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LA PROPTECH, C’EST POUR MAINTENANT !
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PAR YVON RUDOLPHE, MBA FIN., É.A., CMC, F.ADM.A, COORDONNATEUR DE PROJETS, OBSERVATOIRE ET CENTRE DE VALORISATION DES INNOVATIONS EN IMMOBILIER, ESG UQAM
La proptech (contraction de property et de technology) vise l’intégration de la technologie dans toutes les sphères d’activité de l’immobilier. Elle attire de plus en plus l’attention des acteurs de l’industrie. La proptech, qu’on désigne aussi sous l’appellation RealEstech (une communauté d’entrepreneurs de la proptech) – les frontières de séparation entre les deux sphères d’activité demeurant floues et poreuses –, se rapproche en fait de la fintech (contraction de finance et de technologie) et de l’économie circulaire, dont elle complète bien les avancées dans le secteur immobilier. On y voit évoluer de jeunes entreprises innovantes, qui offrent un nouveau service ou un produit inédit à l’industrie, mais on y trouve aussi des acteurs plus traditionnels qui osent le changement et l’intégration dans leurs modèles d’affaires et leurs procédés de technologies numériques, de gestion de données et d’intelligence artificielle. Il ne faut pas non plus oublier l’entrée dans la sphère des activités immobilières de joueurs non traditionnels, petits ou grands.
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LA PROPTECH S’INVITE AU MIPIM engouement grandissant pour la proptech fait en sorte que, sans surprise, les organisateurs d’un des grands salons internationaux en immobilier, le MIPIM, s’y sont intéressés ; ils organisent maintenant divers événements à Paris, New York et Hong Kong. Ce qui s’est dit et traité au dernier MIPIM PropTech, tenu à Paris en juillet 2019, est représentatif de l’évolution de la proptech. Voici quelques sujets dont on a discuté durant les nombreuses séances de ce colloque et dans les salles d’exposition. La première journée s’est amorcée avec une présentation de Kai-Uwe Bergmann, de la firme d’architecture BIG, sur la construction du siège social de Google dans la ville de Mountain View en Californie. Ce complexe immobilier ressemble étrangement à l’ex-pavillon de l’Allemagne de l’Expo 67, à l’exception du fait que la toiture est faite de panneaux photovoltaïques. Les statis tiques, les tableaux de bord décisionnels et les autres données font rêver tout entrepreneur ou
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tout promoteur qui cherchent à obtenir pour leur projet l’acceptation sociale et la collaboration de l’ensemble des parties prenantes ainsi que de la ville hôte du siège social de Google, ce monstre de données et d’informations. Construit en grande partie par des robots en assemblage modulaire, cet immeuble constitue la référence au chapitre de l’avancée technologique en bâtiment intelligent. Les intervenants au colloque provenaient aussi des GAFAM (les géants du Web que sont Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) ; la présentation de Microsoft, qui discutait de la construction modulaire et du bâtiment intelligent pour concevoir et construire son campus immobilier à Redmond, a d’ailleurs impress ionné l’auditoire, tout en élevant les standards relativement au processus de conception-construction de bâtiment et à la qualité des espaces de travail pouvant être offerts aux employés !
Plusieurs présentations ont aussi fait référence au bien-être des personnes et à leur mobilité. On y mentionnait, entre autres, que les technologies privilégiaient la localisation des entreprises dans un milieu urbain principalement pour l’accès au bassin de main-d’œuvre qualifiée. Toutefois, selon les études de la firme Centric Lab, le stress causé par la circulation automobile provoquerait une perte de productivité étonnante et importante, notamment à cause du bruit, de l’éclairage et des odeurs provenant de la circulation urbaine. Plusieurs de ces entreprises technologiques misent sur la créativité et sur la productivité par le mieux-être de leurs employés, en se concentrant sur l’environnement intérieur du bâtiment, mais elles omettent souvent de considérer la variable de l’environnement extérieur. Par ailleurs, plusieurs proptechs avancent des solutions afin de mieux intégrer l’information des capteurs aux systèmes d’exploitation des immeubles. En effet, certaines proptechs proposent d’améliorer la gestion de l’immeuble par les « IoT » (Internet de l’objet) au moyen de la relation Who–Insights–How, se traduisant ainsi : qui occupe l’espace dans l’immeuble ; quelles sont les attentes et les perceptions du consommateur à l’égard de l’offre de services proposé dans l’immeuble en vue d’améliorer la qualité de l’environnement de travail ; la façon dont l’espace est utilisé et la fréquence d’utilisation.
