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TECHNOLOGIE
PROJET GSK Lumière naturelle omniprésente dans les aires de circulation et d’accueil
ÉCLAIRAGE À DEL :
FAUT-IL S’EN INQUIÉTER ?
STEPHANE GROLEAU
PAR EMMANUELLE GRIL, JOURNALISTE
On entend régulièrement parler des effets néfastes de la lumière bleue produite par les ampoules à DEL. Les propriétaires d’immeubles qui ont équipé leurs bâtiments de ce type d’éclairage doivent-ils s’inquiéter ? Le point sur la question.
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es éclairages à DEL (diodes électroluminescentes) occupent une place de plus en plus grande dans nos vies. Peu gourmands en énergie et offrant une longue durée de vie, ils génèrent aussi une qualité de lumière qui s’apparente à celle produite par les lampes à incandescence traditionnelles, mais sans les inconvénients de ces dernières. Qui plus est, ils ne contiennent pas de mercure comme les ampoules fluocompactes, ce qui est positif d’un point de vue environnemental. On les retrouve dans l’éclairage des bâtiments, mais aussi dans nos écrans (ordinateurs, téléphones intelligents, tablettes, etc.).
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Plusieurs recherches scientifiques tendent néanmoins à démontrer qu’ils n’auraient pas que des qualités. Ainsi, selon une récente étude de l’agence publique française res ponsable de la sécurité sanitaire, certains types d’éclairage à DEL perturberaient les cycles circadiens qui régulent notre rythme de sommeil et auraient également un effet toxique sur la rétine.
au sodium par des lampadaires à DEL produisant une lumière de 4 000 K en a inquiété plusieurs. Au bout du compte, la municipalité va opter pour des lampes de 3 000 K. « La nuit, il est effectivement préférable de bloquer dans les maisons la lumière produite par ce type d’éclairage de rue, pour éviter de nuire au sommeil », affirme Marc Hébert, professeur au Département d’ophtalmologie et d’oto-rhino-laryngologie de la Faculté de médecine de l’Université Laval et chercheur au Centre de recherche CERVO du CIUSSS de la Capitale-Nationale. Marc Hébert se spécialise dans l’étude de l’horloge biologique et de la photobiologie (effets biologiques de la lumière sur le cerveau).
La coupable ? La lumière bleue générée par les lampes à DEL. Celles-ci peuvent en effet produire des températures de couleur diffé rentes, lesquelles se mesurent en kelvins (K). Quand la proportion de bleu est grande dans leur spectre, le nombre de kelvins est élevé (au-dessus de 3 500 K), et la lumière est blanche et froide. Inversement, quand le nombre de kelvins est faible, la lumière est jaunâtre et chaude (3 000 K ou moins).
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SIMON LECOMPTE
MARC HÉBERT Professeur au Département d’ophtalmologie et d’oto-rhino-laryngologie de la Faculté de médecine de l’Université Laval et chercheur au Centre de recherche CERVO du CIUSSS de la Capitale-Nationale
ÉCRANS ET ÉCLAIRAGE DE RUE Comment faut-il interpréter les nombreuses mises en garde relatives à la lumière bleue émise par les lampes à DEL ? Certes, on sait maintenant hors de tout doute que l’usage des écrans en soirée, particulièrement chez les enfants et les adolescents, perturbe les rythmes biologiques et le sommeil.
