EN TOUTE JUSTICE
Me Patrice Picard
Me Alain Castonguay
L’UTILISATION DE LA COPROPRIÉTÉ DIVISE OU DE LA PROPRIÉTÉ SUPERFICIAIRE POUR VOTRE PROJET DE DÉVELOPPEMENT IMMOBILIER À USAGE MIXTE Exigence de densité oblige, les projets de développement à usage mixte prolifèrent au Québec et ailleurs, et tout laisse croire que cette tendance se poursuivra. Depuis plusieurs années, la majorité des promoteurs et autres intervenants de ce type de projet ont opté pour la conversion de l’ensemble du site visé en copropriété divise initiale permettant la mise en place de copropriété divise concomitante sur les fractions la compo sant, plutôt que pour l’utilisation de la propriété superficiaire, deuxième modalité principale du droit de propriété prévue au Code civil du Québec concernant la copropriété.
Experts invités
Patrice Picard pratique au sein de BCF Avocats d’affaires à Montréal depuis l’année 2000. Il est l’associé chargé du secteur droit immo bilier et coresponsable de l'équipe stratégique Droit immobilier avec Alain Castonguay, qui est également membre de l’équipe stratégique Protection du patrimoine ainsi que de l’équipe Fusions et acquisitions.
Les motifs de cette tendance sont nombreux et s’expliquent en grande partie par certains enjeux réglementaires municipaux propres à l’implantation envisagée du projet et par le fait qu’avant l’entrée en vigueur du Code civil du Québec, le 1er janvier 1994, la propriété superficiaire n’était reconnue qu’indirectement par le Code civil du Bas-Canada ; cette situation n’offrait pas un régime juridique aussi struc turé que celui prévu pour la copropriété divise depuis 1969 sous le régime du Code civil du Bas-Canada et, depuis 1994, sous celui du Code civil du Québec qui y consacre un chapitre de plus de 81 articles au titre de modalités du droit de la propriété. Cette tendance s’explique également par le fait que les pratiques utilisant la copropriété divise sont diversifiées et largement éprouvées, de telle sorte que les principaux intervenants à ces projets, leurs conseillers juridiques et créanciers hypothécaires, qui maîtrisent bien ces formules, ne sont pas rebutés par l’utilisation de cette méthode. La propriété superficiaire, bien qu’employée plus rarement pour ce type de projet, offre une plus grande liberté contractuelle et n’est
1. 2016 QCCA 1536
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pas assujettie aux règles d’ordre public propre à la copropriété divise, dont certaines peuvent avoir un impact non désiré pour le promoteur et les autres copropriétaires. Cependant, une structure juridique semblable à celle régissant une copropriété divise doit être mise en place de toutes pièces et doit être rédigée de façon détaillée. Cela étant, ce choix doit se faire en fonction des nombreuses particularités intrinsèques de chaque projet, et chacune de ces deux principales modalités du droit de propriété comporte son lot d’avantages et d’inconvénients. Il importe donc au promoteur, à ses partenaires et à ses conseillers d’être à même d’analyser les tenants et aboutissants du projet en question avant de faire ce choix. Voici quelques exemples d’enjeux à considérer à ce chapitre. La propriété superficiaire ne sera pas assujettie aux articles 1092 et 1093 du Code civil du Québec, réduisant les voix attachées aux fractions du promoteur à 25 % de l’ensemble des voix des copropriétaires après l’expiration de la troisième année de la date d’inscription de la déclaration de copropriété au Livre foncier. Cette règle visant la protection des acquéreurs de fraction d’une copropriété classique rési dentielle peut ne pas être désirée dans un contexte de mixité des usages résidentiel et commercial. À ce sujet, l’arrêt récent de la Cour d’appel dans l’affaire Gestion Cimes-Arc inc. c. Digitallab inc.1confirme que cette disposition s’applique aussi pour des fractions détenues par le promoteur à des fins commerciales.
Un autre enjeu concerne les critères d’ordre public prévus à l’article 1041 du Code civil du Québec aux fins d’établir la valeur relative des fractions d’une copropriété divise à la déclaration de copropriété et la possibilité pour un copropriétaire de demander au tribunal la révision, pour l’avenir, de la valeur relative des fractions et de la répartition des charges communes, dans les cinq ans du jour de l’inscription de la déclaration de copropriété au Livre foncier. À ce sujet, un autre arrêt récent de la Cour d’appel dans l’affaire Syndicat des copropriétaires Les Condominiums du palais c. Bernatchez 2, bien qu’infirmant le dispositif du jugement de première instance qui accueillait la demande de révision de la valeur relative des fractions des intimées-demanderesses, analyse de façon détaillée les critères devant être pris en compte pour établir cette valeur et la façon de définir cette méthode à la déclaration de copropriété.
Un avantage certain qu’offre la copropriété divise réside dans le fait que son syndicat bénéficie d’une hypothèque légale à l’encontre du copropriétaire qui est en défaut de payer ses charges depuis plus de 30 jours et qu’un copropriétaire en défaut de payer ses frais communs pendant plus de trois mois est privé de son droit de vote à l’assemblée des copropriétaires et d’agir à titre d’administrateur du syndicat. La copropriété divise permet également de prévoir des restrictions d’usages à la déclaration de copropriété conformes à la destination du projet que les copropriétaires doivent respecter. En conclusion, plusieurs facteurs doivent être rigou reusement analysés par les divers intervenants et conseillers impliqués dans la détermination du meilleur mode de détention, d’exploitation et de gestion du projet afin de mettre en place celui qui convient le mieux à ses objectifs.
2. 2016 QCCA 1664
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