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VILLE RÉSILIENTE, VERTE ET INCLUSIVE

PROPOS RECUEILLIS PAR NATHALIE SAVARIA

Depuis le début de la crise, plus de 260 M$ ont été injectés pour le soutien aux entreprises et pour la relance de la métropole, dont 60 M$ dans son Plan de relance 2021, Agir maintenant pour préparer la relance.

C’

MONTRÉAL A UN GRAND DESSEIN : TRANSFORMER SON ÉCONOMIE

est ce qu’on trouve dans la vision stratégique, Montréal 2030, qui guide ses orientations pour les prochaines années et, en même temps, qui veut l’aider à faire face à la crise sanitaire. Elle repose sur trois éléments: la résilience économique, la transition écologique et l’inclusion sociale.

«L’économie sociale répond à ces trois enjeux et Montréal y consacre une partie importante de son budget. Il n’y a aucune ville au monde qui fait ça. C’est un positionnement fort», déclare Luc Rabouin, maire de l’arrondissement du Plateau-Mont-Royal, membre du comité exécutif et responsable du développement économique et commercial et du design.

Il y croit fermement. L’économie sociale «n’est pas un secteur de l’économie, mais une façon d’entreprendre», précise-t-il. Son but premier est de maximiser les retombées sociales avant la rentabilité financière. «Les inégalités ont été exacerbées durant la crise sanitaire. Accroître la place de l’économie sociale apporte une réponse structurelle à cet enjeu. Pour

LUC RABOUIN

Maire de l’arrondissement du Plateau-Mont-Royal, membre du comité exécutif et responsable du développement économique et commercial et du design Ville de Montréal

«Très prochainement, nous allons lancer un appel à projets au milieu de l’économie sociale pour proposer une solution, viable à long terme et à coûts abordables, de commandes en ligne et de livraison pour les restaurateurs.»

– Luc Rabouin

avoir une relance inclusive, l’économie sociale, de par sa forme juridique collective, entraîne un meilleur partage de la richesse. Nous le savons tous, pour conserver la qualité de vie et la sécurité dans une ville, il faut collectivement s’assurer que notre modèle est le plus inclusif possible», poursuit Luc Rabouin.

Mais encore faut-il que la dynamique de la ville s’appuie sur des actions à court terme pour faire face à la crise sanitaire: au-delà de l’inclusion sociale, la résilience économique importe, tout comme la transition écologique.

FAIRE L’ÉCONOMIE AUTREMENT

À Montréal, l’économie sociale représente près de 2800 entreprises, 67000 emplois et génère des revenus annuels de 11,7 G$. Beaucoup de ces emplois sont occupés par des femmes et des gens issus de la diversité.

Les entreprises d’économie sociale sont présentes dans divers secteurs d’activité économique. L’économie sociale intéresse de plus en plus de jeunes entrepreneurs «qui ont des préoccupations sociales et environnementales fortes et qui sont à la recherche de modèles collectifs d’entreprendre», affirme Luc Rabouin. Il cite en exemple PIVOT, la toute première coopérative d’architecture fondée en 2017, ainsi que L’UTILE, un organisme à but non lucratif créé par des étudiants qui se consacre à la promotion et au développement du logement coopératif étudiant à Montréal et au Québec.

Selon Luc Rabouin, «avant la crise, Montréal se trouvait en plein essor économique. Tous les indicateurs étaient au vert. Cependant, l’année dernière, un rapport important de la Fondation du Grand Montréal soulignait que les retombées de cette économie florissante n’étaient pas les mêmes pour tout le monde. Depuis le début de la pandémie et dans toutes les réflexions, on veut s’assurer que la relance est verte et inclusive. On a une occasion d’ajuster nos orientations pour être sûrs que le maximum de personnes profite de l’essor économique de Montréal, tout en faisant face au défi des changements climatiques. Et l’économie sociale peut grandement aider à relever ces deux défis.»

