QUÉBEC
PERSPECTIVES BRUNO TURCOTTE, B.A.A., É.A.
Vice-président, immobilier et ressources matérielles La Capitale, Groupe financier
MICHELLE LAURENDEAU
Gestionnaire en immobilier, Coordonnatrice de secteur / Région de Québec Boardwalk REIT
NORMAND HUDON
Architecte associé Coarchitecture
MIGUEL DUARTE E SOUSA, ing. PA LEED
Président-directeur général Ambioner
LE CONDO LOCATIF, OU LA MÉTAMORPHOSE DU MARCHÉ DE QUÉBEC PROPOS RECUEILLIS PAR CHRISTOPHE LEDUC
JBC MÉDIA PAR ROXANE PAQUET
S’il est un secteur qui se taille la part du lion dans le marché immobilier de la région de Québec, c’est bien celui du condo locatif. Les nombreux projets réalisés dans les dernières années et ceux à venir témoignent de cette tendance forte pour la capitale nationale. Nos chroniqueurs vous éclairent sur le phénomène de cette nouvelle donne dans le marché de Québec. UNE TENDANCE FORTE POUR PLUSIEURS ANNÉES Bruno Turcotte, vice-président immobilier et ressources matérielles de La Capitale, apporte d’abord une précision : « Quand on parle de condos locatifs, on fait référence aux immeubles locatifs neufs ayant les caractéristiques que l’on observe dans les condominiums telles qu’un immeuble doté d’une insonorisation supérieure et souvent construit avec une structure de béton et où l’on trouve des aménagements intérieurs selon les tendances actuelles de cuisine avec îlot ouvert sur le séjour, salle de bain avec douche en verre, stationnement intérieur, espaces partagés avec gymnase, terrasse en toiture et autres facilités communes. » M. Turcotte explique d’abord le succès du concept par l’évolution de la clientèle du marché locatif de Québec. 36
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Il cible notamment trois groupes principaux : « Les babyboomers, dont plus de 5 000 par année atteignent l’âge de 65 ans dans la région métropolitaine de recensement de Québec, envisagent l’option du condo locatif avec l’objectif d’avoir plus de liberté ; les 35 ans et moins, dont l’accès à la propriété est difficile financièrement ; et les personnes vivant seules, dont la proportion est en augmentation. » Au regard de cette analyse, Bruno Turcotte pense que la tendance des années passées perdurera, arguments à l’appui : « En 2017, 3 820 unités ont été construites, soit 65 % des unités mises en chantier. Malgré ce volume de construction, le taux d’inoccupation est demeuré sous la barre du 6 % à la fin de l’année. Les projets de condos locatifs à venir en 2018-2019 sont nombreux. Dans Sainte-Foy
seulement, plus de 1 400 unités réparties dans 10 projets seront livrées ; dans Lebourgneuf et Duberger, 6 projets totalisent 600 unités ; et sur la rive sud, plus de 750 unités dans 6 projets seront offertes. La démographie, la hausse des valeurs de l’immobilier résidentiel en plus du resserrement des normes de financement soutiendront cette tendance pour encore plusieurs années. »
détiennent des bâtisses plus âgées, comme nous, il est clair que c’est impossible de faire concurrence à de nouvelles constructions offrant de grands murs rideaux fenêtrés, un design architectural contemporain, la climatisation dans chaque unité, etc. De nos jours, nous ne pouvons plus louer nos logements sans y faire des rénovations, c’est chose du passé. La compétition est féroce. »
UNE CONCURRENCE QUI TIRE LE MARCHÉ VERS LE HAUT Michelle Laurendeau, gestionnaire en immobilier chez Boardwalk REIT, est d’avis que le condo locatif a en quelque sorte révolutionné l’approche des propriétaires : « Ces dernières années, nous avons vu apparaître plusieurs nouvelles constructions, autant de type condo que de type locatif, qui ont eu un impact majeur sur le marché locatif traditionnel. Ce nouveau boom nous a forcés à réévaluer nos façons de faire et nous a donné un élan pour nous démarquer et nous dépasser. »
Loin de déplorer la situation, Mme Laurendeau estime que c’est l’occasion pour les propriétaires de se remettre en question : « Le métier de propriétaire d’immeubles n’est plus de fournir uniquement des murs et un toit pour subvenir aux besoins essentiels de ses clients ; il faut aussi leur offrir une qualité de vie. Nous devons être innovateurs, créatifs, sortir des sentiers battus et surtout être plus à l’écoute de nos résidents. Osez ! C’est la seule solution dans un marché en effervescence. »