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TECHNOLOGIE GROUPE ALFID
SALLE À MANGER À LA CITÉ DESJARDINS DE LA COOPÉRATION DE LÉVIS Fenestration généreuse et contact privilégié avec l’extérieur
PROJET CREAFORM Apport de lumière naturelle au centre du bâtiment à l’aide d’un puits de lumière STEPHANE GROLEAU
STEPHANE GROLEAU
PROJET UBISOFT Environnement de travail bien éclairé artificiellement (appareils direct / indirect) et abondamment fenestré JONATHAN ROBERT
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Même son de cloche du côté de Martin Aubé, professeur de physique au Cégep de Sherbrooke, qui s’intéresse particulièrement à la pollution lumineuse et aux effets de la couleur de la lumière sur la santé ; il s’est d’ailleurs impliqué dans le dossier de l’éclairage de rue. Avec une équipe internationale de chercheurs sous la direction de l’Institut pour la santé mondiale de Barcelone, il est l’auteur d’une étude qui établirait un lien statistique fort entre la lumière blanche – donc contenant une forte proportion de bleu – et l’incidence de certains cancers. « Le taux est de 1,5 fois plus élevé pour le cancer du sein et de deux fois plus pour le cancer de la prostate », dit-il. DANS LES BÂTIMENTS M. Hébert tient toutefois à apporter des nuances à propos de l’éclairage dans les bâtiments. « Cela ne signifie pas qu’il faut supprimer les lampes à DEL. On doit plutôt faire preuve de discernement et ne pas paniquer ! D’ailleurs, la lumière bleue est excellente pour stimuler et améliorer l’état de vigilance des individus », assure-t-il, soulignant qu’une luminosité adéquate permet de lutter contre la dépression saisonnière. François Cantin, chargé de projet chez Coarchitecture et bénévole au Conseil du bâtiment durable du Canada – Québec, estime également qu’il est préférable de faire preuve de prudence et de ne pas sauter trop vite aux conclusions. Il rappelle d’ailleurs que le soleil émet toutes les longueurs d’onde dans la partie visible du spectre électromagnétique, dont de la lumière bleue, et que cette dernière n’est pas dommageable tant qu’elle est bien dosée et diffusée à des moments opportuns. Il ajoute que la certification WELL, orientée vers la santé et le bienêtre des occupants, tient également compte de la qualité de l’éclairage artificiel et préconise une sélection de sources lumineuses qui contribue à l’éveil circadien, notamment par l’émission de lumière bleue. « Il n’est pas question d’éclairer uniquement en bleu, mais d‘avoir l’éclairage le plus riche possible, caractérisé par un spectre d’émission diversifié », précise-t-il. Il est par ailleurs favorable au développement d’une architecture perméable à la lumière naturelle, en particulier sur les lieux de travail, avec un vitrage neutre qui ne teinte pas celle-ci, ou le moins possible. ÉCLAIRER INTELLIGEMMENT En ce qui a trait aux travailleurs de nuit, Marc Hébert considère que la diffusion d’une lumière contenant une certaine dose de bleu est nécessaire pour accroître la vigilance et donc assurer leur sécurité. « On dispose d’études démontrant clairement qu’on travaille et qu’on livre une meilleure performance dans ces conditions d’éclairage. Toutefois, on pourrait réduire la lumière bleue en fin de quart de travail en diminuant le nombre de kelvins », explique-t-il. Cela favoriserait l’endormissement de l’employé une fois qu’il est rendu à son domicile. Porter des lunettes aux verres orangés sur le chemin du retour, filtrant la couleur bleue de la lumière naturelle, faciliterait aussi le sommeil de jour. Marc Hébert est également partisan de l’éclairage intelligent (smart lighting), autrement dit qui varierait en fonction de l’heure du jour. « En ce sens, la domotique peut constituer une solution pour les entreprises qui ont des quarts de travail la nuit », estime-t-il. Moduler l’éclairage selon la fonction de la pièce est aussi une bonne idée. « On pourrait diffuser davantage de lumière bleue dans une salle consacrée aux réunions et au brainstorming, et moins dans une salle de repos », recommande-t-il. « La lumière bleue n’est pas mauvaise en soi, mais tout dépend de l’heure. Pour le travail de jour, il n’y a pas de problème ; la nuit, c’est plus délicat compte tenu des effets nocifs sur la santé et le sommeil. J’aurais tendance à préconiser un système qui diffuse moins de lumière bleue en fin de journée et la nuit, et davantage durant le jour », précise Martin Aubé. C’est d’ailleurs ce qui a été fait au local étudiant
MARTIN AUBÉ Professeur de physique Cégep de Sherbrooke
FRANÇOIS CANTIN Chargé de projet Coarchitecture Bénévole au Conseil du bâtiment durable du Canada – Québec
du Cégep de Sherbrooke : à l’aide de deux interrupteurs manuels, les utilisateurs activent un éclairage de 4 000 K le jour et de 2 700 K en soirée. Aux dires de Martin Aubé, les usagers sont enchantés et ne voudraient plus s’en passer. Du côté de BOMA Québec, au moment où ces lignes ont été écrites, l’organisme n’était pas encore en mesure de prendre position sur ce sujet. MAINTENANCE IMMOBILIÈRE : : ÉTÉ 2019 29