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SAVOIR POUR MIEUX GÉRER

Yvon

Rudolphe, É.A., CMC, F.AdM.A.

Expert invité

Yvon Rudolphe est coordonnateur de projet à l’Observatoire et centre de valorisation des innovations en immobilier (OCVI2) et consultant senior. Évaluateur agréé, Fellow administrateur agréé et consultant en management certifié, il enseigne l’évaluation au Département de stratégie, responsabilité sociale et environnementale de l’École des sciences de la gestion de l’Université du Québec à Montréal (ESG UQAM).

LES NORMES DE GESTION

Qu’il s’agisse de normes de gestion développées par l’Organisation internationale de normalisation (ISO), l’ASTM International ou le Bureau de normalisation du Québec (BNQ), ces organismes de normalisation s’assurent qu’elles sont régulièrement mises à jour. Fait particulier, les normes tiennent compte de plus en plus de l’environnement, de la responsabilité sociale et environnementale et des relations avec les parties prenantes. En effet, on répertorie plus de 29 normes de gestion en lien avec l’immobilier, dont les plus dominantes sont la série ISO 55000 pour la gestion d’actifs et la série ISO 41000 pour le facility management (la gestion d’installations, traduction libre). En gestion d’actifs, la norme E2279-20 de l’ASTM International est aussi considérée.

DES MISES À JOUR IMPORTANTES

écemment, la norme ISO 55000 a

Rété actualisée en intégrant la norme ISO 19650, laquelle correspond à la gestion de l’information par la modélisation des informations du bâtiment (Building Information Modeling, BIM) ainsi qu’à l’organisation et à la numérisation des informations relatives aux bâtiments et aux ouvrages de génie civil; de son côté, la norme ISO 8000-61, qui touche la gestion de la qualité des données, est intégrée dans les deux précédentes. Ce faisant, on vient d’amalgamer les normes de gestion d’actifs et le BIM, dont les approches étaient dissociées ou mal intégrées en matière de pratique de gestion. Cette lacune a été atténuée à la suite de la réflexion d’un comité spécial dont le rapport a été déposé en juin dernier1 .

L’autre sortie récente, en septembre 2020, est la norme de gestion ISO-41014, Facility management – Élaboration d’une stratégie de facility management. Cette série de normes semble, a priori, destinée aux ingénieurs ou aux techniciens mêmes si elle porte l’appellation «gestion» ou «management», mais ce n’est pas du tout le cas. On peut penser que la gestion ou l’administration ne sont pas des sciences et que quiconque peut se déclarer gestionnaire ou administrateur, mais l’ignorance dans ces domaines peut mener à des aberrations; on le voit en environnement, par exemple.

ISTOCK PAR FRANCESCO SCATENA

DES NOTIONS PARFOIS MAL COMPRISES

Les deux séries de normes ISO 55000 et ISO 41000 intègrent des notions de valeur, de coût ou de prix, lesquelles doivent être bien assimilées en gestion et en administration. Effectivement, on croit à tort que le prix et le coût ont la même signification, comme bien souvent en comptabilité, et que le coût représente la valeur, ce qui est inexact. Malheureusement, ces concepts demeurent mal compris et les termes sont galvaudés. Chaque indicateur peut être utile si l’on interprète bien les concepts sous-jacents. Par exemple, la notion de valeur effective ou de coût effectif intègre la déduction de l’inflation, contrairement à celle de la valeur nominale ou du coût nominal. En économie, on illustre cet aspect par l’illusion monétaire. Un exemple: une personne croit que son salaire a augmenté de 2% alors qu’en réalité il s’agit d’une conséquence de la hausse générale des prix, c’est-à-dire de l’inflation, de 3%. Par conséquent, cette personne a perdu 1% de pouvoir d’achat; son salaire a en fait diminué.

