MONTRÉAL
PLAQUE TOURNANTE DES ÉCHANGES COMMERCIAUX PAR SYLVIE LEMIEUX, JOURNALISTE
Denrées alimentaires, vêtements, meubles, véhicules… Tous ces biens qui sont au cœur du quotidien transitent chaque jour par Montréal avant d’être acheminés jusqu’aux consommateurs par camion, par train, par bateau ou par avion. En raison de sa position géographique avantageuse, la métropole est la porte d’entrée pour le transport intermodal des marchandises vers les marchés nord-américains et internationaux. Elle a mis le cap sur la croissance et se donne les moyens pour réaliser ses ambitions.
GETTY IMAGES PAR BUGPHAI
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L’objectif : accroître le positionnement de Montréal parmi les grands pôles logistiques de transport intermodal de marchandises en Amérique du Nord. La métropole a plusieurs atouts dans sa manche pour y arriver. Sa position géographique favorable lui donne un accès direct à 135 millions de consommateurs dans un rayon de 1 000 kilomètres. Elle abrite un port océanique opérationnel et accessible 12 mois par année. De plus, le port de Montréal est l’unique port à conteneurs dans le corridor Québec-Ontario, par où transitent les deux tiers du commerce international canadien. La métropole peut aussi compter sur la présence de deux aéroports, d’un important réseau ferroviaire qui facilite les échanges vers l’Ouest canadien et les États du Midwest américain, sans parler de ses nombreux axes routiers. UN ENJEU DE FLUIDITÉ Pour accroître ses activités, le secteur doit résoudre quelques enjeux ; la fluidité du transport figure en tête de liste. Avec un réseau routier sursollicité et en rénovation depuis quelques années, la circulation des marchandises n’est pas toujours optimisée. « D’où l’importance de travailler ensemble pour trouver les solutions appropriées afin d’améliorer la fluidité », explique Mathieu Charbonneau, directeur général de CargoM qui regroupe aujourd’hui une cinquantaine de membres, dont l’Administration portuaire de Montréal, Aéroports de Montréal, les grands trans porteurs ferroviaires, maritimes et routiers, des fabricants et des importateurs / exportateurs comme
ADMINISTRATION PORTUAIRE DE MONTRÉAL
A
u cœur de ces activités, il y a des milliers d’hommes et de femmes qui manutentionnent chaque jour des tonnes de marchandises. En fait, plus de 120 000 personnes (emplois directs et indirects) travaillent dans les quelque 6 300 entreprises liées au transport et à la logistique dans le Grand Montréal. Ce secteur clé pour le développement économique de la métropole a senti le besoin d’unir ses forces pour soutenir sa croissance. C’est ce qui a mené à la création de la grappe industrielle chapeautée par CargoM en 2012. « Cela a permis de réunir tous les intervenants de la chaîne autour d’une même table, explique Sylvie Vachon, présidente-directrice générale de l’Administration portuaire de Montréal et présidente du conseil d’administration de CargoM. Ils avaient déjà l’habitude de travailler ensemble, mais pas de façon aussi structurée. »
SYLVIE VACHON Présidente-directrice générale de l’Administration portuaire de Montréal et présidente du conseil d’administration de CargoM
Dorel, la Société des alcools du Québec, Décathlon, de même que des établissements d’enseignement et de recherche. Ces dernières années, CargoM a posé plusieurs actions ayant mené à des résultats concrets. L’organisme a notamment développé l’application CargoMobile pour les camionneurs, un projet mené en colla boration avec la Ville de Montréal, l’Association du camionnage du Québec et le gouvernement du Québec. « L’application fournit de l’information en temps réel sur le trafic, les entraves à la circulation de même que sur le plan de camionnage de la Ville. Le chauffeur peut ainsi obtenir le chemin le plus efficace pour effectuer son trajet », explique M. Charbonneau. Un autre projet a permis d’améliorer le passage des camions à l’entrée du port de Montréal via la rue Notre-Dame (voir texte en p. 32). L’été dernier, CargoM a aussi mis sur pied un important projet MONTRÉAL ÉCONOMIQUE : : ÉDITION 2019
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CargoM
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L’équipe de CargoM s’inspire beaucoup de ce qui se fait au port de Savannah, en Géorgie, autour duquel a été mis en place un écosystème logistique reconnu pour son efficacité et sa performance. GETTY IMAGES PAR NICOLASMCCOMBER
