ENVIRONNEMENT ET URBANISME
STATIONNEMENT :
COMMENT S’ATTAQUER À CET ENJEU DE DÉVELOPPEMENT DURABLE ? Frédéric Dufault
Le stationnement préoccupe, à juste titre, les propriétaires de commerces et d’entreprises, car les clients et les employés se déplacent beaucoup en automobile. Cependant, en voulant offrir le plus d’aires de stationnement possible, les zones commerciales sont devenues de vastes zones de béton bitumineux, des « mers d’asphalte ». Ces stationnements constituent, et c’est là le problème, des îlots de chaleur qui contribuent aux changements climatiques. En vertu de leur responsabilité sociale, les entreprises devraient s’attaquer à cet enjeu en tentant de réduire la superficie des zones de stationnement et de mieux les aménager. Le présent article propose quelques pistes de solutions.
Serge Vaugeois Experts invités
Frédéric Dufault, urbaniste, est évaluateur environnemental agréé (EESA) et vérificateur environ nemental agréé (VEA). Il est président de la firme Enviro 3D Conseils. Serge Vaugeois, urbaniste, détient une maîtrise en aménagement du territoire et développement régional (M. ATDR) et une maîtrise en montage et gestion de projets d’aménagement (M. Sc. A. MGPA). Il agit comme chargé de projet en urbanisme pour la firme Enviro 3D Conseils.
UNE APPROCHE STRATÉGIQUE DE LA QUESTION DU STATIONNEMENT Dans une perspective de développement durable, le premier geste à poser consiste à évaluer les besoins en stationnement pour limiter le nombre de cases à construire. Ainsi, la question de l’accessibilité dans les choix de localisation d’un commerce ou d’une entreprise est primordiale. La présence de transport collectif pourrait constituer un élément positif pour la clientèle, favoriser l’achalandage de l’établissement et surtout permettre de réduire les besoins en stationnement. L’influence du commerce électronique devrait aussi être analysée. Les possibilités d’utiliser des stationnements existants ou d’en partager certains avec d’autres entreprises font aussi partie de l’équation. Enfin, question d’image, du stationnement souterrain couplé à des aménagements paysagers en surface est susceptible de rehausser la perception de l’entreprise par sa clientèle.
LA RÉGLEMENTATION MUNICIPALE Au moment de l’obtention des autorisations pour la construction ou l’agrandissement d’un bâtiment, des exigences sont souvent formulées par les villes pour le stationnement, et ce, en vertu de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme (RLRQ, chapitre A-19.1, art. 113). Les municipalités peuvent fixer le nombre de cases nécessaires (selon la zone, l’usage ou la combinaison d’usages), la dimension des cases, l’obligation d’en offrir un certain nombre à l’intérieur, l’aménagement des cases, etc.). Un plan d’implantation et d’intégration architecturale (PIIA) présentant l’aménagement du stationnement peut même être requis dans certaines municipalités. Les normes municipales sont mises de l’avant dans une perspective de développement durable, ce qui constitue un bon point de départ. Il peut arriver que le nombre requis de cases soit trop élevé par rapport aux besoins évalués par l’entreprise. Il sera possible d’en discuter avec la municipalité pour trouver des solutions. Enfin, autre élément d’intérêt, dans bon nombre de villes, la question du stationnement est en évolution. Les normes minimales de cases de stationnement diminuent, et des normes maximales sont fixées. À certains endroits, les quotas minimums sont même abolis, comme dans l’arrondissement Ville-Marie de Montréal1.
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1. Cambron-Goulet, D. (2018). Fini les quotas minimums de stationnement dans Ville-Marie. Journal Métro, 10 septembre. http://journalmetro.com/actualites/montreal/1786307/fini-les-quotas-minimums-de-stationnement-dans-ville-marie/
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UN MEILLEUR AMÉNAGEMENT DES STATIONNEMENTS Dans la littérature, un document produit par le Bureau de la normalisation du Québec (BNQ)2 se distingue en présentant en détail la façon d’aménager des aires de stationnement dans une perspective de lutte contre les îlots de chaleur. Les paragraphes qui suivent s’inspirent de son contenu. Ainsi, quatre grandes catégories de solutions existent pour mieux aménager des stationnements, soit : 1. réduire la superficie de l’aire de stationnement, le nombre ou la taille des cases de stationnement ; 2. verdir les aires de stationnement et les environs, en conservant les espaces verts existants et en plantant différents types de végétaux, plus particulièrement des arbres à grand déploiement pour créer de l’ombrage à l’intérieur du stationnement et réduire la chaleur ambiante. Les toits verts et les murs végétalisés s’inscrivent aussi dans cette catégorie ; 3. gérer les eaux de pluie sur le site, en favorisant leur infiltration dans le sol ou dans les surfaces perméables, en créant des zones d’accumulation des eaux de pluie souterraines ou en surface ; 4. utiliser des surfaces de revêtement qui conservent peu la chaleur (tuile de béton blanche, béton blanc neuf, pavés de calcaire, etc.). Les possibilités d’avoir recours à l’une ou l’autre des solutions dépendent évidemment des caractéristiques de l’aire de stationnement. UNE ATTESTATION DE STATIONNEMENT ÉCORESPONSABLE Fait intéressant à souligner, une entreprise située sur l’île de Montréal, qui souhaite se démarquer en aménageant ou en
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réaménageant son stationnement, peut obtenir une attesta tion à cet effet qui est décernée par le Conseil régional de l’environnement de Montréal. L’Attestation Stationnement écoresponsable3 a été articulée à partir de la norme du BNQ dont nous avons parlé plus haut, tout en ayant été développée plus à fond par un comité d’experts. Les critères établis comprennent entre autres : l’augmentation et la diversification de la canopée et le verdissement général ; l’aménagement de biorétention ; l’installation de revêtement de sol perméable ; l’installation de mobilier ou d’espaces sécuritaires pour les piétons et les cyclistes ; l’aménagement de cases préférentielles pour véhicules électriques ou en covoiturage, ainsi que l’optimisation des options de transport actif et collectif. Pour une entreprise, l’obtention d’une telle attestation constitue une reconnaissance de ses efforts de développement durable. LES EFFETS SUR L’IMAGE DES ENTREPRISES Il est évident qu’une entreprise qui aménagera ou réaménagera son stationnement pour lutter contre les îlots de chaleur en fera bénéficier toute la société. Elle offrira aussi à sa clientèle une image forte de son respect pour l’environnement et sa participation à un développement plus durable.
2. Bureau de la normalisation du Québec (2013). Norme 3019-190 / 2013, Lutte aux îlots de chaleur urbains – Aménagement des aires de stationnement – Guide à l’intention des concepteurs, Québec, 90 pages. [En ligne]. https://www.bnq.qc.ca/fr/normalisation/environnement/lutte-aux-ilots-de-chaleur-urbains.html 3. Conseil régional de l’environnement de Montréal (s.d.). Stationnement écoresponsable. [En ligne]. https://stationnementecoresponsable.com/
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