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Louis yves LeBEAU Président de Macogep
LE GARDIEN DES INTÉRÊTS DES PROPRIÉTAIRES ET DES INVESTISSEURS PAR JOHANNE LANDRY, JOURNALISTE
Il a contribué au développement du concept de gestionnaire de projet indépendant, celui qui joue le rôle de vérificateur, de facilitateur et même de négociateur sur les chantiers de construction. Rencontre avec Louis yves LeBEAU.
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était clair dans l’esprit de Louis yves LeBEAU qu’il fonderait un jour une entreprise. Après ses études en gestion de projet à Polytechnique Montréal, il a accumulé diverses expériences : ingénieur en contrôle de coût chez Gazoduc Trans Québec, chef de l’administration chez Gaz Inter-Cité Québec ; son parcours l’a mené ensuite chez l’Entrepreneur général, ainsi que chez Désourdy Construction où, étant donné le niveau d’intérêt des défis à relever comme gérant de construction, il a dérogé à son plan initial et s’est attardé trois années de plus. Ces années d’expérience lui ont permis de faire le tour, de travailler pour des propriétaires, des ingénieurs-conseils et des entrepreneurs en construction ; mais aussi de découvrir un créneau inoccupé : celui de représentant des propriétaires. « J’en avais vu quelques-uns manquer d’expertise pour traiter avec les presta taires de services », relate-t-il. En 1989, il fonde donc Macogep (pour mandataire, coordon nateur, gestion de projet). « Aucune entreprise
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ne jouait ce rôle à l’époque », se souvient Louis yves LeBEAU. Les débuts ont été lents ; il devait faire valoir les avantages de ce concept. Plusieurs, en effet, voyaient le gestionnaire de projet indépendant comme une duplication de services avec ceux des architectes qui, dans le cadre de leur mandat, assumaient un rôle administratif. « Mais ce n’était pas dans leur champ d’expertise, c’était en quelque sorte complémentaire sans être leur première préoccupation. Et il y avait des dérives budgétaires et d’échéanciers, des problèmes de gestion et de performance, difficiles à régler pour eux », expose Louis yves LeBEAU. Puis, les gouvernements ont petit à petit introduit ces notions de vérification à l’intérieur de leurs façons de faire si bien qu’aujourd’hui, presque tous les grands donneurs d’ouvrage publics et privés ont recours à des gestionnaires de projet indépendants. « Le temps m’a donné raison, conclut-il, au point que j’ai maintenant une quinzaine de compétiteurs qui emploient chacun
une vingtaine de personnes, alors que nous sommes 80 chez Macogep au Québec. S’y ajoutent une quinzaine d’employés en Europe. » Comme précurseur, pense-t-il avoir influencé l’industrie ? « Assurément, répond-il. L’industrie s’est adaptée au fil des ans, en plusieurs étapes. Il y a eu l’arrivée des premiers gestionnaires bacheliers en ingénierie, puis les grands travaux hydroélectriques ont fait évoluer les pratiques, alors que les investisseurs américains ont exigé que la firme d’ingénierie en travaux publics Bechtel soit partenaire dans le consortium de gérance avec Hydro-Québec. Cette firme assurait le contrôle des coûts et des échéanciers, comme Macogep le fait aujourd’hui. » LA VÉRIFICATION ET LE CONTRÔLE Avec son équipe d’experts, Macogep protège les intérêts des propriétaires, investisseurs et donneurs d’ouvrage, en s’occupant entre autres du contrôle des coûts et des échéanciers, de la gestion des contrats, ainsi que du respect de la réglementation de tous les paliers gouvernementaux. « Nous aidons les propriétaires à définir leurs besoins, à identifier les risques potentiels, à évaluer les coûts et les solutions pour y répondre et à lancer les appels d’offres pour les professionnels qui feront la conception et pour les entreprises qui bâtiront le projet », explique Louis yves LeBEAU.
