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NOUVELLE CONSO Sommes-nous prêts pour un virage durable

Sonia Gagnon

Experte invitée

Sonia Gagnon est la présidente de SGM, une agence de marketing montréalaise réputée, spécialisée dans l’industrie immobilière. Elle est également présidente sortante de la section montréalaise de CREW M, une organisation de promotion de la réussite des femmes dans l’immobilier commercial, qui compte 12 000 membres en Amérique du Nord, dont 300 à Montréal.

SOMMES-NOUS PRÊTS POUR UN VIRAGE DURABLE?

Dans son plus récent rapport Conscious Fashion, Lyst notait une augmentation de 37 % des recherches sur la mode contenant le mot «durable». Même son de cloche du côté de New York, où le thème de la durabilité a été l’un des principaux sujets de discussion au NRF Retail’s Big Show en 2020. La pression monte pour créer une économie plus résiliente et saine. La pandémie de COVID-19 est-elle le grand électrochoc dont le monde du retail avait besoin? Où en sommes-nous en tant que consommateurs et quelles sont les marques qui ouvrent la voie à de nouveaux modèles d’affaires?

LES MILLÉNARIAUX ET LA GÉNÉRATION Z: VECTEURS DE LA PRISE DE CONSCIENCE ÉCOLOGIQUE?

Les jeunes sont encore les plus grands consommateurs de fast fashion. Pas étonnant, car cette mode accessible plaît à leur portefeuille; et ils ne sont pas les seuls. On estime qu’une personne qui vit dans un pays développé va consommer environ 3 000 articles de mode au cours de sa vie. Si le prix a encore beaucoup d’importance pour ces générations, on observe une préférence grandissante pour les marques durables. Les millénariaux et la génération Z représentent aujourd’hui près de la moitié des consommateurs mondiaux. Leur pouvoir d’achat est indéniable, et leur influence va dicter les nouvelles manières de faire pour mieux consommer. S’ils sont prêts à payer 10% de plus pour des produits durables, le tiers de la génération X et le quart des baby-boomers le sont aussi. Au Québec, selon l’Observatoire de la consommation responsable, presque tous les Québécois croient que la consommation durable est un segment en croissance qui contribue positivement à l’économie. Cette prise de conscience activiste de plus en plus partagée par l’ensemble des générations va forcer l’industrie du commerce de détail à répondre aux aspirations environnementales de ses clientèles. Mais alors que l’engouement pour l’achat local est à son plus fort, deux consommateurs sur trois déplorent encore que les commerçants ne proposent pas suffisamment de produits durables. Est-ce vraiment le cas ou l’offre de ces produits est-elle mal communiquée?

SIMONS ET SON ENGAGEMENT ÉCORESPONSABLE

Au Québec, la stratégie de mise en marché de la Maison Simons est l’une des plus intéressantes en matière d’écoresponsabilité. Premièrement, les articles durables, que ce soit des vêtements ou des produits pour la maison, constituent une offre importante. Adroitement mise en évidence par Simons, toute une section du site Internet est consacrée aux artisans et aux produits d’ici. Sous l’appellation «La Fabrique 1840», la marque mise sur le développement d’une offre locale et souhaite jouer un rôle actif dans la transformation du commerce de détail.

UNIQLO: CHANGER LE MONDE UN VÊTEMENT À LA FOIS

Arrivée à Montréal il y a trois mois, la marque Uniqlo se positionne en force avec sa promesse de «Libérer le pouvoir de l’habillement». L’entreprise veut, à sa manière, changer le monde, par la façon dont on s’habille ou l’on fabrique les vêtements. La stratégie de Tadashi Yanai, président d’Uniqlo, est de continuer d’offrir une mode accessible, mais qui a une plus grande durée de vie. Semblable au modèle de H&M, le service RE.Uniqlo permet aux gens de faire don de leurs vêtements, redistribués ensuite dans des organismes de bienfaisance. L’entreprise a aussi commencé à recycler ses populaires produits en duvet et a développé DRYEX, un textile performant utilisant des fibres de polyester venant de bouteilles de plastique – un produit porté fièrement par Roger Federer, un de leurs ambassadeurs. Pourtant, quand on y regarde bien, seulement 2% de son offre est durable. Les leaders de la mode jetable ont encore beaucoup de changements à réaliser pour répondre à nos envies de consommer de manière plus vertueuse – ce sont du moins les conclusions d’une étude menée par Lectra et Retviews, parue l’été dernier.

