Élimination progressive des HCFC - Maintenance immobilière - volume 9 numéro 4

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ÉLIMINATION PROGRESSIVE DES HCFC :

DES DÉFIS POUR LES GESTIONNAIRES PAR EMMANUELLE GRIL, JOURNALISTE

Avec la signature du Protocole de Montréal en 1987, 24 pays, dont le Canada, se sont engagés à éliminer progressivement la production et la consommation de substances appauvrissant la couche d’ozone. Parmi eux, les hydrochlorofluorocarbures (HCFC), utilisés notamment dans les appareils de refroidissement. Comment les gestionnaires immobiliers peuvent-ils relever le défi alors que l’échéance menant à leur élimination définitive se rapproche dangereusement ?

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armi les grands responsables du trou dans la couche d’ozone, les chlorofluorocarbures (CFC) ont été utilisés à toutes les sauces : aérosols, mousses expansibles, réfrigération, climatisation, etc. Ils ont été remplacés à partir de 1995 par les HCFC, moins polluants, mais encore néfastes pour l’environnement, et dont l’élimination progressive est elle aussi prévue par le Protocole de Montréal. Le processus est déjà enclenché depuis plusieurs années ; en 2020, les HCFC seront réduits de 99,5 %, alors que leur production et leur importation cesse­r ont. En 2030, ils devront avoir totalement disparu de la circulation. Or, les HCFC-22 sont encore

présents dans de très nombreuses unités de climatisation et de réfrigération commerciales et industrielles, même si depuis janvier 2010, aucun appareil utilisant cette substance ne peut être fabriqué ou importé au Canada. DES SOLUTIONS DE REMPLACEMENT Pour les gestionnaires immobiliers, ces changements ont un impact notable, car ils impliquent d’effectuer une transition vers de nouvelles solutions, en rem­ plaçant ou en convertissant leurs équipements. Ces unités de refroidissement ayant un long cycle de vie, de 10 à 15 ans en moyenne, et étant très onéreux, une rigoureuse planification s’impose. MAINTENANCE IMMOBILIÈRE : : HIVER 2019 29


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ÉLIMINATION PROGRESSIVE DES HCFC

Par ailleurs, même s’il est encore possible de conserver ce type d’équipements et de continuer à les utiliser, il faut se rappeler que dès 2020, il sera plus difficile et coûteux de s’approvisionner en HCFC-22 advenant le cas où un bris entraînerait une évaporation de cette substance. « Par conséquent, les gestionnaires doivent également tenir compte de risques opérationnels potentiels », mentionne Jean-Michel Champagne, responsable, Développement durable à la Direction des infrastructures de HEC Montréal. Membre du comité Gestion technique intégrée de BOMA Québec, M. Champagne a minutieusement étudié le dossier des halocarbures. Il enseigne également la responsabilité sociale des entreprises aux étudiants de maîtrise à HEC. L’idée derrière cette stratégie de raréfaction des HCFC est de créer un phénomène d’attrition qui mettra progressivement fin à l’utilisation de ces gaz sur le terrain. Le même principe avait déjà été appliqué avec succès dans le cadre de l’élimination des CFC, puisque les prix élevés avaient généré une autorégulation du marché en encourageant la transition. Quelles solutions s’offrent en remplacement du HCFC-22 ? « Il est possible d’effectuer une mise à niveau en lui substituant de l’hydrofluorocarbure ou HFC. Néanmoins, le HFC a un potentiel de

NAVID AZADI

JEAN-MICHEL CHAMPAGNE Responsable, Développement durable à la Direction des infrastructures de HEC Montréal

réchauffement climatique extrêmement élevé », indique M. Champagne. Ainsi, 1 kg de la plupart des HFC utilisés en réfrigération a un potentiel de réchauffement climatique de 1 300 à 2 000 fois celui du dioxyde de carbone (CO2), et même plus pour certains mélanges spécialisés. « Comparativement, la même quantité de HCFC22 génère 1 500 kg de CO2 équivalent. Par conséquent, on ne fait que déplacer le problème », remarque M. Champagne. Si les HFC ne sont pas la panacée, ils constituent cependant un intermédiaire vers les halocarbures de nouvelle génération tels que les hydrofluoroléfines (HFO), qui ne seront ni des destructeurs de la couche d’ozone ni la cause de réchauffement climatique. Cependant, ces derniers sont plus instables, toxiques et inflammables, ce qui génère son lot de risques pour la santé humaine ; cela forcera les gestionnaires à prendre de nouvelles mesures de sécurité. « Le gaz parfait n’existe pas, il y a toujours des contraintes », constate M. Champagne. Dans ces conditions, quelles sont les recom­ man­d ations de l’expert ? S’il ne conseille pas de « remplacer juste pour remplacer », puisque ces équipements sont extrêmement coûteux, il suggère toutefois de mettre en place un plan d’entretien préventif des appareils pour éviter les fuites de HCFC-22 qui, à terme, se conclura par un plan de remplacement.

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En ce qui concerne les HCHF-123, que l’on trouve dans les refroidisseurs à basse pression, ils


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profitent d’une période de grâce jusqu’en 2030. « Mais il faut d’ores et déjà penser à la conduite à adopter lorsque cette date butoir arrivera. Quoi qu’il en soit, les ges­ tionnaires devront nécessairement avoir une vision plus globale et prendre en compte la question de l’efficacité énergétique. Ce remplacement constitue donc une occasion de repenser et de revoir les systèmes en ce sens, avec une perspective élargie », fait valoir M. Champagne. UNE NOUVELLE LÉGISLATION Mais les choses se corsent encore davan­ tage… Adopté en 2004 par Québec, le Règlement sur les halocarbures visait à réduire les émissions de gaz à effet de serre. En juillet 2019, le gouvernement a déposé un projet de modification afin notamment d’interdire, dès 2021, la vente, la fabrication, l’installation et la distribution d’appareils de climatisation et de réfrigé­ ration commerciaux utilisant des HFC. Les experts se montrent très critiques vis-à-vis de cette nouvelle législation, même si elle n’est pas encore entrée en vigueur. « Les modifications proposées sont monumen­ tales, et les mesures semblaient plutôt improvisées », déplore M. Champagne qui ajoute que BOMA Québec a d’ailleurs fait connaître sa position à ce sujet lors de la période de consultation publique prévue par le ministère de l’Environnement et la Lutte contre les changements climatiques. Selon lui, ce règlement comporte aussi des mesures très difficiles à mettre en œuvre. « Ainsi, la règle d’or dans ce domaine est de ne pas manipuler les pièces et les contenants sous pression afin d’éviter les fuites de gaz. Or, avec les nouvelles règles, on demande désormais de vider l’équipement de son gaz dès qu’il n’est pas utilisé pendant un mois, ce qui est un non-sens en matière d’équipements sous pression », mentionne Jean-Michel Champagne. Certes, il estime que l’ancien règlement était devenu désuet et qu’une refonte est la bienvenue, mais pour autant qu’elle soit alignée sur la réglementation canadienne, qui est d’ailleurs plus sévère et s’applique déjà aux bâtiments sous charte fédérale (édifices de la Couronne, ministères fédéraux, etc.). « Il faut aussi qu’elle tienne

compte des bonnes pratiques de l’industrie. À cet égard, nous privilégions la voie de la consultation et de la discussion. Les gestionnaires immobiliers peuvent jouer un rôle de conseil dans la rédaction d’un nouveau cadre réglementaire, ce qui constituerait une belle occasion de faire une différence dans la lutte contre les change­ ments climatiques », assure M. Champagne.

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