GÉNÉRATION MONTANTE
ANTHONY ARQUIN
Avocat associé, Davies Ward Phillips & Vineberg
BRIGITTE DUPUIS
Directrice, développement des affaires, ENGIE Services
NOUVELLES TENDANCES DANS LES MATÉRIAUX PROPOS RECUEILLIS PAR EMMANUELLE GRIL
PHOTO DE BRIGITTE DUPUIS, JBC MÉDIA PAR ROXANE PAQUET
Le verre et l’acier ont longtemps remporté la faveur des constructeurs lorsque venait le temps d’ériger un nouveau projet. Aujourd’hui, la pierre, le cuivre, le bois et même des matériaux recyclés les détrônent peu à peu ! En voici quelques exemples inspirants.
L
e domaine des matériaux de construction n’échappe pas à l’effet de mode, et ce, malgré le fait que la durée de vie des bâtiments dépasse largement les tendances populaires. Après des années de glorification du verre, les tours reviennent aux matériaux solides, comme la pierre et le cuivre, explique Brigitte Dupuis, directrice, dévelop pement des affaires chez ENGIE Services. C’est le cas d’une paire de gratte-ciel revêtus de cuivre, dont la construction s’est achevée l’an dernier au bord de l’East River au 626, First Avenue à New York : The American Copper Buildings. Ce projet d’appartements de luxe de 761 unités a été réalisé par la firme d’architectes SHoP Architects, reconnue pour l’usage de cuivre dans ses concepts. Ces tours sont devenues un repère visuel incontournable du quartier East Side de Manhattan avec leurs silhouettes courbées et leur pont aérien suspendu
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à plus de 90 mètres. Mais c’est sans contredit leur riche couleur cuivrée qui fait craquer les amateurs d’architecture. Il a fallu plus de 4,25 millions de livres de cuivre brut pour recouvrir les gratte-ciel de près de 50 étages. Le cuivre, un matériau de construction respectueux de l’environnement, est écologique et présente l’un des taux de recyclage les plus élevés de tous les métaux techniques. Vous rêvez de vivre dans l’un de ces immeubles dorés ? Sachez que les prix pour un studio débutent à 4,2 millions de dollars. Le cuivre a aussi l’avantage d’évoluer avec le temps. Ainsi, lorsque les tours ont été inaugurées, elles avaient l’apparence d’un sou brillant ; aujourd’hui, elles sont d’un beau brun ; et au cours des pro chaines décennies, les bâtiments deviendront verts comme la statue de la Liberté !
Achevé en mars 2019, Mjøstårnet est le bâtiment en bois le plus haut du monde selon le Conseil sur les grands immeubles et l’habitat urbain, une organisation inter nationale non gouvernementale. D’une hauteur de 85,40 m (284 pi), Mjøstårnet se trouve dans la ville de Brumunddal en Norvège et constitue la troisième plus grande tour et la tour à usage multiple la plus élevée au pays, mentionne Anthony Arquin, avocat associé au sein du cabinet Davies Ward Phillips & Vineberg. Mjøstårnet représente la preuve éclatante que notre industrie peut construire des bâtiments de taille moyenne en utilisant des matériaux locaux et renouvelables. Les 18 étages du bâtiment ont été entièrement construits en bois lamellé-croisé (CLT), incluant les trois cages d’ascenseur et les deux cages d’escaliers, tandis que les murs porteurs, les colonnes et les poutres ont été réalisés en bois lamellé-collé (gluam). Le bois a été produit localement par le producteur Moelven Limtre. Conçu par la firme d’architecture norvé gienne Voll Arkitekter pour le développeur AB Invest, Mjøstårnet comprend 33 appartements, un hôtel de 72 chambres, des bains publics avec deux piscines de 25 mètres, cinq étages de bureaux, une salle de réception et de conférence, ainsi qu’un restaurant. D’une dimension de 17 m (56 pi) de large et de 37,50 m (123 pi) de long, le bâtiment occupe une surface d’environ
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STGM ARCHITECTES
STÉPHAN LANGEVIN, MOAQ Associé principal et directeur création STGM Architectes
10 500 m2 (113 000 pi2), auxquels s’ajoutent 4 900 m2 (53 000 pi2) pour les bains publics. Mjøstårnet a reçu deux prix prestigieux en 2018 : le Norwegian Tech Award dans la catégorie Building and Construction, ainsi que le premier prix (Gold) aux New York Design Awards dans la catégorie Architecture-Mixed-Use-International. Autre bel exemple de l’utilisation du bois : le siège social de STGM Architectes, situé au 2980, boulevard Sainte-Anne à Québec. Car même si les tendances et les nouveautés en design sont parfois éphémères, l’urgence climatique nous force à faire une prise de conscience et à adopter des pratiques durables, rappelle Stéphan Langevin, associé principal et directeur création. Dans cette perspective, l’usage de matériaux écolo giques s’impose donc à tout designer et architecte soucieux de respecter l’environ nement, et le bois trône au sommet de cette catégorie.