Pour la gestionnaire, le concept a secoué le marché locatif tout en poussant une concurrence orientée vers plus de services et d’innovations : « Pour des propriétaires qui
UN CONCEPT PLUS SÛR FINANCIÈREMENT Comme le souligne d’emblée Normand Hudon, architecte associé chez Coarchitecture, le terme et le concept sont nés dans la capitale nationale : « La paternité de l’appellation condo locatif revient selon moi à l’entreprise
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Les Immeubles Roussin qui l’a utilisée pour la première fois au Complexe La Garde, une propriété de 275 unités à Québec. En 2012, Nathalie, François et Michèle Roussin cherchaient à positionner La Garde dans le marché des logements plus haut de gamme et ont eu l’idée de cette appellation qui était inconnue à l’époque. » Pour l’architecte, le succès de ce concept immobilier s’explique d’abord par les nouveaux besoins des locataires, mais aussi par celui d’une sécurité financière accrue pour les promoteurs : « Leur principal défi est l’écoulement des unités, autrement dit, avoir la créativité pour satisfaire le bon besoin au bon prix. De façon plus pratique, on sait qu’un projet de condominiums nécessite un taux élevé de prévente pour obtenir un financement avantageux. Plus les délais d’écoulement des unités s’allongent, plus les projets de condos deviennent risqués, sous réserve de la nature des sites. Les projets locatifs n’ont pas cette contrainte. Pour un promoteur affichant une bonne feuille de route, le financement bancaire des logements locatifs est relativement accessible et compétitif sans aucune prélocation. Le principal risque est de réussir à se démarquer dans le marché pour maintenir un taux d’occupation élevé à long terme. » VERS PLUS DE QUALITÉ ET D’EFFICACITÉ ÉNERGÉTIQUE Selon Miguel Duarte e Sousa, ingénieur et PDG d’Ambioner, le condo locatif a le double avantage de motiver les constructeurs à offrir plus de qualité et plus d’efficacité énergétique : « Les condos locatifs sont en effet un bon 38
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compromis pour ceux qui ne veulent pas acheter tout en profitant du luxe d’un condo, souvent neuf ou très récent. En effet, ce type d’habitation propose souvent une qualité de construction et de vie supérieure à celle des logements locatifs standards et se distingue, en général, par une meilleure isolation, une fenestration abondante et un emplacement de choix à proximité des différents services et des commodités. » Il ajoute que « malgré la demande grandissante pour ce type d’habitations, les promoteurs doivent être très habiles quand vient le temps de mettre en marché et de promouvoir leur produit. Du point de vue de l’ingénieur que je suis, une des façons de se distinguer est de proposer des équipements électromécaniques permettant d’offrir des environnements sains et confor tables. Les normes telles que Novoclimat visent à s’assurer que les bâtiments sont plus durables et performants sur le plan énergétique. La conception des équipements et des systèmes électromécaniques dans un bâtiment locatif doit viser la simplicité et l’efficacité afin de réduire l’empreinte énergétique et les coûts d’exploitation à long terme tout en assurant un confort sans compromis ». Les technologies de chauffage, de climatisation et de ventilation ne cessent en effet d’évoluer, et les promoteurs ont aujourd’hui la possibilité de faire un choix d’équipements avisé afin d’offrir aux résidents une bonne qualité tout en s’assurant une rentabilité intéressante. « Les promoteurs désireux de se positionner comme étant la référence en matière de location doivent miser davantage sur le confort thermique du locataire, car l’ambiance et le confort cons tituent des critères de sélection incontournables pour un client potentiel », conclut Miguel Duarte e Sousa.