DOSSIER SECTEUR IMMOBILIER
LE MARCHÉ IMMOBILIER MONTRÉALAIS EN ÉBULLITION PAR JOHANNE LANDRY, JOURNALISTE
Dans une ville du savoir où il fait bon vivre, les investisseurs voient grand pour leurs projets, et le taux de location des bureaux demeure compétitif. Bienvenue à Montréal.
L
a performance récente de l’économie montréa laise est impressionnante, lance d’entrée de jeu Marie-France Benoit, directrice principale chez Groupe Altus. Croissances économique et démo graphique, rappelle-t-elle, sont sous-jacentes à la vigueur du marché immobilier. D’autant plus que l’activité économique de Montréal est diversifiée si on la compare, par exemple, à celles de Calgary ou de Toronto, plus tournées vers le pétrole et le secteur financier. « Le marché immobilier de Montréal n’est pas tributaire des hauts et des bas d’un seul secteur d’activité, ce qui lui assure une plus grande stabilité », explique-t-elle. « Chose certaine, il y a un lien direct entre le dévelop pement des infrastructures de transport et le développement économique d’une ville », ajoute Jean Laurin, président et chef de la direction chez Devencore, faisant valoir un essor bénéfique à cet égard pour Montréal avec un nouveau pont Champlain, de nouvelles voies vers l’ouest de la ville et vers l’aéroport, ainsi que le Réseau électrique métropolitain, dont la construction a été annoncée. Pour qu’il y ait succès, il faut qu’il y ait mobilité. Pour que des entreprises s’installent dans un quartier, il faut que leurs employés puissent se déplacer facilement, insiste-t-il.
MARIE-FRANCE BENOIT Directrice principale Groupe Altus
Par ailleurs, les investissements dans les secteurs du jeu vidéo et de l’intelligence artificielle jouent un rôle grandissant pour stimuler l’économie montréalaise. Le Mile-End et le Mile-Ex continuent d’attirer des entreprises de technologie, alors que
MONTRÉAL SUSCITE UN VIF INTÉRÊT Comparant Montréal aux autres grandes villes cana diennes, Marie-France Benoit souligne que le marché immobilier de la métropole suscite aujourd’hui un vif intérêt de la part des investisseurs. D’une part,
le quartier devient peu à peu un pôle pour l’intelli gence artificielle et les médias de création, poursuit Jean Laurin.
MONTRÉAL ÉCONOMIQUE : : ÉDITION 2019
47
DOSSIER SECTEUR IMMOBILIER
les rendements immobiliers y sont relativement plus élevés que dans d’autres grandes villes ; d’autre part, divers segments de marché offrent un potentiel de redéveloppement et de création de valeur. La qualité des projets de développement montréalais va en s’améliorant, une plus grande attention est portée à l’architecture et à l’environnement urbain souvent de façon à améliorer la vie du quartier, selon Jean Laurin. « Les entreprises cherchent des bâtiments qui ont des particula rités architecturales et qui permettent, c’est ma théorie, d’amarrer leur main-d’œuvre, en particulier dans le secteur des technologies, où de jeunes employés vivent dans un monde virtuel. Un immeuble avec une histoire et du vécu leur permet un ancrage avec la réalité et avec le passé. À l’autre extrême, on trouve des entreprises avec des bâtiments ultra-futuristes où l’ancrage se fait par des espaces verts, des parcs, des jardins où les employés reprennent contact avec la nature », exprime Laurent Benarrous, associé chez Avison Young, ajoutant que Montréal offre plusieurs possibilités dans la première catégorie, mais que peu d’entreprises ont atteint des masses critiques suffisantes pour occuper autant d’espace qu’Apple, par exemple, qui se situe dans la deuxième catégorie.
JEAN LAURIN Président et chef de la direction Devencore
LE CENTRE-VILLE S’UNIFIE Le centre-ville de Montréal est animé autant le jour que le soir, la moitié de l’offre de locaux pour bureaux s’y trouve, les universités également, et il y a concentration d’activités. Au cours des 30 dernières années, des secteurs morcelés du centre-ville ont été réunifiés par des projets structurants, mentionne Marie-France Benoit, donnant pour exemple la transformation de l’autoroute Bonaventure en boulevard urbain qui a permis le décloisonnement de Griffintown vers le Vieux-Montréal. Notons également l’aménagement du Quartier international, qui a complètement revalorisé le secteur sud du quartier des affaires, jetant les ponts avec le Vieux-Montréal en éliminant terrains vagues et stationnements de surface pour faire place à des parcs urbains et à des constructions tel l’Édifice Jacques-Parizeau. « Avec le Quartier des spectacles et le nouveau CHUM à l’est, et le Quartier de l’innovation qui s’étend jusqu’à Atwater à l’ouest, le centre-ville forme un tout, ce qui renforce son attrait », constate Marie-France Benoit.
