Immobilier commercial volume 11 - numéro 4 - Droits et obligations

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DROITS ET OBLIGATIONS

UN RETOUR EN FORCE DES SERVITUDES DE RESTRICTION D’USAGE ? Me Sylvie Bouvette Experte invitée

Les servitudes de restriction d’usage ont fait couler beaucoup d’encre au cours des dernières décennies. Depuis plusieurs années, la plupart des praticiens avisent systématiquement leurs clients de la validité douteuse des servitudes de non-concurrence, le tout à la lumière d’une série d’arrêts de principe ayant été rendus sur le sujet. Ainsi, l’ancienne pratique qui faisait en sorte de créer de telles servitudes s’est peu à peu estompée. Voici une décision qui pourrait faire revivre cette pratique et relancer le débat sur la question1.

Me Sylvie Bouvette est avocate associée chez Borden Ladner Gervais LLP / S.E.N.C.R.L., S.R.L. Elle représente des vendeurs, des acheteurs, des coentrepreneurs, des prêteurs et des emprunteurs dans le cadre de transactions et de financements immo­ biliers. Elle a été sélectionnée par ses pairs pour figurer dans l’édition 2016 de The Best Lawyers in Canada® dans la catégorie droit immobilier.

La demanderesse, Société immobilière Duguay inc. (« SID »), détient plusieurs immeubles dans la région de Trois-Rivières et du Cap-de-laMadeleine. Les défenderesses (au nombre de cinq) sont aussi propriétaires de nombreux immeubles au Cap-de-la-Madeleine. En 2012, SID acquiert un immeuble rue Barkoff à TroisRivières de Claude Croteau et filles inc. Cette dernière entreprise avait antérieurement acquis cet immeuble en 1998 de Les Immeubles Plaza Z-Corp inc., l’une des défenderesses, en l’espèce, aux termes de deux actes de vente qui contiennent une servitude réelle et perpé­tuelle de restriction d’usage interdisant « l’entreprise ou le commerce de vente au détail vendant exclusivement des vêtements pour les familles (hommes, femmes, garçons, filles et enfants) de la même catégorie de prix que celle des vêtements actuellement vendus par le concessionnaire et ayant un mode d’opération identique à celui du cessionnaire (tel que Aubaines Choc, JVS, Aubainerie Croteau) ». Une servitude réelle et perpétuelle a donc été consentie à cet effet en faveur de l’immeuble vendu contre les immeubles de la défenderesse comme fonds servants. Dans le même acte, une seconde servitude a été créée cette fois-ci contre l’immeuble vendu au profit des immeu­bles des défendeurs prohibant l’utilisation de

GETTY IMAGES PAR A-DIGIT

Il s’agit, en l’espèce, d’une demande en radiation d’une servitude de restriction d’usage. Cette demande se base sur les jugements de principe rendus antérieurement qui invalidaient ce type de servitude. Les faits pertinents en l’espèce sont les suivants.

l’emplacement vendu aux fins d’une « épicerie et / ou magasin d’alimentation, pharmacie, magasin de sport, station d’essence, fabrication et / ou vente de beignes, cinéma et restaurants ». La position soutenue par SID est celle-ci : les servitudes grevant son immeuble ne constituent pas des servitudes réelles puisqu’elles sont établies au bénéfice exclusif de Les Immeubles Plaza Z-Corp inc. et non au bénéfice des fonds dominants. Le tribunal rappelle les principes applicables pour qu’une servitude soit considérée comme réelle, à savoir : 1) la présence de deux fonds de terre ; 2) que ces deux fonds appartiennent à des propriétaires différents; 3) que les deux fonds soient voisins ; 4) que la servitude consiste en un avantage pour le fonds dominant ; 5) qu’elle oblige le propriétaire du fonds asservi à souffrir et à ne pas faire quelque chose ; et 6) que la servitude soit de nature perpétuelle.

1. Société immobilière Duguay inc. c. 547264 Ontario Limited (Cour supérieure, le 9 mai 2018 – 400-17-003897-150)

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IMMOBILIER COMMERCIAL : : AOÛT – SEPTEMBRE 2018


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