Savoir pour mieux investir - Immobilier commercial volume 11 - numéro 2

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SAVOIR POUR MIEUX INVESTIR

CENTRES DE DONNÉES :

ENCORE DE L’INCERTITUDE SUR LA TAXATION MUNICIPALE

Milad Jabbour, É.A.

Le Québec est un terreau fertile pour la multiplication des centres de données. Toutefois, une incertitude subsiste concernant les équipements qui doivent être inscrits ou non au rôle d’évaluation municipale, ce qui pourrait avoir de lourdes conséquences sur la taxation des bâtiments en cause. Depuis quelques années, les centres de données se multiplient dans la province. Ces bâtiments logent des serveurs hébergeant les données de l’opérateur de ce matériel informatique, ou encore celles de clients variés faisant affaire avec le fournisseur. Le développement de l’info­nuagique (cloud) a également favorisé l’émergence de ces structures de stockage.

Détenant plus de 23 ans d’expérience en évaluation immobilière combinée avec une formation en ingénierie, Milad Jabbour, directeur, Gestion des impôts fonciers au Groupe Altus, Montréal, a développé une solide expertise dans l’évaluation et la fiscalité municipale pour une vaste gamme de propriétés industrielles et institutionnelles où la méthode du coût est essentielle.

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Le Québec est propice à l’installation de ces centres très énergivores, car l’électricité y est une ressource relativement abordable. De plus, notre climat rigoureux est un atout, car les serveurs génèrent beaucoup de chaleur et nécessitent un système de climati­s ation performant. Outre ce système de refroidisse­ ment, ces bâtiments abritent aussi génératrices, inverseurs, transformateurs et onduleurs (UPS, Uninterruptible Power Supply), afin d’assurer une alimentation constante et continue en électricité. Une bataille juridique entoure toutefois les équipements qui doivent être inscrits ou non au rôle d’évaluation municipale. L’impact sur le niveau de taxation municipale est tel que la question est devenue un enjeu majeur dont le dénouement juridique demeure incertain. DEUX CONTESTATIONS DEVANT LES TRIBUNAUX Il y a une dizaine d’années, les centres de données étaient encore rares, et les évaluateurs municipaux estimaient qu’ils devaient être considérés comme de simples bâtiments et taxés en conséquence. Mais les choses ont changé depuis, et la tendance s’est inversée : désormais, les équipements de climatisation et d’alimentation en électricité des salles de serveurs sont inclus dans l’évaluation municipale de ces édifices, faisant exploser leur valeur et

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donc les taxes municipales auxquelles ils sont assujettis. En 2013, deux entreprises montréalaises du secteur des technologies de l’information ont toutefois contesté cette évaluation devant les tribunaux, réclamant que les équipements soient retirés du rôle. C’est le Tribunal administratif du Québec (TAQ) qui a entendu ces causes, auxquelles j’ai eu l’occasion de participer en tant qu’expert des parties requérantes. La première concernait IWEB, un centre de données louant une ancienne manufacture aménagée de façon à pouvoir y installer des salles de serveurs, dont l’évaluation au rôle foncier 2011 était passée de 1,8 à 6,6 M$ ! La seconde a été portée en cour par Locoshop Angus, dont l’un des locataires avait installé sa salle de serveurs dans un local de 7 500 pi 2, qui représentaient 10 % de la superficie totale de l’immeuble. Le TAQ a débouté IWEB, mentionnant dans son jugement que la spécificité des installations (…), l’interrelation des différentes composantes, leurs attaches entre elles démontrent au Tribunal que les équipements ont acquis une assiette fixe et qu’ils ont été intellectuellement immobilisés. Cette inamovibilité fait preuve d’une attache au sens de la Loi sur la fiscalité municipale. Le tribunal soulignait que les travaux d’aménagement effectués sur l’immeuble par l’entreprise lui conféraient une vocation spécifique. En revanche, la requête de Locoshop Angus a été accueillie, au motif que le bâtiment dans lequel les équipements sont installés est complet et fonctionnel en leur absence, qu’il ne s’agit pas d’un immeuble à vocation spécialisée et que ces équipements sont destinés à assurer l’utilité de l’entreprise et non de l’immeuble.


