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FRICHES INDUSTRIELLES Un bel exemple de renaissance des friches industrielles à Montréal

UN BEL EXEMPLE DE RENAISSANCE DES FRICHES INDUSTRIELLES À MONTRÉAL

PAR PIERRE THÉROUX, JOURNALISTE

DENIS TREMBLAY

CANADIAN POWER BOAT COMPANY, 4000-4008, RUE SAINT-PATRICK (SUD-OUEST)

Situé le long du canal de Lachine, le site offre une vue imprenable sur la ville et sur le mont Royal. Témoin privilégié de l’industrialisation au pays, s’y trouve un bâtiment ayant abrité la Canadian Power Boat Company qui construisait de petits bateaux rapides pour le compte de la Marine royale canadienne pendant la Seconde Guerre mondiale.

C

e chantier naval est ensuite devenu une manufacture de jouets, puis des ateliers d’artistes qui en ont été expulsés pour laisser la place à un garage de véhicules municipal. Finalement, tout est devenu désaffecté, comme tant d’autres complexes industriels qui ont perdu leur âme au fil des décennies.

Mais l’édifice patrimonial du 4000, rue Saint-Patrick et cette ancienne friche industrielle de quelque 28 000 m² (300 000 pi2) dans l’arrondissement du Sud-Ouest auront bientôt une nouvelle vocation. La Ville souhaite en effet revitaliser ce site pour y accueillir notamment un nouveau pôle d’entreprises innovantes accompagné de studios d’artisans.

Il s’agit là d’un projet phare pour Montréal. «Le site a un immense potentiel pour y développer un projet mixte lié à la nouvelle économie qui engloberait de l’industriel léger, des commerces, des ateliers d’artistes ainsi que des espaces et des activités communautaires. On ne veut plus y implanter de l’industriel lourd de type usines à boucane», précise Benoit Dorais, maire de l’arrondissement du Sud-Ouest et président du comité exécutif de la Ville de Montréal.

BENOIT DORAIS

Maire de l’arrondissement du Sud-Ouest et président du comité exécutif Ville de Montréal

UNE NOUVELLE IMPULSION ÉCONOMIQUE

Le lieu a fait l’objet d’un appel à projets dans le cadre du réseau mondial Reinventing Cities. Montréal participe à cette initiative qui regroupe des villes engagées dans la mise en place de programmes visant à réduire les gaz à effet de serre et les risques climatiques. En janvier dernier, la Ville a retenu quatre équipes finalistes qui présenteront leur projet de revitalisation en septembre prochain. Le bâtiment principal devrait être réhabilité afin de garder cet héritage patrimonial, tandis que les deux bâtiments secondaires et les deux dépendances qui se trouvent également sur ce vaste terrain seront à déconstruire.

La revitalisation de ce site «va contribuer à revigorer un secteur de la ville qui a besoin d’une nouvelle impulsion et d’une vocation économique», souligne Benoit Dorais. Il cite en exemple le nouvel élan donné au quartier voisin de Griffintown, qui longe également le canal de Lachine et qui était quasi déserté avant sa transformation en Quartier de l’innovation.

La renaissance de ces différents quartiers s’inscrit dans la foulée d’autres initiatives qui ont cours à Montréal afin de revivifier d’anciennes friches industrielles. «La requalification urbaine s’impose. Dans l’évolution d’une ville, il faut que ces sites abandonnés fassent place à une meilleure cohabitation entre l’activité économique et la vie urbaine. On doit permettre aux familles qui veulent rester à Montréal, ou venir s’y installer, d’habiter dans des quartiers où les gens pourront même travailler. Ou, du moins, profiter du transport collectif pour pouvoir se déplacer», fait valoir Éric Alan Caldwell, responsable de l’urbanisme et de la mobilité au sein du comité exécutif de la Ville de Montréal.

ÉRIC ALAN CALDWELL

Responsable de l’urbanisme et de la mobilité au sein du comité exécutif Ville de Montréal

LE QUARTIER LACHINE-EST AU CŒUR DU MOUVEMENT

Le secteur Lachine-Est, non loin du 4000, rue Saint-Patrick, regroupe également des zones industrielles en déclin le long du canal de Lachine. C’est le site où le fabricant de superstructures de ponts et d’édifices en fer et en acier Dominion Bridge et d’autres vestiges industriels, comme le fabricant de câbles en acier Dominion Wire Rope, se sont installés à partir des années 1860 pour y former un imposant complexe industriel aujourd’hui abandonné. Se sont ainsi libérés quelque 100 hectares (plus d’un million de mètres carrés) eux aussi voués à une reconversion.

