QUÉBEC
L’AUTOCOTISATION À LA TPS ET À LA TVQ D’UN IMMEUBLE D’HABITATION LOCATIF NEUF Alain Roy, É.A. Expert invité
Vous désiriez investir en immobilier depuis longtemps ; après mûres recherches, votre choix s’est arrêté sur un projet locatif neuf. Aux termes de celui-ci, on vous demande de produire une autocotisation, mais vous n’avez aucune idée de ce que c’est… Cet article vous apportera un éclairage à ce sujet.
Comme il s’agit d’un produit neuf, l’immeuble est assujetti à l’application de la Loi sur la taxe d’accise (LTA) et de la Loi sur la taxe de vente du Québec (LTVQ) à l’égard des règles d’autocotisation.
Jérôme Lampron Expert invité
Titulaire de cette chronique depuis plusieurs années, Alain Roy est diplômé de la Faculté des sciences de l’administration de l’Université Laval et membre de l’Ordre des évaluateurs agréés du Québec. Il a rejoint les rangs du Groupe Altus en 2000 et a été nommé directeur général du bureau de Québec en 2011. Œuvrant dans le milieu de l’évaluation depuis 2006 et agissant à titre d’évaluateur agréé chez Groupe Altus depuis 2009, Jérôme Lampron se spécialise dans l’évaluation de propriétés résidentielles, commerciales et industrielles. Il a agi à titre de témoin expert devant plusieurs tribunaux et a collaboré à de nombreux projets de développement actifs dans la grande région de Québec.
Dans les faits, deux situations peuvent déclen cher une autocotisation à la taxe sur les produits et services (TPS) et à la taxe de vente du Québec (TVQ), soit au moment de la construction ou de la rénovation majeure d’un immeuble d’habitation multiple et lorsqu’un constructeur transfère la possession d’une habitation neuve à une personne, que ce soit par un bail ou à la suite d’une vente. Dès lors, il convient de produire une déclaration et de transmettre à Revenu Québec les contri butions et les montants perçus à l’intérieur des délais prescrits, soit une autocotisation. Chaque contribuable a ainsi le droit et l’obligation de produire et de planifier son dossier afin de payer ce qui est légalement dû.
Dans le cadre de l’application de la LTA et de la LTVQ, le ministère des Finances du Canada a publié un document technique concernant la taxe sur les produits et services. L’intention du législateur relative aux règles de fourniture à soi-même est de soumettre le constructeur, qui bâtit lui-même ou qui fait construire un immeuble qu’il entend louer, au même régime qu’un contribuable qui achète un immeuble résidentiel neuf dans le but de le louer. À l’instar de l’ensemble des entreprises commerciales du Québec, les constructeurs d’habitation sont assujettis aux taxes fédérales et provinciales. Les taxes applicables doivent être calculées sur la base du prix de la transaction conclue entre l’acheteur et le vendeur. Il s’agit du principe fondamental de la démarche d’évaluation afin d’estimer la juste valeur marchande (JVM) d’une fourniture à soi-même.
Le document à produire vise à établir la base d’imposition sur laquelle seront calculés les montants de TPS et de TVQ en fonction de la fourniture construite, ainsi qu’à déterminer les remboursements pour immeubles d’habitation locatifs neufs prévus. On parle alors d’une fourniture à soi-même. DE QUELS IMMEUBLES S’AGIT-IL ? Les catégories d’immeubles d’habitation considérées à titre de fourniture à soi-même sont le logement unique, ou logement en copropriété, les logements multiples ainsi que les adjonctions (agrandissements) à des logements multiples. Des exceptions sont prévues en ce qui a trait aux logements pour utilisation personnelle, aux résidences étu diantes et aux organismes communautaires, mais cet article ne les examine pas.
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À QUELLE DATE L’AUTOCOTISATION DOIT-ELLE ÊTRE DÉTERMINÉE ? Étant donné que la fourniture taxable est l’immeu ble nouvellement érigé, le constructeur est réputé détenir les trois chapeaux, soit celui du fournisseur, celui du vendeur et celui de l’acheteur. Ainsi, il a été convenu que l’immeuble devient taxable le jour où il aurait normalement été vendu à l’acheteur et que les deux conditions suivantes sont réunies, à savoir le jour où les travaux sont achevés en grande partie et où la possession d’une première unité d’habitation est transférée à un locataire.
dans un immeuble non neuf en exploitation, lequel fait référence au marché secondaire.
Dans la pratique, il arrive que le premier locataire occupe les lieux avant que la construction ne soit terminée. Étant donné qu’il est difficile d’estimer le pourcentage d’achèvement exact des travaux à la date d’autocotisation, il revient aux comptables, fiscalistes, vérificateurs et avocats de faire les rajustements nécessaires dans le formulaire d’autocotisation si l’ouvrage n’est pas terminé. Le travail de l’évaluateur agréé est toutefois de déterminer la valeur de l’immeuble comme s’il était achevé.
Règle générale, un immeuble vendu dans le marché secondaire a déjà été assujetti à la TPS et à la TVQ, affiche un historique de revenus et de dépenses connus ainsi que les dépenses engagées pour louer les unités d’habitation dans l’immeuble afin que celui-ci atteigne une pleine occupation dans son marché.
