ANALYSE DE MARCHÉ
L’URBANISATION TRANSITOIRE :
UNE NOUVELLE OCCUPATION DU TERRITOIRE INDUSTRIEL DÉSAFFECTÉ Benoit Beauchemin Expert invité
Diplômé des HEC, Benoit Beauchemin cumule 20 années d’expérience en recherche et analyse concurrentielle et stratégique. Il est consultant en analyse de marché et en intelligence d'affaires.
Comme toutes les grandes villes, Montréal est à la recherche d’une stratégie de développement soutenable tout en offrant un milieu de vie de haute qualité. C’est dans ce but que la Ville dévoilait, en 2016, un plan de relance de son centre-ville afin d’en accroître la qualité de vie et la croissance. Nous abordions cette question dans une chronique précédente1. Un document de consultation diffusé en 2016 et intitulé Stratégie centre-ville, Soutenir l’élan 2 présentait les orientations et les objectifs de cette stratégie. En août 2017, le Plan d’action de la Stratégie centre-ville était déposé ; il fut généralement bien accueilli. Rappelons que ce plan s’articule autour d’actions structurantes portant sur le transport en commun, l’ouverture sur le fleuve, l’aménagement de milieux de vie de qualité ainsi que sur le développement économique. Ces actions prioritaires sont appuyées par des initiatives complémentaires concernant la convivialité et le verdissement des rues et des lieux publics, la reconversion d’ensembles institutionnels majeurs, la consolidation des réseaux culturel et communautaire du centreville, ainsi que la préservation de l’authenticité et de la qualité du cadre bâti de celui-ci. Ces grandes orientations doivent se déployer à court, moyen et long terme d’ici 2030. Certaines actions peuvent prendre forme rapidement ; c’est notamment le cas de la lutte contre l’inoccupation des bâtiments publics, s’inscrivant dans une approche appelée « urbanisme transitoire ou temporaire ».
« La Ville de Montréal et le gouvernement du Québec possèdent des milliers de pieds carrés d’espaces vacants. Même si ces locaux sont inutilisés, les contribuables paient des millions de dollars par année pour y assurer l’entretien et la sécurité sans jamais profiter de quelque retombée positive que ce soit. Il est temps de changer les choses et d’offrir ces locaux aux entreprises émergentes qui en ont besoin et qui en feront profiter Montréal. [...] Alors que plusieurs entrepreneurs sont à la recherche de locaux pour faire évoluer leur entreprise, nous allons leur proposer d’occuper des bâtiments publics vacants de façon temporaire. [...] Tout le monde en sortira gagnant. »
L’URBANISME TRANSITOIRE COMME OUTIL DE DÉVELOPPEMENT Le plan d’action de la Stratégie centre-ville reconnaît les usages transitoires de bâtiments vacants comme étant un objectif prioritaire de développement. C’est lors du Symposium Montréal transitoire, organisé en janvier 2017 par la Ville de Montréal en collaboration avec l’organisme sans but lucratif Entremise, que plusieurs intervenants ont été sensibilisés à la pertinence d’encourager l’occupation d’espaces publics vacants, tant pour lutter contre l’inoccupation des bâtiments que pour contribuer à la définition des vocations à venir. Selon Valérie Plante, mairesse de Montréal :
Parmi les stratégies envisagées pour lutter contre l’inoccupation et favoriser un usage temporaire et transitoire, mentionnons les suivantes. 1. Créer un répertoire électronique des immeubles patrimoniaux vacants ou vulnérables, mis à jour sur une base trimes trielle, grâce à une étroite collaboration entre le Bureau du patrimoine et le Bureau de la ville intelligente et numérique. 2. Créer une « division de l’occupation transi toire » pour prendre en charge les terrains et les bâtiments inoccupés et réduire le taux
1. « L’année 2017 nous dévoilera l’avenir du centre-ville de Montréal », Immobilier commercial, volume 10, numéro 3. 2. Ville de Montréal (2016). Stratégie centre-ville. Soutenir l’élan. Document de consultation 2016. http://ville.montreal.qc.ca/pls/portal/docs/PAGE/ARROND_VMA_FR/MEDIA/DOCUMENTS/STRATEGIE%20CENTRE-VILLE_WEB.PDF.
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de vacance des locaux disponibles. Cette division sera chargée de travailler avec des organismes en gestion immobilière afin de structurer l’offre et la demande au moyen d’un encadrement balisé et normé. 3. Permettre l’occupation temporaire ou partielle des immeubles patrimoniaux vacants pour en assurer une meilleure protection et un entretien accru. 4. Imposer des amendes beaucoup plus sévères aux propriétaires qui entretiennent mal les bâtiments d’intérêt patrimonial dont ils ont la charge ou qui les laissent se dégrader. 5. Créer une taxe sur l’inoccupation des immeubles et s’assurer qu’elle est plus élevée pour ceux qui sont d’intérêt patrimonial. 6. Encourager le recyclage et la rénovation des bâtiments patrimoniaux afin qu’ils puissent être rapidement offerts à la collectivité par la création d’espaces communautaires et de logements sociaux. 7. Exproprier, après un certain temps d’inoccupation, les propriétaires qui entretiennent mal les bâtiments dont ils ont la charge ou qui les laissent se dégrader. L’urbanisme transitoire est en fait un levier de dévelop pement économique et de revitalisation des quartiers. En effet, permettre à des organismes, souvent en phase de démarrage, de déployer leurs activités dans des espaces commerciaux ou industriels désaffectés stimule l’activité économique des quartiers en proposant des locaux aux coûts accessibles à des porteurs de projets qui en ont
besoin. Pour les propriétaires, c’est une manière de rentabiliser des sites inexploités, dont les frais d’entretien peuvent s’avérer importants. Récemment, la mairesse Plante annonçait un premier projet pilote – le projet Young – en permettant à une vingtaine de groupes communautaires, d’entrepreneurs et d’artistes d’occuper 5 000 pi2 de superficies vacantes, dans le quartier Griffintown, afin de réaliser leurs projets à un loyer abordable. Il s’agit d’une initiative de l’Entremise, en partenariat avec la Maison de l’innovation sociale, le programme Des Villes pour tous de la fondation McConnell et la Ville de Montréal3. UNE TENDANCE DÉCOULANT DE LA DÉSINDUSTRIALISATION Montréal n’est certes pas la seule ville à tenter de maximiser l’utilisation des espaces vacants. À New York, le maire Bill de Blasio soutient une initiative visant à décourager la spéculation immobilière favorisée par certains propriétaires qui excluent du marché nombre de bâtiments, en attente de la meilleure offre des promoteurs (#HousingNotWarehousing). En France, la Ville de Paris encourage l’urbanisation transitoire depuis plusieurs années. En fait, toutes les grandes villes qui ont été frappées par la désindustrialisation au cours des 50 dernières années sont désormais confrontées à la sous-utilisation ou à l’abandon d’un parc immobilier industriel relativement important. À Montréal, voyons quelles seront les conclusions du projet Young, qui doit se terminer en janvier 2020 et faire l’objet d’une évaluation.
3. Pour en savoir plus sur cette initiative : http://www.entremise.ca/blog/2018/3/5/lancement-officiel-du-projet-young-et-de-ville-davenir-une-stratgie-collaborative-en-faveur-de-linnovation-sociale-montral
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