En toute justice - Immobilier commercial volume 11 - numéro 1

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EN TOUTE JUSTICE

L’ENCADREMENT JURIDIQUE DU POUVOIR DES MUNICIPALITÉS DE STIMULER LE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE Me Isabelle Landry

Depuis l’adoption et l’entrée en vigueur1 du projet de loi no 1222, les municipalités sont considérées comme des gouvernements de proximité. Le préambule de ce projet de loi reconnaît effectivement que « les municipalités exercent des fonctions essentielles et offrent à leur population des services qui contribuent à maintenir un milieu de vie de qualité, sécuritaire et sain3 ». De cette reconnaissance découle l’ajout de nombreux nouveaux pouvoirs ou l’élargissement de certains autres déjà existants. Qu’en est-il en matière de développement économique ?

Experte invitée

Me Isabelle Landry œuvre en droit municipal et immobilier (zonage et urbanisme), en droit de l’environnement et en droit public chez BCF Avocats d'affaires à Québec. Elle a une expertise en litige et travaille également en prévention de ces litiges en conseillant les divers organismes publics clients du cabinet dans leur gestion quotidienne. Elle conseille fréquemment des entreprises privées relativement à leurs droits et obligations dans leurs relations avec les divers organismes publics.

L’INTERDICTION DE SUBVENTIONS MUNICIPALES D’entrée de jeu, rappelons l’existence de la Loi sur l’interdiction de subventions municipales4 qui prévoit une interdiction générale pour les municipalités de venir en aide à des établissements commerciaux ou industriels. L’objectif de cette interdiction a toujours été de limiter la concurrence que les municipalités pouvaient se livrer entre elles afin d’attirer une entreprise sur leur territoire plutôt que sur celui de la municipalité voisine. Par contre, la législation reconnaît que, dans certaines circonstances, il peut être légitime pour une municipalité de souhaiter venir en aide à une entreprise ou à une industrie 5 . Certaines dispositions législatives viennent encadrer, en conséquence, l’aide qu’une municipalité peut accorder pour stimuler le développement économique sur son territoire. Dans le présent article, nous mettrons en lumière certains de ces pouvoirs, étant entendu que tous6 ne peuvent pas être abordés et que toutes les nuances ne peuvent non plus être faites.

LES POUVOIRS PRÉVUS À LA LOI SUR LES COMPÉTENCES MUNICIPALES7 Mentionnons en premier lieu le pouvoir prévu à l’article 92.1 de la Loi sur les compétences municipales (ci-après « L.c.m. »). Le premier alinéa de cet article mentionne tout d’abord la possibilité pour les municipalités d’adopter un programme pour accorder une aide sous forme de crédit de taxes à certains types précis d’entreprises. Avant l’entrée en vigueur du projet de loi no 122, la liste de ces entreprises qui pouvaient être aidées par un crédit de taxes était exhaustive et prévue directement dans l’article 92.2 L.c.m. Celle-ci s’avérant toutefois désuète, ce dernier article a été modifié afin de prévoir un nouveau mécanisme : la liste de ces entreprises sera désormais adoptée par règlement du gouvernement, lequel n’a pas encore été proposé. Les municipalités sont donc toujours, au moment d’écrire ces lignes, en attente de la liste des entreprises qui pourront bénéficier de crédit de taxes sur leur territoire. Le deuxième alinéa de l’article 92.1 L.c.m. prévoit pour sa part la possibilité pour une municipalité d’accorder de l’aide financière d’un total annuel maximal (pour l’aide accordée à toutes

1. En partie en juin 2017 et en janvier 2018. 2. Loi visant principalement à reconnaître que les municipalités sont des gouvernements de proximité et à augmenter à ce titre leur autonomie et leurs pouvoirs, L.Q. 2017, c. 13. 3. Ibid 4. R.R.Q., c. I-15. 5. QUÉBEC, Assemblée nationale, Commission de l’aménagement du territoire, « Étude détaillée du projet de loi n° 122, Loi visant principalement à reconnaître que les municipalités sont des gouvernements de proximité et à augmenter à ce titre leur autonomie et leurs pouvoirs » dans Journal des débats de la Commission de l’aménagement du territoire, vol. 44, n° 138 (8 juin 2017). 6. Les villes à charte possèdent notamment des pouvoirs particuliers à cet égard ; il existe des pouvoirs spécifiques d’aide aux OBNL, aux coopératives de solidarité, etc. 7. R.R.Q., c. C-47.1.