C’est d’ailleurs en faisant appel à l’économie sociale que la Ville de Montréal a choisi de venir en aide au secteur de la restauration durement éprouvé par la crise sanitaire, notamment pour freiner l’appétit des plateformes numériques appartenant à des multinationales. Si le gouvernement du Québec a adopté une loi pour limiter les taux de commission élevés durant la pandémie, la Ville a décidé d’agir pour mettre en place une solution pérenne. «Très prochainement, nous allons lancer un appel à projets au milieu de l’économie sociale pour proposer une solution, viable à long terme et à coûts abordables, de commandes en ligne et de livraison pour les restaurateurs. Ce que nous voulons, c’est une solution de type consortium. Nous allons inviter les gens à se regrouper pour développer une proposition. Si elle nous apparaît solide, nous allons la financer», conclut M. Rabouin.

Les initiatives en économie sociale ne représentent qu’une partie de l’ensemble des mesures que la Ville déploie pour appuyer l’économie de la métropole à court terme et pour préparer une relance verte et inclusive.

LE CENTRE-VILLE: UN LEADERSHIP FORT DE LA VILLE

Le centre-ville est le secteur géographique le plus touché par la crise sanitaire, étant donné qu’il concentre 14,4% des emplois de la région métropolitaine de recensement (RMR) de Montréal. Dans son plan de relance 2021, Montréal y consacre 10 M$, auxquels s’ajoute une contribution de 15 M$ octroyée par le gouvernement du Québec.

Pour M. Rabouin, les dommages subis au centre-ville sont à la fois conjoncturels et structurels. Les premiers, comme la baisse du taux d’occupation hôtelière, sont appelés à se résorber après la pandémie, alors que les seconds, comme le télétravail, vont modifier profondément le devenir du centre-ville.

Selon Véronique Doucet, la directrice du Service du développement économique de la Ville de Montréal, une grande part des 300000 employés du centre-ville n’ont pas réintégré leurs bureaux. Vraisemblablement, le télétravail demeurera, du moins en formule hybride. Ainsi, les immeubles de bureaux, tout comme le centreville, devront se transformer en conséquence afin d’offrir une expérience attrayante aux travailleurs. Dans son plan, la Ville a prévu une aide financière pour la transformation des espaces de travail dans les tours de bureaux, ainsi que pour inciter les petites entreprises qui voudraient s’y installer. L’aménagement urbain est aussi au cœur des réflexions de la Ville, dont des espaces de travail extérieurs, qu’on souhaiterait créer cet été.

En parallèle, la Ville a mis en place un comité avec ses partenaires afin de faciliter le retour au centre-ville des travailleurs et des étudiants, une fois que les conditions sanitaires le permettront. «Ce n’est pas seulement une question d’aménagement, mais aussi de perceptions, mentionne Mme Doucet. Il faut redonner un sentiment de sécurité aux gens qui travaillent dans les grandes tours de bureaux.» Des protocoles seront aussi instaurés pour les cégeps et les universités, puisque les cours en présentiel devraient reprendre cet automne.

La résilience du centre-ville est donc capitale. «La pandémie nous a bien démontré que ce n’est pas qu’un lieu physique, mais un secteur économique en soi, qui contribue à l’ensemble de l’économie du Québec et à son rayonnement international. Nos instances reconnaissent l’importance que joue le centre-ville dans l’économie de Montréal, du Québec et du Canada. Nous travaillons tous ensemble pour l’appuyer», déclare Luc Rabouin, qui espère pour le mieux.

JBC MÉDIA PAR DENIS BERNIER

VÉRONIQUE DOUCET

Directrice, Service du développement économique Ville de Montréal

LA VILLE Y TRAVAILLE. L’HEURE EST DÉSORMAIS À LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE

M. Rabouin cite en exemple le bassin de manufacturiers montréalais, moteur important au Québec. «On doit s’assurer que nos entreprises manufacturières poursuivent la planification innovante et créative de leurs activités, en mettant l’accent sur la réduction à la source et une réutilisation des matières dont les déchets, par exemple, qui deviennent la matière première d’une autre entreprise.»

