TRANSPORT ET DÉVELOPPEMENT URBAIN
AIMER L’HIVER ?
Paul Lewis Expert invité
L’hiver qui s’achève aura été particulièrement difficile, pour les automobilistes et les piétons : les chutes et les accidents ont été nombreux ; et la circulation était assez souvent ardue. Pire, des personnes à mobilité réduite ont parfois été confinées dans leur logement, parce que les trottoirs devenaient impraticables et que les services de transport adapté étaient limités. Déjà que leurs déplacements s’avèrent souvent compliqués en temps normal… D’où d’incessantes critiques de la part de citoyens exaspérés par l’incapacité des villes à bien entretenir les infrastructures. Nombreux sont ceux qui estimaient que les équipes affectées au déneigement – et au déglaçage – faisaient preuve d’incompétence. Il est sans aucun doute aisé de critiquer la qualité du travail fait par les villes, mais il faut reconnaître qu’il était particulièrement difficultueux, compte tenu des grandes variations de température, sur de très courtes périodes de temps : neige, pluie et glace se succédaient et compliquaient le travail du personnel de la voirie.
Paul Lewis est doyen de la Faculté de l’aménagement de l’Université de Montréal et chercheur à l’Observatoire Ivanhoé Cambridge du développement urbain et immobilier, dont il a été directeur jusqu’en 2012. Ses recherches portent principalement sur les transports, notamment la mobilité des jeunes, de même que la planification et la gouvernance des services de transport.
Reconnaissons également que nos exigences collectives sont très élevées et peut-être irréa listes : tout se passe comme si nous n’acceptions pas l’hiver, que nous cherchions à en effacer les traces, le plus rapidement possible. Pourtant, un petit retour en arrière, de quelques décennies, nous permet de comprendre que, si des améliorations sont toujours possibles, les inconvénients sont moindres aujourd’hui… Nos pratiques de
déneigement et de déglaçage devront cependant être revues, pour favoriser la mobilité et la sécurité de tous. Toutefois, malgré tous les efforts consentis par les villes, les conditions de circula tion hivernales continueront d’être laborieuses dans les années à venir, conséquence des changements climatiques. REPENSER NOTRE RAPPORT À L’HIVER Il faudra tout particulièrement se préoccuper des infrastructures pour les piétons, alors que tous s’entendent sur la nécessité de réduire notre dépendance à l’égard de l’automobile et de favoriser le transport collectif. Dans la Politique de mobilité durable1 adoptée en 2018, le gouvernement du Québec s’engageait à « investir dans les infrastructures qui favorisent le transport collectif et actif ». Cela vaut notam ment pour l’hiver. Les infrastructures actuelles sont loin d’être suffisantes en temps normal pour assurer un report modal de l’automobile vers le vélo et la marche ou le transport collectif. L’hiver, la situation est encore pire : à
GETTY IMAGES PAR PATRICIAD
1. Ministère des Transports, de la Mobilité durable et de l’Électrification des transports (2018). Transporter le Québec vers la modernité. Politique de mobilité durable – 2030. https://www.transports.gouv.qc.ca/fr/ministere/role_ministere/DocumentsPMD/politique-mobilite-durable.pdf
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l’insuffisance des infrastructures s’ajou tent les difficultés d’entretien, ou même l’absence d’entretien, comme c’est le cas dans de nombreuses villes, où les trottoirs sont carrément abandonnés, pour des raisons budgétaires.
Les paysages hivernaux, très différents de ceux qui s’offrent à nous le reste de l’année, sont pourtant tout aussi magnifiques. Les valoriser, pour permettre aux citoyens d’en profiter, c’est très certainement l’une des approches à envisager pour nous permettre de mieux accepter et apprécier l’hiver, malgré tous les désagréments qui l’accompagnent.
Les hivers du futur seront différents de ceux que nous avons connus jusqu’à maintenant. Les stations de ski, par exemple, sont les premières concernées par les change ments qui s’annoncent : elles devront faire face à des hivers plus courts, à moins de neige et à davantage de pluie. Elles conti nueront d’accueillir les skieurs, mais elles devront changer leurs pratiques, si elles veulent continuer de se développer. Nos villes ne sont pas pensées pour célébrer l’hiver et elles négligent le potentiel que présente la saison froide. Toutes nos réflexions sur la ville sont faites en fonction de l’été, comme si l’hiver n’existait pas, comme si nous ne voulions pas qu’il existe. Il suffit pour s’en convaincre d’examiner des documents d’aménagement urbain : la neige est rare, pour ne pas dire inexistante, sur les plans ou les illustrations. Il est grand temps de repenser notre rapport à l’hiver. Le guide Ville d’hiver, que vient de publier Vivre en Ville, offre des pistes de réflexion particulièrement intéressantes à cet égard. Il faut cesser de subir l’hiver ; il nous faut plutôt célébrer notre hivernité, même si notre hiver se transforme rapidement, pour en profiter davantage. Comment ? En nous préoccu pant d’abord du confort des usagers, par exemple en maximisant l’ensoleillement des espaces publics (en nous rappelant que, l’hiver, le parcours du soleil n’est pas le même qu’en été) et en gérant les couloirs de vents, qui peuvent considérablement refroidir les passants. Ensuite, il importe de concevoir les espaces publics en pensant à leur utilisation durant la saison froide, de façon à les rendre plus attractifs, comme ils le sont le reste de l’année. Il faut par exemple offrir davan tage d’activités hivernales, pour encou rager les citoyens à profiter pleinement de l’hiver.
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