DROITS ET OBLIGATIONS
UN BAILLEUR DOIT-IL ÊTRE TENU À SON ESTIMATION DE FRAIS D’EXPLOITATION ? Me Sylvie Bouvette Experte invitée
Un bail aux fins de l’exploitation d’une pharmacie est conclu en juillet 2010 pour une période de 10 ans, débutant le 15 septembre 2010. Dans ce bail, le locateur avait estimé le coût des taxes foncières à 5,00 $ le pied carré de la superficie des lieux loués et les frais liés aux aires communes à 1,35 $ le pied carré de la superficie des lieux loués pour le premier exercice financier de la durée. Le signataire du bail comme locateur initial vend l’immeuble, un an après son entrée en vigueur, à Crombie Property Holdings Limited (« Crombie »).
Le 28 mars 2013, comme cela était prévu au bail, Crombie, à titre de nouveau locateur, transmet une facture d’ajustement de 33 568,68 $ pour les taxes foncières et les frais liés aux aires communes, ce que le locataire refuse de payer étant donné qu’il considère cette facture comme étant trop élevée. Le locateur réplique par la transmission d’un avis de défaut du locataire.
Me Sylvie Bouvette est avocate associée chez Borden Ladner Gervais LLP / S.E.N.C.R.L., S.R.L. Elle représente des vendeurs, des acheteurs, des coentrepreneurs, des prêteurs et des emprunteurs dans le cadre de transactions et de financements immo biliers. Elle a été sélectionnée par ses pairs pour figurer dans l’édition 2016 de The Best Lawyers in Canada® dans la catégorie droit immobilier.
Le locataire se pourvoit en requête introductive d’instance en jugement déclaratoire pour faire déclarer que les taxes foncières sont fixées à 5,00 $ le pied carré de la superficie des lieux loués, et que les frais liés aux aires communes sont fixés à 1,35 $ le pied carré de la superficie des lieux loués, le tout prévu selon la formule déterminée par la Cour, majorée de 15 % et de l’indice des prix à la consommation, et ce, pour toute la durée du bail et de ses renouvellements.
D’emblée, il faut noter que le locataire, lorsqu’il a signé son bail, n’a fait aucune vérification pour tester la précision des estimations qui lui ont été fournies. Le bail ne prévoyait par ailleurs aucun plafonnement des frais. Le locataire plaide qu’il y a eu vice de consentement lors de la conclusion du bail dû aux fausses déclarations du locateur quant aux taxes foncières et aux frais liés aux aires communes. La Cour d’appel déclare qu’en l’espèce, le juge de première instance a bien fait de déterminer quelle était l’intention commune des parties au moment de la conclusion du bail et de conclure que celle-ci n’était pas de limiter le montant des taxes foncières à 5,00 $ le pied carré de la superficie des lieux loués et celui des frais liés aux aires communes à 1,35 $ le pied carré de la superficie des lieux loués. En effet, la clause
1. Shawi-Pharma Inc. c. Crombie Property Holdings Limited – Cour d’appel 2017 QCCA 1675 (en appel de la décision 2016 QCCS 2239).
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En première instance, une preuve a été faite selon laquelle la détermination du montant estimé provenait d’un évaluateur agréé qui travaillait depuis plus de 25 ans dans les projets immo biliers chez Sobeys, qui était le locateur
La Cour d’appel précise que le bail ne comporte aucun indice voulant que cette estimation constitue une obligation de résultat et donc le locateur n’était pas tenu de fournir un résultat précis et déterminé. La notion même d’estimation comporte une idée d’approximation, et, par conséquent, les frais ou les taxes seront sujets à fluctuation à la hausse comme à la baisse. La cause du locataire est donc rejetée.
initial. Le tribunal précise que le locataire aurait pu prendre des précautions en faisant inscrire des réserves ou des précisions à son bail afin de plafonner les taxes payables. Puisque le locataire n’a pris aucune précaution à cet égard, il a été condamné à payer la somme de 33 568,68 $.
du bail prévoyait qu’une estimation devait être faite de la quote-part du locataire avant le début de chaque exercice financier, sur la base de laquelle estimation le locataire paierait par versements égaux et mensuels sa quote-part des taxes et des frais. L’ajustement devait être fait à la fin de l’année sur la base des coûts réels payables. Il ressortait clairement des termes du bail que le locateur devait procéder à une estimation annuelle avant chaque exercice financier, ce qu’il a fait faire de manière sérieuse par des personnes qualifiées.