DES AVANCÉES PLUS IMPORTANTES DANS LE SECTEUR DES ARTICLES DE MAISON

IKEA en aura peut-être surpris plus d’un l’automne dernier avec l’annonce d’un nouveau concept de meubles et d’accessoires d’occasion. Oui, oui, vous avez bien lu! La bannière suédoise a choisi son emplacement avec soin, au centre ReTuna – le premier complexe commercial au monde entièrement consacré au recyclage, à l’upcycling (réutilisation) et au zéro déchet. IKEA souhaite utiliser sa notoriété pour inciter plus de gens à vivre une vie «durable». Avant-gardiste, elle ouvre la voie à une vraie transition vers un modèle commercial durable. Ce magasin d’occasion s’inscrit dans un projet d’innovation global qui vise à tester et à développer un modèle commercial circulaire, rentable pour l’avenir. IKEA s’est d’ailleurs engagée à ce que tous ses produits soient conçus, d’ici 10 ans, selon des principes d’économie circulaire.

RETUNA

IKEA

Alors que certains États, comme les Pays-Bas, visent la pleine circularité d’ici 2030 et que, plus près de nous, le gouvernement du Québec prévoit investir 6,7 milliards de dollars en cinq ans dans l’économie verte, le moment est idéal pour définir ce que l’on souhaite pour nos industries d’ici. Souhaitons-nous donc d’être collectivement audacieux en 2021 et encore plus judicieux dans nos choix de consommation individuels.

Marie-France Benoit, MBA

Directrice principale

Sylvain

Leclair, B.A.A., AACI, É.A. Viceprésident directeur

Alain

Roy, É.A.

Directeur général – bureau de Québec, Recherche, évaluation et servicesconseils

Experts invités de Groupe Altus

BILAN DE L’ANNÉE 2020 SUR LES MARCHÉS IMMOBILIERS DE MONTRÉAL ET DE QUÉBEC

Imprévisibilité, turbulences, incertitude… Voilà comment peut se résumer l’année 2020, qui nous a plongés dans une situation inédite. Bien qu’elle ait dû faire face à des défis importants, l’industrie immobilière a toutefois su faire preuve de résilience, certains secteurs ayant étonnamment bien tiré leur épingle du jeu. En revanche, d’autres devront encore surmonter de nombreuses embûches avant de renouer avec la croissance. Tour d’horizon d’une année hors normes.

À la mi-mars, nos vies ont littéralement basculé dans une nouvelle réalité. L’imposition de mesures sanitaires strictes n’a pas eu des répercussions seulement sur notre quotidien, mais aussi sur l’industrie immobilière qui a eu à composer avec des changements importants, comme l’introduction massive du télétravail et la fermeture pendant plusieurs semaines des commerces non essentiels. Résultat: plusieurs segments immobiliers comme les centres commerciaux, l’hôtellerie et le bureau traversent une période d’incertitude ou de difficultés marquées, alors que d’autres secteurs, comme l’industriel et le multifamilial, se portent très bien.

Même si la pandémie est loin d’être derrière nous, avec plusieurs mois de recul, nous pouvons désormais tirer quelques grands constats. Ainsi, les faibles taux d’intérêt actuellement en vigueur donnent une certaine marge de manœuvre aux investisseurs. Au 3e trimestre, l’écart entre le taux de rendement sur les Obligations d’épargne du Canada 10 ans (0,55%) et le taux de rendement interne moyen de l’indice de référence de Groupe Altus a atteint un record de 563 points de base, dépassant le précédent record de 2009 (543 points). Le taux des Obligations a quelque peu augmenté au 4e trimestre (0,66%), mais il devrait se maintenir près du plancher encore longtemps.

Les résultats de l’enquête de Groupe Altus sur les tendances d’investissement pour le dernier trimestre de 2020, achevée avant la résurgence des cas de COVID-19 enregistrée en décembre, montraient peu de variations depuis mars. Le taux global d’actualisation (TGA) moyen pour les quatre classes d’actifs de référence des principaux marchés canadiens, lequel affichait un seuil historique de 4,95% au 1er trimestre 2020, s’est maintenu à une valeur de 5,10 à 5,15% pour le reste de l’année.

