir aux bouchons de circulation d’avant la pandémie ni de continuer de construire des infrastructures de transport en commun comme au temps où tout le monde travaillait à plein temps au bureau. Des résidents en permanence au centre­ville pourraient insuffler de la vitalité aux commerces davantage que des travailleurs qui retournent en périphérie à la fin de la journée. La base d’une bonne analyse de projet, c’est de se réajuster quand les besoins changent. La flexibilité et l’adaptation aux situations qui fluctuent, c’est le vrai sens de l’écoresponsabilité », conclut l’architecte André Bourassa.

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