pilote pour évaluer la possibilité d’allonger les heures d’ouverture des terminaux. Les résultats ont été concluants, ce qui fait en sorte qu’ils sont maintenant ouverts de 6 h à 23 h plutôt que de 7 h à 15 h. « Cela donne aux transporteurs une plus grande fenêtre d’opportunité pour effectuer le transport et, surtout, de le faire en dehors des heures de pointe », précise M. Charbonneau. Malgré l’augmentation du coût d’exploitation pour les terminaux qui ont dû ajouter de la main-d’œuvre, la nouvelle mesure a déjà fait ses preuves. « C’est un investissement qui devient nécessaire pour améliorer le service, ajoute M. Charbonneau. Cette pratique s’implante dans tous les ports. Les termi naux gagnent en efficacité. » Pour que les gains soient réels, il faut toutefois que tous les intervenants de la chaîne soient informés de ces nouvelles heures. « Nous travaillons avec les propriétaires des centres de distribution pour qu’ils changent eux aussi leurs heures d’ouverture afin d’éviter que le camionneur qui vient chercher la marchandise tôt le matin au port se heurte à des portes closes », explique le directeur général. Il reste encore beaucoup à faire à ce chapitre, notamment auprès des chaînes alimentaires, qui ne 28
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peuvent recevoir des livraisons le soir en raison de la réglementation qui limite le nombre d’employés en dehors des heures d’ouverture. Des solutions existent telles que les zones de dépôts automatisées, comme on en voit dans des centres de distribution en Europe. Elles permettent aux livreurs de déposer la marchandise dans des espaces dotés d’un accès sécurisé et isolé du reste de l’entrepôt. Il faut souhaiter que ces zones se répandent au Québec. L’avenir est aussi aux centres de distribution mutua lisés, selon M. Charbonneau. « La croissance du commerce électronique entraîne beaucoup de déplacements de marchandises, dit-il. Il faut rechercher la consolidation de manière à déplacer un plus fort volume de colis par voyage. C’est la façon d’être plus efficace, surtout en situation de pénurie d’emploi du côté des camionneurs. En plus, cela permet de réduire les émissions de gaz à effet de serre, un gain pour l’environnement. » Des projets d’implantation de centres de distribution mutualisés sont d’ailleurs en cours à Montréal. UN MODÈLE INSPIRANT L’équipe de CargoM s’inspire beaucoup de ce qui se fait au port de Savannah, en Géorgie, autour duquel
LOGJSTIA� INTEGRE_--'-
FRET MARITIME & TRANSBORDEMENT
a été mis en place un écosystème logistique reconnu pour son efficacité et sa performance. Avec des résultats qui font des envieux, Savannah est le quatrième port en importance aux États-Unis pour la manutention de conteneurs. De port secondaire, il est devenu en 25 ans la principale porte d’entrée du sud-est du pays, une région qui connaît une forte croissance économique. Le regroupement des principaux intervenants autour d’une même vision de développement a contribué à l’implantation de grands centres de distribution (Ikea, Home Depot, Dorel, etc.) qui se sont multipliés ces dernières années. « La clé de leur succès, c’est la collaboration entre toutes les parties prenantes, les autorités portuaires, les intervenants de la chaîne logistique de même que les responsables du développement économique de l’État. Le port a aujourd’hui un grand pouvoir d’attraction. Au début des années 1990, il y avait une poignée de centres de distribution ; aujourd’hui, il y en a 250 », explique Mathieu Charbonneau qui s’est rendu à deux reprises à Savannah avec une délégation québécoise pour connaître la recette de leur succès. « Des responsables du port géorgien sont aussi venus à Montréal pour voir ce qui se faisait ici », ajoute-t-il.
Depuis la conception, la composition et la mise en place de ses divisions de logistique internationale il y a plus de 10 ans, Ray-Mont Logistics s'efforce de fournir une solution de logistique intégrée verticalement à ses clients, à ses partenaires et à ses fournisseurs estimés, tout en mettant l'accent sur l'accroissement de l'efficacité opérationnelle de ses terminaux et de la chaîne 1 1 d'approvisionnement dans son ensemble. (t �
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LOGIS TICS
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CargoM
Plusieurs des outils mis en place par CargoM ont été inspirés de ceux développés à Savannah, comme Zoom Grand Montréal, un site qui permet de découvrir l’offre de terrains et de bâtiments industriels et commerciaux à vendre ou à louer dans la région métropolitaine. « Notre but, c’est d’attirer davantage de centres de distribution sur notre territoire. Nous travaillons de très près avec les organismes de développement économique pour leur faire connaître les forces de notre secteur. Nous participons également à des missions économiques à l’international », souligne M. Charbonneau. Montréal commence à récolter les fruits de ce travail. « Jusqu’à récemment, il y avait peu de marchandises en provenance de l’Asie qui transitaient par Montréal. Aujourd’hui, 25 % des conteneurs manutentionnés au port de Montréal sont en provenance de l’Asie ou en partance vers cette région du monde », ajoute-t-il.