Ces normes ISO font référence à la valeur, par exemple les inducteurs de valeur, et aux coûts, comme le facteur coût/bénéfice, sans oublier l’analyse de risque, laquelle participe de façon importante à la détermination de la valeur. Ces indicateurs sont tout aussi utiles en gestion ou en administration d’immeubles institutionnels qu’en gestion d’immeubles soumis aux règles du marché. On peut se laisser aveuglément tromper par les biais cognitifs ou les paradigmes. Prenons l’exemple de l’analyse coût-bénéfice, dont la technique contribue à la prise de décision pour l’adoption d’un projet ou d’un plan en quantifiant et en comparant ses coûts et ses bénéfices. On comprend qu’il faut également ajouter au coût du produit ou des services en référence la valeur contributive afin d’en améliorer la valeur aux yeux des parties prenantes. Mais la valeur, comment l’a-t-on calculée?

L’IMMOBILIER: LES COÛTS ET L’EMPREINTE ÉCOLOGIQUE À CONSIDÉRER

Les séries de normes ISO 55000 et ISO 41000 intègrent également des notions de performance environnementale, sociale et économique pointant vers une vision plus large que celle du simple calcul pouvant satisfaire un rapport administratif sans autre critère d’évaluation. En effet, on y trouve des références à l’analyse du cycle de vie (ACV) et à l’analyse des coûts du cycle de vie (ACCV). La distinction entre les deux est la suivante: l’ACV tient compte de l’empreinte écologique globale et l’ACCV représente l’évaluation des coûts pendant l’ensemble des phases du cycle de vie de l’immeuble. Certaines publications utilisent maintenant l’ACV économique afin d’intégrer les deux concepts. On oublie que la racine étymologique du mot «économie» vient de la langue grecque désignant la gestion de l’habitat, ce qui n’exclut pas l’être humain de l’environnement par ailleurs.

On utilise également, dans les séries de normes susmentionnées, la norme ISO 26000 comme un ensemble de lignes directrices relatives à la responsabilité sociétale et à la performance environnementale. De plus, la série ISO 14000

fait l’acquisition d’AIR INNOVATION

Une nouvelle filiale entièrement dédiée à l’assainissement des systèmes de ventilation et leader de son industrie depuis 2003 !

Avec cette importante acquisition, Roy. se positionne dans l’industrie comme un véritable guichet unique pour l’entretien ménager commercial assurant ainsi la propreté du tapis aux conduits.

Pour en savoir plus : servicesroy.com

est considérée pour les systèmes de management environnemental ainsi que pour l’ACV.

D’ailleurs, les normes 14040 et 14046 ont également connu un amendement mineur en septembre 2020. L’ISO 14040 porte sur les principes et le cadre applicables à la réalisation d’une ACV, et non pas sur la technique d’analyse proprement dite, tandis que l’ISO 14046, qui s’appuie sur la première, porte sur les exigences et les lignes directrices d’une analyse. La série ISO 14000 permet de réaliser le bilan environnemental multifactoriel d’un système immobilier sur l'ensemble de son cycle de vie; par exemple, sur la vie d’un actif, en fonction de la définition de l’ISO 55000, soit: construction ou acquisition, exploitation et maintenance, rénovation et remise en état et, finalement, cession ou démantèlement. À titre d’information, on peut également consulter la norme 21000 du BNQ en ce qui a trait au développement durable d’une organisation responsable.

Il ne faut pas oublier que lorsque l’on compare deux propositions, soit de projet ou d’installation, ou que l’on veut faire un arbitrage, il est nécessaire d’avoir un étalon ou un référentiel numéraire. Notre économie a pour référentiel fondamental la monnaie; il est donc préférable, pour la compréhension de l’ensemble des parties prenantes, d’utiliser plutôt un référentiel compréhensible pour les acteurs impliqués. Par exemple, Services publics et Approvisionnement Canada utilise un taux de 300$ la tonne de gaz à effet de serre à des fins d’arbitrage. Cette façon de faire permet de donner un signal plus clair, car limiter l’achat d’un système en fonction du nombre de tonnes de gaz à effet de serre émises n’est sans doute pas assez convaincant.