DOMINIC BÉRUBÉ
LAURENT BENARROUS Associé Avison Young
48
MONTRÉAL ÉCONOMIQUE : : ÉDITION 2019
DE GRANDS PROJETS DE DÉVELOPPEMENT Cela intéressera peut-être nos lecteurs de l’étranger d’apprendre que plusieurs projets, certains de grande envergure, sont en cours ou ont été annoncés dernièrement, comme le développement du site de la gare Viger où 300 appartements locatifs viendront densifier un terrain de stationnement entourant l’ancienne gare ferroviaire devenue un immeuble de bureaux. Dans l’est, la tour du Stade olympique a été convertie en bureaux modernes
à même le mât, et il reste d’ailleurs des espaces à louer. Au centre-ville, le nouveau siège social de la Banque Nationale enthousiasme Jean Laurin : « Nous n’avons pas vu de projet d’une telle envergure à Montréal depuis 25 ans, un immeuble d’un million de pieds carrés, entouré d’un parc de 40 000 pi2 », dont l’ouverture est prévue pour 2022. Près du pont Jacques-Cartier naîtra le Quartier des lumières, annoncé par le Groupe Mach, dont la construction commencera en janvier 2020 et qui s’échelonnera par étapes successives sur huit ans, englobant 4,5 millions de pieds carrés, une quinzaine d’immeubles de bureaux, de commerces et d’appartements pour créer un village urbain où se dressera l’ancienne tour de Radio-Canada. Ajoutons que l’ancien siège social de la brasserie Molson, situé sur un site voisin, est actuellement à vendre. Alors qu’à Montréal-Est, la décontamination de 228 acres, un terrain anciennement propriété de Shell et acquis par le Groupe Laganière, pourrait éventuellement inciter plusieurs entreprises à s’y établir. Cette liste est bien entendu non exhaustive.
LE MARCHÉ DE LA LOCATION Nos lecteurs de l’extérieur de la grande région de Montréal l’ignorent peut-être, mais le coût d’occupation des locaux pour bureaux est 35 % moins cher à Montréal par rapport à la moyenne des cinq grands marchés canadiens, nous informe Laurent Benarrous. Et pour les entreprises étrangères qui songeraient à établir une tête de pont en Amérique du Nord, les loyers montréalais sont deux fois moins chers que la moyenne de ceux des 17 plus gros marchés du continent. « Si l’on parle taux d’occupation, il y est quatre fois moins cher à Montréal qu’au Mid-Town à New York et deux fois moins cher qu’à San Francisco », précise Laurent Benarrous. Aux prix compétitifs s’ajoutent des coûts de main-d’œuvre et de logement également inférieurs à ceux d’autres marchés, et une qualité de vie de renommée internationale.
LE MARCHÉ INDUSTRIEL ET CELUI DES APPARTEMENTS POUR AÎNÉS Le marché immobilier industriel a la cote en ce moment auprès des investisseurs, souligne Marie-France Benoit, rappelant que Montréal a historiquement été le berceau de l’industrialisation au Canada. « C’est un marché qui a énormément de profondeur, commente-t-elle, avec un inventaire de 345 millions de pieds carrés. On observe une forte augmentation de la demande en espace industriel depuis deux ans. » Le marché résidentiel multifamilial se porte aussi très bien, toujours selon Marie-France Benoit. Se basant sur les données de la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL), elle précise qu’en 2017, le marché multilocatif résidentiel comptait pour 43 % des mises en chantier. Or, les résidences pour personnes âgées représentent environ le tiers de celles-ci. Toujours selon les données de la SCHL, les appartements en copropriété représentaient 38 % des mises en chantier en 2017. Près de 45 % des nouveaux projets se trouvent au centre-ville, où les ventes atteignent des niveaux record, selon les statistiques du Groupe Altus sur le marché de la copropriété neuve. Cet engouement influence le marché locatif. Une clientèle grandissante, en effet, cherche la qualité et les services de la copropriété sans vouloir pour autant devenir propriétaire. « Les loyers marchands des appartements de style condo rendent économiquement possible la construction de tels projets, une tendance qui contribue à rehausser la qualité du parc immobilier au centre-ville de Montréal », souligne Mme Benoit.
1
GROUPE MACH
2
GROUPE MAURICE
1. LE QUARTIER DES LUMIÈRES DE GROUPE MACH 2. CALÉO, LE COMPLEXE RÉSIDENTIEL POUR RETRAITÉS DE GROUPE MAURICE
MONTRÉAL ÉCONOMIQUE : : ÉDITION 2019
49