TRANSPORT ET DÉVELOPPEMENT URBAIN
LES ARTÈRES COMMERCIALES : À LA RECHERCHE D’UN NOUVEAU SOUFFLE Paul Lewis Expert invité
Paul Lewis est doyen de la Faculté de l’aménagement de l’Université de Montréal et chercheur à l’Observatoire Ivanhoé Cambridge du développement urbain et immobilier, dont il a été directeur jusqu’en 2012. Ses recherches portent principalement sur les transports, notamment la mobilité des jeunes, de même que la planification et la gouvernance des services de transport.
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Les dernières années ont été difficiles pour les artères commerciales montréalaises. C’est notamment le cas de la rue Saint-Denis, laquelle a fait l’objet de travaux importants en 2016, qui ont entraîné des entraves majeures pendant plusieurs mois. De nombreux commerces ont ainsi fermé leurs portes ou sont partis chercher leur bonheur ailleurs. La rue Saint-Denis est aujourd’hui l’ombre de ce qu’elle fut jadis, une artère de destination qui exerçait un grand pouvoir d’attraction. Dans d’autres rues, les difficultés sont peut-être moins évidentes, mais demeurent bien réelles.
UN DÉCLIN À PRENDRE AU SÉRIEUX La rue Sainte-Catherine, la grande artère com merciale du centre-ville, va bien, si l’on en juge par les taux d’inoccupation. Les clients y sont nombreux, en semaine comme le week-end. Ailleurs, les taux d’inoccupation sont parfois très élevés et accélèrent la fuite de la clientèle. Ces forts taux peuvent sans doute s’expliquer de différentes façons ; mais de toute évidence, le coût de faire des affaires, compte tenu des ventes potentielles, est maintenant trop élevé pour de nombreux commerçants. De plus, l’offre commerciale est peut-être trop abondante et trop éparpillée dans les quartiers centraux. Une réflexion s’impose sur l’offre commerciale, surtout que les années à venir s’annoncent encore plus difficiles que les dernières pour les commerçants. Déjà, dans les années 1980, ce déclin était bien amorcé : la plupart des artères commerciales d’Amérique du Nord éprouvaient des problèmes importants, notamment celles des quartiers centraux des grandes villes. À l’époque, on accusait les centres commerciaux d’être responsables de ce fléchissement, ce qui n’est pas entièrement faux. D’ailleurs, les Montréalais demeurent nombreux à effectuer une partie de leurs achats hors de l’île : ils y trouvent ce qu’ils cherchent, ils profitent de la facilité d’accès et du stationnement, abondant et surtout gratuit… Le gouvernement et les villes ont beaucoup investi pour revitaliser les artères et les rendre plus attractives. Avec les résultats que l’on sait : le déclin s’est poursuivi. Plusieurs artères ont
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toujours besoin d’être revitalisées, malgré les efforts consentis au cours des ans, signe que le problème n’était pas là où l’on pensait. INTERNET : PAS LE SEUL COUPABLE Aujourd’hui, c’est Internet qu’on accuse de nuire aux artères commerciales : les concurrents sont partout et forcent tous les commerçants, même ceux des centres commerciaux, à se redéfinir, parfois dans la douleur. L’augmentation rapide des superficies commer ciales et l’utilisation croissante d’Internet par les consommateurs ont certainement un rôle à jouer dans le déclin des artères commerciales. Mais leurs difficultés s’expliquent sans aucun doute autrement. Et si l’on avait tenu les consommateurs pour acquis ? Les artères commerciales doivent s’adapter à un nouveau contexte. Ce n’est pas toujours simple, et les actions des commerçants ne s’avèrent pas toujours cohérentes. Le rôle des sociétés de développement commercial est, à cet égard, déterminant ; mais ces sociétés manquent encore de moyens pour vraiment faire une différence, surtout devant les grandes entreprises com merciales multinationales. LES COMMERCES DE PROXIMITÉ ONT LA COTE Les artères commerciales peuvent offrir une expérience unique que ne permettent pas Internet ou les centres commerciaux de banlieue. Elles offrent une ambiance qui n’est pas que commerciale, qu’on ne trouve nulle part ailleurs. Ainsi, ce n’est pas sans raison que certains centres commerciaux, comme le DIX30,
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WIKIMEDIA PAR JEAN GAGNON
RUE SAINT-DENIS, MONTRÉAL
ont tenté de recréer cette ambiance, cet environnement. Mais sur ce plan, les artères commerciales traditionnelles conservent une longueur d’avance. Toutes les rues commerciales montréalaises ne sont pas en mauvaise posture. Certaines artères secondaires, comme Saint-Viateur ou Fairmount, semblent aller mieux que jamais, peut-être parce qu’elles se trouvent au cœur d’un quartier qui connaît une véritable renaissance, mais également parce qu’elles sont en phase avec les gens qui l’habitent. Elles témoignent ainsi d’une approche renouvelée du commerce de proximité. Les artères commerciales peuvent difficilement s’imposer autrement que comme artères de proximité. Sauf pour Sainte-Catherine, et quelques artères commerciales situées au centre-ville ou dans le Vieux-Montréal, qui peuvent prétendre à un marché régional, parce qu’elles jouissent de conditions exceptionnelles d’accessibilité. Mais pour les autres, c’est une tout autre histoire. Pour réussir, elles doivent d’abord compter sur la clientèle de leurs quartiers respectifs : les résidents et, dans une moindre mesure, les travailleurs qui y sont présents tous les jours. Bien sûr, certaines d’entre elles (Saint-Laurent, Mont-Royal, Laurier Ouest…) attirent des clients de la grande région montréalaise, voire des touristes. Mais les ventes à ces clients ne comptent que pour une faible partie des ventes. Les artères commerciales jouent un rôle déterminant, au cœur des quartiers montréalais, et contribuent à définir la qualité de vie de la métropole. Elles sont en attente de gestes forts de l’administration municipale pour en assurer la pérennité. Le temps d’un nouveau plan de développement du commerce à Montréal serait-il venu ?
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