DROITS ET OBLIGATIONS
LA VENTE SANS GARANTIE LÉGALE MET-ELLE FIN À TOUS LES RECOURS ? Me Sylvie Bouvette Experte invitée
Comme plusieurs d’entre vous le savent, un des buts que vise une personne qui vend une propriété sans garantie légale ou aux risques et périls de l’acheteur est de couper tout lien futur avec le vendeur. Ainsi, l’acheteur se retrouvera sans recours contre son vendeur en cas de découverte de vices cachés, principalement. La décision rapportée ici vient plutôt démontrer que bien que les recours contre un vendeur dans ce cas puissent être inefficaces, l’acheteur pourrait conserver des droits contre les anciens propriétaires en titre de l’immeuble vendu. Dans la décision de la Cour supérieure Dagenais c. Pichette et al., du 14 novembre 20181, Geneviève Dagenais (« Mme Dagenais ») prétend qu’il y a présence d’un vice caché dans le triplex qu’elle a acheté en 2010 puisque le sol est instable, ce qui a causé des fissures importantes dans la fondation. En l’espèce, l’immeuble a été construit en 1957. De 1984 à 1989, Mario Di Rienzo en est le propriétaire et le revend à Jacinthe Pichette et Michel Lessard (« Pichette et Lessard ») qui, à leur tour, le revendent à Michel Dagenais en 2001. Toutes ces ventes sont faites avec la garantie contre les vices cachés.
Me Sylvie Bouvette est avocate associée chez Borden Ladner Gervais LLP / S.E.N.C.R.L., S.R.L. Elle représente des vendeurs, des acheteurs, des coentrepreneurs, des prêteurs et des emprunteurs dans le cadre de transactions et de financements immo biliers. Elle a été sélectionnée par ses pairs pour figurer dans l’édition 2016 de The Best Lawyers in Canada® dans la catégorie droit immobilier.
Michel Dagenais revend ensuite la moitié indivise de son immeuble à son épouse, Céline Dubé, et ce, sans aucune garantie. Il lui revend
Les défendeurs, Pichette et Lessard, prétendent que le recours devrait être voué à l’échec puisq u’il y a eu bris dans la chaîne de titres. Mme Dagenais, quant à elle, base ses préten tions sur l’article 1442 du Code civil du Québec : « Les droits des parties à un contrat sont transmis à leurs ayants cause à titre particulier s’ils constituent l’accessoire d’un bien qui leur est transmis ou s’ils lui sont intimement liés. » La Cour souligne que comme il ne s’agit pas ici d’un recours contre un vendeur professionnel, seul l’article 1442 ci-dessus pourrait s’appliquer en l’occurrence. De fait, le juge conclut que chaque sousacquér eur reçoit non seulement la garantie de son vendeur immédiat, mais également les garanties consenties, le cas échéant, par les vendeurs antérieurs. En conséquence, il est possible que lorsque les parties déclarent que la vente est faite sans garantie, leur intention ne soit pas par ailleurs d’exclure toutes les garanties qui leur ont été transmises des vendeurs antérieurs.
ADOBE STOCK PAR CHEROKEE4
1. 2018 QCCS 5285
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l’autre moitié subséquemment, également sans garantie. Finalement, en 2010, Céline Dubé, qui est aussi mère de la demanderesse, vend l’immeuble à sa fille, Mme Dagenais, mais cette fois avec garantie légale. Après la découverte du vice, Mme Dagenais poursuit non pas son vendeur, qui est sa mère, mais plutôt les défendeurs, soit Pichette et Lessard, qui ont vendu l’immeuble à son père Michel en 2001.
IMMOBILIER COMMERCIAL : : AVRIL – MAI 2019