« Nous avons développé des outils d’information pour faire valoir les secteurs forts de la métropole comme celui de l’intelligence artificielle, qui offre de belles perspectives de développement pour notre industrie. » – Mathieu Charbonneau Directeur général CargoM
JBC MÉDIA PAR DENIS BERNIER
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LE DÉMARCHAGE À L’INTERNATIONAL En 2019, M. Charbonneau et des membres de la grappe ne pourront pas ranger trop longtemps leurs valises. Les activités de démarchage à l’international vont s’accentuer. Une mission économique en Europe, des rencontres avec de grandes entreprises étrangères et des autorités consulaires de différents pays, entre autres, permettront de promouvoir la plaque tournante du Grand Montréal. « Nous avons développé des outils d’information pour faire valoir les secteurs forts de la métropole comme celui de l’intelligence artificielle, qui offre de belles perspectives de développement pour notre industrie », explique M. Charbonneau. L’agrandissement du port de Montréal avec la construction du terminal de Contrecœur est un autre élément à faire valoir. « Cela démontre la vitalité du secteur. Le projet contribuera à augmenter notre capacité de manu tention de marchandises », ajoute-t-il.
LA LOGISTIQUE ET LE TRANSPORT, UN SECTEUR FORT
142 MILLIONS
122 000
25 %
Nombre de tonnes de marchandises manipulées à Montréal
Nombre d’emplois de la chaîne logistique (incluant fabricants, grossistes et détaillants), la moitié provenant du secteur routier
6 300
4,3 G$
Proportion du nombre de conteneurs en provenance ou à destination de l’Asie qui ont été manutentionnés au port de Montréal en 2017
Nombre d’entreprises liées au transport et à la logistique dans la grande région métropolitaine
Retombées économiques du secteur de la logistique et du transport en 2017
GETTY IMAGES PAR WANGANQI
VOTRE PORTE D’ENTRÉE POUR COMMERCER AVEC L’EUROPE
Saviez-vous que le Port de Montréal offre la route directe la plus courte entre l’Europe et l’Amérique du Nord ? Et en prenant en compte notre plateforme intermodale d’une grande efficacité, des temps de séjour des conteneurs inférieurs aux moyennes de la côte Est, et le nouvel accord de libre-échange, vous imaginez bien que nous sommes en parfaite position pour vous aider à accroître vos échanges commerciaux et vos profits.
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CargoM
LE CIRRELT
UN CENTRE DE RECHERCHE DE RENOMMÉE INTERNATIONALE
L
e secret est bien gardé, mais le Québec abrite l’un des plus grands centres de recherche en logistique et en transport au monde. Le Centre interuniversitaire de recherche sur les réseaux d’entreprise, la logistique et le transport (CIRRELT) regroupe plus de 80 professeurs et chercheurs, ainsi que des membres collaborateurs et invités et plus de 500 aspirants à la maîtrise et au doctorat. Il mène ses activités sur deux sites à Montréal et à Québec. Les chercheurs du CIRRELT, qui proviennent de 10 universités québécoises, se consacrent à plusieurs domaines de recherche : la conception et la gestion des réseaux logistiques, l’optimisation des chaînes d’approvisionnement, les enjeux environnemen taux liés à la circulation des marchandises, etc. « Plusieurs travaux de recherche sont réalisés en
collaboration avec l’industrie, explique Martin Trépanier, codirecteur du CIRRELT. Les chercheurs se penchent sur des problématiques concrètes des entreprises, et il y a ensuite un partage des meilleures pratiques avec l’ensemble du secteur. » Ainsi, le CIRRELT a récemment travaillé avec CargoM dans son projet pour mesurer et améliorer la fluidité du transport par camion à l’entrée du port de Montréal via la rue Notre-Dame. Une cinquantaine de camions ont été équipés d’un enregistreur de données qui recueillaient en continu des informations sur leurs allées et venues sur cette artère névralgique de la métropole. L’analyse des données effectuée par des chercheurs du CIRRELT a permis d’établir que les camions ne pouvaient pas entrer dans le port ou en sortir facilement en raison des cycles de synchronisation des feux de circulation. « Grâce à ces résultats, nous avons pu convaincre les responsables de la Ville de Montréal et du ministère des Transports de modifier les cycles de synchronisation des feux aux heures de pointe pour améliorer le passage des camions sans que cela ait un impact sur la fluidité de la circulation locale », explique Mathieu Charbonneau, directeur général de CargoM. La science des données et l’intelligence artificielle sont des domaines de recherche en plein essor au CIRRELT, tout comme le développement des technologies, par exemple les véhicules autonomes. « Il faut voir comment on peut les insérer dans les activités logistiques, dit M. Trépanier. Même si ce n’est pas pour demain, ils vont avoir leur place, que ce soit dans le transport lourd ou la livraison en ville. Des opérateurs de grandes flottes commencent à s’y intéresser. »
MARTIN TRÉPANIER Codirecteur CIRRELT
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Ces trois dernières années, les chercheurs du CIRRELT ont reçu plus de 45 M$ en subventions et en contrats pour leurs projets de recherche. Le financement du CIRRELT, qui s’élève à près de 1 M$, provient de différents organismes subven tionnaires, des gouvernements fédéral et provincial et des universités.