Mais comment évaluer le coût d’arbitrage? Pour en déterminer la valeur, il faut mener une réflexion plus approfondie et prospective et intégrer un ensemble de facteurs permettant de refléter le message ou ce que l’on désire indiquer afin d’en arriver à un résultat probant. Par exemple, on peut établir un montant tout à fait arbitraire; toutefois, si le montant est faible par comparaison à d’autres éléments de notre consommation, la valeur perçue sera aussi faible, et l’initiative paraîtra sans importance. L’inverse reste aussi vrai.

Telle est notre compréhension collective de l’économie. Il faut donc, si l’on veut envoyer un message sans ambiguïté, internaliser les coûts effectifs dans la valeur des externalités négatives et positives dans notre référentiel ou notre étalon. Cela prend tout son sens lorsque nous analysons de façon globale l’administration et la gestion en ce qui a trait à la complexité des variables d’externalités négatives ou positives issues de l’immobilier influant sur l’environnement et l’être humain de plusieurs façons.

D’ailleurs, la Loi sur le développement durable en fait mention explicitement (RLRQ, d-8.1.1, c. 2, section 1, art. 6, al. p) en stipulant que «la valeur des biens et des services doit refléter l’ensemble des coûts qu’ils occasionnent à la société durant tout leur cycle de vie, de leur conception jusqu’à leur consommation et leur disposition finale».

En conclusion, on comprend finalement que le coût effectif n’égale pas le prix de la transaction même si le coût est intégré dans la valeur. Par conséquent, le coût n’égale pas la valeur.

«Le cynisme, c’est de connaître le prix de tout, et la valeur de rien!» a d’ailleurs dit Oscar Wilde.

«Le cynisme, c’est de connaître le prix de tout, et la valeur de rien!»

– Oscar Wilde

Nous vous faisons une promesse, une seule : Vous dormirez en paix !

Annik Desmarteau

UNE CIBLE COMMUNE POUR UN AVENIR DURABLE

Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) de l’Organisation des Nations unies publiait le 9 août dernier son plus alarmant rapport sur les changements climatiques. On y démontre notamment que le climat change plus vite qu’on le craignait et que, sans surprise, les humains en sont en grande partie responsables. Les grands coupables? Les gaz à effet de serre (GES), dont le dioxyde de carbone et le méthane. Même son de cloche du côté de l’Agence internationale de l’énergie, qui déclarait récemment qu’une action immédiate est nécessaire pour réduire de manière draconienne les émissions de GES dans toutes les industries. Plus que jamais, l’heure est au courage politique et aux mesures concrètes, parfois impopulaires, pour renverser les tendances climatiques observées.

UNE INDUSTRIE DE PLUS EN PLUS MOBILISÉE

Depuis plusieurs années déjà, les grands leaders de l’immobilier commercial se mobilisent pour conscientiser leurs pairs et les sensibiliser à l’urgence d’agir afin d’accélérer la transition énergétique du secteur. Comme association fédératrice de l’industrie, BOMA Québec a fait de la performance énergétique des immeubles et du développement durable deux priorités centrales dans ses actions. Nous saluons la position des différents paliers gouvernementaux en cette matière et, comme eux, nous réitérons l’importance d’adopter une approche proactive de la transition énergétique et de la gestion de l’énergie.

Chez BOMA Québec, cela se traduit par plusieurs initiatives, dont la plus récente, le Défi énergie en immobilier (DÉI), qui connaît un succès grandissant auprès de nos membres. Le DÉI, qui entame sa quatrième et dernière année de compétition, annoncera au printemps prochain les grands gagnants de cette première édition, soit les immeubles ayant réduit d’au minimum 10% leur consommation d’énergie et leurs émissions de GES. La compétition va bon train et elle se poursuivra dès 2022 dans le cadre du DÉI 2.0. Les détails seront annoncés sous peu et, vous le devinez, les objectifs seront plus ambitieux encore.