LE TYPE DE MARCHÉ À CONSIDÉRER Considérant le contexte pour lequel l’auto cotisation est réalisée, l’objectif n’est pas de vendre l’ouvrage, mais plutôt de l’habiter ou de l’offrir en location. Il convient alors de simuler le prix de vente de l’immeuble en excluant l’utilisation projetée. En d’autres termes, il faut distinguer l’ouvrage nouvellement construit dans un marché primaire de la location d’unités résidentielles
Rappelons qu’un immeuble non neuf est exonéré des règles de fourniture à soi-même puisqu’il est soumis au régime fiscal traditionnel et assujetti aux règles de gains et de pertes en capital au moment d’une éventuelle revente. C’est donc dire que l’immeuble construit et conservé par un promoteur qui ferait l’objet d’une revente quelques années plus tard sera sujet à un gain ou à une perte en capital au moment de la disposition.
Intrinsèquement, la valeur du marché secondaire englobe ainsi le profit du promoteur, lequel est le bénéfice réalisé par l’entreprise qui loue des logements dans l’immeuble. Ce profit est donc inexistant au moment de l’autocotisation et ne doit pas être considéré dans la JVM de l’immeuble au sein du marché primaire. Par ailleurs, il faut convenir qu’à la date de l’autocotisation, la concrétisation de la rentabilité du projet demeure une expectative et que seules les forces du marché détermineront dans le futur la profitabilité du projet concerné. Ainsi, le marché primaire synthétise la valeur d’un bien en fonction de ses coûts de production directs et indirects, alors que le marché secondaire est quant à lui influencé par un ensemble de facteurs économiques externes aux composantes physiques qui sont tributaires de l’offre et de la demande.
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En outre, une importante décision relativement aux concepts applicables lorsqu’un constructeur d’un immeuble d’habitation à logements multiples doit s’autocotiser a été rendue par la Cour canadienne de l’impôt. Dans le dossier Claude Beaudet et Alain Saucier c. Sa Majesté la Reine, 2011-3600(GST)G, la Cour précise que l’immeuble doit être évalué dans le contexte d’un marché primaire et non pas dans celui d’un marché secondaire. De plus, comme les coûts réels étaient disponibles et honnêtes, ceux-ci se veulent les plus pertinents en vue d’établir la JVM de l’immeuble aux fins d’autocotisation puisqu’ils ne sont pas altérés par des paramètres économiques externes.
LA QUESTION DU COÛT DU PROJET Évidemment, la méthode implique régulière ment des ajustements qui peuvent être de nature physique, fonctionnelle ou écono mique. Chaque cas est unique et doit être traité distinctement. Des dépassements de coûts relatifs à une modification dans le choix de projet du promoteur, en passant par les surprises qui peuvent survenir en cours de construction jusqu’à la sélection des matériaux ou des installations requises en fonction du produit final envisagé peuvent avoir une incidence directe sur le coût de revient du projet. La question à se poser ici est la suivante : « Quel serait le coût du projet pour recons truire exactement le même bâtiment au même endroit et à pareille date en toute connaissance de cause ? » Certains intrants peuvent avoir exigé des dépassements de coûts imprévus, lesquels ne seraient pas considérés advenant une reconstruction de l’immeuble. C’est précisément ce coût de reconstruction qu’il faut estimer lorsque vient le temps de déterminer le coût de remplacement à neuf du bâtiment à la date d’autocotisation en vue de procéder à son évaluation par la méthode du coût. Dans le cas où la méthode du coût ne pourrait être utilisée pour estimer la JVM de l’immeuble dans un contexte d’autocotisation, il est toujours possible de se rabattre sur les deux autres méthodes reconnues en évaluation, soit la méthode du revenu et la méthode de comparaison. Toutefois, ces méthodes deviennent indirectes puisqu’elles découlent toutes deux du marché secondaire. Il convient d’évaluer l’immeuble dans un contexte où l’entreprise de location de logements à implanter doit être exclue de la JVM, de faire abstraction des dépenses de mises en marché pour permettre l’implantation de cette entreprise et atteindre une pleine occupation et un niveau de revenus et de dépenses stables dans l’immeuble, de retrancher le profit du promoteur ainsi que d’exclure la TPS et la TVQ de la valeur obtenue. Les paramètres d’évaluation usuels (multiplicateur de revenu brut [MRB], multiplicateur du revenu net [MRN], taux global d’actualisation [TGA], etc.) étant basés sur des reventes immobilières,
ils doivent être considérés avec parcimonie puisqu’ils découlent du marché secondaire. En conclusion, la méthode du coût basée sur les coûts directs et indirects rattachés au projet, dans un contexte où ceux-ci sont disponibles et honnêtes, tout en excluant le profit du promoteur de la base d’imposition recherchée, constitue la voie à préconiser dans le contexte des auto cotisations relativement aux immeubles d’habitations locatifs neufs.
UNE FIERTÉ AU CŒUR DE QUÉBEC Maintes fois primé, notre siège social situé en plein cœur de Québec s’est récemment illustré à l’échelle nationale en remportant le titre d’Immeuble corporatif de l’année attribué par Boma Canada.
Siège social de La Capitale 625, rue Jacques-Parizeau, Québec
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