DROITS ET OBLIGATIONS
PEUT-ON SE SORTIR D’UN POOL DE LOCATION ?
Me Sylvie Bouvette Experte invitée
L’arrêt de la Cour d’appel du Québec dont il est question ici1 s’intéresse à toute la question de ces arrangements fréquents en usage dans les centres de villégiature, par lesquels les propriétaires de condominium doivent utiliser les services d’un pool de location commun pour louer leurs unités.
Les faits sont les suivants : plusieurs coproprié taires de condominiums du projet Ermitage du Lac, situé à Mont-Tremblant, sont liés par un contrat en faveur de Station Mont-Tremblant, société en commandite (« SMT ») qui fournit des services de location à des fins hôtelières à l’égard de chacune des unités qui avaient été ainsi achetées. En l’espèce, le regroupement de copropriétaires est toutefois insatisfait des services de gestion hôtelière rendus par SMT, qu’il cherche donc à remplacer. La structure de détention s’organisait ainsi : chacun des copropriétaires fait l’achat d’un appartement qui est assujetti à une déclaration de copropriété et, concurremment à cet achat, par la signature d’un bail (qui ne compte que 6 pages) avec SMT d’une durée initiale de 20 ans auquel est annexé une « Convention régissant le syndicat de location » (qui compte 30 pages), dont l’exploitant est SMT.
Me Sylvie Bouvette est avocate associée chez Borden Ladner Gervais LLP / S.E.N.C.R.L., S.R.L. Elle représente des vendeurs, des acheteurs, des coentrepreneurs, des prêteurs et des emprunteurs dans le cadre de transactions et de financements immo biliers. Elle a été sélectionnée par ses pairs pour figurer dans l’édition 2016 de The Best Lawyers in Canada® dans la catégorie droit immobilier.
Il ressort clairement de la déclaration de copro priété que le projet doit demeurer un hôtel de villégiature et que chaque fraction doit demeurer une unité participant à un syndicat de location. Diverses servitudes ont été créées, notamment en faveur d’immeubles appartenant à SMT, selon lesquelles chaque condominium doit être utilisé strictement comme une unité d’hébergement d’hôtel de villégiature participant au syndicat de location. Il est par ailleurs interdit de vendre une unité sans d’abord l’offrir à SMT, qui bénéficie d’un droit de premier refus sur chacune d’elles. Le bail qui a été signé se trouve au cœur du litige. Chaque propriétaire de condominium l’a signé avec SMT comme locataire. Il prévoit un loyer à 1,00 $, majoré d’une certaine quote-part. La question en litige est la suivante : ce document constitue-t-il vraiment un bail ou s’agit-il plutôt d’un contrat de service ? La différence est
GETTY IMAGES PAR VM
1. Station Mont-Tremblant, société en commandite c. Banville-Joncas 2017 QCCA 939
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importante puisqu’un contrat de service peut être résilié de manière unilatérale, comme le prévoit le Code civil du Québec, ce qui n’est pas le cas pour un bail. La Cour supérieure2 conclut en première instance qu’il s’agit d’un contrat de service, car le bail est jugé l’accessoire de la convention régissant le syndicat de location. L’appelante plaide que ce jugement a des conséquences « apocalyptiques » pour le modèle d’affaires. La Cour d’appel infirme cette décision. Elle porte d’abord son analyse sur le but qui a présidé à la signature du contrat, soit l’exploitation d’un hôtel de villégiature, lequel est sans équivoque, puis sur la raison d’une telle signature. Cette raison, selon SMT, était d’assurer une stabilité de l’exploitation d’un hôtel de villégiature par une entente à long terme, alors que pour les copropriétaires, il s’agissait de confier leur unité à un gestionnaire, sans plus.
La Cour constate que tous étaient motivés par la même raison et le même but qu’on appelle la « cause », soit investir dans l’exploitation d’un hôtel de villégiature ; cette cause est reflétée à la fois dans le prospectus initial, dans l’offre d’achat, dans la déclaration de copropriété et dans les servitudes. La Cour conclut que l’opération juridique envisagée visait à inclure chaque condominium dans un syndicat de location. Si le but se limitait à confier l’unité à un gestionnaire, il y aurait plutôt eu lieu d’acheter une unité dans un immeuble quelconque. Ici, la situation est différente, et les intimés ont choisi d’investir dans un hôtel de villégiature avec un partenaire, en l’occurrence SMT. La Cour d’appel conclut donc qu’il s’agit d’un bail. En conséquence, les propriétaires n’ont pas le droit de résilier unilatéralement ce contrat de location.
2. Banville-Joncas c. Station Mont-Tremblant, société en commandite 2016 QCCS 416
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