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les entreprises qu’elle ciblera sur son territoire) de 300 000 $ pour Québec et Montréal et de 250 000 $ pour les autres municipalités du Québec. Ce plafond a été récemment augmenté par le projet de loi no 122, étant auparavant de 100 000 $. Il est impossible toutefois pour une municipalité d’utiliser ce pouvoir si les activités de l’entreprise sont transférées du territoire d’une autre municipalité vers celui de la municipalité qui apportera l’aide8 ni de soutenir une entreprise qui bénéficie d’une aide gouvernementale destinée à réduire les taxes foncières9. La durée de l’aide accordée ne pourra excéder 10 ans, et, dans certaines circonstances, le règlement mettant en place le programme d’aide devra être soumis à l’approbation des personnes habiles à voter avant d’entrer en vigueur. Le programme d’aide financière de la municipalité devra s’insérer dans le cadre de son programme de développement économique ou dans celui de la municipalité régionale de comté si la municipalité locale n’en possède pas10. Toujours dans le cadre de la L.c.m., l’article 93 permet aux municipalités de constituer un organisme de promotion industrielle, commerciale ou touristique. Finalement, l’article 90 L.c.m. prévoit certains pouvoirs plus spécifiques comme l’aide financière au déplacement ou à l’enfouissement de tout réseau de télécommunication ou de distribution d’énergie, de même qu’à l’installation d’équipements devant servir à cette distribution ou pour la relocalisation, sur son territoire, d’une entreprise commerciale ou industrielle qui y est déjà présente. Le montant de l’aide ne pouvant, dans ce dernier cas, excéder le coût réel de la relocalisation. CERTAINS AUTRES POUVOIRS SPÉCIFIQUES S’il ne fallait citer que la Charte de la Ville de Montréal11 à titre d’exemple, citons l’article 10.1 de l’annexe C qui mentionne qu’afin de soutenir le développement écono­mique, la Ville peut, par règlement, adopter tout programme d’aide à l’entreprise. Une aide, dans le cadre d’un tel programme (lequel doit s’inscrire dans le plan de développement économique de la Ville), peut prendre toute forme, incluant une subvention, un crédit de taxes, un cautionnement12 ou la cession ou la location d’un immeuble13. Il est également prévu que la Loi sur l’interdiction de subventions municipales ne s’applique pas à une aide accordée en vertu d’un programme

GETTY IMAGES PAR SKEEG

en question, dans la mesure où l’aide découle d’une planification conjointe entre la Ville et le ministre du Développement économique, de l’Innovation et de l’Exportation ; qu’elle ne contrevient pas aux accords de commerce auxquels le Québec s’est déclaré lié ; qu’elle ne vise pas le transfert d’activités exercées sur le territoire d’une autre municipalité locale du Québec ; qu’elle est versée à une personne qui, sur le territoire de la ville, exploite une entreprise et est le propriétaire ou l’occupant d’un immeuble. CONCLUSION En somme, il faut retenir que les municipalités et les villes possèdent effectivement certains pouvoirs pour stimuler le développement économique sur leur terri­ toire. Ces pouvoirs sont toutefois bien définis et encadrés par la législation. Par ailleurs, ils peuvent s’avérer plus larges en certaines circonstances, notamment dans les villes à charte. Nous réitérons qu’il était impossible, dans le cadre de cet article, de répertorier tous les pouvoirs municipaux d’aide au développement économique. Nous vous invitons donc à vous renseigner auprès de votre municipalité afin de connaître les programmes existants qui pourraient s’appliquer à votre projet.

8. Toujours dans l’objectif d’éviter que les municipalités ne se fassent concurrence l’une l’autre. 9. Les entreprises agricoles, par exemple. 10. Art. 92.5 L.c.m. 11. R.R.Q., c. C-11.4. 12. Voir l’article 9 du Code municipal (R.R.Q., c. C-27.1) et 28 (3) de la Loi sur les cités et villes (R.R.Q. c. C-19) à semblable effet. 13. Voir l’article 7 du Code municipal et 28 (1.1) de la Loi sur les cités et villes.

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