Grâce au DÉI, qui fait appel au leadership et à l’audace des acteurs du milieu, les mentalités, les réflexes et les pratiques de l’industrie changent graduellement sur une base volontaire. Nous avançons dans une logique de mobilisation, d’éducation, de partage des connaissances et d’accompagnement proactif des immeubles dans leur processus d’amélioration de la performance énergétique et de réduction des GES.

En collaboration avec les partenaires clés du programme, dont la Ville de Montréal, le ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles, Énergir et Hydro-Québec, nous fournissons aux participants le soutien, les formations, les conseils et les outils nécessaires pour améliorer concrètement leurs pratiques et la performance de leurs opérations. C'est le climat qui est en jeu, bien entendu, mais également la valorisation durable de l’actif immobilier de la province, tout aussi importante pour les générations et l’économie de demain.

Depuis le départ, l’ensemble du programme repose sur la divulgation volontaire des données, puisque les immeubles sont évalués sur la base de l’analyse de celles-ci dans le contexte du concours. Les participants, plus réticents au début, comprennent

ISTOCK PAR BUZBUZZER

aujourd’hui le bien-fondé de cette démarche et partagent de plus en plus volontiers leurs informations avec nous.

Dans le cadre de leurs engagements respectifs de réduction des GES, la Ville de Montréal et le gouvernement du Québec mettront tous deux en place des règlements sur la divulgation et la cotation des émissions de GES des grands bâtiments. Ceux-ci rendront obligatoire la divulgation annuelle des formes et des quantités d’énergie utilisées par ces bâtiments.

Bien que nous ayons des réserves quant à la cotation des immeubles que nous considérons comme prématurée à cette étape-ci, nous appuyons ces démarches puisque nos programmes ont démontré que l’analyse des données ainsi obtenues fournit les informations nécessaires permettant aux propriétaires et aux gestionnaires d’immeubles d’investir stratégiquement en vue d’optimiser la performance de leurs bâtiments.

BOMA Québec et le secteur immobilier ont démontré leur engagement à participer aux efforts de société et nous poursuivrons en ce sens en appuyant tant les instances publiques que les propriétaires et les gestionnaires d’immeubles commerciaux dans la mise en place de toutes les mesures nécessaires à la protection du climat.

Nous continuerons de miser sur des programmes et sur des approches qui concourent à une gestion toujours plus innovante et performante des bâtiments en permettant une évolution viable et réaliste des pratiques et des standards de l’industrie, sans laxisme, car l’heure n’est plus aux paroles en l’air et au marketing vert.

PAR OÙ COMMENCER?

Les avenues ne manquent pas et participer au Défi énergie en immobilier est un point de départ très intéressant puisque cet engagement implique d’obtenir un soutien et des conseils précieux pour démarrer. C’est aussi une excellente manière de mobiliser et d’impliquer vos équipes sur la question. Tous les détails sont sur le site Internet defienergie.ca.

Vous êtes une entreprise de service? Vous détenez une expertise susceptible d’aider les propriétaires et les gestionnaires immobiliers à améliorer la performance écoénergétique de leurs immeubles? Alors, renseignez-vous sur le prix Mobilisation fournisseur.

Vous êtes une entreprise locataire? Vous pouvez aussi vous démarquer par l’entremise du prix Collaboration.

Vous êtes propriétaire ou gestionnaire immobilier? Inscrivez vos immeubles!

Nous sommes tous concernés par l’atteinte de ces objectifs environnementaux.

Nous devons tous faire partie du changement.

Le DÉI lancé en 2018 a été pensé pour impliquer toutes les parties prenantes du secteur de l’immobilier; son slogan, Une cible commune pour un avenir durable, demeure un appel au ralliement et à l’action totalement pertinent.

Annik Desmarteau

Présidente BOMA Québec

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