ANALYSE DE MARCHÉ
NOTRE SÉCURITÉ ENVIRONNEMENTALE PASSE PAR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE DES VILLES Benoit Beauchemin Expert invité
Il est difficile de s’en rendre compte de nos jours tellement nous tenons pour acquis leurs rôles dans nos sociétés modernes, mais les villes ont été, dans l’histoire de l’humanité, des pôles de créativité et des accélérateurs de développement économique, politique et culturel. L’émergence des villes est l’une des conséquences du développement de l’agriculture et de la sédentarisation des populations. Les cités sont devenues un moyen de concentrer le pouvoir intellectuel de ces populations et ont ainsi favorisé de nombreuses innovations et découvertes majeures. Les villes ont rendu possibles la naissance des États, la croissance du commerce et le déploiement des empires. Alors que les effets structurants de la ville ont longtemps été mal étudiés ou compris, la réflexion consciente sur les manières d’utiliser ses pouvoirs afin d’infléchir le développement des sociétés demeure une idée relativement récente. Cette réflexion est rendue plus que jamais réelle grâce à la mondialisation des échanges. Il est désormais possible d’échanger rapidement et efficacement sur la manière de gérer nos villes, d’en orienter le développement et de maximiser leurs bienfaits collectifs tout en minimisant leurs externalités négatives. Le concept de développement urbain durable fait maintenant partie intégrante des stratégies de développement des villes, autant dans les pays développés que dans les pays en développement.
Diplômé des HEC, Benoit Beauchemin cumule 20 années d’expérience en recherche et analyse concurrentielle et stratégique. Il est consultant en analyse de marché et en intelligence d'affaires.
LA VILLE AU CŒUR DES ENJEUX DE DÉVELOPPEMENT DURABLE Depuis les années 1980, le développement durable fait partie du discours courant. En juin dernier, Montréal accueillait le Congrès mondial ICLEI (International Council for Local Environmental Initiatives ou Conseil international pour les initiatives écologiques locales). L’ICLEI est un réseau mondial de plus de 1 500 villes, villages et régions d’une centaine de pays parta geant les meilleures pratiques en matière de gestion durable. Ce congrès, qui se tient tous les trois ans depuis 1990, permet de faire le point sur les avancées réalisées par les gouver nements locaux et régionaux en matière de développement urbain durable dans le monde. Ce congrès international a toujours porté un regard critique sur les questions les plus
56
IMMOBILIER COMMERCIAL : : AOÛT – SEPTEMBRE 2018
pertinentes et les plus pressantes de durabilité urbaine. Chaque rencontre est l’occasion pour les membres du réseau de se rassembler et d’échanger sur les grands enjeux du dévelop pement urbain. Le congrès réunit des maires, gouverneurs, hauts fonctionnaires, représentants d’organisations internationales, entreprises et chercheurs. Il permet aux participants de nouer des liens avec leurs pairs et leurs partenaires stratégiques et fournit une plateforme de discussion pour éclairer et appuyer leur travail. En matière d’environnement par exemple, nous savons que l’immobilier est responsable d’environ 30 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) et que les émissions dues au transport sont causées en grande partie par les déplacements des populations urbaines, notamment le transit des travailleurs entre leur lieu de travail et leur résidence. L’atteinte des cibles de réduction des GES passe donc par une meilleure gestion des activités et des infrastructures urbaines. Les acteurs locaux que sont les villes se trouvent souvent sur la ligne de front en matière de lutte contre les changements climatiques. Les villes hébergent un peu plus de la moitié de la population planétaire et elles utilisent les deux tiers de l’énergie produite. Les efforts de concertations des villes sont d’autant plus importants que les objectifs de réduction des GES s’avèrent ambitieux et toujours difficiles à atteindre. Rappelons, par exemple, que le gouvernement du Québec s’est engagé à réduire de 20 % les émissions de GES de la province d’ici 2020 par rapport au niveau de 1990. Les données issues du bilan
GETTY IMAGES PAR PETMA
mi-parcours du Plan d’action 2013-2020 sur les changements climatiques (PACC 2013-2020) indiquent que le taux de réduction atteignait alors 8 %, mais aussi que ce bilan ne montrait pas de progression globale significative dans les réductions d’émissions de GES réalisées au Québec. Les objectifs de réduction des GES sont encore plus ambitieux pour 2030 et 2050, ce qui nécessitera une « décarbonisation » importante de l’économie du Québec. Pour placer le Québec sur la voie de cette nécessaire « décarbonisation », il importe d’agir rapidement dans le secteur des transports, qui compte à lui seul pour 41 % des émissions de GES. D’où la priorité des gouvernements de développer le transport en commun et l’électrification des transports. Les villes québécoises et canadiennes peuvent également s’inspirer des meilleures pratiques des autres villes dans le monde afin d’atteindre ces objectifs. DES ACTIONS BASÉES SUR L’INFORMATION Les questions environnementales ne sont pas les seuls enjeux qu’affrontent les administrations municipales. L’accès à des données probantes sur la portée des problèmes urbains est essentiel à une prise de décision éclairée
en matière de développement durable. C’est dans cette perspective que la Déclaration d’Edmonton, rédigée conjointement par la Ville d’Edmonton et par la Convention des maires pour le climat et l’énergie, a été présentée aux congressistes réunis à Montréal. La Déclaration vise une meilleure collaboration entre les gouvernements locaux et la communauté scientifique afin de concevoir un plan de recherche et d’innovation pour orienter les politiques et les investissements permettant de répondre le plus adéquatement possible aux risques climatiques. Les maires du monde entier ont été invités à la signer. À une certaine époque, les villes-États pouvaient s’affronter militairement. Aujourd’hui, elles demeurent en concur rence sur le plan économique afin d’attirer les meilleurs investissements. Néanmoins, les villes et les nations ne peuvent affronter seules les défis posés par les change ments climatiques. Elles doivent également collaborer afin d’échanger sur les meilleurs moyens de faire face à la complexité de leur développement. En fondant leurs décisions sur les données probantes et en travaillant conjointement, les intervenants locaux et nationaux partagent des idées menant à des solutions durables. IMMOBILIER COMMERCIAL : : AOÛT – SEPTEMBRE 2018
57