La transition écologique est aussi nécessaire pour la Ville elle-même, «parce que la ville a également besoin de développer davantage d’entreprises en technologie propre, de faire émerger de nouvelles technologies, de réduire ses matières résiduelles et de régler des problèmes liés aux plastiques à usage unique et aux produits fabriqués avec des matières non recyclables». Et pour y arriver, Montréal table, entre autres, sur l’économie circulaire (voir p. 30).

Cette nouvelle façon de développer nécessite un accompagnement et un soutien financier auprès des entreprises qui doivent parfois modifier leur cadre bâti, leur modèle d’affaires, leurs technologies et former leur main-d’œuvre. Luc Rabouin en est bien conscient.

L’INCLUSION, UN IMPÉRATIF POUR L’ÉCONOMIE DE DEMAIN

Ces transformations ont évidemment une incidence sur la main-d’œuvre. «Le talent est la clé pour le développement de l’économie de la métropole. Nous devons nous assurer d’avoir suffisamment de main-d’œuvre pour combler nos besoins présents et futurs. Il nous faut également accompagner les travailleurs plus vulnérables qui en ont besoin dans un processus de requalification. Nous devons ainsi leur offrir des occasions de développement et des formations qui leur permettent de se renouveler dans d’autres secteurs d’activité. La Ville travaille avec les acteurs pour comprendre les besoins futurs en compétences afin de fournir les outils et l’accompagnement nécessaires pour opérer graduellement cette transformation», dit Véronique Doucet. Si elles répondent à un contexte précis, les mesures mises de l’avant par Montréal dans les deux phases de son plan de relance, de même que dans son plan de soutien à l’achat local au temps des fêtes, jettent aussi les bases d’un développement économique plus résilient, plus vert et plus inclusif.

Certains secteurs ont été durement touchés par la crise: le commerce de détail (10,3% des emplois en 2019), l’industrie culturelle et créative, ainsi que la restauration (au total, 10,9% des emplois en 2019), et le secteur de l’aérospatiale. Si ces secteurs ont pu bénéficier de programmes d’aide au loyer et au salaire du gouvernement fédéral, ils devaient aussi se transformer pour accroître leur résilience.

Malgré la force de son économie, Montréal a pris conscience, avec la pandémie, de l’importance de certains de ses secteurs d’activité, dont le bioalimentaire. «La résilience alimentaire est une des choses sur lesquelles nous devons travailler. Il faut produire plus sur notre territoire, réduire les temps de parcours et de déplacement des produits qu’on consomme, et favoriser l’achat local», explique Luc Rabouin. Ainsi, parmi les divers secteurs d’activité économique, «il faut déterminer lesquels sont vraiment fragilisés, lesquels doivent absolument figurer dans notre économie de demain, et ce qu’on doit faire pour qu’ils puissent survivre d’abord, puis jouer un rôle clé pour assurer la résilience de la Ville».

Alors que l’achat en ligne s’imposait, la Ville a financé des organismes pour faire de l’accompagnement auprès des commerces afin qu’ils soient en mesure de monter leur site Web, de faire le marketing de leurs produits et d’organiser leur chaîne de production, pour s’attarder ensuite à la chaîne de distribution, afin d’assurer le déplacement des marchandises à Montréal. «Ce qu’on veut, précise Véronique Doucet, c’est de la livraison urbaine, avec de plus petits joueurs, puisque cela crée de l’emploi, aide le commerçant qui a une solution à moindres coûts et avec une empreinte écologique réduite.»

Afin de soutenir l’industrie culturelle et créative, la Ville a multiplié les initiatives, dont un projet réunissant des artistes et des créateurs du secteur numérique. Cela a mené à l’exposition d’œuvres dans les parcs et sur les façades de bâtiments dans les 19 arrondissements, dans une perspective d’économie circulaire, le soutien financier et le travail de l’un bénéficiant à l’autre. Des stations hivernales ont aussi été réalisées afin d’égayer les rues commerciales et d’appuyer l’achat local durant la période des fêtes.

Dans le secteur de la restauration, la Ville cherche à développer un modèle autre de commandes et de livraisons qui fait appel à l’économie sociale (voir p.30).

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