Les variations ont toutefois été plus marquées selon la classe d’actifs. La tendance à la hausse des critères de rendement exigés amorcée en 2017 pour les centres commerciaux régionaux de calibre supérieur s’est accélérée dès le 2e trimestre,

cumulant 45 points d’augmentation en 2020. Une tendance semblable est notée pour le TGA moyen du segment des bureaux, passé de 5,30% au 1er trimestre à 5,60% au dernier trimestre de 2020. Au cours de la même période, on observait une tendance opposée pour les propriétés industrielles et multifamiliales de référence, enregistrant des compressions au cours de l’année et des moyennes de rendements exigés au 4e trimestre 2020 inférieures à celles du 4e trimestre 2019. Le TGA moyen pour les actifs industriels se situe maintenant en deçà des exigences de rendement pour les tours de bureaux du centre-ville: du jamais vu depuis que cet indice a été créé, en 1999.

Les compressions de rendements exigés reflètent la confiance des investisseurs quant à la performance des actifs multirésidentiels et industriels. En comparaison, l’avenir reste flou pour le marché des bureaux. Les centres commerciaux, pour leur part, sont perçus comme les plus risqués, à l’exception des centres linéaires de quartier avec épicerie comme locataire majeur. Sur le baromètre de l’indice Altus au 3e trimestre, ce type d’actif s’est d’ailleurs hissé au premier rang des préférences des investisseurs, pour la première fois depuis 2009. Les actifs industriels ont cependant repris leur première place au baromètre du 4e trimestre.

Ces tendances et ces préférences des investisseurs se reflètent également sur l’activité d’investissement. Le volume de transactions sur le marché industriel pour la première moitié de l’année est en hausse tant à Montréal (+52%) que dans la capitale nationale (+28%). Cependant, le volume total des transactions immobilières commerciales dans la grande région de Montréal a diminué de 17% entre le 1er semestre de 2019 (4,04 G$) et le 1er semestre de 2020 (3,34 G$), en dépit de la forte activité au début de l’année. Sur le marché de l’investissement de Québec, le volume total de transactions du 1er semestre de 2019 et celui de 2020 restent relativement identiques (228 M$ comparativement à 232 M$). Au-delà de cette stabilité, on constate que le volume de transactions pour les hôtels, les centres commerciaux et les terrains a fléchi, au profit des segments multirésidentiel, industriel et de bureau.

Voyons comment s’est déroulée l’année 2020 dans les différents segments sur les marchés de Montréal et de Québec.

MONTRÉAL

LE BUREAU SUR PAUSE

Sur le marché du bureau, les plus récentes transactions majeures remontent à janvier 2020, lors de l’acquisition, par Allied Properties, du Centre de commerce mondial de Montréal et de la vente du 1100, boul. René-Lévesque Ouest à Groupe Petra. Depuis, c’est le calme plat, hormis pour les immeubles de plus petit gabarit. L’année s’est toutefois terminée avec une transaction de 27,7 M$ (221$/pi2) pour un bâtiment de deux étages à Pointe-Claire acquis par la société Lower Vanguard Data Centers Canada.

La situation que l’on vit depuis mars 2020 soulève plusieurs questionnements sur l’avenir du marché des bureaux: le télétravail sera-t-il toujours généralisé une fois la pandémie contrôlée? Quel en sera l’impact sur la demande et, par conséquent, sur les loyers? La plupart des locataires de bureaux en sont encore au stade de réflexion quant à leur stratégie d’occupation postpandémie. On ne pourra vraiment en mesurer l’effet qu’au moment du renouvellement des baux, mais pour l’heure, bien que les immeubles de bureaux soient peu occupés, ils sont loués, et les gestionnaires collectent les loyers.

Cela dit, certains locataires sont passés à l’action en testant le marché de la sous-location. On remarque aussi que le pourcentage de locaux à louer dans le Grand Montréal ne cesse d’augmenter depuis le début de la pandémie, grimpant de 10,9% au 1er trimestre de 2020 à 13,8% au 4e trimestre; en outre, une bonne portion est attribuable à l’espace en sous-location, qui a plus que doublé entre le 2e et le 4e trimestre. Malheureusement, cette hausse vient effacer tous les gains d’absorption enregistrés en 2019.

UN MARCHÉ INDUSTRIEL VIGOUREUX

Contrairement à d’autres secteurs, celui de l’industriel n’a pas connu de ralentissement en 2020, bien au contraire. Depuis avril, on a recensé plusieurs transactions importantes et des hausses de prix. En général, les transactions récentes affichent des taux d’actualisation de 4,5 à 5,0%.