Encore là, la Ville souhaite y voir une mixité d’usages économiques et sociaux avec, si possible, l’implantation d’industries locales, de commerces ou de services de proximité complémentaires à l’offre existante dans la rue Notre-Dame avoisinante. Elle veut aussi transformer cette immense friche industrielle en un «écoquartier destiné aux familles avec la construction de logements, d’écoles, de garderies et l’aménagement d’espaces verts», indique Éric Alan Caldwell en ajoutant que cette démarche de revitalisation actuellement en cours résulte d’une concertation avec la communauté du quartier.

Pour en ajouter, l’actuel projet de redéveloppement de l’ancienne gare de triage d’Outremont, construite en 1891, vise aussi à dynamiser une vaste friche industrielle de 38 hectares située à la jonction de quatre arrondissements et de Mont-Royal. Ce nouveau quartier du savoir, baptisé MIL Montréal, prend aujourd’hui forme autour du Complexe des sciences de l’Université de Montréal et regroupera à terme plus de 1000 logements.

«D’autres chantiers de reconversion devraient aller de l’avant au cours des prochaines années afin de réparer les cicatrices urbaines et de revitaliser ces quartiers», affirme Éric Alan Caldwell qui donne en exemple le site de l’ancien hippodrome de Montréal. Il y a également les alentours de la station de métro L’Assomption ou encore le secteur du Plateau Est situé entre l’avenue Papineau, la rue Sherbrooke et la voie ferrée du Canadien Pacifique.

UN PÔLE ALIMENTAIRE

Il en va de même du projet de mise en valeur du secteur Louvain Est, dans l’arrondissement Ahuntsic-Cartierville. Ce site de près de huit hectares (l’équivalent de huit terrains de football) bordé par l’avenue Christophe-Colomb, la rue de Louvain Est, la rue Saint-Hubert et par l’emprise ferroviaire du Canadien National et une ligne à haute tension d’Hydro-Québec, se trouve sur l’ancien domaine des Sulpiciens. La Ville veut y transformer le site de son ancienne fourrière municipale, en friche depuis l’arrêt de ses activités en 2008, en un écoquartier comprenant de 800 à 1000 logements et des commerces de proximité. Elle y projette aussi l’aménagement d’un pôle alimentaire. «L’agriculture urbaine occupera une place importante dans ce projet visant à redynamiser le secteur», précise Éric Alan Caldwell.

L’installation d’une serre d’une superficie de 550 m2 (5 900 pi2), vouée à la production de fruits et légumes qui pourrait également se faire en plein champ, devrait contribuer à atténuer le désert alimentaire de ce secteur qui se limite à quelques dépanneurs et établissements de restauration à proximité du Collège Ahuntsic. Les résidents auraient ainsi droit à de meilleurs services pour bien se nourrir.

TECHNOPÔLE ANGUS, UN PROJET QUI A FAIT ÉCOLE

Les projets de revitalisation apparaissent nombreux à Montréal, mais ils ont de quoi s’inspirer.

Il y a près de 25 ans, le lancement du projet de reconversion des anciennes Shops Angus allait faire école en matière de revitalisation d’un quartier industriel

SECTEUR LOUVAIN EST, DANS L’ARRONDISSEMENT AHUNTSIC-CARTIERVILLE

TECHNOPÔLE ANGUS

SOCIÉTÉ DE DÉVELOPPEMENT ANGUS

qui a connu ses heures de gloire. Le Canadien Pacifique avait abandonné ces immenses ateliers qui servaient à fabriquer ou à rénover du matériel ferroviaire.

Aujourd’hui, le Technopôle Angus accueille des dizaines d’entreprises et de commerces de proximité dans un quartier qui est également devenu un milieu de vie pour des milliers de résidents.

«Il y a eu de l’audace dans le réaménagement de ce secteur à l’abandon. C’est un beau laboratoire qui démontre la capacité d’une ville à se renouveler», constate Éric Alan Caldwell. Voilà un défi que Montréal, comme bien des métropoles, travaille à relever.

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