DES DÉCISIONS QUI NE FONT PAS L’UNANIMITÉ Les choses n’allaient pas s’arrêter là, puisque IWEB a décidé de contester la décision du TAQ alors que la Ville de Montréal a fait de même pour celle concernant Locoshop Angus. C’est la Cour du Québec qui a entendu les causes, infirmant la décision du TAQ dans le premier cas et la confir­ mant dans l’autre ; ainsi, les équipements ne peuvent être portés au rôle d’évaluation. Voici ce que mentionne la première décision : le TAQ insiste beaucoup sur le fait que les immeubles dans Locoshop sont occupés par plusieurs locataires, ce qui démontrerait qu’ils ne peuvent avoir une vocation spécifique. A contrario dans IWEB, le TAQ retient du fait que le bâtiment n’est occupé que par un seul locataire, que les équipements ont conféré une vocation spécifique à celui-ci. Ce raisonnement repose sur une considération inédite qui n’est aucunement retenue par la jurisprudence. La présence d’un seul locataire dans un immeuble ne peut être le facteur prédominant dans la détermination de la vocation du bâtiment. La Cour du Québec a ajouté que, ce faisant, le TAQ instituait un système à deux poids deux mesures et qu’il ne pouvait y avoir plus d’une issue possible quant au caractère meuble ou immeuble d’un même bien servant à un usage identique.

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Réagissant promptement, la Ville de Montréal a demandé une révision judiciaire devant la Cour supérieure. Il y a quelques semaines, celle-ci a confirmé les décisions de la Cour du Québec en vertu desquelles les équipements des centres de données ne pouvaient être inscrits au rôle d’évaluation. Mais le débat n’est pas encore clos, car la Ville de Montréal a demandé la permission de faire appel de ces décisions. Affaire à suivre…

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POUR UN RÉÉQUILIBRE DE LA TAXATION MUNICIPALE À MONTRÉAL Yves Godin, É.A. AACI

La taxation municipale non résidentielle peut constituer un facteur de croissance autant qu’un frein au développement économique. À cet égard, Montréal est particulièrement peu compétitive, ce qui suscite l’inquiétude de nombreux experts. Le constat préoccupant qui ressort de diffé­ rentes analyses est que la taxation non rési­ dentielle de Montréal est la plus élevée du Québec et même du Canada. Ainsi, selon les plus récentes données compilées par le Groupe Altus, les impôts fonciers non résidentiels versés par tranche de 1 000 $ d’évaluation s’élèvent à 37,23 $ à Montréal, comparativement à 25,20 $ à Toronto et même à 12,44 $ à Vancouver. Des chiffres qui invitent à une réflexion plus poussée.

Depuis les 29 dernières années, Yves Godin, vice-président directeur, Gestion des impôts fonciers au Groupe Altus, Montréal, fournit expertise et conseils en ce qui touche une grande variété de propriétés non résidentielles et d’autres biens immobiliers. Il est un des principaux évaluateurs concernant l’évaluation et la consultation d’une vaste gamme de propriétés industrielles et commerciales, pour des portefeuilles nationaux ainsi que pour des clients provinciaux et locaux.

