TRANSPORT ET DÉVELOPPEMENT URBAIN
BANLIEUES, CENTRES-VILLES ET TRANSPORT COLLECTIF La banlieue continue de se développer. Surtout, elle se transforme, s’urbanise en quelque sorte. La banlieue n’est plus, depuis longtemps, que résidentielle, mais accueille maintenant une diversité de fonctions, que l’on retrouvait normalement au cœur des villes. Les différences entre la ville-centre et la banlieue sont maintenant moins nettes que par le passé ; toujours visibles, elles le sont moins dans la nature (de la banlieue et de la ville-centre) que dans l’intensité et dans les modèles d’occupation de l’espace. La banlieue est toujours moins compacte que la ville-centre, mais elle se densifie peu à peu, conséquence des changements démographiques, moins favorables aux maisons individuelles, et de la redistribution des activités économiques dans l’espace métropolitain.
Paul Lewis Expert invité
La mise en place de centres-villes de banlieue témoigne parfaitement de cette mutation en cours. Tant à Longueuil qu’à Laval, on s’est activé pour créer de véritables centres-villes, « où tout est à distance de marche pour travailler, habiter, étudier et se divertir ! », comme on peut le lire sur le site Web du projet Longueuil centre-ville 2035 (www.longueuil.quebec/fr/centre-ville-2035). Ces nouveaux centres-villes sont assez diffé rents des centres-villes traditionnels, ne serait-ce que parce qu’ils sont neufs, conçus en fonction de l’automobile. En même temps, on propose d’y installer une diversité de fonctions, avec une forte concentration d’emplois ; on y offre de la densité et de la compacité, pour assurer une mobilité active ; on manifeste un souci pour les espaces publics, essentiels pour faire d’un centre-ville un milieu de vie attrayant.
Tant à Longueuil qu’à Laval, le marché immobilier a largement anticipé les projets de centresvilles, qui sont déjà en construction depuis bon nombre d’années dans les deux cas. Les centresvilles de Longueuil et de Laval existent déjà, mais en partie seulement. La densité et la diversité ne sont pas encore tout à fait au rendez-vous pour en faire de vrais centres-villes. Surtout, c’est la cohérence d’ensemble qu’il faut assurer. Celle-ci ne peut venir que des administrations municipales, dont le rôle dans l’aménagement de vrais centres-villes est crucial. Un centre-ville dense et diversifié est incon tournable dans les villes de banlieue, pour leur permettre de jouer leur rôle. Laval rêve de se donner un centre-ville depuis de très nombreuses années, depuis sa création en fait, mais n’y
Paul Lewis est doyen de la Faculté de l’aménagement de l’Université de Montréal et chercheur à l’Observatoire Ivanhoé Cambridge du développement urbain et immobilier, dont il a été directeur jusqu’en 2012. Ses recherches portent principalement sur les transports, notamment la mobilité des jeunes, de même que la planification et la gouvernance des services de transport.
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VILLE DE LONGUEUIL
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LONGUEUIL CENTRE-VILLE 2035
IMMOBILIER COMMERCIAL : : DÉCEMBRE – JANVIER 2018
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VILLE DE LAVAL
MÉTRO MONTMORENCY, À LAVAL
était encore jamais parvenu. À Longueuil, le centre-ville en fait aussi rêver plusieurs, depuis fort longtemps, peut-être depuis l’ouverture d’une station de métro en 1967, voilà déjà 50 ans. À Laval, l’arrivée du métro il y a 10 ans a modifié le regard que l’on porte sur le centre-ville et sur son développement. Dans les deux cas, les centres-villes jouissent d’une très bonne accessibilité automobile, sur laquelle ils se sont d’ailleurs constitués. Toutefois, pour assurer l’émergence d’un vrai centre-ville, dense et diversifié, le transport en commun s’avère une nécessité absolue. Cette densité, associée à la compacité, n’est possible qu’avec une bonne accessibilité en transport collectif, caractérisée par un haut niveau de service, comme le permettent le métro (ou d’autres transports sur rail) ou l’autobus express (service rapide par bus [SRB]). C’est ainsi que peuvent se développer les centres-villes dans toutes les agglomérations, grandes ou moyennes. Laval, tout comme Longueuil, ne peut y échapper : le transport collectif s’impose pour assurer le développement du centre-ville, mais également de la ville tout entière. Or, on note maintenant, en banlieue, un véritable intérêt pour le transport collectif, comme jamais auparavant. C’est que la mobilité basée sur l’automobile individuelle
a atteint ses limites. Reste à voir si cet intérêt peut se traduire par une demande véritable pour le transport collectif. La banlieue connaît des problèmes de congestion qui ne peuvent plus être résolus par l’ajout de nouvelles infrastructures routières. Il faut trouver d’autres solutions; le transport collectif est probablement la plus efficace, car il permet d’améliorer la fluidité de la circulation automobile, sans ajout de capacité routière. En ce sens, le transport collectif est un élément essentiel d’une stratégie visant l’amélioration de l’accessibilité, pour tous les modes, et c’est l’objectif que nous devons viser. Nous avons donc besoin d’un programme ambitieux pour développer l’offre de transport collectif, si nous voulons réussir à changer le rapport au transport. L’émergence de centres-villes conséquents en banlieue ne sera pas sans générer un impact sur la desserte en transport collectif, et elle pourrait même nuire à celui-ci, si les réseaux ne sont pas conçus en fonction d’une nouvelle réalité métropolitaine, à centres multiples. Mais une chose est certaine : des centres-villes dignes de ce nom sont impossibles si les populations des territoires qu’ils desservent ne peuvent y accéder en transport collectif de manière efficace et efficiente. IMMOBILIER COMMERCIAL : : DÉCEMBRE – JANVIER 2018
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