Immobilier commercial volume 11 - numéro 3 - En toute justice

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EN TOUTE JUSTICE

CE QU’IL FAUT RETENIR DES DÉCISIONS RÉCENTES DE LA COUR SUPRÊME DU CANADA EN DROIT ADMINISTRATIF Me Simon Pelletier Expert invité

Les villes et les municipalités peuvent être soumises au contrôle judiciaire lorsqu’elles prennent des décisions, au moyen de règlements ou de résolutions, qui relèvent de leur pouvoir discrétionnaire. Le contrôle judiciaire des décisions de l’administration publique par les tribunaux judiciaires est un mécanisme nécessaire permettant d’assurer le respect du principe de la primauté du droit1. Par ce processus de révision, les tribunaux judiciaires vérifient que les décideurs administratifs exercent unique­ment les pouvoirs qui leur sont conférés par le législateur et peuvent, entre autres, invalider la décision de l’administration publique ou l’obliger à agir ou à ne pas agir2.

Dans le présent article, nous étudierons le processus de révision judiciaire applicable aux décisions prises par les villes et les municipalités à la lumière des jugements récents de la Cour suprême du Canada.

Simon Pelletier pratique en litige au sein de BCF Avocats d’affaires à Montréal et est responsable de l’équipe stratégique administratif, environnement et municipal. Il se spécialise dans les litiges techniques qui nécessitent l’intervention d’experts. Il concentre principalement sa pratique dans les domaines du droit de la construction et de la responsabilité civile. Il possède également une expertise en droit municipal, de l’environnement et administratif. M. Pelletier agit également à titre d’avocat-conseil pour d’autres bureaux d’avocats dans des litiges de longue durée.

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LA SIMPLIFICATION DES NORMES DE CONTRÔLE PAR L’ARRÊT DUNSMUIR 3 À la suite de l’arrêt Southam Inc.4, rendu en 1997, les juges des tribunaux judiciaires devaient choisir, lors de l’exercice du processus de révi­ sion judiciaire, la norme à appliquer parmi un ensemble de trois normes. En effet, cet arrêt était venu ajouter la norme de la décision raisonnable simpliciter aux normes de la décision correcte et de la décision manifestement déraison­ nable déjà en place. Ce modèle à trois normes a inévitablement causé beaucoup d’incertitude au sein des administrations et de difficulté aux tribunaux au moment de son application. De ce fait, en 2008, les juges de la Cour suprême du Canada, dans l’arrêt Dunsmuir, ont introduit un changement important au chapitre de la qualification des normes de contrôle afin de rendre le processus de contrôle judiciaire plus facile à appliquer. Le plus haut tribunal du pays a ainsi réduit le nombre de normes de contrôle à appliquer en fusionnant la norme de la décision raisonnable simpliciter et la norme de la décision

1. Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, paragr. 27 à 30. 2. Canada (Procureur général) c. TeleZone Inc., 2010 CSC 62, paragr. 26. 3. Supra note 1. 4. Canada (Directeurs des enquêtes et recherches) c. Southam Inc., [1997] 1 RCS 748. 5. Supra note 1, paragr. 47.

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manifestement déraisonnable pour en faire la norme de la décision raisonnable. Ainsi, le contrôle judiciaire des décisions administratives s’exerce à présent en fonction de deux normes, soit la norme de la décision raisonnable et celle de la décision correcte. Dans l’exercice d’un tel processus de révision, les juges déterminent d’abord laquelle des deux normes de contrôle entre en jeu. Ensuite, ils l’appliquent au cas en l’espèce. Dans les situations où il faut appliquer la norme de la décision correcte, la Cour refait le raisonnement de l’administration publique afin de confirmer qu’il s’agit bel et bien de l’unique bonne décision. En revanche, s’il est question de l’application de la norme de la décision raisonnable, la déférence sera de mise. La Cour verra plutôt à faire une analyse globale des motifs de la décision en portant une attention particulière à la justi­ fication, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel afin de déterminer si la décision de l’administration publique appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier en regard des faits et du droit5. Cependant, l’analyse des décisions incontour­ nables de la Cour suprême du Canada en droit administratif de 2017 et 2018 (en partie) permet de mettre en évidence deux constats importants.


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