Une autre présentation a porté sur les change ments technologiques ayant une influence sur l’immobilier ; on pense à Airbnb, Amazon, Priceline, Lennar-Opendoor, au coworking avec les centres comme WeWork, Regus, Wojo, Hanna, etc. Ce ne serait qu’un début, et d’autres changements influeraient sur l’immobilier, ces innovations provenant souvent de l’extérieur de l’industrie. On peut établir un parallèle avec l’industrie du taxi, qui a été perturbée par l’arrivée d’Uber et de Lyft. En ce qui a trait à la fintech, et plus particulièrement à l’utilisation du « blockchain » en immobilier, très peu de nouveautés seraient apparues jusqu’à maintenant. En effet, selon un rapport Fibree, le développement est retardé en raison de la difficulté d’adaptabilité à la législation, soit par les systèmes légaux pour les transactions, l’enregistrement, l’exclusivité d’acte réservé et la transmission d’informations vers les différents paliers gouvernementaux. De plus, les transactions, entières ou partielles, en bitcoins par exemple, sont très peu fréquentes, et l’accueil réservé à ces technologies demeure mitigé. L’investissement dans les proptechs progresse de façon fulgurante et a fait l’objet de plusieurs conférences : on constate l’intérêt pour cette nouvelle classe d’investissements en immobilier lorsqu’on sait que, selon les courtiers Bisnow et CREtech, la croissance des investissements aux
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États-Unis a été de 181 % au premier trimestre de 2019 pour un montant totalisant 54 G$ US. Et l’année devrait se terminer avec la première émission publique de WeWork à la Bourse de New York ! Les proptechs suggèrent également de nouvelles façons de financer les transactions immobilières : par exemple, la société Group Ladder permet de mettre en contact des personnes ou un groupe de personnes qui ont l’intention, d’une part, de financer l’acquisition d’un immeuble, et, d’autre part, d’acquérir un projet au financement difficile comme les organisations à but non lucratif.
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Le secteur de la construction occupait aussi une place de choix au MIPIM PropTech : le modulaire et le BIM (Building Information Modeling) étaient présents. En effet, la société GA Smart Building faisait la promotion de la construction modulaire et du BIM. La performance organisa tionnelle et environnementale ainsi que le rendement financier qui découle de la cons truction modulaire seraient sans pareil. On y rapportait des économies de plus de 35 % comparativement à la construction tradition nelle sur site. UN PHÉNOMÈNE DURABLE La proptech est-elle un phénomène de passage ou un nouveau paradigme auquel devra s’adapter l’industrie ? Tout acteur immobilier devrait suivre de très près son évolution. Nous pouvons résumer les propos tenus lors de ces deux jours de colloque par un constat commun des intervenants : l’immobilier, un des derniers secteurs d’activité dont la produc tivité reste à améliorer, devrait subir un changement rapide au cours des prochaines années. Les nouvelles technologies et les modèles d’affaires proptech et Real Estech, complétés par des technologies externes à l’immobilier traditionnel, comme la fintech et l’économie circulaire, font rapidement éclater les limites traditionnelles de cette industrie et défient les modèles d’affaires de tous ses acteurs. Les technologies modifient assurément les pratiques, et certains grands phénomènes bouleversent inévitablement les grandes villes du monde : l’urbanisation, les changements climatiques et les technologies. Impossible de reculer !