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« Nous prévenons les dérives », dira-t-il plusieurs fois. Des exemples ? « Plusieurs facteurs peuvent faire déraper un projet, explique-t-il, d’abord parce qu’il y a énormément d’activités dans la construction en ce moment et que tous sont extrêmement occupés, mais les écarts peuvent aussi provenir de la façon dont les travaux ont été planifiés, des délais accordés aux entrepreneurs pour soumissionner, ou même de la complexité du design. Dans la conception d’un édifice, on a vu un cas avec plusieurs types de murs rideaux, une complexité d’exécution qui faisait majorer les prix. Qu’il s’agisse du design, du délai d’exécution, d’exigences contractuelles ou d’un transfert de risques, nous accompagnons les entreprises à poser le bon diagnostic et à mettre en place les bonnes solutions ». L’AÉROPORT MONTRÉAL-TRUDEAU PARMI LES GRANDS PROJETS La feuille de route de Macogep liste plusieurs grands projets parmi lesquels Humaniti, le centre sportif du Parc olympique, le Centre Vidéotron à Québec, ainsi que le programme de développe ment côté Ville de YUL Aéroport Montréal-Trudeau. « En consortium avec BTY, nous accompagnons Aéroports de Montréal dans le contrôle des coûts, la gestion des risques et la planification du programme. Il s’agit d’un projet structurant pour la métropole, qui amènera ADM à reconstruire les
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infrastructures d’accueil à YUL et à revoir l’intermodalité du site aéroportuaire avec l’arrivée du Réseau express métropolitain », précise-t-il. Depuis cinq ans, Macogep est aussi présente à Paris, et à Lyon depuis le printemps dernier, une belle ouverture sur les marchés de l’Union européenne, moins compétitifs que celui du Québec avec des marges bénéficiaires plus intéressantes. Au moment de l’entrevue, des discussions avançaient également assez bien autour de projets dans les Antilles françaises, a mentionné Louis yves LeBEAU. ÊTRE À L’ÉCOUTE ET SAVOIR RALLIER Louis yves LeBEAU est aussi passé par la politique ; il a été maire de Saint-Alphonse-Rodriguez de 2005 à 2009, un petit village de Lanaudière dont il n’est pas natif, mais où il a passé les étés de son enfance auprès de sa grand-mère maternelle. Les consultations publiques figurent parmi les expériences marquantes qu’il a vécues en politique, comme ce samedi matin où il s’est retrouvé dans une salle devant 250 forestiers hostiles à un projet de règlement qu’il désirait passer et qui, à la fin de la réunion, lui ont serré la main. Comment a-t-il fait pour générer un consensus ? « J’ai d’abord écouté ce qu’ils avaient à dire et, tout en tenant à mes objectifs, j’ai assoupli mon plan de match, j’ai modifié quelques éléments et j’ai gagné leur confiance », explique-t-il. C’est ainsi qu’il se comporte encore dans l’exécution de ses mandats. En dehors des heures de travail, Louis yves LeBEAU fait du triathlon et surtout du vélo. Macogep commandite d’ailleurs une équipe féminine de cyclistes. Les mondes du vélo et de la construction ont un point en commun : la faible présence des femmes. Si le président de Macogep favorise l’avancement des femmes dans son entreprise, il veut aussi soutenir leur inclusion dans les compétitions de cyclisme, jusqu’au Tour de France, espère-t-il.
De Rico Laflamme Cassidy Perreault T 418-780-2330 1 877-780-2330 F 418-781-0728 Édifice Delta II, 2875, boulevard Laurier, bureau 650 Québec (Québec) G1V 2M2
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Pendant une douzaine d’années, Louis yves LeBEAU a enseigné au Département de gestion de projet de Polytechnique Montréal, qu’il a aussi dirigé. « J’ai formé une centaine d’ingénieurs par année au baccalauréat ou à la maîtrise. Aujourd’hui, j’en rencontre plusieurs dans le cadre de réunions professionnelles et j’en ai embauché quelques-uns. C’est ma façon de contribuer à une nouvelle génération de gestionnaires de projet », dit-il.