On remarque également une baisse marquée de la disponibilité tant pour les immeubles à locataire unique que pour les bâtiments multilocataires, ainsi qu’une forte augmentation des loyers. La progression récente des loyers n’a toutefois pas permis à Montréal de rattraper les niveaux de loyers de Toronto ou de Vancouver, mais le gain reste impressionnant. Les occupants ont de moins en moins d’options sur le marché locatif pour accommoder leurs projets d’expansion, ce qui alimente la construction sur mesure. La construction de nouveaux centres de distribution de pointe se multiplie dans les banlieues plus éloignées, là où les terrains sont disponibles, moins coûteux, et où le taux de taxation s’avère moins élevé. Les bons emplacements sur l’île demeurent prisés, avec l’essor fulgurant du commerce en ligne et la nécessité, pour certains fournisseurs, de livrer rapidement leur marchandise chez le consommateur. Amazon a d’ailleurs choisi de construire ses nouvelles installations à Lachine.

LES CENTRES COMMERCIAUX: UN BILAN À NUANCER

L’hiver s’annonce long et difficile pour le commerce de détail, surtout pour les galeries marchandes du centre-ville, privées de la clientèle touristique et de l’achalandage des travailleurs de bureaux. Les programmes d’aide d’urgence pour le loyer accordé par le gouvernement fédéral ne réussiront pas à sauver tous les détaillants de commerces non essentiels. Les plus fragiles ont déjà déposé leur bilan. En se basant sur l’expérience de la première vague de cas de COVID-19, on peut s’attendre à ce que ce deuxième confinement et la fermeture des commerces non essentiels jusqu’en février frappent encore plus durement un segment de l’économie déjà à bout de souffle (et de liquidités).

Il n’est donc pas étonnant que l’activité d’investissement sur le marché des centres commerciaux de la métropole en 2020 soit tournée essentiellement vers l’acquisition de centres linéaires de quartier avec épicerie ou pharmacie comme locataire principal. Plusieurs transactions pour ce type de propriétés se sont conclues au dernier trimestre de 2020, notamment à Terrebonne, Saint-Hilaire, Châteauguay et L’Île-Perrot. On observe aussi de l’activité du côté des investisseurs privés qui jugent que le moment est opportun pour acquérir des centres dont le site offre un excellent potentiel de densification et de redéveloppement. Notons également en décembre la vente d’intérêts partiels dans le Carrefour Laval, pour un montant de 211 M$.

ISTOCK PAR FIZKES

LA DEMANDE TOUJOURS AU RENDEZ-VOUS POUR LE MULTIFAMILIAL LOCATIF

Le segment multifamilial avait déjà connu une année faste en 2019, et la tendance s’est poursuivie en 2020. La pandémie n’a pas eu d’impact sur les rendements, et plusieurs importantes transactions ont été enregistrées au cours de l’année.

La demande de logements de qualité ne s’essouffle pas, au contraire. Les projets d’appartements locatifs comptent pour 53% des 9700 unités mises en chantier au cours des neuf premiers mois de 2020, contre 30% pour la copropriété et 18% pour l’unifamilial. Le nombre de mises en chantier d’habitations a maintenu essentiellement la même cadence qu’en 2019 sur le territoire de la Région métropolitaine de recensement de Montréal.

Apportons un bémol, par contre, pour les conditions de location au centre-ville, secteur très touché par la fermeture des frontières aux nouveaux arrivants et aux étudiants étrangers. Outre la baisse de la demande, l’ajout sur le marché locatif d’appartements destinés à la location à court terme par l’intermédiaire des plateformes comme Airbnb et d’unités en copropriété non écoulées a entraîné une hausse importante du taux d’inoccupation. Cette conjoncture défavorable est cependant temporaire, et le marché du centre-ville devrait retrouver l’équilibre une fois la pandémie jugulée.

En fin d’année, les TGA des transactions de tours d’appartements de qualité sont restés très faibles, sous la barre des 4% pour les meilleurs actifs. Les investisseurs sont prêts à s’éloigner du centre-ville si la qualité est au rendez-vous. Même pour les immeubles de moindre qualité ou moins récents, les TGA restent agressifs, comme en témoigne la vente de deux tours d’habitation de construction 1960-1970, situées dans l’arrondissement Côtedes-Neiges–Notre-Dame-de-Grâce, à un taux d’actualisation sous la barre des 5%.