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STÉPHANE GROLEAU
LE SIÈGE SOCIAL DE STGM ARCHITECTES IMMOBILIER COMMERCIAL : : JUIN – JUILLET 2019
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intrinsèque de séquestrer les molécules de carbone, véritable fléau et principale menace pour notre environnement. D’ailleurs, son utilisation dans la construction du siège social a grandement contribué à l’obtention de la certification LEED N / C niveau platine. Si nous avons le choix entre un polymère, du métal, du verre, du béton ou du bois, posons-nous la question : lequel de ces matériaux respectera le mieux notre environnement ? Il faut faire le bon choix non seulement pour nous, mais surtout pour ceux qui suivront. JULIEN LAUZON-FULLUM, LEMAY
LOÏC ANGOT, M. Sc, MBA, PA LEED BD+C Directeur Stratégies durables Lemay
En collaboration avec IDEA, sa compagnie sœur, STGM a acquis en 2014 un terrain dans le secteur d’Estimauville à Québec pour y ériger son siège social. Afin de réaliser un projet exemplaire sur le plan environnemental, la firme a choisi le bois comme matériau de construction. En plus de la structure, la matière ligneuse est mise en valeur dans les moindres détails. Mobilier fixe et sur mesure, au mur et au plafond, le bois est omniprésent dans le bâtiment. Pour les professionnels du design et de l’architec ture, le bois devrait toujours faire partie des premiers choix. Écologique, il a la propriété
La lutte contre les changements climatiques néces site de repenser la manière dont nous concevons, construisons et exploitons les bâtiments, afin de diminuer leur empreinte carbone. À cet égard, l’utilisation de matériaux recyclés devient une autre avenue intéressante à considérer pour réduire l’extraction de ressources non renouvelables. Conçu en 2015 par la firme Henning Larsen, le projet résidentiel Provianthuset est exemplaire en ce sens, souligne Loïc Angot, directeur Stratégies durables, firme d’architectes Lemay. Situé à Nordhavnen près de Copenhague au Danemark, il se distingue par le réemploi de briques dans la construction de son enveloppe. Selon les calculs réalisés pour le projet, la production d’une tonne de nouvelles briques émet 258 kg de dioxyde de carbone, comparativement à 2,7 kg pour les briques recyclées, soit une réduction de 95 %. Le processus de valorisation des briques recyclées nécessite la déconstruction d’un bâtiment existant, sur le site même du projet ou ailleurs, leur nettoyage et leur calibrage en usine, ainsi que leur transport vers le nouveau chantier. La firme d’architectes a eu recours à cette technique pour pas moins de cinq projets résidentiels et une école élémentaire, portant l’économie d’émissions de carbone à plus de 1,5 million de tonnes !
GETTY IMAGES PAR LESSANDRO2802
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Au-delà de la réduction de l’impact carbone, avec cette démarche, les architectes ont souhaité préserver l’identité du quartier. Ainsi, en pensant la ville comme une réserve de ressources dont les designers peuvent s’inspirer pour créer ou rénover des bâtiments, cette approche concilie habilement une sensibilité patrimoniale avec les impératifs de développement durable.