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MÉTAMORPHOSE DU PAYSAGE URBAIN PAR JOHANNE LANDRY, JOURNALISTE
De nombreux chantiers de construction et des mégaprojets, l’immobilier vit une période d’effervescence, qui viendra changer le paysage des grandes villes.
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ontréal est en train de vivre une période très heureuse, soutient d’entrée de jeu l’urbaniste et architecte Richard Bergeron. « Il y a 20 ans, plusieurs croyaient que le problème du centreville, c’était son accès par l’automobile. C’est un discours que nous n’entendons plus. Ce dont le centre-ville a besoin ce n’est pas de 75 000 automobiles par jour, mais de 75 000 habitants supplémentaires », affirme-t-il. Entre morosité et renaissance, tout s’est joué au cours des cinq dernières années, fait remarquer l’urbaniste : « C’est passé d’un extrême à l’autre. Il y a eu désaffection, puis, du jour au lendemain, le centre-ville est devenu l'endroit où vivre. »
RICHARD BERGERON Urbaniste et architecte GETTY IMAGES PAR NICOLASMCCOMBER
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« C’est extrêmement positif », ajoute l’architecte Anik Shooner pour qualifier cette effervescence que connaît aujourd’hui la métropole après quelques années de récession et la présence des nombreux stationnements en surface qui zébraient alors le paysage d’autant de cicatrices. « Pour être vivante et sécuritaire, une ville doit être mixte au sens de l’usage, explique-t-elle. Avec du culturel, du résidentiel, des bureaux, des centres de loisirs, des universités, des lieux où toutes sortes d’activités se produisent 24 heures sur 24 pour qu’il y ait toujours des gens présents partout. C’est ce qui est en train d’arriver. On sent la revitalisation quand on marche dans les rues. » LES BUREAUX S’OUVRENT À LA COLLABORATION Nous vivons une ère de changements, a-t-on souvent affirmé ces dernières années. Comment les immeubles de bureaux se métamorphosent-ils ? « Ce qui pousse vers la construction d’édifices neufs, élabore Anik Shooner, ce sont les nouveaux besoins technologiques et la densité qui s’accroît. Avant, les gens travaillaient dans des bureaux fermés où chacun occupait plusieurs pieds carrés pour son usage exclusif ; aujourd’hui, les aires ouvertes permettent à un plus grand nombre de travailleurs d’occuper un immeuble. La collaboration entre les employés est de plus en plus souhaitée. Or, des immeubles plus densément occupés influencent les aspects de base de l’édifice comme la dimension des issues, le nombre et la vitesse des ascenseurs, la quantité d’air requise et ventilée, l’aspect technologique du bâtiment, les entrées électriques. Les éléments auxquels les jeunes attachent de l’importance, comme la santé et l’environnement, viennent aussi modifier les façons de construire ainsi que les abords et la situation des bâtiments. »
MARTINE DOUCET
ANIK SHOONER Architecte associée et présidente Menkès Shooner Dagenais LeTourneux
On construit moins d’immeubles de bureaux et plus de tours résidentielles et multiusages, note pour sa part Richard Bergeron, donnant pour exemple que sur cinq tours hautes de 200 mètres, annoncées ou en début de construction, soit les deux de Maestria, le 1 Square Phillips, Victoria sur le parc et la Banque Nationale, une seule est une tour de bureaux. « Ce qui change le paysage montréalais, c’est la renaissance du centre-ville comme quartier résidentiel comme ça s’est produit à Vancouver à partir de 1985. Cette arrivée massive de tours résidentielles devrait rassurer les commerces. Même si la rénovation de la rue Sainte-Catherine est difficile à vivre actuellement, il y a des dizaines de milliers de consommateurs qui arrivent et la fréquenteront sur une base régulière », ajoute-t-il.