QUÉBEC

CALME PLAT SUR LE MARCHÉ DES BUREAUX

Avant la pandémie, on observait un intérêt de plus en plus marqué de la part des investisseurs institutionnels de grande envergure pour les actifs desservis par les nouvelles infrastructures de transport collectif au cœur des grandes agglomérations urbaines. Cette stratégie a graduellement laissé la chance aux investisseurs privés de faire des acquisitions d’envergure dans les marchés de plus petite taille, comme Québec. C’est ainsi que Groupe Mach et Cromwell ont pu se hisser parmi les cinq plus grands propriétaires de bureaux de la capitale. Cromwell a fait une entrée remarquée en acquérant, en décembre 2019, le Complexe Delta sur le boulevard Laurier au coût de 72,5 M$. Outre cette transaction, notons aussi, en décembre 2019, l’acquisition par la Société québécoise des infrastructures (SQI) de trois immeubles de bureaux appartenant à des propriétaires privés. Totalisant près de 25 M$, ces acquisitions s’inscrivent dans la stratégie immobilière de la société d’État visant à équilibrer le ratio location/détention de son vaste portefeuille. Aucune autre transaction majeure (de 5 M$ et plus) n’a depuis été conclue sur le marché des bureaux de Québec.

Ce marché offre pourtant plusieurs avantages, notamment l’absence de surconstruction, ainsi que des taux d’inoccupation relativement bas et plutôt stables. Le taux d’inoccupation au 4e trimestre 2020 n’était que de 7,3%. Seulement deux nouveaux immeubles totalisant 80 000 pi2 et loués à 80% se sont ajoutés à l’inventaire de 20 millions de pieds carrés. Autre point distinctif, la sous-location reste marginale, soit seulement 24 000 pi2 sur une superficie vacante totale d’un peu plus de 1,5 million de pieds carrés, mais l’on sent que la tendance s’accélère. La capitale n’est pas à l’abri des bouleversements suscités par l’introduction massive du télétravail. Pour les grands occupants d’espaces, telles la SQI, les compagnies d’assurances et les grandes firmes de services professionnels, la réflexion suscitée par les bouleversements actuels demande du temps. Mais le marché de Québec compte beaucoup de petites entreprises pour lesquelles une décision de réduire la taille de leurs bureaux ou de ne pas renouveler leur bail peut se prendre très rapidement.

LE MARCHÉ INDUSTRIEL: PÉNURIE ET PRIX À LA HAUSSE

Le marché industriel de Québec, comme ailleurs au pays, a affiché une très bonne performance malgré la pandémie. La demande dans les zones industrielles des quartiers centraux est restée forte. La rareté des produits offerts, tant pour les propriétaires occupants que pour la location, a d’ailleurs entraîné d’autres hausses des valeurs et des loyers en 2020. Nos analyses indiquent que le prix des terrains dans les secteurs centraux varie de 18$ à 22$/pi2, des taux plus élevés que ceux des terrains commerciaux dans plusieurs secteurs de la ville. Les prix tendent toutefois à diminuer dès que l’on se déplace en périphérie, vers les secteurs de Beauport, de Saint-Augustin-de-Desmaures ou de Lévis.

L’inventaire industriel de Québec, dont l’économie est axée sur les services, ne compte que 20 millions de pieds carrés, répartis presque également entre immeubles locatifs et immeubles de propriétaire occupant. Il y a actuellement un manque criant de locaux à louer, ce qui exerce une pression à la hausse sur les loyers. Il faut payer en moyenne 8$ net/pi2, voire plus pour des bâtiments neufs et de très bonne qualité ou à proximité d’une autoroute. Devant la pénurie d’espace, la construction demeure la seule possibilité pour les entreprises en croissance. Or, la hausse des coûts de construction et des terrains rend cette option peu attrayante, puisque le loyer économique dépasse nettement le loyer marchand, à moins d’être déjà propriétaire d’un terrain acheté à un prix moindre que ceux observés actuellement.

Au cours des dernières années, la Ville de Québec a développé de vastes parcs industriels privilégiant les entreprises de haute technologie. Ces zones, dont l’Espace d’innovation Chauveau et l’Espace d’innovation Michelet, peinent à suffire à la demande. Par conséquent, les options disponibles se font d’autant plus rares pour le secteur plus traditionnel de la logistique et de la distribution, qui connaît un essor fulgurant en contexte de pandémie.