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L’IMPÔT FONCIER ET LA COMPÉTITIVITÉ L’attractivité économique d’une ville repose sur différents facteurs, notamment les impôts fonciers. Or, dans ce domaine, Montréal fait piètre figure. Au quatrième trimestre de 2017, le montant des taxes non résidentielles pour les immeubles de bureaux de classe A au centreville grimpait à 11,70 $ / pi2, comparativement à 12,10 $ à Toronto et à 8,50 $ à Vancouver, bien que les loyers nets soient moins élevés à Montréal que dans les deux autres agglomérations. Ainsi, le ratio taxes foncières / loyers nets est de 54,1 % dans la métropole québécoise, alors qu’il atteint seulement 33,6 % dans la Ville Reine et 24,8 % à Vancouver. La situation n’est pas plus favorable dans le domaine commercial : dans la meilleure portion de la rue Sainte-Catherine Ouest, entre le boulevard Robert-Bourassa et la rue Stanley, les commerces ont dû absorber une augmentation de 27,2 % au cours des quatre dernières années, dont 13 % uniquement pour 2018. Mais ce n’est pas tout, car il existe aussi un net déséquilibre entre les niveaux de taxation. Au chapitre du ratio de taxations foncières (taux non résidentiel / taux résidentiel), Montréal se situe en troisième position avec 3,77, tout juste derrière Toronto à 3,81.

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Lorsque l’on compare Montréal à ses banlieues, là encore la métropole se distingue par un taux de taxes non résidentielles plus élevé, que ce soit à Laval, Longueuil, Brossard, Vaudreuil ou Terrebonne. Les valeurs étant en général plus faibles en banlieue, cela a pour effet de creuser davantage le fossé. UN BUDGET EN CROISSANCE Depuis 2008, les dépenses de la Ville de Montréal ont progressé beaucoup plus rapidement que l’inflation. L’administration du maire Coderre a travaillé à atténuer le niveau des augmentations, mais le premier budget de la mairesse Valérie Plante suscite des inquiétudes, car il affiche une hausse qui aura sans aucun doute des réper­ cussions sur le niveau de taxation municipale. En 2018, la nouvelle administration table en effet sur un budget de 5,472 M$, soit un taux de croissance de 5,2 %. L’année précédente, les dépenses de la Ville n’avaient augmenté que de 0,7 %. Or, les taxes municipales représentant près de 68,5 % du budget total de la Ville, ce n’est pas une bonne nouvelle pour les contribuables, en particulier ceux du secteur non résidentiel. Car bien que ces derniers ne représentent qu’une base imposable de 26 % et ne consomment que 25 % des services, ils contribuent tout de même à 56 % des recettes fiscales. DES PISTES DE SOLUTION Dans ces conditions, comment alléger leur fardeau fiscal ? Si l’on s’attarde aux recom­mandations de 2016 du Comité de travail sur la fiscalité non résidentielle et le développement économique présidé par Anne-Marie Hubert, associée direc­ trice pour le Québec chez EY, auquel j’ai participé, plusieurs pistes pourraient être étudiées. Tout d’abord, la Ville doit freiner la croissance de son budget de fonctionnement qui affiche bon an mal an depuis 2002 une augmentation annuelle de 2,67 % en moyenne, alors que l’inflation ne s’élève qu’à 1,64 % pour la même période.


Par ailleurs, une réduction de l’écart entre les taxations applicables aux immeubles résidentiels et non résidentiels est indispensable. Plusieurs métropoles ont déjà commencé à s’attaquer au problème, par exemple Vancouver où la part de la charge fiscale du non résidentiel est passée de 55 % en 2006 à 46 % en 2014. De son côté, Toronto s’est fixé pour objectif de réduire le ratio de taxation foncière de 3,81 à 2,5 d’ici 2023, alors que son taux de taxes non résidentielles augmentera trois fois moins vite que celui du secteur résidentiel. Enfin, l’écofiscalité est une option à considérer. Dans la Ville Reine par exemple, on a installé des compteurs d’eau, ce qui a permis de réduire la consom­mation de 20 %, malgré une nette augmen­tation de la population. Autre possibilité : une gestion des matières résiduelles plus serrée, notamment au moyen de la facturation volumé­ trique plutôt que foncière.

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Ces deux mesures aideraient à réduire les coûts d’exploitation pour la municipalité, ce qui, en plus de générer des retombées sur le plan environ­ nemental, pourrait rendre du même coup Montréal plus attractive et compétitive.

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