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L’intensification urbaine
L’essor de la ville
L’avenir des nations se joue principalement dans les villes. L’essor de la ville, c’est une prise de position forte en faveur d’un développement immobilier centré sur des espaces à forte teneur en activité humaine, où le mieux-être des personnes se conjugue avec croissance économique. L’IDU joue un rôle de premier plan en favorisant les échanges et la coopération. L’industrie qu’il représente, source de 100 000 emplois et de 12 milliards en retombées économiques, se présente fièrement comme un incontournable de l’essor de la ville de demain. idu.quebec
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Argent Solutions immobilières intelligentes
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DES CONDOS PLUS HUMAINS ET PLUS COMMUNAUTAIRES Et comment l’ère de changements que nous vivons a-t-elle un impact sur les immeubles de condos ? Ils ont davantage d’espaces communs, répond Anik Shooner. « C’est lié à la société qui se " déhiérarchise " partout. Dans le monde de l’éducation, par exemple, qui ajoute aux locaux d’enseignement des espaces de collaboration ; autant que dans la famille, qui fonctionne différemment. » Ce changement dans les façons de vivre se voit dans des immeubles en copropriété qui répondent maintenant au besoin des gens de se regrouper en communauté. « Il fut une époque où les gens des villages souhaitaient déménager en ville pour son anonymat. Personne ne se connaissait et ne s’occupait des affaires des autres. Le balancier a bougé et revient de l’autre côté. Bien qu’ils vivent dans une grande ville, les gens ont besoin de réseaux sociaux non virtuels, de se voir, d’être ensemble dans un même lieu. C’est ce qui marque le plus grand changement, à mon avis. Dans une copropriété, voilà quelques années, il y avait un hall d’entrée, parfois une
piscine sur le toit et une petite salle de réception ; là se limitaient les espaces communs. Maintenant, on ajoute des centres sportifs, des cafés, des lieux de rencontre, des chalets urbains, des spas. Ça devient une communauté verticale », formule Anik Shooner. Un phénomène semblable est observé dans les tours de bureaux, fait-elle remarquer, où l’on commence à voir des salles à manger ainsi que des salles de réunion qui servent à tous les locataires, alors qu’auparavant chacun avait ses propres espaces à l’intérieur de ses locaux. AILLEURS EN VILLE Ce qui se produit au centre-ville, c’est la moitié de ce qui se passe à Montréal dans son ensemble, selon Richard Bergeron qui mentionne le projet Royalmount, le secteur du Triangle, la démarche entamée pour le secteur de l’ancien hippodrome, à Côte-des-Neiges, et les nombreux immeubles neufs dans Hochelaga-Maisonneuve. « La petite rue des Carrières, à Rosemont, est maintenant bordée de nouveaux immeubles résidentiels. Qui aurait pensé, il y a 10 ans, aller vivre juste à côté de l’ancien incinérateur ? Ils ont une formidable vue sur le centreville ; comme c’est une voie ferrée en avant, il n’y a aucun obstacle, et c’est un secteur aussi tranquille qu’à la campagne. » Parlant architecture, Anik Shooner ajoute : « Les concep teurs des projets actuels réfléchissent à l’implantation de l’immeuble dans son environnement, à la volumétrie harmonieuse avec le quartier, à la création d’oasis de verdure pour aménager des îlots de calme au milieu de l’action de la ville. Le langage architectural de l’enveloppe du bâtiment tient compte des aspects de cette réflexion. »
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QU’EN DIRONT LES GÉNÉRATIONS FUTURES ? Cette période d’effervescence que nous sommes en train de vivre, dans 50 ans, les historiens en parleront comme nous évoquons aujourd’hui celle des années soixante, croient Anik Shooner et Richard Bergeron. « Il y a comme une mythologie des années soixante, dit ce dernier, au cours desquelles il s’est passé des choses aussi extraordinaires que la construction du métro, Expo 67, un cycle que nous considérons comme magique pour l’ensemble de la population québécoise. » Anik Shooner poursuit dans le même esprit : « Ce qui se passe en ce moment sera reconnu comme un enrichissement de la ville vers la densité, la sécurité et la mixité des espaces. Ce qui s’est fait dans le Quartier des spectacles et dans la Cité internationale, c’est remarquable ; on voit l’apport de projets d’exception. Certains y trouveront peut-être des lacunes, avec le recul, mais ce sont quand même des années positives pour le développement de Montréal. »
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ET DU CÔTÉ DE QUÉBEC ? « Le réseau structurant de transport en commun aura beaucoup d’impacts, prévoit André Fortin, président du Conseil régional de Québec de l’Institut de développement urbain. Il va transformer la trame urbaine et il orientera le développement des nouveaux projets immobiliers, sans aucun doute. Évidemment, comme dans tous les grands projets urbains, on ne fait pas d’omelette sans casser d’œufs, et quelques projets sont un peu retardés dans l’attente de sa réalisation. » Quels sont les grands secteurs en développement ? Les trois pôles majeurs de Québec sont en ébullition : le plateau Sainte-Foy, le secteur Lebourgneuf, Saint-Roch – la colline. L’arrivée du tramway stimule l’apparition d’un nouveau pôle, le point de départ du tramway à l’ouest dans le secteur Chaudière, là où se situent les magasins Ikea et Décathlon. « La réalisation de ce projet de transport structurant va permettre le développement de complexes offrant une meilleure densité de logements et davantage de services, davantage de mixité », poursuit André Fortin. Par ailleurs, Lévis connaît également une belle croissance économique, qui se répercute principalement dans deux pôles de développement à densifier : Saint-Romuald et le pôle Desjardins. « Lévis connaît une très forte croissance démographique, et le défi consiste à densifier ce côté du fleuve tout en assurant une liaison plus fluide avec Québec. Les deux grandes villes de la région ont tout intérêt à se développer en harmonie, en étant mieux interconnectées », exprime-t-il. Comment résumer 2019 à Québec ? L'année dernière a été marquée par la préparation des grands projets qui ne manqueront pas d’être lancés en 2020. Le quartier Saint-Roch et le secteur Lebourgneuf continuent à susciter
ANDRÉ FORTIN Président du Conseil régional de Québec Institut de développement urbain
un attrait chez les promoteurs et leurs clients. Un nouveau secteur devrait connaître un début de transformation marquée ; c’est l’entrée nord de la ville, autour de Place Fleur de Lys, selon André Fortin. « Trudel Alliance arrive avec de nouvelles façons de faire les choses. Les grandes surfaces que l’on trouve un peu partout sur le territoire vont ajouter des services, y joindre l’habitation pour en faire des milieux de vie intéressants. D’autres occasions de métamorphose vont se créer, notamment le long du boulevard Laurier. Mais il faut d’abord voir comment le nouveau réseau de transport va se déployer et à quelle vitesse il le fera », conclut-il. IMMOBILIER COMMERCIAL : : FÉVRIER – MARS 2020
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