ISTOCK PAR TIRC83

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LES CENTRES COMMERCIAUX: UN PREMIER CONFINEMENT MOINS PÉNIBLE

Sans dire que les centres commerciaux de la capitale se portent bien, la fermeture des commerces non essentiels et les restrictions sanitaires imposées pour faire face à la première vague de cas de COVID-19 ont été de plus courte durée dans la région, et le rebond des ventes au détail lors du déconfinement partiel estival a été plus vigoureux que dans la RMR de Montréal. Reste à savoir si ces quelques semaines de décalage feront une différence.

En ce qui concerne l’activité transactionnelle, aucune vente majeure de centre commercial (5 M$ et plus) n’a été conclue en 2020 sur le marché de Québec. Les plus récentes transactions d’envergure remontent à novembre et décembre 2019, alors que des investisseurs privés ont acquis des centres de quartier avec épicerie: Place Duberger (9,7 M$) et 1855, route des Rivières à Lévis (9,6 M$). Toujours en décembre 2019, Cominar a disposé du Carrefour Les Saules, un centre doté d’un mail intérieur avec comme principal locataire l’épicier Maxi, acquis par Bitton Properties pour la somme de 9,3 M$. Comme à Montréal, on s’attend à voir des projets de redéveloppement de sites commerciaux par la densification et la mixité des usages.

LE SECTEUR MULTIRÉSIDENTIEL: NOMBRE RECORD DE MISES EN CHANTIER

La pandémie n’a aucunement touché le secteur multirésidentiel en 2020. Le volume d’acquisition a plus que doublé, et les TGA sont restés très bas. Les investisseurs locaux ont dominé l’activité, rassurés par la forte demande des locataires. D’ailleurs, la construction de nouveaux projets locatifs ne semble pas s’essouffler. De 2016 à 2018, environ 2600 nouveaux logements à louer sont arrivés chaque année sur le marché. En 2019, on a atteint un sommet avec près de 3700 nouvelles unités. Mieux encore, de janvier à juillet 2020, près de 3500 nouvelles unités ont été mises en chantier, et l’on pourrait même avoir dépassé le cap de 4000 nouveaux logements à la fin de 2020, un bond de 150% par rapport à 2019. Donc, si vous voyez une grue à Québec, il y a de fortes chances qu’il s’agisse de la construction d’un immeuble résidentiel multilocatif.

La pandémie n’a d’ailleurs en rien perturbé le rythme de la construction, ce qui illustre bien la vigueur de ce secteur. Le marché locatif a accaparé plus de 70% de toutes les mises en chantier d’unités d’habitation en 2019, comparativement à seulement 25% en 2012. De ce nombre, les résidences pour aînés, où l’on constate un certain ralentissement, représentent tout de même 16% des unités locatives en construction. Qui plus est, malgré cette offre abondante, l’absorption demeure excellente pour la très grande majorité des projets, avec un écoulement moyen de huit unités par mois. Pour se protéger d’un possible ralentissement de l’absorption, les promoteurs favorisent la construction en phases d’environ 100 à 150 unités au maximum. Il s’agit d’une bonne façon d’éviter de se retrouver avec un inventaire disponible pendant une trop longue période, et cela permet de louer un immeuble dans un délai de 12 à 18 mois. Le marché de la copropriété de Québec n’a pas connu l’effervescence observée depuis quelques années dans les quartiers centraux de la métropole. Le marché des acheteurs investisseurs ou spéculatifs demeure marginal à Québec, et les délais de vente sont encore longs. Les unités en copropriété dans la RMR de Québec ne comptaient que pour 6% des mises en chantier en 2019. Le vieillissement de la population de la capitale favorise davantage le marché locatif.

Pour conclure, tant à Montréal qu’à Québec, la pandémie de COVID-19 a contribué à ébranler certains secteurs déjà fragiles ou a déstabilisé des segments du marché qui jusqu’ici se portaient relativement bien. Mais tout n’est pas joué, et dès que la crise sanitaire sera derrière nous (nous ignorons bien sûr à quel moment), la situation pourrait se rétablir rapidement, même si nos préférences et nos modes de vie demeureront sans doute profondément transformés.

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